Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à Europe 1 le 26 octobre 2005, sur l'oppostionde 16 députés UDF au volet recettes du projet de budget 2006 et la position de M. de Robien au sein de ce parti.

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Média : Europe 1

Texte intégral

C. Delay - Seize députés UDF ont voté contre le volet Recettes du budget 2006. G. de Robien, êtes-vous toujours à l'UDF ce matin ?
R - Bien entendu. N'oubliez pas de dire aussi qu'il y a quatorze députés qui se sont abstenus alors que, vous vous souvenez...
Q - Cela reste une forme de résistance quand même...
R - ... des propos velléitaires du président de l'UDF qui disait : "nous allons voter contre". Pour l'instant, les députés se sont partagés. Nous allons voir ce qui va se passer au Sénat, et je pense que les sénateurs, dans leur grande sagesse, en tout cas pour les uns, voteront pour le budget, d'autres s'abstiendront. Peut-être que quelques-uns voteront contre. Et ça, ce sera l'expression parlementaire de l'UDF.
Q - Franchement, vu les mots que vous avez prononcé hier matin contre F. Bayrou, on peut se poser légitimement la question de votre appartenance au parti centriste et du sens de votre appartenance à l'UDF ?
R - Absolument. Moi, je suis à l'UDF. Je suis vraiment représentant, comme d'autres, de la tendance unitaire de l'UDF. Nous sommes élus par un électorat de la majorité. Je veux être loyal par rapport à cet électorat de la majorité...
Q - Cela veut dire que vous faites le pari que l'électorat centriste ne suivra pas à terme F. Bayrou sur la ligne qu'il a choisie ?
R - Vous savez que, sous la Ve République, pour avoir un électorat et être élu, par exemple député, il faut avoir 50 % des voix et même 50 % +1 voix. À elle seule, aujourd'hui, l'UDF ne peut pas prétendre avoir 50 %. Donc, il faut compter sur un électorat qui est aujourd'hui largement l'électorat majoritaire, c'est-à-dire un électorat divers droite, divers centre, UMP, UDF et des électeurs qui n'appartiennent ni aux uns ni aux autres. Eh bien, cet électorat là n'admet pas et n'admettra pas qu'il y ait des élus grâce à eux, qui quittent le camp et qui deviennent les alliés objectifs de Madame Buffet, de monsieur Hollande ou de monsieur Fabius.
Q - Cela veut dire qu'à l'UDF se dessinent finalement deux lignes, celle de F. Bayrou et la vôtre et que les militants centristes vont devoir choisir, comme à l'UMP, on doit choisir entre D. de Villepin et N. Sarkozy ?
R - Non, je ne leur demande pas de choisir, parce que D. de Villepin et N. Sarkozy, ce sont comme on dit "les présidentiables". Je leur dit simplement, aux électeurs et aux militants centristes : "ne suivez pas une ligne qui est suicidaire, me semble-t-il, et outrancière, qui est de passer dans l'opposition alors que l'on est élu de la majorité". Ou alors, dans ce cas-là, on repasse devant les électeurs pour faire valider cette nouvelle option.
Q - C'est un message que vous lancez à F. Bayrou ?
R - C'est logique. Quand on est élu par une majorité, par un électorat et que, au milieu d'un mandat, on passe dans l'autre camp - car sous la Ve République, il y a deux camps, l'opposition et la majorité ; ce n'est pas belligérant, mais c'est l'opposition et la majorité - quand on change de camp, on trahit ses électeurs et, dans ce cas-là, on repasse devant les électeurs pour faire valider son option.
Q - Vous vous parlez encore, avec F. Bayrou ?
R - Bien entendu. C'est un débat de fond. Vous savez, il est normal que, dans un parti politique, on puisse discuter un peu des options des uns et des autres. Ce que je regrette, c'est que vraiment cette ligne là soit une ligne qui est plutôt une impasse. Je crois qu'il ne faut tromper les électeurs. Le soir du premier tour de l'élection présidentielle, F. Bayrou s'empressera d'aller serrer la main de celui qu'il aura torpillé pendant deux ans, et en attendant, il fait croire à une pseudo différence de l'UDF. Moi, je crois que, aujourd'hui, pour concrétiser cela, notre démocratie est malade des propositions démagogiques, des "Y'a qu'à", "Faut qu'on" des candidats qui ne tiennent pas leur parole, etc., le lendemain de l'élection. Le vrai langage de la vérité, c'est et l'action et la modération. C'est peut-être moins spectaculaire, mais en tout cas, je crois que c'est plus efficace.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 28 octobre 2005)