Déclaration de M. Bernard Layre, président de Jeunes Agriculteurs, sur l'évolution des services en agriculture et l'installation des jeunes agriculteurs, Toulouse le 4 novembre 2005.

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Circonstance : Journées nationales des ADASEA à Toulouse le 4 novembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Henri
Monsieur le Directeur-adjoint de Cabinet du Ministre,
Monsieur le Directeur Général du CNASEA,
Mesdames et Messieurs les président et directeurs
Mes Chers amis,
Tout d'abord, je tiens à vous remercier pour cette invitation à vos Journées nationales, qui restent un temps fort d'échanges pour votre réseau, mais aussi un moment important de dialogue avec les organisations agricoles et les pouvoirs publics.
De ce que l'on m'a dit, les grands thèmes abordés recoupent largement nos réflexions sur l'avenir de notre agriculture et les besoins exprimés par les jeunes agriculteurs sur le terrain en matière d'offre de services.
Nous sommes très attentifs à l'évolution des services en agriculture, dans un soucis d'optimisation des ressources mais aussi et surtout de qualité du service rendu aux agriculteurs.
Le rapport d'orientation que nous avons adopté en congrès en juin 2004 a permis d'exprimer une vision globale sur l'avenir de ces services, en confortant d'ailleurs clairement la place des ADASEA en matière d'instruction des dossiers d'installation et de transmission des exploitations, et d'accompagnement des agriculteurs.
Si l'on en part de l'exemple de l'installation, on peut illustrer simplement la position des Jeunes agriculteurs sur l'ensemble des services aux agriculteurs.
A nos yeux, le syndicalisme agricole doit conserver un rôle d'orientation des politiques agricoles, y compris dans leurs modalités de mise en uvre. Ainsi, au niveau local, c'est le Comité Départemental de l'Installation, le CDI, qui doit formuler les positions politiques en matière d'installation dans le département. S'agissant de sujets de portée plus générale, comme les Projets Agricoles Départementaux, c'est bien sûr le CAF qui est compétent.
C'est sans doute une évidence pour beaucoup d'entre vous, mais cela va toujours mieux en le disant clairement surtout dans une certaine remise en cause du métier.
Ensuite, il est du ressort des organismes techniques d'assurer l'instruction des dossiers et d'apporter l'appui nécessaire à une bonne application des mesures mises en uvre.
En la matière, les ADASEA ont toute leur raison d'être, et nous sommes particulièrement attachés aux missions de service public qu'elles sont amenées à rendre. Je tiens d'ailleurs à dire que ces missions de service public doivent faire l'objet d'une juste rémunération par l'Etat, ce qui signifie que l'accompagnement budgétaire des ADASEA doit impérativement être maintenu.
Quant aux missions marchandes, nous n'envisageons leur existence que si elles contribuent à moraliser les tarifs consentis aux agriculteurs. En aucun cas nous ne pouvons nous inscrire dans une logique de fuite en avant qui serait justifiée par des intérêts de " boutique " et non de service rendu aux agriculteurs.
Souvent, vous exprimez le besoin d'une expression claire du syndicalisme sur l'avenir des ADASEA. Sachez que nous comprenons d'autant mieux cette attente qu'il est de la responsabilité du syndicalisme d'exercer pleinement ses fonctions au sein des ADASEA.
De ce point de vue, les Jeunes agriculteurs considèrent que les choses se passent plutôt bien et que la relation entre les ADASEA et le syndicalisme est saine.
Au-delà de ce constat positif, je crois qu'il ne faut pas éluder un certain nombre de réflexions importantes sur le fonctionnement de vos structures. Je pense notamment à l'idée de régionaliser certains postes, voire de certaines missions.
Toujours dans une logique de service rendu aux agriculteurs, et dans un contexte de réfaction des financements publics, je suis intimement convaincu qu'il est préférable de rationaliser les coûts de fonctionnement d'une structure, afin de redéployer des moyens pour plus d'efficacité dans le travail.
Les ADASEA ont d'ailleurs montré à plusieurs reprises qu'elles étaient capables de s'adapter aux évolutions de leur volume d'activité. J'estime que cette capacité d'adaptation et cette souplesse sont des atouts majeurs pour l'avenir des ADASEA. Croyez-moi, toutes les organisations agricoles ne peuvent pas en dire autant.
En plaidant pour une clarification des missions des organisations agricoles, les Jeunes agriculteurs estiment que les ADASEA doivent jouer un rôle central dans la mise en uvre technique des mesures d'installation et de transmission.
En matière de transmission, les actions doivent même être renforcées. Je pense en particulier au repérage des cédants, à l'anticipation des cessations d'activité, sans jamais perdre de vue la dimension sociologique de ces démarches.
Très concrètement, je vous propose de renforcer encore le partenariat entre les Jeunes agriculteurs et les ADASEA en mettant en place dès 2006 un Observatoire national de l'installation et de la transmission, outils indispensable au suivi et à l'évaluation de la politique en faveur du renouvellement des générations en agriculture.
Quant aux Points-Info Installation et aux Points-Info Transmission, je souhaite souligner le travail important d'animation que nous menons depuis maintenant trois années au niveau national, en réunissant deux fois par an à JA l'ensemble de leurs animateurs.
Cette démarche est essentielle pour maintenir un bon niveau de cohésion dans ce réseau qui repose sur plusieurs organisations agricoles. Aujourd'hui, cette structuration souple fonctionne plutôt bien, et ce qui est important pour les Jeunes agriculteurs, c'est que les Points-Info remplissent leur mission.
Au final, je suis persuadé qu'il est possible de clarifier durablement les missions des ADASEA en s'appuyant sur ce qui fonde l'essentiel de la politique agricole, je veux parler de la PAC.
En effet, on voit se dessiner au niveau national deux grands pôles de gestion des aides : d'un côté l'Agence Unique de Paiement, qui sera chargée des aides du premier pilier, et de l'autre le CNASEA, qui lui devrait gérer celles du deuxième pilier, qui sont d'ailleurs plus complexes dans leur mise en uvre.
Depuis la réforme de 2003, les Chambres d'Agriculture se sont largement investies, dans le cadre d'une convention avec le Ministère de l'Agriculture, dans l'accompagnement de la mise en uvre de la PAC, et notamment des DPU.
Dans le prolongement des missions du CNASEA, il serait donc logique et cohérent de confier aux ADASEA l'instruction et le suivi des aides du deuxième pilier.
Avant de conclure, je tiens à mettre l'accent sur plusieurs acquis syndicaux majeurs pour l'avenir de la politique d'installation des jeunes et de transmission des exploitations.
Afin de mieux répondre au besoin croissant d'investissement dans la phase initiale d'installation, nous avons obtenu que la DJA soit désormais versée en une seule fois, et qu'elle fasse l'objet d'un complément de 500 pour le financement du suivi. Autre avancée importante : la DJA a été sortie de l'assiette sociale, ce qui renforce son efficacité économique.
Toujours dans le cadre de la réforme du deuxième pilier de la PAC, et donc de l'élaboration du nouveau règlement de développement rural, nous avons pu participer au Conseil informel des ministres européens de l'agriculture qui s'est tenu à Luxembourg en mai dernier.
Cette démarche a permis d'obtenir le maintien du cofinancement des prêts bonifiés JA, alors que la Commission proposait de les supprimer. Nous avons également obtenu plus de flexibilité dans leur mise en uvre.
Nous sommes aussi intervenus pour atténuer au maximum les conséquences de la récente vague de contrôles sur les prêts bonifiés, ce qui a permis de rattraper une grande majorité de dossiers.
Enfin, tout récemment, le ministre nous a confirmé la baisse de 1 point des taux des prêts bonifiés JA, avec maintien du système de taux fixes actuellement en vigueur. Le taux est donc désormais de 2,5 % en zone de plaine et de 1% en zone défavorisée. Cette baisse des taux représente une économie de 5000 à 7000 par exploitation.
Plus globalement, je tiens à rappeler que dans un contexte budgétaire difficile, les financements pour l'installation ont été préservés, et qu'il a même été possible d'obtenir une dotation complémentaire de 2 millions d'euros pour le FICIA.
En juillet dernier, lors de la finalisation des discussions sur la mise en uvre de la PAC, nous avons finalement obtenu gain de cause pour l'instauration d'une priorité pour l'installation dans l'utilisation de la réserve de DPU.
Du côté de la LOA, qui est actuellement en débat au Sénat, la création du Plan crédit transmission est une étape importante de notre démarche visant à mettre en place une véritable politique favorisant la transmission des exploitations.
Je ne vais pas m'étendre ici trop longuement sur le projet de LOA, mais je ne peux m'empêcher d'exprimer notre déception sur le volet économique. Si le projet n'est pas considérablement amélioré, notamment sur le transfert de propriété vers les OP, nous aurons manqué une occasion majeure de renforcer l'organisation économique des producteurs.
Même si la suppression progressive de la TFNB n'a qu'un impact limité sur les jeunes qui s'installent, puisqu'ils en étaient déjà exonérés, cette mesure de baisse des charges va dans la bonne direction. Il en est de même du remboursement partiel de TIPP pour le fuel à usage agricole, que nous avons obtenu de haute lutte à l'automne 2004.
Nous comptons maintenant sur un développement rapide et massif des biocarburants, qui représentent un débouché important pour notre agriculture mais aussi une lueur d'espoir pour les jeunes qui se voient ainsi confier une nouvelle mission.
Enfin, je tiens à vous faire part de notre inquiétude sur la manière dont la Commission européenne, et plus spécialement le Commissaire Mandelson, traite l'agriculture dans les négociations de l'OMC.
Pour l'instant, la France tient bon et fait preuve d'une très grande fermeté dans la négociation, mais nous devons rester extrêmement vigilant car la pression va augmenter au fur et à mesure que l'on se rapproche du rendez-vous de Hong Kong.
Que les choses soient claires : pour nous, la Commission européenne a outrepassé son mandat de négociation avec l'offre qu'elle a présentée en fin de semaine dernière. C'est pourquoi nous demandons au Gouvernement français de la rejeter, quitte à devoir imposer un veto lors de la réunion ministérielle de Hong Kong.
Jamais nous n'accepterons d'être une génération sacrifiée dans un marchandage cynique où l'agriculture serait une simple monnaie d'échange.
10Vous le voyez, le défi du renouvellement des générations en agriculture se mène sur plusieurs fronts. Parce que nous croyons en l'avenir du métier d'agriculteur, nous voulons continuer à être une force de proposition, capable d'aiguillonner au bon endroit et au bon moment.
Notre prochain grand rendez-vous, c'est le Comité National de l'Installation, qui se tiendra le 29 novembre dans le Loiret, en présence du Ministre de l'agriculture et du Président des Régions de France.
Notre objectif est de parvenir à une vision partagée autour du renouvellement des générations en agriculture, qui se traduise ensuite par des engagements concrets dans le cadre de la future programmation régionale.
Nous comptons sur vous pour soutenir et accompagner l'ensemble de ces démarches.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.cnja.com, le 16 novembre 2005)