Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la politique de l'emploi du Ministère de l'agriculture, Paris, le 15 novembre 2005.

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Circonstance : Colloque sur l'emploi organisé par la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, Paris, le 15 novembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Député,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je vous remercie pour votre invitation au premier colloque sur " l'agriculture au coeur de l'emploi ". Je vous félicite pour l'initiative d'une telle rencontre qui est bienvenue.
L'agriculture est, en effet, au cur du défi pour l'emploi. Ses effectifs ont fortement évolué au cours de la modernisation engagée dans l'après-guerre. Mais il s'agit toujours du premier secteur d'activité en France. Environ 600 000 exploitations fournissent près de 1 million d'emplois. Au delà de la stricte production agricole, 15 % des actifs en France travaillent pour une activité agricole ou agroalimentaire.
Le premier défi est donc de conforter ces emplois. Et le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche se place au cur de cette bataille lancée par le Gouvernement. Il est, à ce titre, associé à l'élaboration et à la mise en uvre des politiques de l'emploi, par exemple dans le cadre du plan de cohésion sociale ou du plan d'urgence pour l'emploi. Mon collègue Gérard LARCHER développera, en conclusion de cette journée, les aspects de la politique générale de l'emploi mise en uvre par le Gouvernement. Je m'attacherai, pour ma part, aux actions menées par mon Ministère.
Un second défi est précisément de répondre aux enjeux liés à la richesse et la variété nouvelles des emplois agricoles. Nous observons en effet :
- la progression des effectifs salariés (+2 % entre 1988 et 2000) ; près d'une exploitation sur 5 emploie aujourd'hui des salariés ;
- l'augmentation de l'emploi temporaire : en 2004, la production agricole, dans ses différentes composantes, a employé environ 1,2 million de salariés, représentant environ 400 000 équivalents temps plein (ETP). Or, en fin d'année, il ne restait plus que 370 000 emplois en cours, témoignant de la part très importante de l'emploi saisonnier ;
- la diversité des niveaux de compétences du personnel. La mécanisation et la technicité de certaines fonctions ont fortement accru le niveau de recrutement ; parallèlement, d'autres secteurs restent plus demandeurs de main d'oeuvre saisonnière.
A l'occasion de cette manifestation, je tiens à saluer l'implication des Parlementaires dans les débats sur la loi d'orientation agricole : celle-ci comporte désormais un volet emploi conséquent. Je m'adresse tout particulièrement à Jacques LE GUEN, Député du Finistère, pour son engagement et son travail qui s'est traduit par un rapport remis au printemps dernier au Premier Ministre. J'associe également, bien entendu, Antoine HERTH et Gérard CESAR, rapporteurs de la loi à l'Assemblée et au Sénat, mais aussi les professionnels avec lesquels les échanges sur le texte se sont poursuivis jusqu'aux débats au Parlement.
La politique de l'emploi du Ministère de l'Agriculture prend en compte les évolutions rapidement esquissées et s'articule autour de trois axes :
- le renforcement de la compétitivité, premier soutien à l'emploi grâce à un secteur fort ;
- les réponses apportées aux spécificités du monde agricole, notamment en ce qui concerne les emplois saisonniers ;
- enfin, l'environnement général de l'emploi avec, par exemple, la prise en compte du logement des employés saisonniers.
I - Le renforcement de la compétitivité passe par la baisse des charges et l'association des énergies au sein des territoires grâce notamment aux pôles d'excellence ruraux
I - 1 L'allègement des charges doit libérer les freins à l'embauche et permettre la création d'emplois nouveaux
La loi d'Orientation Agricole, examinée par l'Assemblée et le Sénat, a permis de fixer des mesures importantes en faveur de l'emploi.
* Concernant l'emploi permanent, l'objectif est d'inciter à la pérennisation des contrats de travail.
Dans le prolongement du rapport de Jacques LE GUEN, les allègements de charge votés par le Parlement au cours de la discussion sur la loi d'orientation agricole concernent :
- la transformation des CDD en CDI dans les exploitations ;
- les CDI des groupements d'employeurs. Grâce à la mutualisation des besoins, la stabilisation des emplois devrait permettre à leurs bénéficiaires d'accéder à une plus grande qualification et d'envisager une véritable carrière. Pour les exploitants, j'ajoute que ces groupements sont en mesure d'améliorer leurs conditions de travail et de vie, notamment celles des éleveurs laitiers.
Dans cet esprit, le Parlement a voté, sur ma proposition, une mesure visant à aider par un crédit d'impôt les exploitants se faisant remplacer par un salarié qualifié pour les soins aux animaux. J'attends de cette mesure nouvelle un fort développement des services de remplacement.

* Quant à l'emploi saisonnier, les mesures portent sur le coût de la main-d'oeuvre, l'accès à l'emploi et la formation.
La discussion parlementaire a été l'occasion de créer ou d'améliorer des mesures spécifiques pour les emplois saisonniers. Ils seront exonérés de charges sociales pour les jeunes saisonniers agricoles de moins de 26 ans pendant un mois par an. Cette mesure aura pour effet de diminuer les prélèvements sur le salaire brut. Le salaire net en sera augmenté d'autant. Ces emplois occasionnels seront plus attractifs et permettront à des jeunes de découvrir vos métiers.
La loi d'orientation agricole accorde également aux adhérents agriculteurs d'un groupement multisectoriel des exonérations de charges sociales pour l'emploi de travailleurs occasionnels. Cette disposition nouvelle doit faciliter la constitution de tels groupements susceptibles de stabiliser les emplois, notamment dans de petites communes rurales, en associant des activités diverses.
I - 2 La mise en place des pôles d'excellence ruraux est en mesure de créer de nouveaux emplois en fédérant des énergies diverses.
Selon le souhait du Premier Ministre, c'est une démarche qui complète celle des pôles de compétitivité. Elle s'adresse à des regroupements dans le cadre de l'intercommunalité et associe des partenaires privés. Elle vise à soutenir des projets d'investissement à caractère innovant ayant un impact fort sur l'attractivité, la compétitivité des territoires ruraux et créateurs d'emplois. Cette démarche concerne les territoires ruraux d'au plus 30 000 habitants.
Un appel à projets devrait être lancé début 2006. Ils pourront porter sur des thématiques variées articulées autour des trois axes suivants et non exhaustifs :
- la culture, les patrimoines et le tourisme ;
- la valorisation des bioressources (agriculture, aliments-santé, bois, énergie) ;
- les nouveaux services pour l'accueil de populations : télémédecine
Les programmes associant, selon un périmètre variable, entreprises, recherche et formation, seront également valorisés.
En tant que Ministre en charge de la ruralité, je piloterai ce dossier avec mon collègue Christian ESTROSI. Des crédits d'investissement seront mobilisés pour soutenir les projets sélectionnés.
II - L'action en faveur de l'emploi doit aussi répondre aux spécificités du monde agricole.
Les partenaires sociaux agricoles, tant dans la production proprement dite que dans la coopération, ont mobilisé les possibilités ouvertes par la loi sur la formation professionnelle tout au long de la vie adoptée en mai 2004.
Ainsi les trois accords nationaux novateurs de juin 2004 mettent-ils en uvre le droit individuel à la formation, les contrats et les périodes de professionnalisation. Ces accords ont permis de mutualiser les fonds de la formation professionnelle grâce au soutien actif du Ministère lors de l'adoption de la loi.
Dans la même logique d'adaptation de l'offre de formation aux besoins, l'accord du 9 février 2005 a refondu le système de financement du congé individuel de formation.
II - 1 Des dispositions ont été prises en faveur de l'emploi saisonnier
La loi d'orientation agricole a créé le contrat emploi-formation en agriculture. Destiné aux salariés peu qualifiés, il leur permet de compléter les activités saisonnières par des séquences de formation en périodes creuses. C'est un excellent moyen de prolonger le contact avec l'activité agricole et d'enclencher un processus dans la perspective d'une formation reconnue. La production agricole participe activement à l'insertion professionnelle des demandeurs d'emploi.
II - 2 Ensuite, la formation, enjeu qui touche tous les secteurs d'activité, doit s'adapter aux exigences du monde agricole
L'enseignement agricole est un remarquable instrument de formation :
- il est bien réparti sur le territoire ;
- il délivre des diplômes de tout niveau, du CAP au diplôme d'ingénieur ;
- il est diversifié dans les moyens mis en oeuvre, de l'apprentissage au temps plein en passant par le rythme approprié de certains établissements.
Sa diversité permet de répondre à la fois aux attentes des élèves et aux besoins des employeurs.
Attentif à l'avenir de cet enseignement de grande qualité, je souhaite maintenir le lien fort qui le lie au monde des entreprises par l'intermédiaire des périodes de stages. J'ai pris récemment des dispositions de nature à sécuriser la situation des proviseurs et des enseignants lors des stages de leurs élèves.
Notre appareil de formation doit continuer à fournir la main-d'uvre qualifiée nécessaire à la conduite des exploitations et des ateliers de production. Les formations doivent aussi continuer à préparer à la création et à la reprise d'entreprise qui passe souvent par une période de salariat. A cet effet, mes services ont pour objectif de diffuser les bonnes expériences relatives aux " incubateurs d'entreprises " lancées par les lycées agricoles.

III - Enfin, la cohérence de la politique de l'emploi en agriculture doit s'attacher aussi à l'environnement de l'emploi : logement, communication sur les métiers de l'agriculture notamment.
III - 1 Le logement et les transports
* L'accès au logement pour les travailleurs saisonniers
Loger vos saisonniers à proximité de vos exploitations souvent éloignées des centres urbains constitue une réelle difficulté. C'est pourquoi je souhaite valoriser et reproduire les bonnes expériences conduites dans ce domaine. L'opération menée en Tarn-et-Garonne a mobilisé, avec succès, de nombreux partenaires et des financements, dont ceux de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), pour rénover des locaux anciens à usage d'habitation des saisonniers.
J'ai obtenu l'accord de principe de son Directeur pour reconduire les conditions qui ont prévalu dans le Tarn-et-Garonne. Dans les tout prochains jours, vous serez associés aux contacts pris par mon cabinet pour lancer cet appel à candidatures avec l'ANAH. L'enjeu est décisif pour le logement des salariés agricoles et je me félicite que l'ANAH s'implique ainsi dans des projets locaux tant sur le plan financier que dans l'appui apporté aux porteurs de projets.
* Le statut des aides au transport et au logement
Vous souhaitez l'exclusion de l'assiette sociale et fiscale des aides versées par l'employeur à son salarié pour lui faciliter l'accès au logement et au transport. J'engagerai, au début de l'année prochaine, une concertation afin de déterminer clairement ce que permet la législation en ce domaine.
III - 2 La communication doit être renforcée pour mieux valoriser les métiers de l'agriculture
L'Agence Française d'information et de Communication Agricole et Rurale (AFICAR), prochainement mise en place, disposera d'une enveloppe financière mobilisable. Les partenaires sociaux du monde agricole seront associés à la communication en faveur de l'emploi en agriculture qui constituera, par ailleurs, le thème principal du prochain Salon de l'agriculture.
* Grâce à des bourses à l'emploi agricole gérées paritairement et fédérées au sein de l'Association nationale pour l'Emploi et la Formation en agriculture (ANEFA), vous avez rendu accessibles des offres d'emploi partout en France. Les établissements d'enseignement sont ainsi informés et chacun, en France, peut les consulter via le site internet de l'ANEFA.
Cette association, depuis plus de dix ans, développe " la culture de l'échange pour l'épanouissement de l'emploi et de la formation en agriculture ". Cette culture conduit vos associations départementales à s'investir aussi dans l'emploi partagé en aidant au montage de groupements d'employeurs.

* La concertation avec les partenaires sociaux régionaux
Les initiatives pour l'emploi sont le fait des partenaires locaux afin de bien répondre aux besoins spécifiques des territoires. Le Ministère de l'Agriculture se mobilise également au plus près du terrain. Dans chaque Direction régionale de l'agriculture et de la forêt, existe aujourd'hui un correspondant régional pour l'emploi (CRE), interlocuteur pour accompagner vos projets. Je demanderai à ces derniers de se mettre en relation avec vos organisations au plan local pour les concrétiser.
III - 3 L'insertion professionnelle
Sur proposition du Gouvernement, le Parlement a voté, en janvier dernier, le plan de cohésion sociale auquel mon Ministère prend naturellement part.
Ce plan prévoit, pour les bénéficiaires du RMI et autres minima sociaux, un contrat spécifique comportant des avantages importants pour l'employeur comme pour le salarié. Il s'agit du contrat insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA). Le salarié retrouve un statut valorisant par l'accès à l'entreprise grâce à un contrat d'au moins 6 mois et bénéficie d'un accompagnement personnalisé. L'employeur, lui, reçoit une aide égale au montant du RMI perçue antérieurement par le salarié ; il peut bénéficier aussi d'exonérations de charges sociales.
Avec vous, je me suis spécialement impliqué dans la promotion et l'adaptation de ce CI-RMA au milieu agricole. Ce résultat est le fruit de vos propositions transmises à mon collègue Gérard LARCHER, présent parmi vous cet après-midi, vos propositions. Pour les activités agricoles, les périodes de formation pourront être intégrées dans la durée du contrat de 6 mois. Répondant à votre demande, une note d'information sur le CI-RMA adapté à l'agriculture a également été diffusée.
Les conditions sont maintenant réunies pour que votre profession s'engage aux côtés du Gouvernement dans la bataille de l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi. Une convention avec un objectif d'embauche de 1000 salariés en CI-RMA dans une période de 2 ans a été préparée avec votre concours. Elle sera signée aujourd'hui même par le Président de la Caisse Centrale de la MSA, le Président LEMETAYER, Gérard LARCHER et moi-même. Je remercie la FNSEA pour sa mobilisation ; avec l'ensemble de ses composantes, elle aura un rôle particulier à jouer dans la mise en oeuvre de cette convention.
CONCLUSION
Monsieur le Député,
Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Nous avons, au cours des derniers mois, fortement progressé pour favoriser l'emploi. La loi sur les services à la personne dans le cadre général de l'action gouvernementale, la loi sur le développement des territoires ruraux ou la loi d'orientation agricole dans le cas de mon Ministère ont introduit des instruments nouveaux pour créer des emplois de toute nature : permanents, saisonniers, mutualisés...
Ce colloque ne manquera pas d'échanges fructueux pour apporter de nouvelles propositions. J'émets le voeu qu'il ouvre maintenant des pistes de concrétisation pour les textes dont nous disposons. Parce que l'enjeu, désormais, est de créer des emplois. Je suis confiant dans la richesse des débats à venir.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 16 novembre 2005)