Texte intégral
R. Sicard - Hier, J. Chirac est intervenu pour la première fois dans la crise des banlieues et il a demandé l'égalité des chances mais aussi le retour à l'ordre public. Est-ce que, selon vous, il a eu les mots qu'il fallait ?
D'abord, il a attendu trop longtemps pour s'exprimer. Il vient de le faire, c'était hier soir, mais quand même, quand depuis dix jours, dix nuits, des populations entières vivent l'enfer - car c'est l'enfer -, quand des voitures sont brûlées, quand des services publics sont saccagés, quand des centres commerciaux sont agressés, quand des fonctionnaires de police faisant leur travail sont ciblés, il a attendu trop longtemps pour s'exprimer et il ne l'a pas d'ailleurs fait avec les mots qui convenaient sur les terribles événements de Clichy.
Qu'est-ce qu'il aurait dû dire selon vous ?
Je pense qu'il aurait dû parler plus tôt et hier soir, dire clairement quelle était la politique de l'ensemble de l'Etat et ne pas renvoyer encore 24 heures de plus à D. de Villepin, le Premier ministre, la responsabilité de faire des annonces, ce soir nous dit-on.
Je crois que c'était plut tôt qu'il fallait s'exprimer et plus tôt qu'il fallait décider.
Décider à travers bien sûr des mesures de police, bien sûr un soutien aux forces de l'ordre, bien sûr une solidarité à l'égard de la population, à l'évidence à l'égard des élus, parce que ce sont les élus qui sont en première ligne quand il y a des incidents de cette gravité.
Et puis il va falloir reconstruire.
Il fallait avoir des messages d'apaisement et puis aussi de solidarité. Alors maintenant, il faut qu'il y ait des décisions qui soient prises, elles doivent l'être dans le meilleur délai, et qui doivent être à la fois des décisions d'ordre public et des décisions de solidarité et de soutien aux quartiers et aux villes concernées.
Mais vous dites que le Gouvernement et le Président n'ont pas pris la mesure exacte de ce qui se passait ?
Quand le chef de l'Etat attend dix jours pour s'adresser aux Français, et encore de manière brève, et quand le Premier ministre est obligé d'attendre un jour de plus encore pour décider d'annonces, je l'espère, fortes, je crois qu'effectivement, le Gouvernement n'avait pas pris la mesure.
Vous attendiez une déclaration beaucoup plus solennelle de J. Chirac ?
Je m'attendais, dès lors qu'on réunissait un conseil de sécurité intérieure, qu'on nous disait que des mesures avaient été préparées, qu'elles puissent être annoncées enfin. Mais je ne veux pas ajouter de la polémique politique, cela ne sert à rien, même s'il faut porter jugement.
Ce que je crois, c'est que maintenant, des décisions importantes doivent être annoncées, des messages forts doivent être adressés.
Justement, les décisions, D. de Villepin va les annoncer ce soir. Quel type de décisions attendez-vous ?
Je crois qu'il y a une décision majeure, qui doit être un soutien à l'ensemble de ces quartiers, soutien aux populations.
Je ne parle pas de celles qui se livrent à des agissements insupportables, injustifiables, inqualifiables, mais je pense à cette population qui souffre, qui souffre d'abord de par sa condition sociale, de par sa condition de vie et qui souffre en premier lieu des incidents qui s'y produisent. Donc c'est d'abord un message et des actes de solidarité à l'égard de ces quartiers.
Que demandent les maires ? Ils demandent des services publics immédiats, une présence de la police, pas simplement quand il y a des incidents, une police permanente.
Cela s'appelait la police de proximité, hélas elle a été démantelée !
Mais qu'importe, hélas maintenant c'est trop tard, il faut qu'elle soit rétablie, c'est tous les jours dont on a besoin d'une présence policière.
Il faut qu'il y ait, pour les jeunes qui sont concernés - je ne parle pas des gamins de 10 ans, 8 ans ou 12 ans qui se livrent à des agissements - une espérance. Ce que je veux, c'est qu'on leur donne de l'emploi, qu'on leur donne un développement possible et qu'on mette le paquet sur l'Education, parce que c'est ça qui est en cause.
J'ai donc proposé que dans ces quartiers-là, ce soient des effectifs à quinze élèves par classe qui puissent être mis en place...
Mais cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, c'est à long terme...
Mais qu'au moins des mesures d'urgence soient décidées, des soutiens immédiats soient actés, parce qu'il va falloir aussi construire et reconstruire, et puis on ne va pas réentasser les mêmes populations dans les mêmes quartiers.
J'attendrais du Premier ministre qu'il nous dise que sur les logements sociaux, c'en soit terminé, que ce ne soit pas toujours dans les mêmes villes, dans les mêmes cités, dans les mêmes ensembles que l'on mette les populations dont on sait qu'elles sont plus pauvres que d'autres.
Puisque N. Sarkozy est maire je crois, ou a été maire, on ne sait plus très bien d'ailleurs quel est aujourd'hui son mandat, mais en tout cas, il est président de Conseil général d'un département, les Hauts-de-Seine : eh bien, que dans ce département, dans son ancienne ville de Neuilly, on mette aussi des logements sociaux et qu'on ne laisse pas s'entasser des populations toujours en difficulté dans les mêmes lieux...
C'est-à-dire que vous réclamez une loi plus contraignante pour les logements sociaux, pour que toutes les communes soient obligées de le faire ?
Bien sûr qu'il faut le faire, mais on ne va pas encore passer du temps sur des votes de lois.
C'est tout de suite qu'il faut agir, c'est-à-dire que des mesures réglementaires fiscales, financières doivent être prises et je l'espère, mises en uvre extrêmement rapidement.
Vous parliez de N. Sarkozy. Il a été très critiqué, notamment à gauche. Etes-vous de ceux qui demandent sa démission ?
Je pense que quand il se passe des événements de cette nature, il ne faut pas être dans la tactique politique. C'est précisément parce qu'il l'a été lui, qu'il ne faut pas l'être.
Il ne faut pas confondre des moments de gravité pour le pays avec des moments de campagne électorale.
C'est précisément parce qu'il a confondu les échéances, qu'il a commis les erreurs que l'on sait. Donc aujourd'hui, je crois qu'il y a un devoir d'action, un devoir de responsabilité qui vaut pour le Gouvernement et qui vaut aussi pour l'opposition.
Parce que l'opposition, quoi qu'on en pense, c'est quand même le Gouvernement de demain, à un moment ou à un autre. Nous sommes tous concernés, nous devons tous être responsable.
Quand on écoute les élus de gauche et de droite qui sont concernés, on voit que leur discours n'est pas très différent. Est-ce qu'il peut y avoir, sur cette question, un consensus droite-gauche ?
Vous savez, les maires, quand ils affrontent des problèmes de cette ampleur, des quartiers où s'entassent les mêmes populations, des logements sociaux qui sont occupés toujours pas les même familles, l'absence de mixité sociale, les services publics qui ne sont pas au rendez-vous, des écoles qui ne fonctionnent pas comme elles devraient, des personnels découragés, une police trop absente parce qu'elle a été démantelée depuis 2002...
Alors effectivement, au-delà de leur sensibilité politique, ils ont les mêmes réactions, les mêmes demandes et c'est tout à fait frappant dans ce moment que l'on vient de traverser. Donc oui, c'est vrai...
Mais cela peut monter plus haut ?
J'ai proposé un débat parlementaire. Pourquoi ? Parce que nous verrons bien que sur un certain nombre de réponse, nous pouvons avoir les mêmes solutions.
Et ce qui a été sûrement une grave erreur, c'est que d'alternance en alternance, on a remis en cause ce qu'avaient fait les prédécesseurs.
Ce qui fait que dans ces quartiers-là, dans ces villes-là, il n'y a pas eu la cohérence nécessaire, il n'y a pas eu la durée pour que l'action puisse être visible, davantage visible. Alors, au prétexte que la gauche était aux responsabilités, qu'elle avait mis en place la police de proximité, N. Sarkozy l'a démantelée. Au prétexte qu'il y avait une politique de la ville avant, on l'a remise en cause. Je souhaite qu'il y ait de la persévérance, de la ténacité et qu'on montre à tous ceux qui vivent dans ces quartiers, qu'au-delà des sensibilités politiques, on partage tous les mêmes objectifs.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 8 novembre 2005)
D'abord, il a attendu trop longtemps pour s'exprimer. Il vient de le faire, c'était hier soir, mais quand même, quand depuis dix jours, dix nuits, des populations entières vivent l'enfer - car c'est l'enfer -, quand des voitures sont brûlées, quand des services publics sont saccagés, quand des centres commerciaux sont agressés, quand des fonctionnaires de police faisant leur travail sont ciblés, il a attendu trop longtemps pour s'exprimer et il ne l'a pas d'ailleurs fait avec les mots qui convenaient sur les terribles événements de Clichy.
Qu'est-ce qu'il aurait dû dire selon vous ?
Je pense qu'il aurait dû parler plus tôt et hier soir, dire clairement quelle était la politique de l'ensemble de l'Etat et ne pas renvoyer encore 24 heures de plus à D. de Villepin, le Premier ministre, la responsabilité de faire des annonces, ce soir nous dit-on.
Je crois que c'était plut tôt qu'il fallait s'exprimer et plus tôt qu'il fallait décider.
Décider à travers bien sûr des mesures de police, bien sûr un soutien aux forces de l'ordre, bien sûr une solidarité à l'égard de la population, à l'évidence à l'égard des élus, parce que ce sont les élus qui sont en première ligne quand il y a des incidents de cette gravité.
Et puis il va falloir reconstruire.
Il fallait avoir des messages d'apaisement et puis aussi de solidarité. Alors maintenant, il faut qu'il y ait des décisions qui soient prises, elles doivent l'être dans le meilleur délai, et qui doivent être à la fois des décisions d'ordre public et des décisions de solidarité et de soutien aux quartiers et aux villes concernées.
Mais vous dites que le Gouvernement et le Président n'ont pas pris la mesure exacte de ce qui se passait ?
Quand le chef de l'Etat attend dix jours pour s'adresser aux Français, et encore de manière brève, et quand le Premier ministre est obligé d'attendre un jour de plus encore pour décider d'annonces, je l'espère, fortes, je crois qu'effectivement, le Gouvernement n'avait pas pris la mesure.
Vous attendiez une déclaration beaucoup plus solennelle de J. Chirac ?
Je m'attendais, dès lors qu'on réunissait un conseil de sécurité intérieure, qu'on nous disait que des mesures avaient été préparées, qu'elles puissent être annoncées enfin. Mais je ne veux pas ajouter de la polémique politique, cela ne sert à rien, même s'il faut porter jugement.
Ce que je crois, c'est que maintenant, des décisions importantes doivent être annoncées, des messages forts doivent être adressés.
Justement, les décisions, D. de Villepin va les annoncer ce soir. Quel type de décisions attendez-vous ?
Je crois qu'il y a une décision majeure, qui doit être un soutien à l'ensemble de ces quartiers, soutien aux populations.
Je ne parle pas de celles qui se livrent à des agissements insupportables, injustifiables, inqualifiables, mais je pense à cette population qui souffre, qui souffre d'abord de par sa condition sociale, de par sa condition de vie et qui souffre en premier lieu des incidents qui s'y produisent. Donc c'est d'abord un message et des actes de solidarité à l'égard de ces quartiers.
Que demandent les maires ? Ils demandent des services publics immédiats, une présence de la police, pas simplement quand il y a des incidents, une police permanente.
Cela s'appelait la police de proximité, hélas elle a été démantelée !
Mais qu'importe, hélas maintenant c'est trop tard, il faut qu'elle soit rétablie, c'est tous les jours dont on a besoin d'une présence policière.
Il faut qu'il y ait, pour les jeunes qui sont concernés - je ne parle pas des gamins de 10 ans, 8 ans ou 12 ans qui se livrent à des agissements - une espérance. Ce que je veux, c'est qu'on leur donne de l'emploi, qu'on leur donne un développement possible et qu'on mette le paquet sur l'Education, parce que c'est ça qui est en cause.
J'ai donc proposé que dans ces quartiers-là, ce soient des effectifs à quinze élèves par classe qui puissent être mis en place...
Mais cela ne peut pas se faire du jour au lendemain, c'est à long terme...
Mais qu'au moins des mesures d'urgence soient décidées, des soutiens immédiats soient actés, parce qu'il va falloir aussi construire et reconstruire, et puis on ne va pas réentasser les mêmes populations dans les mêmes quartiers.
J'attendrais du Premier ministre qu'il nous dise que sur les logements sociaux, c'en soit terminé, que ce ne soit pas toujours dans les mêmes villes, dans les mêmes cités, dans les mêmes ensembles que l'on mette les populations dont on sait qu'elles sont plus pauvres que d'autres.
Puisque N. Sarkozy est maire je crois, ou a été maire, on ne sait plus très bien d'ailleurs quel est aujourd'hui son mandat, mais en tout cas, il est président de Conseil général d'un département, les Hauts-de-Seine : eh bien, que dans ce département, dans son ancienne ville de Neuilly, on mette aussi des logements sociaux et qu'on ne laisse pas s'entasser des populations toujours en difficulté dans les mêmes lieux...
C'est-à-dire que vous réclamez une loi plus contraignante pour les logements sociaux, pour que toutes les communes soient obligées de le faire ?
Bien sûr qu'il faut le faire, mais on ne va pas encore passer du temps sur des votes de lois.
C'est tout de suite qu'il faut agir, c'est-à-dire que des mesures réglementaires fiscales, financières doivent être prises et je l'espère, mises en uvre extrêmement rapidement.
Vous parliez de N. Sarkozy. Il a été très critiqué, notamment à gauche. Etes-vous de ceux qui demandent sa démission ?
Je pense que quand il se passe des événements de cette nature, il ne faut pas être dans la tactique politique. C'est précisément parce qu'il l'a été lui, qu'il ne faut pas l'être.
Il ne faut pas confondre des moments de gravité pour le pays avec des moments de campagne électorale.
C'est précisément parce qu'il a confondu les échéances, qu'il a commis les erreurs que l'on sait. Donc aujourd'hui, je crois qu'il y a un devoir d'action, un devoir de responsabilité qui vaut pour le Gouvernement et qui vaut aussi pour l'opposition.
Parce que l'opposition, quoi qu'on en pense, c'est quand même le Gouvernement de demain, à un moment ou à un autre. Nous sommes tous concernés, nous devons tous être responsable.
Quand on écoute les élus de gauche et de droite qui sont concernés, on voit que leur discours n'est pas très différent. Est-ce qu'il peut y avoir, sur cette question, un consensus droite-gauche ?
Vous savez, les maires, quand ils affrontent des problèmes de cette ampleur, des quartiers où s'entassent les mêmes populations, des logements sociaux qui sont occupés toujours pas les même familles, l'absence de mixité sociale, les services publics qui ne sont pas au rendez-vous, des écoles qui ne fonctionnent pas comme elles devraient, des personnels découragés, une police trop absente parce qu'elle a été démantelée depuis 2002...
Alors effectivement, au-delà de leur sensibilité politique, ils ont les mêmes réactions, les mêmes demandes et c'est tout à fait frappant dans ce moment que l'on vient de traverser. Donc oui, c'est vrai...
Mais cela peut monter plus haut ?
J'ai proposé un débat parlementaire. Pourquoi ? Parce que nous verrons bien que sur un certain nombre de réponse, nous pouvons avoir les mêmes solutions.
Et ce qui a été sûrement une grave erreur, c'est que d'alternance en alternance, on a remis en cause ce qu'avaient fait les prédécesseurs.
Ce qui fait que dans ces quartiers-là, dans ces villes-là, il n'y a pas eu la cohérence nécessaire, il n'y a pas eu la durée pour que l'action puisse être visible, davantage visible. Alors, au prétexte que la gauche était aux responsabilités, qu'elle avait mis en place la police de proximité, N. Sarkozy l'a démantelée. Au prétexte qu'il y avait une politique de la ville avant, on l'a remise en cause. Je souhaite qu'il y ait de la persévérance, de la ténacité et qu'on montre à tous ceux qui vivent dans ces quartiers, qu'au-delà des sensibilités politiques, on partage tous les mêmes objectifs.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 8 novembre 2005)