Déclaration de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable pour la remise du prix du paysage 2005, Amiens le 17 novembre 2005.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Texte intégral

Madame le Maire, (Brigitte Fourré)
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs.
Je suis particulièrement heureuse et fière, aujourd'hui, ayant été maire moi-même d'une ville de plus de 40 000 habitants, de remettre le premier prix du paysage à deux femmes de responsabilité : à vous Madame le Maire d'Amiens et à vous Madame OSTY, paysagiste qui avez conçu le parc Saint Pierre à Amiens, car je sais, d'expérience, l'importance que représente de nos jours pour nos concitoyens la qualité paysagère de leur ville.
Je me souviens d'ailleurs à cette occasion que lorsque j'ai été élue maire de Garges-lès-Gonesse l'une de mes toutes premières préoccupations, avec le conseil municipal, a été de redonner aux habitants du plaisir à vivre dans leur ville en redonnant aux paysages urbains forme, convivialité et beauté.
C'est un parcours long, que l'on doit aborder avec détermination, modestie et patience mais c'est une démarche essentielle pour construire progressivement des villes plus habitables, des villes plus souriantes, des villes plus humaines, des villes où peut à son tour se construire une expérience sociale contemporaine fructueuse, porteuse de paix et de développement.
Ça a été Madame le Maire, Madame OSTY, toute votre ambition commune, on le voit bien en découvrant le parc Saint-Pierre : situé au cur de l'agglomération amiénoise, à l'articulation entre plusieurs quartiers, formant une incontestable unité où l'histoire du lieu (anciens marais de la Somme, proximité immédiate de la cathédrale, de la tour Perret et du quartier Saint Leu) est partout présente, mais en même temps lieu diversifié, multiple, ouvert à de nombreux usages qui peuvent cohabiter en harmonie, jamais ennuyeux, toujours renouvelé.
C'est dans cet esprit, en considérant le paysage comme l'une des grandes et belles responsabilités des élus locaux, que le prix du paysage couronne une rencontre réussie entre une commande politique éclairée (et nous savons tous combien la commande politique de la municipalité d'Amiens est, dans ce domaine de l'architecture, de l'urbanisme et du paysage, depuis de longues années maintenant, éclairée et ouverte aux meilleurs talents) et une compétence professionnelle solide, attentive et respectueuse du site et des habitants.
Le fait que le prix du paysage honore une collectivité territoriale n'est donc en rien surprenant : notre système administratif a dans une très large mesure confié les paysages à la responsabilité des collectivités territoriales ; paysages qui sont à la fois constitutifs du patrimoine commun de la nation et en perpétuel devenir, en perpétuelle remise en cause, en perpétuelle mutation.
Je trouve cela parfaitement justifié et légitime puisque les élus qui animent ces collectivités, communes, intercommunalités, communautés d'agglomération sont tous les jours, dans leurs fonctions électives, au plus près de nos concitoyens.
Je suis donc particulièrement heureuse, Madame le Maire, de saluer, à travers votre exemple, l'ensemble des élus locaux qui oeuvrent chaque jour à cette tâche difficile de construire et de préserver -mais on pourrait inverser la formule : de préserver et de construire- les paysages de notre pays.
Préserver la diversité de nos paysages ça n'est pas seulement en effet conduire des actions de protections, sans aucun doute indispensables pour la conservation de nos paysages les plus remarquables.
Préserver cette diversité c'est aussi réinventer, c'est aussi faire appel au talent, à l'imagination, à la capacité d'innovation de professionnels tels que vous Madame OSTY, qui savent entrer dans un dialogue fructueux avec le maître d'ouvrage et avec les citoyens qu'il représente.
C'est enfin restaurer les paysages dégradés.
Autant de sujets sur lesquels j'entends que, si l'Etat n'est pas lui même directement à l'uvre, il soit pour vous tous un partenaire efficace.
Il lui revient ainsi de mettre à la disposition des collectivités les moyens réglementaires, méthodologiques et opérationnels formant le cadre qui leur permet de formuler et de réaliser les opérations qu'elles décident d'engager.
A ce titre il est intéressant de savoir que désormais les politiques de protections, telles que les protections au titre de la loi sur les sites, dont nous fêterons le centenaire l'an prochain, sont presque toujours désormais engagées à la demande de collectivités territoriales.
Il revient aussi à l'Etat la responsabilité d'impulser de nouvelles politiques.
J'entends, ainsi, que dans le domaine du paysage l'Etat recommence à tracer des perspectives publiques ambitieuses.
La création du prix du paysage en est une manifestation.
J'ai aussi décidé de mettre prochainement à l'étude un plan de reconquête des paysages périurbains qui s'inscrira lui-aussi pleinement dans les ambitions de la Convention européenne du paysage.
Nous ne pouvons plus nous satisfaire de la médiocre qualité de trop d'entrées de nos villes et villages.
Nous ne pouvons plus rester passifs devant la standardisation des équipements et aménagements qui banalisent villes et campagnes au détriment de l'attractivité touristique de notre pays et de la qualité de vie de nos concitoyens.
Nous ne devons plus succomber à un aride principe d'utilité qui s'opposerait à celui de l'aménité des lieux, au bien-être individuel et collectif.
En juin prochain je souhaite que le conseil national du paysage, où siège l'ensemble des administrations de l'État concernées au premier chef, puisse examiner et valider un tel " plan de reconquête des paysages périurbains ".
Il est également de la responsabilité de l'État de bien former les paysagistes, indispensables maîtres d'uvre et assistants des maîtres d'ouvrage.
Les cinq écoles publiques de paysage, les nouveaux masters créés par les universités et les deux établissements privés se réunissent chaque année, à mon initiative, pour examiner collectivement les moyens à mettre en uvre pour former les paysagistes qui répondront demain aux commandes des collectivités publiques grâce à des projets pédagogiques qui s'inscrivent dans le processus européen dit de Bologne.
Il est enfin de la responsabilité de l'État de stimuler la recherche pour développer l'indispensable connaissance de la réalité matérielle, économique et sociale des paysages.
Les résultats du programme de recherche " Politiques publiques et paysages " exposés lors du récent colloque qui s'est tenu à Saint-Malo apportent beaucoup à la compréhension des effets à terme des politiques paysagères que ce soit sur l'évolution des paysages eux-mêmes ou sur la perception des populations concernées.
Un deuxième programme de recherche " Paysages et développement durable " vient d'être lancé et fournira les éléments d'appréciation économique et d'évaluation des politiques publiques de paysages.
Ce premier prix du paysage, par la qualité du projet et de la démarche qu'il couronne, je le veux le symbole d'une politique des paysages ambitieuse et respectueuse :
ambitieuse car, dans une société qui évolue très rapidement, maintenir la qualité de nos paysages, c'est-à-dire tout à la fois la protéger et la réinventer, mais encore la reconquérir, cette qualité, là où elle a été perdue, ce sont des défis quotidiens.
Respectueuse aussi : de la part de l'Etat envers les collectivités, de la part des collectivités et des maîtres d'uvre envers les citoyens car c'est, en ce domaine comme en beaucoup d'autres, le garant de la réussite.
La réussite en ce qui concerne le parc Saint Pierre à Amiens est certaine.
Je vous remercie d'accompagner cette première remise du prix du paysage et vous donne rendez-vous en 2006 pour le prochain prix du paysage.
(Source http://www.ecologie.gouv.fr, le 17 novembre 2005)