Interview de M. Charles Pasqua, président du RPF, à France 3 le 21 mai 2001, sur la réduction de la durée du mandat présidentiel, les relations au sein du RPF, la préparation des élections municipales, la présidence française de l'Union européenne et la réforme des institutions et sur le mode de scrutin pour les élections législatives et sénatoriales.

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Média : Emission France Europe Express - France 3 - Télévision

Texte intégral

Bonsoir à tous. Nous attendions Françoise de Panafieu ; madame de Panafieu s'est décommandée sans explication, ce qui évidemment laisse le champ ouvert à toutes sortes d'explications. Avec vous, Monsieur Pasqua, bonsoir, nous aurons sûrement des explications là-dessus aussi.
Certainement pas !
Et vous savez que vous bénéficiez toujours chez nous d'une invitation quasi-permanente ; nous sommes ravis de vous accueillir. Une première question, Monsieur Pasqua : Le Journal du Dimanche a publié aujourd'hui, comme il le fait régulièrement, un sondage qui prouve que le chef de l'Etat comme d'ailleurs le Premier ministre sont au fait de leur popularité avec pour Monsieur Chirac 64% de Français satisfaits et 55% pour Monsieur Jospin. La cohabitation douce que vous trouvez avilissante, elle plaît terriblement aux Français finalement.
Si on en juge par les sondages, oui, je pense donc que Monsieur Chirac et Monsieur Jospin doivent être contents. Si je m'en réfère à des situations similaires, quelques mois avant les élections présidentielles de 1981, je crois que Monsieur Giscard d'Estaing avait un indice de satisfaction dans les sondages de 65%. Alors on accorde un peu aux sondages plus d'importance qu'ils n'en méritent. Cela étant, c'est vrai qu'à partir du moment où les deux têtes de l'exécutif ne donnent pas le sentiment de se combattre en permanence mais plutôt de se marquerça peut inciter un certain nombre de Français à s'estimer satisfaits. Ils ont tort parce que c'est un mauvais système et c'est un système qui conduit aux compromis et à l'immobilisme qui ne permet pas de résoudre les problèmes, en tout cas on le verra de plus en plus.
Alors est-ce que le remède anti-cohabitation, c'est le quinquennat ?
Nous y voilà ! Pourquoi est-ce que le quinquennat serait un remède ? Parce que c'est dans l'air du temps comme on dit ?
Oui, mais enfin ce n'est pas l'air du temps ; tous les ans Valéry Giscard d'Estaing venait avec un article dans la presseprônait pour faire le quinquennat.
Tous les ans au mois de mai.
Tous les ans au mois de mai en général ou au mois de juin.
Jusqu'à présent, ça n'avait pas tellement marché ! Jospin a eu peur qu'on lui fauche l'idée, donc il s'est empressé d'embrayer là-dessus.
Précisément donc avant d'écouter vos explications qui ont l'air déjà vigoureuses, sur le feuilleton du quinquennat, Charles Sanvitti et Alexandre Dupont nous rappellent qu'il s'agit d'un très long feuilleton qui a comment dire qui s'est égrené tout au long de notre vie politique.
Monsieur Pasqua, est-ce que vous estimez que Monsieur Chirac s'est laissé aculé à accepter désormais à la fois la méthode et le calendrier voulus par le Premier ministre ?
La méthode et le calendrier, je ne sais pas ; l'idée, probablement puisque par les informations que nous avons, mais moi je n'ai d'information que par la presse pour le moment.
Vous, vous avez déjeuné avec lui, vous en avez peut-être parlé, non ? Vous n'en avez pas parlé avec lui ?
Non, nous n'avons pas parlé du quinquennat ; nous avons parlé de l'Europe mais nous n'avons pas parlé du quinquennat. Vous savez que Monsieur Chirac reçoit tous les présidents de parti, donc je le verrai moi-même cette semaine et il aura donc l'occasion de me parler du quinquennat et de me dire ce qu'il en pense.
Et donc, vous allez lui dire que s'il y avait référendum, vous voteriez non à ce référendum.
C'est évident.
Est-ce que selon vous, Monsieur Chirac, là, est piégé ? Est-ce qu'il est convaincu ?
Non, je ne crois pas du tout qu'il soit piégé, je ne sais pas ; jusqu'à une époque récente, il n'était pas favorable au quinquennat ; il était convaincu que l'élection du président de la République au suffrage universel pour une durée de sept ans, donnait à l'exécutif comme d'ailleurs l'avait estimé le Général de Gaulle, la stabilité nécessaire. Mais c'est vrai que, pour aller jusqu'au bout de ce raisonnement, il faudrait admettre parce que ça résoudrait beaucoup de problèmes que lorsqu'une majorité hostile au président de la République, est envoyée à l'Assemblée nationale, le président de la République doive en tirer les conséquences et démissionner, c'est évident.
Ce qui veut dire qu'en 97, Jacques Chirac aurait dû démissionner pour être logique.
Oui, je pense que oui puisque c'est lui qui avait pris l'initiative de dissoudre. Alors ça ne voulait pas dire qu'il ne se représente pas mais il aurait pu au moins venir devant les Français et dire les choses telles qu'elles étaient.
Il l'aurait fait, il n'y aurait pas le quinquennat finalement.
Il l'aurait fait, il n'y aurait pas le quinquennat et puis ça aurait résolu les problèmes de la cohabitation.
Et dans le cas de figure actuel ?
Alors dans le cas de figure actuel, je ne crois pas du tout que Jacques Chirac soit obligé d'accepter la méthode proposée par Valéry Giscard d'Estaing ou par le Premier ministre.
Vous voulez dire la voie parlementaire.
Oui. Je crois d'abord que la façon dont Lionel Jospin s'est comporté vis-à-vis du président de la République.
Philippe Seguin parle d'une sorte de chantage, c'est un mot que vous pourriez reprendre ?
Oui, je crois que le mot est peut-être même un peu faible ; en tout cas, il a mis en demeure en quelque sorte le président de la République. Alors c'est oublier. D'abord il faudrait savoir ce que pense réellement le président de la République. Si le président de la République pense comme un certain nombre de gens, ce que j'ai entendu dire, que c'est dans l'air du temps, que ça fait plus moderne, que ça résout un certain nombre de problèmes, ça ne résout rien du tout.
Cela permet de se représenter. Il y a moins de risque de cohabitation tout de même.
C'est assez incohérent parce que les mêmes qui trouvent que sept ans, c'est trop long, disent : on pourrait faire deux fois cinq ans, ce qui ferait dix ans ! Moi j'ai une démarche qui est beaucoup plus logique.
Dix ans, c'est moins que quatorze !
Oui naturellement. J'ai la même position que celle qui a été exprimée en son temps par Raymond Barre ; je dis qu'il vaut mieux un septennat non renouvelable.
C'est ce qu'il disait dimanche dernier.
Je l'ai dit aussi il y a un certain temps qui permette au président de la République.
François Mitterrand aussi défendait ce
Oui, qui permette au président de la République de prendre les initiatives nécessaires, pour conduite les réformes indispensables, les décisions qui lui paraissent nécessaire pour le bien du pays ; et puis il n'a pas de souci de réélection, ce qui quand même pour un élu n'est pas mal.
Enfin là, c'est lancé Monsieur Pasqua, donc.
Attendez, vous m'avez posé une question, je vais jusqu'au bout de ma réflexion. Alors ou le président de la République considère qu'effectivement, le quinquennat, c'est dans l'air du temps, que ce n'est pas si mal que cela etc, à condition que ce soit un quinquennat réduit et que la réforme soit très réduite ; on dit simplement : le mandat.
Le quinquennat sec, c'est une jolie expression !
Oui, ce n'est pas très joli, enfin bref un quinquennat sans autre modification ;ce qui d'après moi ne répond pas au véritable problème parce qu'en réalité, la logique du quinquennat, ça serait un changement de régime ; ça veut dire une avancée claire, décisive, vers le régime présidentiel. Alors, à ce moment-là effectivement, on a un mandat de cinq ans, le président de la République n'a plus le droit de dissolution, le Premier ministre n'existe plus ou n'est là que pour mémoire ; l'Assemblée nationale donc ne peut pas être dissoute mais dans le même temps, le président de la République a un droit de veto.
Ca peut-être un bon thème de campagne en 2002, ça.
C'est un régime à l'américaine, je ne crois pas du tout que cela convienne aux Français. Je crois que le système tel qu'il est, était bien meilleur ; il permettait selon les cas d'avoir une lecture ou une autre de la Constitution.
Mais alors quelle méthode le président peut-il maintenant choisir ?
Si le président de la République est d'accord sur le quinquennat, alors la solution la plus simple pour lui, parce que d'après ce que je comprends il y a aussi une course entre Lionel Jospin et lui pour ne pas se laisser dépouiller de cette idée, c'est à celui qui dira : c'est moi qui avais eu l'idée le premier ! Non, c'est moi ! Mais moi je ne suis pas contre ! Mais moi non plus ! Donc on va faire ça ensemble ; à ce moment-là, ils font un projet de loi constitutionnelle, je crois que c'est la solution qui sera probablement retenue et au bout de ce débat et de cet examen par le Parlement, il y aura de toute façon un référendum.
Alors Monsieur Pasqua, justement nous sommes à l'automne prochain.
Je ne sais pas si c'est à l'automne.
Imaginons, donc vous faites campagne pour le non à ce possible référendum à l'automne prochain.
Ce qui est certain, c'est que je ne ferai pas campagne pour le oui.
C'est du pain bénit ça, pour le RPF, ça recolle les morceaux. Donc c'est d'une certaine façon campagne aussi un peu contre le président de la République en place. Ca peut être interprété au moins comme ça, vous êtes d'accord ?
Cela aura cet effet.
Ce n'est pas quelque chose qui vous choque ; vous êtes prêt éventuellement à le faire?
Pas du tout, je ne suis pas sûr que Monsieur Giscard d'Estaing ait eu cette idée de nous rendre service à nous qui sommes souverainistes, au moment où il a proposé ça ou à Lionel Jospin ou Jacques Chirac, mais au passage quand même, je lui adresse un salut reconnaissant.
Et vous prévoyez quelle issue à un possible référendum comme celui-là même si l'idée est populaire aujourd'hui ?
On verra bien. Vous savez, un référendum, ce n'est jamais gagné d'avance ; il y a des exemples bien précis ; et la démonstration de Monsieur Giscard d'Estaing avec ses taux selon les sondages etc me paraît bien hypothétique.
Ce qui est clair en tout cas, c'est que François Hollande qui était l'invité ce soir de Ruth Elkrief sur TF1 a adopté un ton beaucoup plus apaisant que ce qu'on avait pu entendre ces jours derniers. Un extrait de ses propos :
" ce que nous voulons, c'est le quinquennat ; tout le monde l'a dit, pas encore le président de la République mais on a compris que maintenant il y pensait très fort même s'il ne l'avait pas encore dit. Puisque tout le monde le veut, eh bien il faut faire cette réforme et puisque tout le monde veut faire cette réforme, eh bien il faut la faire vite, voilà, c'est le seul message : évitons les confrontations, compétitions, concurrences qui sont à mon avis inutiles ; si le quinquennat est possible, faisons-le et faisons-le vite, c'est-à-dire avant la fin de l'année ".
Donc tout le monde, dit Monsieur Hollande, tout le monde sauf vous, Monsieur Barre et Monsieur Hue.
Tout le monde sauf ceux qui sont contre.
Oui, mais il n'y a pas grand monde, honnêtement, contre.
Ecoutez, on verra bien !
On ne vous entend pas, on n'a pas l'impression à vous entendre que vous allez mener croisade.
Ah si.
Si quand même. Avec Philippe de Villiers, côte à côte.
Ne vous faites aucune illusion. Avec tous ceux qui le voudront.
Cela permet de vous réunir.
Ecoutez, on verra bien.
Alors vous êtes contre le régime présidentiel pour la France mais vous êtes pour le régime présidentiel au sein du RPF et pour le référendum puisque vous lancez un référendum sur vos statuts internes.
On ne va pas parler longtemps de ça parce que...
Comment, cela ne vous intéresse pas ?
Moi cela m'intéresse mais enfin comme un moyen ; je n'ai pas créé le RPF comme une fin. Je n'ai pas fait ça pour donner des postes aux gens. Je crois d'abord que ce qu'il faut comme dans tout mouvement politique, c'est un minimum d'unité et de discipline.
Le moins qu'on puisse dire, pardonnez-moi, c'est que le RPF ne donne l'image ni de la discipline ni de l'unité.
Mais ne vous excusez pas Madame pour dire ça.
Non, mais je voulais être gentille.
Mais vous n'avez pas à être gentille, c'est la vérité !
Et vous auriez perdu la main ou quoi ?
Pas du tout. Je crois que tous les partis politiques - je ne veux pas rappeler ce qui s'est passé dans tous les partis politiques, les crises que les uns et les autres ont connues, elles sont nombreuses - celui auquel j'appartenais et que j'avais continué à créer, donne un spectacle qui n'est pas très réjouissant. Cela dit, je crois que la perspective des élections municipales et puis des élections qui vont suivre, crée un certain nombre de tensions. Alors il faut inciter les gens à revenir un peu à une démarche plus unitaire, il ne faut pas qu'il y ait 36 personnes qui s'expriment, que chacun dise ce qui lui passe par la tête, il faut qu'il y ait un minimum d'unité.
C'est ça que vous voulez dire quand vous avez dit par exemple qu'avec certains amis de Philippe de Villiers, les limites étaient franchies, donc ça veut dire qu'il n'y aura pas d'autres soubresauts.
Non, ça ne concerne pas une ligne politique ; ça concerne les propos.
Par exemple quand Monsieur Marchiani dit qu'à Lyon, puisque vous parlez des municipales, il va soutenir Monsieur Million, ça vous agace par exemple qu'il prenne ce genre de position ?
Non, ça ne m'agace pas du tout ; c'est simplement contraire aux décisions prises par le RPF. Donc ça ne se fera pas.
Alors William Abitbol disait, mais il n'est plus porte-parole, William Abitbol. Qu'est-ce qu'il pense ?
Sa propre parole
Il dit : l'alliage n'a pas pris, d'où dit-il, de la part de Charles Pasqua l'idée d'en appeler aux militants. L'alliage n'a pas pris entre les deux composantes, les deux cultures.
C'est un peu vrai ; mais c'était un peu inévitable ; alors, peut-être aurions-nous pu imaginer une autre formule ; en tous les cas, tout ça s'est fait probablement trop vite. Il fallait davantage de temps et c'est vrai qu'il y a des gens de sensibilités différentes et pour arriver à créer une symbiose, ça prend plus de temps que ça. Il n'en reste pas moins que sur les objectifs, il y a un profond accord entre tous les membres du Rassemblement.
Même quand Philippe de Villiers dit qu'il y a - je le cite - un vide sidéral, dans le projet politique du RPF ?
Ecoutez alors ce vide sidéral, il aurait dû contribuer à le combler depuis longtemps.
Oui, mais enfin vous échangez des noms d'oiseaux quand même, vous êtes un putschiste ! Vous êtes vraiment un putschiste alors ?
Monsieur July
C'est Philippe de Villiers qui dit ça !
Il dit : enfin Charlie ! Ne commence pas à 72 ans une carrière de dictateur !
C'est terminé ! Mesdames, Messieurs, je ne réponds plus ce genre de questions parce que je ne suis pas venu ici pour ça et que je suppose que ça intéresse au maximum, les adhérents du Rassemblement. Je leur ai écrit, ils connaissent donc mon sentiments et je leur ai demandé de s'exprimer. Maintenant j'attends leur décision.
Et alors vous avez dit, si jamais la décision est négative, vous allez dissoudre le RPF, c'est ça ?
Oui, ça évidemment.
Pourquoi vous allez le dissoudre ?
Pourquoi ? Parce que je considérerais que ce que nous avons engagé, ne sert plus et qu'il faut faire autre chose.
Donc ça voudrait dire que vous ne seriez plus candidat à la présidence de la République.
Ce sont deux choses différentes.
Donc ce soir, vous êtes toujours candidat à la présidence de la République, vous nous confirmez bien ça ?
Pourquoi, vous en avez douté, Monsieur Leclerc ?
Je vous pose la question, ce soir.
N'en doutez pas, n'en doutez pas.
Vous faisiez allusion , Monsieur Pasqua...
J'avais commencé à parler du quinquennat, c'est beaucoup plus intéressant,
Non mais parlons du RPR. Pour une campagne présidentielle, vous allez vous présenter pour cinq ans !
Oui, je préfèrerais pour sept ans mais on verra bien. Je ne le fais pas dans mon propre intérêt.
Oui, parce que votre intérêt, ça serait plutôt le quinquennat.
Et voilà, vous avez tout compris, Monsieur July. Je n'ai jamais douté de votre capacité d'analyse et de déduction.
Le feuilleton parisien du RPR vous pensez que Monsieur Seguin part avec tous les atouts en main ?
Ecoutez, ce n'est pas mon problème, j'ai quitté le RPR il y a maintenant un peu plus de deux ans, je regrette que tout cela se déroule de cette manière parce que je crois que d'une façon générale il faut plus de clarté dans les choix, je crois qu'il aurait mieux valu faire voter les gens, c'eut été plus clair, enfin chacun fait ce qu'il veut, quant à moi je ne veux pas m'en mêler.
Mais vous allez vous mêler tout de même des municipales à Paris Monsieur Pasqua ?
Ca c'est autre chose,
Vous nous expliquez un petit peu. Vous allez, vous vous présentez à Paris, non ?
Qui moi ? il ne manquerait plus que moi. On m'attend à Nice, on m'attend à Marseille, il ne manquerait plus que ça.
Est-ce qu'il y aura des listes RPF à Paris Monsieur Pasqua ?
Oui.
Dans chaque arrondissement ?
Oui, je vous ai demandé tout à l'heure si vous allez être candidat, répondez aux téléspectateurs, moi je ferais les choses d'une manière claire, voulez vous être candidat Monsieur Leclerc ?
Moi je crois que vous seriez embêté si il vous disait oui. Vous manquez de volontaires ?
Non.
Mais ils vont manquer de gens, vous recrutez comme ça les premiers qui passent dans la rue pour être candidat ?
Non, mais vous êtes en train de dire que Monsieur Leclerc n'est jamais qu'un vulgum pecus, quelqu'un qui passe dans la rue, qui n'a pas de qualité personnelle, moi à votre place je ne laisserais pas passer ça de la part de July.
Justement je vais vous répondre en ce qui concerne la question
Allez on cesse de s'amuser on revient à la question.
La question ne se pose pas en ce qui me concerne, donc vous me confirmez ce soir qu'il y aura des candidats RPF dans chaque arrondissements de Paris.
Oui.
Monsieur Tibéri dans ce cas de figure, vous pouvez parler avec lui, on peut...
Moi, je parle avec tout le monde d'ailleurs certains de mes amis me le reprochent, ils me reprochent de dîner avec les uns, de déjeuner avec les autres,
Oui vous parlez même au chef de l'Etat.
De prendre un thé avec les autres, cela ne veut rien dire.
Est-ce que Jean Tibéri pour poursuivre la question pourrait être une tête de liste dans un arrondissement du RPF ? Dans le 5ème par exemple ?
Non je ne pense pas, le RPF présentera ses propres candidats.
Donc cela ne peut pas être Tibéri.
Je considère que Tibéri est très mal traité, qu'on s'est très mal conduit à son égard.
Mais ce n'est pas un candidat du RPF pour autant.
Non. Il est RPR.
Et Philippe Seguin ne serait pas un bon maire pour Paris ?
Ca les Parisiens apprécieront Monsieur Leclerc, ce n'est pas moi qui vais dire qui sera un bon maire et qui ne le sera pas.
Oui mais vous le connaissez bien Philippe Seguin, vous avez quand même été très proche pendant assez longtemps, est-ce qu'il a un profil pour être un bon maire et pour éventuellement gagner contre la gauche à Paris ?
Ce sont les électeurs qui le diront.
Ah ! oui donc vous n'avez pas d'avis. Quand vous n'avez pas d'avis vous sortez votre joker vous dites : c'est les électeurs. Eh oui parce que c'est ça les élections, vous avez oublié ?
Non c'est la légitimité démocratique, c'est très important. Voilà.
Mais ça ne vous empêche pas d'avoir des opinions.
Chacun est libre de se présenter et quelles que soient les qualités des uns et des autres que je connais je n'en soutiendrais aucun.
Vous avez été étonné du retrait d'Edouard Balladur ?
Je suis étonné par rien, j'ai tellement donné de politique derrière moi, vous savez.
Et le silence de Madame de Panafieu vous l'interprétez comment ?
Ecoutez, on fait une émission sur Paris ?
Oui, non on en parle là,
Oui vous vous êtes vendu, vous voulez faire une émission sur Paris alors il faut inviter Balladur, Seguin, Panafieu, Tibéri, faites une table ronde, ce serait d'ailleurs sympa.
Vous êtes député européen et vous vous intéressez passionnément à l'Europe.
Le mot est un peu excessif.
Vous vous intéressez beaucoup à l'Europe sinon vous ne seriez pas à Strasbourg et à Bruxelles, Monsieur Pasqua. Je vous propose donc de nous dire ce que vous pensez du plan que le ministre des Affaires étrangères allemand a prononcé, a énoncé plus exactement, proposé il y a une dizaine de jours et qui depuis a eu pour vertu en tout cas de ranimer le débat européen que l'on disait bien assoupi pour le 50ème anniversaire de la déclaration Schuman.
Avec nous en duplex de Berlin Christophe Bertram, politologue et directeur de la Fondation politique de Berlin.
S'agissant du projet Fischer, vous avez trouvé des ingrédients qui vous semblent intéressants ?
Ecoutez, ça alors c'est un autre problème. Dans quelle situation sommes-nous ? Nous sommes dans une situation qui découle directement des erreurs commises dans les années précédentes et notamment lors de la rédaction de la signature du traité de Maastricht. On a oublié tout ce qui pouvait conduire à une Europe politique, on n'a rien fait dans ce domaine. On peut dialoguer, on peut discuter sur le type d'Europe mais le fait qu'il n'y ait aucune autorité ou en tous les cas que la seule autorité qui pourrait s'exprimer qui est le Conseil européen, ne le fasse pas et que nous ayons une organisation de l'Europe qui est hybride, a entraîné les conséquences que l'on sait. Aujourd'hui, nous avons une monnaie qui s'appelle l'euro, qui est une monnaie flageolante, nous le voyons bien les uns et les autres ; alors pour le moment, on ne réagit pas trop parce que ça aide aussi bien la France que l'Allemagne que les autres membres de l'euro dans le cadre des exportations.
Et ça empêche surtout les fantaisies monétaires au sein même de l'Union européenne.
Oui, mais ça va avoir d'autres conséquences à court terme ou à moyen terme en tous les cas, c'est qu'à l'heure actuelle, nous avons en Europe d'une manière générale et en France en particulier beaucoup de fonds de pension anglo-saxons qui ont perdu en réalité 25% de leurs investissements et tout ça peut avoir des conséquences. L'euro a eu un autre avantage - et que nos amis allemands m'excusent - ça a eu un autre avantage, c'est en réalité de faire accepter à l'Allemagne la dévaluation dans les faits, la dévaluation de sa monnaie. Alors qu'aujourd'hui les Allemands veuillent un pouvoir politique, je le comprends.
Monsieur Bertram, vous êtes d'accord avec cette analyse à la serpe de Monsieur Pasqua ?
Je ne suis pas assez relaxé sur la question de l'euro ; il paraît que ça va changer, on ne sait pas quand mais au fond, la question principale, c'est l'efficacité de l'Europe et là évidemment on a l'expérience qu'on a faite que l'intergouvernemental ne peut pas achever ça. Donc ce système hybride dont parle Monsieur Pasqua est un système nécessaire. D'ailleurs je crois qu'il y a peut-être un malentendu sur le projet Fischer : ce n'est pas une fédération pure et simple ; il redonne du poids à l'Etat national et c'est un projet en trois étapes. Première étape : flexibilité et coopération renforcée, deuxième étape, un noyau dur suffisamment flexible pour accepter d'autres ; et troisième étape, une Constitution pour cette Europe et je crois qu'on se rend compte que cette Constitution est nécessaire, c'est aussi d'ailleurs dans l'histoire, dans la tradition européenne de régler des affaires de genre-là, d'avoir un contexte constitutionnel qu'on n'a pas jusqu'à maintenant.
Précisément à propos du plan Fischer, Monsieur Chevenement, le ministre de l'Intérieur, que vous appréciez par ailleurs Monsieur Pasqua, a tenu des propos assez tonitruants, c'était ce matin sur France 2 :
" Nous sommes en présence d'une tendance de l'Allemagne à imaginer pour l'Europe une structure fédérale qui correspond à son modèle. Au fond, elle rêve toujours du Saint Empire Romain Germanique, elle ne s'est pas vraiment guérie de ce déraillement qu'a été le nazisme dans son histoire, alors elle a une conception de la Nation qui est celle du " Volk " et il faudrait l'aider à se forger une autre idée de la Nation, l'idée de la Nation citoyenne. "
Alors ces propos, je le dis tout de suite, suscitent l'indignation notamment celle de Monsieur Giscard d'Estaing qui était tout à l'heure l'invité de RTL-Le Monde, celle de Daniel Cohn-Bendit qui demande un rappel à l'ordre de Monsieur Chevenement. Monsieur Bertram, à vous l'honneur, quelle est votre riposte à ces propos ?
Je ne reconnais pas la réalité ni de l'Europe ni de l'Allemagne et je crois que bien que je reconnaisse le sentiments, je n'ai pas l'impression que Monsieur Chevènement s'est rendu ni en Allemagne ni en Europe ; ça ne nous aidera pas beaucoup à analyser les choses et à avancer.
Est-ce qu'il a déraillé ?
Ecoutez, moi je ne vais pas porter de jugement sur Monsieur Chevènement.
Pourquoi pas ? Chaque fois que je vous pose une question, vous me dites " je ne vais pas porter de jugement ".
Vous me laissez terminer ! Vous permettez, alors si vous voulez faire à la fois la question et la réponse, je vous laisse faire. Bon. Je n'ai pas l'intention de juger ce que dit Chevènement. Ce que vous pouvez me demander, c'est si je suis d'accord avec ses propos,
C'est ça, c'est ce que je vous demande. Reformulons-le ainsi.
Ca, c'est un autre problème. Moi je sais que cette théorie, elle existe, a été exprimée depuis longtemps, qu'il y ait de la part de l'Allemagne, disent certains, une tendance à rêver à la reconstitution de l'empire et ce serait ainsi à nouveau l'affrontement entre l'empire et le royaume. Moi, je sui suffisamment attaché à la qualité des relations entre la France et l'Allemagne pour peser soigneusement les mots. Je crois que ça n'a rien à voir et que ça n'inspire pas à l'heure actuelle la conduite de dirigeants allemands en aucune manière. Alors faisons attention à ne pas réveiller de vieilles querelles.
Monsieur Pasqua, on a un peu l'impression tout de même que malgré votre combat, cette idée de thème fédéraliste avancée par les Allemands, relayée un peu par les Français, est en train un peu de progresser en Europe. Est-ce que vous n'êtes pas un peu découragé ?
Je ne suis absolument pas découragé ; je ne crois pas du tout qu'elle progressera. Elle ne peut pas dans le contexte actuel, je reconnais un mérite aux propositions de Monsieur Fischer, c'est d'abord d'exister et de permettre qu'il y ait un débat européen. Il faut qu'il ait lieu, ce débat, mais à condition,
On a l'impression que le gouvernement français adhère à cette idée,
Non, non, à condition que ce débat n'ait pas lieu seulement entre spécialistes ou entre gouvernements, que ce débat ait lieu aussi avec les peuples parce qu'on n'a jamais demandé aux peuples ce qu'ils veulent, on ne leur a jamais demandé le type d'Europe.
On les a quand même consultés plusieurs fois et dans chacun des pays membres.
Oui, mais on ne leur a jamais posé les vraies questions : voulez-vous une Europe confédérale, voulez-vous une Europe des Etats, voulez-vous une Europe fédérale ?
Mais là, c'est un projet politique que vous dénoncez par ailleurs...
Que je dénonce, c'est mon droit, ça ne veut pas dire pour autant qu'il ne faille pas que le débat n'ait pas lieu, il faut que le débat ait lieu, ou alors vous contentez-vous d'une zone de libre échange ? Voilà. Parce que c'est vers ça que nous allons,
Donc vous êtes hostile à ce que ce soit une zone de libre échange.
Oui, mais c'est ce vers quoi nous allons parce que je pense...
S'il n'y a pas d'Europe politique,
Mais il n'y aura pas d'Europe politique, il ne faut pas se faire d'illusions, en tous les cas pas dans un avenir proche. J'imagine mal que lors de la présidence française dans les six mois qui viennent.
Il n'y aura pas d'accord sur la conférence intergouvernementale ?
Ce sera déjà difficile parce qu'il faudra faire accepter un certain nombre de petits pays, l'abandon d'un poste de commissaire, l'abandon d'un certain nombre de postes qu'ils ont actuellement - si on va dans le sens souhaité par la commission - la diminution du nombre de leurs parlementaires etc ; et puis surtout il faut se mettre d'accord sur le vote à la majorité qualifiée et notamment pour les 80 sujets importants sur lesquels il n'y a pas encore eu d'accord.
Monsieur Pasqua, les partisans du fédéralisme gagnent jusqu'au cur de l'Elysée puisqu'on a appris que Monsieur Jérôme Monod qui est un ancien secrétaire général du RPR et l'ancien président de Lyonnaise des Eaux, est devenu un partisan ardent du fédéralisme pour l'Europe, qu'il a écrit un livre sur la question, qui veut un président élu à l'échelle de l'Europe.
Qu'il m'a envoyé et que j'ai lu,
Eh bien monsieur Monod va rejoindre Monsieur Chirac.
Tant mieux pour Monsieur Chirac.
Vous êtes très pessimistes sur la présidence française qui s'annonce ?
Je crois qu'il ne faut pas se faire trop d'illusions parce que pour ce que je connais, pour ce que j'ai vu - j'ai fait quelques voyages en Europe notamment dans des petits pays - et je sais qu'ils n'ont aucune envie d'abandonner les derniers moyens qui leur restent de défendre leurs intérêts vitaux. Alors l'idée de passer à la majorité qualifiée dans un certain nombre de domaines, dans le même temps de diminuer le nombre de commissaires etc, est une idée qui sera difficile à faire passer ; et comme de toute façon, il faut l'accord des Quinze, ce sera compliqué. Je voudrais dire un dernier mot : la structure que propose Monsieur Fischer est une structure extrêmement compliquée. Nous allons d'abord garder les quinze tels qu'ils sont, avec leur structure ; on continuera donc à avoir la Commission, à avoir le Conseil européen, à avoir le Parlement européen, et dans le même temps,
Et un Sénat,
Non, mais ça, c'est dans la deuxième structure,
Deuxième étape,
Avec ceux qui voudront, c'est-à-dire avec ceux qui créeront ce noyau fédéral ou fédératif comme dit Giscard etc, on inventera de nouvelles structures, c'est-à-dire que là on aura à nouveau un système avec un Parlement, deux chambres, un président et naturellement tout ça sera composé seulement de ceux qui veulent bien y participer. On aura donc non par les 15 puisque là on sera 27 ou 28,mais peut-être on recommencera à 6 ou à 8, tout ça me paraît, c'est une belle construction intellectuelle mais sur le plan de la réalité politique, ça me paraît plus compliqué. Cela étant, c'est vrai que l'Europe a besoin de projets et c'est vrai que jusqu'à présent - et je regrette un peu que l'idée vienne de l'Allemagne, bon on reconnaîtra mon caractère un peu attaché à la France - bon, je trouve que jusqu'à présent, l'Europe manquait de projets et de visions et que les chefs d'Etat et de gouvernement n'avaient en réalité aucune vision.
Donc là, il y en a une au moins.
Il y en a une, que je combattrai mais il y en a qu'une.
Monsieur Pasqua, une dernière question d'actualité qui est liée à l'Europe, Monsieur Pasqua, Sidi Ahmed Rezala est détenu aujourd'hui au Portugal - on parle de l'Europe - et la France a du mal visiblement à l'extrader, je rappelle qu'il est accusé du meurtre de trois femmes. Est-ce que là, l'idée européenne qui tendrait vers une bonne harmonisation de la justice, est-ce que là, il n'y a pas de progrès à faire tout de même ?
On ne va pas harmoniser la législation en prenant pour exemple un cas précis.
Le Portugal est un pays proche, on a du mal à extrader Monsieur Rezala qui a donné une interview dans le Figaro Magazine,
Ecoutez ça alors c'est une affaire de journalistes, vous ne voulez pas que je me mette à critiquer les journalistes.
Non, non, mais j'imagine que vous avez dû lire cette confession. Loin de nous cette idée, ça franchement
Lorsqu'on fait une demande d'extradition, on connaît parfaitement la législation du pays et on sait très bien que si dans la législation française, il y a une peine supérieure à celle ce pays, on n'obtiendra pas l'extradition, ou alors on prend l'engagement - mais je ne vois pas comment on pourrait le prendre - que la peine qui sera proposée, ne sera pas supérieure à celle qui existe dans les pays où se trouve la personne que l'on veut extrader.
Donc, il n'y a pas grand chose à faire.
Il n'y a pas grand chose à faire, si, sûrement qu'il y a quelque chose à faire.
Sinon faire progresser l'Europe judiciaire quand même.
La décision, c'est mercredi.
Moi je souhaiterais qu'il soit extradé, bien entendu, la question ne se pose pas.
Il est temps maintenant de passer au duel avec ce soir le député communiste de Seine-Saint-Denis, Patrick Braouzec.
Monsieur Pasqua, bonsoir, je m'attendais à voir madame de Panafieu, c'est ce qu'on m'avait dit hier.
Je suis désolé, je ne présente pas à votre égard les mêmes attraits que Madame de Panafieu, ça j'en suis conscient,
Monsieur Pasqua, c'est vrai. Mais on va peut-être revenir sur des choses un peu plus sérieuses. Vous me permettrez de revenir d'abord sur le quinquennat. Je suis pour ma part, comme vous, partisan du septennat non renouvelable. Nous en avons discuté dans mon parti aussi ; je suis surtout d'ailleurs convaincu que ce dont a besoin notre pays aujourd'hui, c'est d'une réforme institutionnelle beaucoup plus importante. La question du statut de l'élu, la question du rôle accru du Parlement, celle de la non représentativité du Sénat actuel, celle aussi des moyens nécessaires à une participation plus importante dans notre pays me semblent au moins être aussi importantes que celle de la durée du mandat présidentiel.
Sans oublier quelque chose, sur quoi vous serez certainement d'accord, c'est-à-dire relancer la décentralisation et aller jusqu'au bout de cette démarche.
Tout à fait, effectivement aller plus loin dans la décentralisation. Dons on sent que nous avons une Constitution qui n'est peut être plus tout à fait adaptée à notre société, si j'en crois d'ailleurs le nombre de fois que nous sommes passés à Versailles au niveau du Parlement ces dernières années. Ne pensez-vous pas qu'il est nécessaire aujourd'hui d'arrêter ce toilettage permanent et de travailler à une autre Constitution, qui serait donc, qui nous ferait rentrer dans VI ème République et qui mettrait au cur de son fonctionnement le rôle du citoyen ?
Alors que l'on mette au cur du fonctionnement de la République le rôle du citoyen, ça ma paraît un objectif sur lequel tout le monde devrait s'entendre, ça me paraît évident ; qu'on ait besoin pour cela d'une nouvelle Constitution, je ne vous surprendrai pas en disant que tel n'est pas mon avis. Je sais bien que lorsqu'on est confronté à des difficultés dans ce pays, la tendance naturelle, c'est de dire " on va changer la Constitution ".
Mais on la change régulièrement aujourd'hui.
Oui, c'est un peu dommage, c'est un peu regrettable parce qu'on est en train d'en faire un patchwork alors qu'on pourrait résoudre un certain nombre de problèmes autrement d'ailleurs que par la Constitution. Que l'on traite, par exemple ce dont nous parlions tout à l'heure, c'est-à-dire des avancées nouvelles dans la voie de la décentralisation et de la déconcentration parce que nous voyons bien - vous êtes maire, moi je suis président de conseil général - vous êtes maire d'une ville importante et on voit bien qu'en réalité, les problèmes, on les règle plus facilement quand on est proche des gens que lorsqu'on a une administration hyper-centralisée et un peu lointaine. Et c'est moi qui dis ça, vous voyez,
Sur ce sujet,
Autant j'étais jacobin mais ça ne m'empêche pas de penser qu'il faut aller plus loin,
Je suis aussi un peu jacobin. J'y reviendrai dans ma deuxième question ; mais sur cette question, je suis d'accord avec vous que la Constitution en elle-même ne règle pas toutes les questions ; néanmoins on sent bien aujourd'hui que notre démocratie représentative ne représente plus beaucoup notre pays, que ce soit au sein d'ailleurs des instances qui sont censées représenter la diversité de notre pays,
C'est pour d'autres raisons,
Quelles sont ces raisons ? Si ce n'est que nous avons aussi un Sénat qui aujourd'hui ne représente plus,
On va y venir,
Le pays dans sa diversité,
On va y venir si vous voulez. Je pense que le problème auquel nous sommes confrontés, qui est beaucoup plus grave pour la démocratie, c'est le désintérêt que manifestent un certain nombre de Français envers les institutions, envers les institutions et envers les élus ; et je crois que c'est en grande partie de notre faute, pas de la vôtre ni de la mienne, vous êtes un homme de convictions, je le suis aussi, d'autres aussi, nous sommes par les seuls, mais je dirais que d'une manière globale, les hommes politiquent donnent trop l'impression de se déterminer non pas en fonction de leurs convictions mais en fonction de leur intérêt et ça, les Français le sentent. Ca, je crois que c'est un premier point. Le deuxième point, voyez-vous, je crois que le mode de scrutin actuel pour l'élection des députés, est bon ; il ne faut pas changer le scrutin d'arrondissement ; ce n'est pas parce que j'ai fait le dernier découpage d'ailleurs où vous m'aviez fait bénéficier d'une superbe affiche où on me voyait en charcutier,
Tout à fait,
Vous m'en avez fait cadeau, je l'ai toujours !
Vous avez découpé Saint-Denis en deux circonscriptions.
Oui. Ca ne vous a pas empêché d'être élu.
Non, mais ça a quand même crée un gros problème parce qu'on a d'un côté, la ville ville et la ville aussi qui était la ville avec l'emploi etc, qui a été coupée du centre-ville de Saint-Denis.
Depuis il y a davantage d'activité économique, ça s'est arrangé,
Oui, mais enfin c'est dû beaucoup à notre activité aussi.
Grâce au Grand stade aussi.
Oui, aussi.
Alors par contre, tout en maintenant le scrutin d'arrondissement, moi je crois qu'il faut que toutes les sensibilités politiques soient représentées au Parlement parce que s'il doit y avoir un débat ou si on doit s'empoigner, il vaut mieux que ça ait lieu au Parlement qu'ailleurs. Je suis donc partisan qu'il y ait une dose de proportionnelle. Je suis partisan qu'on ait un peu un système à l'allemande, c'est-à-dire un pourcentage de députés qui soient élus sur une liste nationale - ça présenterait d'ailleurs un autre intérêt, c'est qu'un certain nombre de responsables politiques nationaux seraient dégagés des contraintes du scrutin d'arrondissement - ça ne veut par dire pour autant qu'ils devraient perdre le contact avec le peuple, mais ils pourraient se consacrer davantage à réfléchir à l'essentiel, à ce qui est bon pour le pays. Bon. Donc moi je suis partisan d'une introduction de proportionnelle. Le Sénat, oh ! c'est un vieux débat ça ! La Constitution dit que le Sénat est représentant des collectivités territoriales et du territoire.
Mais elles ont quand même beaucoup changé aujourd'hui, ces collectivités territoriales ! 80% des gens vivent en ville, ce qui n'était pas le cas au moment où le Sénat a été créé.
Oui, mais moi je suis ancien ministre de l'Aménagement du Territoire, je crois que le concentration des populations dans les grandes villes est insupportable et qu'il ne faut pas l'accélérer. Au contraire, tout ce qu'on peut faire pour maintenir les gens dans l'espace rural, il faut le faire. Alors le système actuel n'est pas parfait ; il faudrait certainement revoir non pas le mode d'élection des sénateurs mais probablement les circonscriptions de façon à retrouver un certain équilibre. Mais le Sénat ne peut pas être la doublure de l'Assemblée nationale ; à l'Assemblée nationale, les gens sont élus en fonction de la population ; le Sénat est également représentatif du territoire et je crois que ça, c'est une notion qu'il faut garder, peut-être faut-il l'améliorer.
Il faut sans doute l'adapter. Vous me permettez de vous poser une deuxième question.
Il ne faut pas qu'on ait l'air d'être d'accord sur tout parce que...
Oui, je sais, et pourtant il y a pas mal de choses sur lesquelles nous sommes d'accord et notamment sur la question que vous avez évoquée tout à l'heure, sur l'opinion publique et je préfère effectivement, moi qu'on fasse de la politique plutôt qu'on s'attache à ce que pense l'opinion. Ma deuxième question portera sur un aspect que j'ai évoqué, sur le fait qu'il y a 80% des gens aujourd'hui dans les villes et la ville devient un lieu de solidarité et de redistribution des richesses. Cela étant, ceci n'est pas nécessaire - et c'est là où je reviens à ma position un peu jacobine moi aussi - et il faut une solidarité nationale. Vous savez qu'aujourd'hui, dans nos deux assemblées, une loi dite SRU est discutée, qui notamment obligerait un certain nombre de villes qui ne construisent pas de logements sociaux à le faire. Que pensez-vous de l'attitude de ces maires de droite en grande majorité, qui annoncent aujourd'hui qu'ils n'appliqueraient pas cette loi et qui d'ailleurs d'une manière plus générale en fait, dénient ceux qui ont des difficultés à vivre dans leur commune ?
Ecoutez, moi j'ai l'habitude de dire ce que je pense, donc premièrement, je crois que quand il y a une loi, on l'applique, si on est républicain, c'est comme ça, bon autrement on choisit un autre système.
Il y a différentes façons de ne pas appliquer la loi d'ailleurs.
Oui, oui, je sais. Alors on peut discuter sur la loi elle-même ; on peut dire que les chiffres qui ont été fixés, sont trop importants, qu'il faut avoir une approche un peu plus modérée. Tout ça, ça relève du débat démocratique ; mais sur le principe, à savoir que l'on puisse réaliser un meilleur équilibre entre les populations, personne ne peut y être hostile mais ne faites pas de ça un cheval de bataille parce que si vous regardez les communes.
Mais pourtant ce sont des villes dont les maires sont de droite, qui aujourd'hui refusent ceci ; ils refusent d'une manière catégorique le fait que leur ville puisse à un moment ou à un autre accueillir des gens qui sont, je ne dis même pas des gens qui sont pauvres, je dis des gens qui sont en difficulté.
Les gens pauvres et les gens en difficulté, ils ont le droit de vivre comme les autres.
C'est ce que je pense, oui, fondamentalement.
Ils ont le droit de trouver un logement comme les autres.
Mais un peu partout.
Oui, bien sûr, il n'y a pas de problème. La loi le permettait déjà puisqu'il y avait un certain nombre de taxations lorsqu'on ne construisait pas de logements sociaux.
Mais certaines villes préfèrent payer.
C'est vrai. C'est vrai.
Que d'accueillir.
Eh bien il y a certainement comment dirais-je, un peu de formation civique à faire.
Je crois. Une dernière question très rapide je pense, j'ai été très surpris mais agréablement surpris quand il y a quelques mois, presque une année ou deux, vous avez pris parti pour la régularisation des sans-papiers, dans un article du Monde. Vous connaissez l'importance que j'attache au fait que les sans-papiers.
Je sais ce que vous faites, je vois que de temps en temps dans votre mairie
Les sans-papiers qui ont effectivement demandé à être régularisés, puissent l'être, ceci d'autant qu'on est aujourd'hui dans une situation où on sait très bien qu'on aura besoin encore de main-d'uvre étrangère dans les années qui viennent. Alors pourquoi ne pas régulariser effectivement ceux qui aujourd'hui sont sans-papiers mais qui travaillent depuis un certain temps dans ce pays ? J'ai trouvé que votre position était à la fois juste sur ces principes -quand j'avais lu cet article, je n'avais rien eu à redire, encore pour une fois vous allez me dire - et je pense par contre qu'elle a déboussolé un certain nombre de vos partisans.
Oui, parce que je comprends très bien mais je crois que dans la vie, il faut être clair. Premièrement, je ne suis pas partisan de la régularisation de tous les sans-papiers qui se trouvent en France. Ca, c'est clair. Je considère que la France a le droit de décider par elle-même de la qualité, de la quantité des étrangers qu'elle peut recevoir ; c'est à la France de le décider et à personne d'autres. Dans l'affaire qui nous concerne, moi j'avais prévenu le ministre de l'Intérieur lorsque le débat a été mené au Sénat, je lui avais dit : vous ne savez pas du tout dans quoi vous mettez les mains là parce que vous ignorez combien il y en a, des immigrés clandestins ; bon, s'il y en a 10 000, il n'y a pas de problèmes, s'il y en a 20 000, très bien ; s'il y en a 200 000, vous êtes dans un autre cas de figure. Et alors ce que j'ai trouvé anormal de la part du gouvernement et d'un gouvernement de gauche, c'est que finalement le sentiment qu'ont eu les étrangers qui vivaient en situation irrégulière, c'est qu'on leur a dit : allez vous faire inscrire dans les préfectures. Et quand on leur a dit : allez vous faire inscrire dans les préfectures, naturellement aucun d'entre eux n'a pensé que c'était pour les expulser ; ils ont pensé que c'était pour régulariser leur situation.
Naturellement.
Ils y sont donc allés avec une certaine confiance. Et je dis que dans ce cas de figure, je pense qu'il y avait de la part de l'Etat une sorte d'engagement moral. Et à partir du moment où on en a régularisé la moitié, on a eu une attitude indigne parce que les autres, si on avait dit aux autres " vous ne pouvez pas rester et donc on va prendre les mesures nécessaire pour que vous repartiez chez vous ", ça peut se discuter, on peut être pour, on peut être contre mais c'était une attitude compréhensible. Mais l'attitude des pouvoirs publics qui a consisté à dire : on ne vous régularise pas mais faites ce que vous voulez, on ne veut pas le savoir,
Vous êtes d'accord avec moi, c'était soit une attitude de trahison ou d'hypocrisie.
Voilà, ce n'était pas convenable ; c'est la raison pour laquelle... donc vous serez samedi prochain à la manifestation avec les sans-papiers pour leur régularisation !
Je ne participe jamais à aucune manifestation. J'ai été trop appelé dans le passé à m'occuper de manifestation vous le savez.
Justement, vous les connaissez de l'extérieur !
Oui, mais vous ne voulez pas que je me transforme en manifestant !
Monsieur Braouzec, merci pour tous ces points d'accord que vous avez dégagés avec Monsieur Pasqua.
Oh ! On a aussi des points de désaccord!
Monsieur Pasqua, merci d'avoir répondu à notre invitation ce soir.
Merci bien.
(source http://www.rpfie.org, le 22 mai 2000)