Texte intégral
Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux que cette conférence européenne sur l'exclusion en milieu rural, à laquelle j'ai le plaisir de participer, puisse se tenir durant la présidence française de l'Union européenne.
D'abord, parce que la tenue de cette conférence à laquelle participent des représentants des Etats membres de l'Union européenne marque bien la prise de conscience du fait que la précarité doit être appréhendée au sein des politiques sociales au niveau européen. Or, vous savez que depuis 1997, la France plaide pour un renforcement sensible du volet social des politiques menées par l'Union. La lutte contre les exclusions est d'ailleurs inscrite au nombre des priorités que la France entend défendre durant la présidence de l'Union.
Ensuite, parce que cette conférence est consacrée à la précarité en agriculture alors que les phénomènes d'exclusion ne sont généralement appréhendés que dans un cadre urbain.
Or ce thème constitue pour moi une priorité : la lutte contre les phénomènes d'exclusion, et la prévention de ces phénomènes nécessitent la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés, afin d'aboutir à une action coordonnée abordant les multiples aspects de l'exclusion.
Enfin, je me félicite de la tenue de cette conférence parce qu'elle se tient à l'initiative de la mutualité sociale agricole dont je connais l'engagement et l'efficacité de l'action dans la lutte contre la précarité.
Je sais qu'elle en a fait un thème prioritaire de ses réflexions institutionnelles depuis ses journées nationales d'Arras de 1998 et que l'effort de l'ensemble des caisses en vu d'atteindre les objectifs qui ont alors été fixés demeure soutenu.
Avant d'en venir à l'approche sociale de l'exclusion, je voudrais revenir en quelques mots sur ce que vient de dire Mme SAFILIOU et qui me paraît profondément juste. Je veux parler en particulier des aides européennes à l'agriculture, ce qu'on appelle les primes PAC car
- elles représentent beaucoup d'argent
- un argent très inégalement réparti : 20 % des exploitations perçoivent 80 % des aides
- donc très mal adaptées à la défense de la petite exploitation familiale. Or l'agriculture est diverse.
- et fondées sur les critères très productivistes
- playdoyer pour une redistribution et une réorientation autour de nouveaux critères dont l'emploi
- on a commencé dans l'Agenda 2000 avec le deuxième pilier de la PAC, le développement rural. Ma conviction est qu'il faut aller plus loin. Le débat sur la répartition des aides est fondamental
1. L'exclusion en milieu rural est l'expression de problèmes sociaux sur lesquels j'ai souhaité qu'on se penche activement avec les acteurs concernés, car ces problèmes constituent un véritable défi.
La structure des revenus en agriculture a, de longue date, conduit à des phénomènes d'exclusion qui sont souvent négligés.
Pour mieux lutter contre ces phénomènes, il est nécessaire d'en comprendre les mécanismes et leur processus de formation. C'est pourquoi j'ai commandé plusieurs études sur le sujet.
La plus achevée à ce jour est celle réalisée par l'INRA, sur le revenu minimum d'insertion en agriculture et dont les conclusions viennent de m'être remises.
Elle montre que certains groupes spécifiques disposent de très bas revenus, comme les exploitants travaillant sur de faibles superficies, avec des techniques peu efficaces.
Ces bas revenus concernent également les jeunes installés non aidés, les conjoints, la grande masse des retraités agricoles et les salariés agricoles.
Ceci montre la diversité des approches nécessaires à une correcte appréhension des phénomènes de précarité, pour s'adapter aux différents publics concernés : qu'il s'agisse des salariés ou des non salariés agricoles, dont les caractéristiques doivent être abordées de façon différente, il convient en effet, en vue d'une démarche efficace de prévention ou de sortie de la précarité, de juxtaposer les dispositifs économiques, sociaux, médicaux et socio-culturels.
A cet égard, je tiens à souligner le travail effectué depuis plusieurs années par la Mutualité sociale agricole, en matière de lutte contre la précarité.
Forte de son organisation en guichet unique et de sa proximité avec ses ressortissants, la mutualité sociale agricole est à même de détecter les processus de fragilisation de certains exploitants.
La mutualité sociale agricole a ainsi pu sensibiliser ses différents partenaires afin que ces situations soient mieux prises en compte et qu'une approche préventive puisse être développée.
Les contrats d'objectifs et de gestion qui ont été signés par chaque caisse départementale ou pluridépartementale avec la caisse centrale intègrent les engagements de chaque caisse dans la réalisation du plan de lutte contre la précarité arrêté en 1998.
Les actions ainsi mises en uvre permettent de mieux détecter et de mieux prévenir les risques d'exclusion et de mieux traiter les personnes qui en sont victimes.
L'organisation de la mutualité sociale agricole en guichet unique est un atout précieux en la matière puisqu'il permet notamment une prise en charge globale et une prévention sanitaire et sociale.
Par ailleurs, la convention d'objectifs et de gestion, signé entre les pouvoirs publics et la caisse centrale de mutualité sociale agricole le 23 décembre 1998, exprime notre volonté de permettre aux caisses de mutualité sociale agricole de développer leur action générale en matière d'action sanitaire et sociale. A cette époque, le régime agricole disposait, dans ce domaine, de moyens inférieurs à ceux du régime général. L'objectif est de tendre vers la parité. C'est ainsi que les ressources de l'action sanitaire et sociale ont été augmentées de
150 MF entre 1999 et 2000, passant de 1300 MF à 1450 MF.
Il faut aussi rappeler l'action, tout aussi indispensable, des autres acteurs institutionnels engagés sur ce terrain et notamment celle des associations.
2. La lutte contre la précarité en milieu rural peut se faire au moyen des instruments que le Gouvernement a mis en place contre l'exclusion.
En premier lieu, le gouvernement a fait adopter la loi d'orientation du 28 juillet 1998 de lutte contre les exclusions sur laquelle un bilan d'étape a été dressé à la mi septembre.
C'est ainsi que 42 milliards de francs, contre 38 milliards initialement prévus dans le programme triennal d'action pour la période allant de 1998 à 2000, ont été consacrés par l'Etat à l'action en faveur des personnes les plus démunies.
Ces crédits, qui pour la plupart sont dorénavant inscrits de manière pérenne dans les budgets ministériels, ont contribué à d'importantes améliorations notamment en matière d'insertion professionnelle, de logement et de santé.
Les difficultés liées au logement sont des facteurs d'exclusion qui avaient déjà été perçus par Roger QUILLOT le regretté maire de Clermont-Ferrand, dont je tiens à saluer ici la mémoire, lorsqu'il avait défendu sa loi devant le Parlement en 1989.
A ce titre, je tiens à souligner également l'importance des actions menées localement comme c'est le cas dans le sud de la France où un protocole d'accord a été signé avec l'Etat, les collectivités locales, l'OPAC et les associations de défense d'agriculteurs en difficulté. Certains agriculteurs confrontés à une liquidation judiciaire pourront ainsi être maintenus à leur domicile.
En second lieu, le gouvernement a fait adopter la loi du 29 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.
Cette loi permet aux personnes à revenus modestes de posséder d'une part, une couverture maladie de base lorsqu'elles ne peuvent bénéficier d'un régime professionnel d'assurance maladie à aucun titre et, d'autre part, d'une couverture maladie complémentaire avec dispense de frais, sous conditions de ressources.
Ce sont ainsi, en agriculture, 149 000 personnes qui bénéficient d'une couverture maladie complémentaire gratuite.
En ce qui concerne le régime agricole, les structures d'accueil nombreuses et décentralisées ont permis de bien maîtriser la montée en charge de ce dispositif récent.
Enfin, face à l'échec de la prestation spécifique dépendance instituée par la loi du 24 janvier 1997, le gouvernement réfléchit à la mise en place d'un nouveau dispositif pour mieux répondre aux problèmes sanitaires et sociaux des personnes âgées.
Ce projet de réforme qui est encore en cours de discussion interministérielle devrait être discuté par le Parlement dans le courant de l'année 2001.
Il mettra en place une prestation dont le montant sera fonction des revenus et du niveau de dépendance des personnes concernées. Reprenant les conclusions du rapport de Jean-Pierre Sueur, maire, il prévoit un montant unique d'allocation avec un droit de tirage que la personne âgée dépendante pourra utiliser totalement ou partiellement moyennant le paiement d'un ticket modérateur.
3. Il est également nécessaire de travailler à prévenir la précarité dans le monde agricole. J'ai souhaité mettre en uvre des instruments adéquats.
Tout d'abord, ces instruments permettent de réévaluer les prestations sociales.
La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a permis la création d'un nouveau statut de conjoint collaborateur permettant l'acquisition de droits à la retraite qui sans être ceux ouverts à un chef d'exploitation sont considérablement revalorisés et ouvrent droit à une créance de salaire différé sur l'exploitation.
Par ailleurs, le plan pluriannuel de revalorisation des pensions de retraite, engagé depuis 1997 et qui doit s'achever en 2002, se poursuit cette année avec 1,2 milliards de francs inscrits dans le budget de l'Etat, soit 1,6 milliards en année pleine.
Aucun gouvernement n'aura procédé à une revalorisation des retraites agricoles d'une telle ampleur et à un tel rythme.
Elle a permis une importante diminution du nombre de bénéficiaire du minimum vieillesse. Alors qu'en 1997 ils étaient 274.000, ils ne sont plus que 178.000 cette année, soit une baisse de 35 %. Ce chiffre est amené à diminuer encore d'ici 2002. Cette baisse a également entraîné la diminution du nombre de bénéficiaires de minima sociaux gérés par le régime agricole. Il a ainsi chuté de 30 % entre 1993 et 1998.
En cinq ans, de 1997 à 2002, vingt-huit milliards de francs auront ainsi été mobilisés au sein du budget annexe des prestations sociales agricoles, afin d'augmenter le niveau des pensions. Celui-ci aura alors augmenté, par rapport à 1997, de près de 80 % pour les conjoints et les aides familiaux, de près de 45 % pour les personnes veuves et de près de 30 % pour les chefs d'exploitation.
Nous travaillons, pour aller au-delà, à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition pour les chefs d'exploitation. Quand je dis "nous y travaillons" je devrais préciser "nous y travaillons activement avec l'aide du Parlement".
Cet effort se conjugue avec celui impulsé par le gouvernement en faveur de la baisse des charges.
En terme de réduction des charges sociales et à l'horizon 2003, les agriculteurs bénéficieront d'1,5 milliard de francs d'allégement d'impôt sur le revenu et d'1,3 milliard de francs d'allégement de CSG.
Cette dernière mesure d'exonération totale ou dégressive de la CSG en dessous d'1,3 SMIC va toucher 350 000 exploitants à bas revenus.
Nous travaillons également sur à une amélioration de la couverture des exploitants agricoles contre les accidents du travail.
En effet, dans le système actuel, les exploitants ne sont pas tous couverts et ceux qui le sont, ne bénéficient que de prestations insuffisantes.
Je vous ai déjà fait part de ma détermination pour que cette réforme soit inscrite à l'ordre du jour du Parlement dans le courant du premier semestre 2001. Je la renouvelle ici encore. Elle doit permettre de considérablement augmenter les prestations et d'impulser une véritable politique de prévention.
Par ailleurs, ces instruments permettent de favoriser l'emploi.
S'agissant des salariés agricoles, la lutte contre la précarité passe par une amélioration des dispositifs de promotion de l'emploi et de corrections des incitations au travail trop précaire.
Le travail saisonnier, particulièrement développé en agriculture, doit faire l'objet d'une attention soutenue car il est porteur d'une certaine précarité pour ne pas dire d'une précarité certaine ! Pour mieux répondre aux besoins de la profession tout en contribuant au développement de l'emploi dans des conditions permettant de lutter contre cette précarité, j'ai annoncé récemment des mesures supplémentaires d'allégement de charges en faveur du travail occasionnel qui ont pu être mises en application dès la saison d'été.
Dans ce cadre, les taux d'exonération de charges sociales des contrats de travail intermittents et des contrats à durée indéterminée ont été majorés par rapport à ceux applicables aux contrats à durée déterminée.
L'insertion professionnelle, là encore, n'est pas une dynamique exclusivement urbaine mais concerne aussi les populations rurales qui, je tiens à le souligner, proposent des initiatives intéressantes et originales.
Tel est le cas du réseau d'entreprises légumières d'insertion par l'économique (RELIE) qui a permis d'agir sur le problème de l'emploi et de l'exclusion en créant un réservoir de main d'uvre qualifiée en culture légumière.
Ce réseau est constitué de plusieurs entreprises de différents bassins de production légumiers où les problèmes de l'emploi sont importants. Il répond aux demandes de plus de 50.000 exploitants répartis sur l'ensemble du territoire et constitue un véritable " sas " vers l'emploi pour ceux qui doivent nécessairement passer par des structures adaptées avant de pouvoir postuler à un emploi sur le marché du travail.
Ce projet est d'autant plus intéressant que le secteur des fruits et légumes connaît des difficultés nouvelles. Les employeurs font aujourd'hui valoir leurs difficultés à recruter la main d'uvre nécessaire tandis que les salariés relèvent la précarité des conditions d'emploi dû essentiellement à la faible durée des contrats de travail ainsi qu'à la faiblesse de la rémunération, eu égard à la pénibilité de la tâche.
Au nombre des expériences pour lutter contre les précarités du travail en agriculture, je rappellerai aussi le protocole d'accord national tripartite en faveur de l'emploi en agriculture que j'ai signé avec la caisse centrale de mutualité sociale agricole en 1999 au cours du salon de l'agriculture.
L'objectif était de définir et de mettre en uvre des actions innovantes dans les départements volontaires afin de réduire les caractères de précarité de certains emplois agricoles et d'augmenter le nombre des emplois permanents.
Cet accord a notamment permis de consolider l'action des groupements d'employeurs qui répondent aux besoins souvent variés des exploitants agricoles quant à la durée et à la nature du temps de travail.
Au-delà de la prise en charge de la précarité en milieu rural, il convenait également de s'attaquer aux causes mêmes des phénomènes d'exclusion en agriculture. C'est ce que permet la nouvelle politique mise en place par le gouvernement depuis 1997
En effet, le développement pendant plusieurs décennies d'une agriculture axée sur le développement de la production a eu pour conséquence une concentration des exploitations et, donc, en corollaire, des difficultés économiques pour un nombre important d'exploitants.
Depuis 1997, le gouvernement a choisi d'encourager un autre mode de développement de l'agriculture en promouvant, notamment par la voie des contrats territoriaux d'exploitation, une véritable politique d'installation, et une agriculture multifonctionnelle intégrant comme objectif non seulement la production et la transformation des produits agricoles, mais également l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement, l'emploi.
Ces contrats sont de nouveaux outils. Je compte beaucoup sur eux.
On le voit, pour traiter l'exclusion dans son ensemble, il convient d'adopter une démarche pluridimensionnelle. Elle doit tenir compte tant des aspects macro et micro-économiques que des dispositifs d'accompagnement sanitaire et social. De plus, je l'ai dit, cette démarche doit être faite par une approche de plus en plus européenne.
Je connais un peu, assez bien l'exclusion en milieu rural. Pas parce que je suis ministre mais parce que je suis élu rural. L'exclusion est une plaie, une plaie de nos sociétés, une plaie qu'il nous appartient de soigner. Soigner non pas par des emplâtres sur des jambes de bois mais par des thérapies appropriées parfois complexes. Des multi-thérapies qui exigent que l'on commence par faire un bon diagnostic du mal, des examens sans fard, des analyses scrupuleuses. L'exclusion est une honte ? oui. Mais pour nous, pas pour eux, les exclus ! Elles nous imposent un devoir d'action. Avec la volonté d'aller au bout de cette action : il ne s'agit pas rendre l'exclusion plus douce. Il s'agit d'insérer dans la société et, notamment, d'insérer par l'emploi.
De ce point de vue, la lutte contre le chômage reste le B A-BA de toute action contre l'exclusion.
Les échanges qui auront lieu pendant cette conférence permettront, je n'en doute pas, d'asseoir ce constat, de fournir des exemples de la spécificité de l'organisation dans chaque pays des moyens de lutte contre la précarité en milieu rural et de fournir des pistes pour améliorer les dispositifs de prévention et de prise en charge.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 23 octobre 2000)
Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux que cette conférence européenne sur l'exclusion en milieu rural, à laquelle j'ai le plaisir de participer, puisse se tenir durant la présidence française de l'Union européenne.
D'abord, parce que la tenue de cette conférence à laquelle participent des représentants des Etats membres de l'Union européenne marque bien la prise de conscience du fait que la précarité doit être appréhendée au sein des politiques sociales au niveau européen. Or, vous savez que depuis 1997, la France plaide pour un renforcement sensible du volet social des politiques menées par l'Union. La lutte contre les exclusions est d'ailleurs inscrite au nombre des priorités que la France entend défendre durant la présidence de l'Union.
Ensuite, parce que cette conférence est consacrée à la précarité en agriculture alors que les phénomènes d'exclusion ne sont généralement appréhendés que dans un cadre urbain.
Or ce thème constitue pour moi une priorité : la lutte contre les phénomènes d'exclusion, et la prévention de ces phénomènes nécessitent la mobilisation de l'ensemble des acteurs concernés, afin d'aboutir à une action coordonnée abordant les multiples aspects de l'exclusion.
Enfin, je me félicite de la tenue de cette conférence parce qu'elle se tient à l'initiative de la mutualité sociale agricole dont je connais l'engagement et l'efficacité de l'action dans la lutte contre la précarité.
Je sais qu'elle en a fait un thème prioritaire de ses réflexions institutionnelles depuis ses journées nationales d'Arras de 1998 et que l'effort de l'ensemble des caisses en vu d'atteindre les objectifs qui ont alors été fixés demeure soutenu.
Avant d'en venir à l'approche sociale de l'exclusion, je voudrais revenir en quelques mots sur ce que vient de dire Mme SAFILIOU et qui me paraît profondément juste. Je veux parler en particulier des aides européennes à l'agriculture, ce qu'on appelle les primes PAC car
- elles représentent beaucoup d'argent
- un argent très inégalement réparti : 20 % des exploitations perçoivent 80 % des aides
- donc très mal adaptées à la défense de la petite exploitation familiale. Or l'agriculture est diverse.
- et fondées sur les critères très productivistes
- playdoyer pour une redistribution et une réorientation autour de nouveaux critères dont l'emploi
- on a commencé dans l'Agenda 2000 avec le deuxième pilier de la PAC, le développement rural. Ma conviction est qu'il faut aller plus loin. Le débat sur la répartition des aides est fondamental
1. L'exclusion en milieu rural est l'expression de problèmes sociaux sur lesquels j'ai souhaité qu'on se penche activement avec les acteurs concernés, car ces problèmes constituent un véritable défi.
La structure des revenus en agriculture a, de longue date, conduit à des phénomènes d'exclusion qui sont souvent négligés.
Pour mieux lutter contre ces phénomènes, il est nécessaire d'en comprendre les mécanismes et leur processus de formation. C'est pourquoi j'ai commandé plusieurs études sur le sujet.
La plus achevée à ce jour est celle réalisée par l'INRA, sur le revenu minimum d'insertion en agriculture et dont les conclusions viennent de m'être remises.
Elle montre que certains groupes spécifiques disposent de très bas revenus, comme les exploitants travaillant sur de faibles superficies, avec des techniques peu efficaces.
Ces bas revenus concernent également les jeunes installés non aidés, les conjoints, la grande masse des retraités agricoles et les salariés agricoles.
Ceci montre la diversité des approches nécessaires à une correcte appréhension des phénomènes de précarité, pour s'adapter aux différents publics concernés : qu'il s'agisse des salariés ou des non salariés agricoles, dont les caractéristiques doivent être abordées de façon différente, il convient en effet, en vue d'une démarche efficace de prévention ou de sortie de la précarité, de juxtaposer les dispositifs économiques, sociaux, médicaux et socio-culturels.
A cet égard, je tiens à souligner le travail effectué depuis plusieurs années par la Mutualité sociale agricole, en matière de lutte contre la précarité.
Forte de son organisation en guichet unique et de sa proximité avec ses ressortissants, la mutualité sociale agricole est à même de détecter les processus de fragilisation de certains exploitants.
La mutualité sociale agricole a ainsi pu sensibiliser ses différents partenaires afin que ces situations soient mieux prises en compte et qu'une approche préventive puisse être développée.
Les contrats d'objectifs et de gestion qui ont été signés par chaque caisse départementale ou pluridépartementale avec la caisse centrale intègrent les engagements de chaque caisse dans la réalisation du plan de lutte contre la précarité arrêté en 1998.
Les actions ainsi mises en uvre permettent de mieux détecter et de mieux prévenir les risques d'exclusion et de mieux traiter les personnes qui en sont victimes.
L'organisation de la mutualité sociale agricole en guichet unique est un atout précieux en la matière puisqu'il permet notamment une prise en charge globale et une prévention sanitaire et sociale.
Par ailleurs, la convention d'objectifs et de gestion, signé entre les pouvoirs publics et la caisse centrale de mutualité sociale agricole le 23 décembre 1998, exprime notre volonté de permettre aux caisses de mutualité sociale agricole de développer leur action générale en matière d'action sanitaire et sociale. A cette époque, le régime agricole disposait, dans ce domaine, de moyens inférieurs à ceux du régime général. L'objectif est de tendre vers la parité. C'est ainsi que les ressources de l'action sanitaire et sociale ont été augmentées de
150 MF entre 1999 et 2000, passant de 1300 MF à 1450 MF.
Il faut aussi rappeler l'action, tout aussi indispensable, des autres acteurs institutionnels engagés sur ce terrain et notamment celle des associations.
2. La lutte contre la précarité en milieu rural peut se faire au moyen des instruments que le Gouvernement a mis en place contre l'exclusion.
En premier lieu, le gouvernement a fait adopter la loi d'orientation du 28 juillet 1998 de lutte contre les exclusions sur laquelle un bilan d'étape a été dressé à la mi septembre.
C'est ainsi que 42 milliards de francs, contre 38 milliards initialement prévus dans le programme triennal d'action pour la période allant de 1998 à 2000, ont été consacrés par l'Etat à l'action en faveur des personnes les plus démunies.
Ces crédits, qui pour la plupart sont dorénavant inscrits de manière pérenne dans les budgets ministériels, ont contribué à d'importantes améliorations notamment en matière d'insertion professionnelle, de logement et de santé.
Les difficultés liées au logement sont des facteurs d'exclusion qui avaient déjà été perçus par Roger QUILLOT le regretté maire de Clermont-Ferrand, dont je tiens à saluer ici la mémoire, lorsqu'il avait défendu sa loi devant le Parlement en 1989.
A ce titre, je tiens à souligner également l'importance des actions menées localement comme c'est le cas dans le sud de la France où un protocole d'accord a été signé avec l'Etat, les collectivités locales, l'OPAC et les associations de défense d'agriculteurs en difficulté. Certains agriculteurs confrontés à une liquidation judiciaire pourront ainsi être maintenus à leur domicile.
En second lieu, le gouvernement a fait adopter la loi du 29 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.
Cette loi permet aux personnes à revenus modestes de posséder d'une part, une couverture maladie de base lorsqu'elles ne peuvent bénéficier d'un régime professionnel d'assurance maladie à aucun titre et, d'autre part, d'une couverture maladie complémentaire avec dispense de frais, sous conditions de ressources.
Ce sont ainsi, en agriculture, 149 000 personnes qui bénéficient d'une couverture maladie complémentaire gratuite.
En ce qui concerne le régime agricole, les structures d'accueil nombreuses et décentralisées ont permis de bien maîtriser la montée en charge de ce dispositif récent.
Enfin, face à l'échec de la prestation spécifique dépendance instituée par la loi du 24 janvier 1997, le gouvernement réfléchit à la mise en place d'un nouveau dispositif pour mieux répondre aux problèmes sanitaires et sociaux des personnes âgées.
Ce projet de réforme qui est encore en cours de discussion interministérielle devrait être discuté par le Parlement dans le courant de l'année 2001.
Il mettra en place une prestation dont le montant sera fonction des revenus et du niveau de dépendance des personnes concernées. Reprenant les conclusions du rapport de Jean-Pierre Sueur, maire, il prévoit un montant unique d'allocation avec un droit de tirage que la personne âgée dépendante pourra utiliser totalement ou partiellement moyennant le paiement d'un ticket modérateur.
3. Il est également nécessaire de travailler à prévenir la précarité dans le monde agricole. J'ai souhaité mettre en uvre des instruments adéquats.
Tout d'abord, ces instruments permettent de réévaluer les prestations sociales.
La loi d'orientation agricole du 9 juillet 1999 a permis la création d'un nouveau statut de conjoint collaborateur permettant l'acquisition de droits à la retraite qui sans être ceux ouverts à un chef d'exploitation sont considérablement revalorisés et ouvrent droit à une créance de salaire différé sur l'exploitation.
Par ailleurs, le plan pluriannuel de revalorisation des pensions de retraite, engagé depuis 1997 et qui doit s'achever en 2002, se poursuit cette année avec 1,2 milliards de francs inscrits dans le budget de l'Etat, soit 1,6 milliards en année pleine.
Aucun gouvernement n'aura procédé à une revalorisation des retraites agricoles d'une telle ampleur et à un tel rythme.
Elle a permis une importante diminution du nombre de bénéficiaire du minimum vieillesse. Alors qu'en 1997 ils étaient 274.000, ils ne sont plus que 178.000 cette année, soit une baisse de 35 %. Ce chiffre est amené à diminuer encore d'ici 2002. Cette baisse a également entraîné la diminution du nombre de bénéficiaires de minima sociaux gérés par le régime agricole. Il a ainsi chuté de 30 % entre 1993 et 1998.
En cinq ans, de 1997 à 2002, vingt-huit milliards de francs auront ainsi été mobilisés au sein du budget annexe des prestations sociales agricoles, afin d'augmenter le niveau des pensions. Celui-ci aura alors augmenté, par rapport à 1997, de près de 80 % pour les conjoints et les aides familiaux, de près de 45 % pour les personnes veuves et de près de 30 % pour les chefs d'exploitation.
Nous travaillons, pour aller au-delà, à la création d'un régime de retraite complémentaire obligatoire par répartition pour les chefs d'exploitation. Quand je dis "nous y travaillons" je devrais préciser "nous y travaillons activement avec l'aide du Parlement".
Cet effort se conjugue avec celui impulsé par le gouvernement en faveur de la baisse des charges.
En terme de réduction des charges sociales et à l'horizon 2003, les agriculteurs bénéficieront d'1,5 milliard de francs d'allégement d'impôt sur le revenu et d'1,3 milliard de francs d'allégement de CSG.
Cette dernière mesure d'exonération totale ou dégressive de la CSG en dessous d'1,3 SMIC va toucher 350 000 exploitants à bas revenus.
Nous travaillons également sur à une amélioration de la couverture des exploitants agricoles contre les accidents du travail.
En effet, dans le système actuel, les exploitants ne sont pas tous couverts et ceux qui le sont, ne bénéficient que de prestations insuffisantes.
Je vous ai déjà fait part de ma détermination pour que cette réforme soit inscrite à l'ordre du jour du Parlement dans le courant du premier semestre 2001. Je la renouvelle ici encore. Elle doit permettre de considérablement augmenter les prestations et d'impulser une véritable politique de prévention.
Par ailleurs, ces instruments permettent de favoriser l'emploi.
S'agissant des salariés agricoles, la lutte contre la précarité passe par une amélioration des dispositifs de promotion de l'emploi et de corrections des incitations au travail trop précaire.
Le travail saisonnier, particulièrement développé en agriculture, doit faire l'objet d'une attention soutenue car il est porteur d'une certaine précarité pour ne pas dire d'une précarité certaine ! Pour mieux répondre aux besoins de la profession tout en contribuant au développement de l'emploi dans des conditions permettant de lutter contre cette précarité, j'ai annoncé récemment des mesures supplémentaires d'allégement de charges en faveur du travail occasionnel qui ont pu être mises en application dès la saison d'été.
Dans ce cadre, les taux d'exonération de charges sociales des contrats de travail intermittents et des contrats à durée indéterminée ont été majorés par rapport à ceux applicables aux contrats à durée déterminée.
L'insertion professionnelle, là encore, n'est pas une dynamique exclusivement urbaine mais concerne aussi les populations rurales qui, je tiens à le souligner, proposent des initiatives intéressantes et originales.
Tel est le cas du réseau d'entreprises légumières d'insertion par l'économique (RELIE) qui a permis d'agir sur le problème de l'emploi et de l'exclusion en créant un réservoir de main d'uvre qualifiée en culture légumière.
Ce réseau est constitué de plusieurs entreprises de différents bassins de production légumiers où les problèmes de l'emploi sont importants. Il répond aux demandes de plus de 50.000 exploitants répartis sur l'ensemble du territoire et constitue un véritable " sas " vers l'emploi pour ceux qui doivent nécessairement passer par des structures adaptées avant de pouvoir postuler à un emploi sur le marché du travail.
Ce projet est d'autant plus intéressant que le secteur des fruits et légumes connaît des difficultés nouvelles. Les employeurs font aujourd'hui valoir leurs difficultés à recruter la main d'uvre nécessaire tandis que les salariés relèvent la précarité des conditions d'emploi dû essentiellement à la faible durée des contrats de travail ainsi qu'à la faiblesse de la rémunération, eu égard à la pénibilité de la tâche.
Au nombre des expériences pour lutter contre les précarités du travail en agriculture, je rappellerai aussi le protocole d'accord national tripartite en faveur de l'emploi en agriculture que j'ai signé avec la caisse centrale de mutualité sociale agricole en 1999 au cours du salon de l'agriculture.
L'objectif était de définir et de mettre en uvre des actions innovantes dans les départements volontaires afin de réduire les caractères de précarité de certains emplois agricoles et d'augmenter le nombre des emplois permanents.
Cet accord a notamment permis de consolider l'action des groupements d'employeurs qui répondent aux besoins souvent variés des exploitants agricoles quant à la durée et à la nature du temps de travail.
Au-delà de la prise en charge de la précarité en milieu rural, il convenait également de s'attaquer aux causes mêmes des phénomènes d'exclusion en agriculture. C'est ce que permet la nouvelle politique mise en place par le gouvernement depuis 1997
En effet, le développement pendant plusieurs décennies d'une agriculture axée sur le développement de la production a eu pour conséquence une concentration des exploitations et, donc, en corollaire, des difficultés économiques pour un nombre important d'exploitants.
Depuis 1997, le gouvernement a choisi d'encourager un autre mode de développement de l'agriculture en promouvant, notamment par la voie des contrats territoriaux d'exploitation, une véritable politique d'installation, et une agriculture multifonctionnelle intégrant comme objectif non seulement la production et la transformation des produits agricoles, mais également l'aménagement du territoire et la préservation de l'environnement, l'emploi.
Ces contrats sont de nouveaux outils. Je compte beaucoup sur eux.
On le voit, pour traiter l'exclusion dans son ensemble, il convient d'adopter une démarche pluridimensionnelle. Elle doit tenir compte tant des aspects macro et micro-économiques que des dispositifs d'accompagnement sanitaire et social. De plus, je l'ai dit, cette démarche doit être faite par une approche de plus en plus européenne.
Je connais un peu, assez bien l'exclusion en milieu rural. Pas parce que je suis ministre mais parce que je suis élu rural. L'exclusion est une plaie, une plaie de nos sociétés, une plaie qu'il nous appartient de soigner. Soigner non pas par des emplâtres sur des jambes de bois mais par des thérapies appropriées parfois complexes. Des multi-thérapies qui exigent que l'on commence par faire un bon diagnostic du mal, des examens sans fard, des analyses scrupuleuses. L'exclusion est une honte ? oui. Mais pour nous, pas pour eux, les exclus ! Elles nous imposent un devoir d'action. Avec la volonté d'aller au bout de cette action : il ne s'agit pas rendre l'exclusion plus douce. Il s'agit d'insérer dans la société et, notamment, d'insérer par l'emploi.
De ce point de vue, la lutte contre le chômage reste le B A-BA de toute action contre l'exclusion.
Les échanges qui auront lieu pendant cette conférence permettront, je n'en doute pas, d'asseoir ce constat, de fournir des exemples de la spécificité de l'organisation dans chaque pays des moyens de lutte contre la précarité en milieu rural et de fournir des pistes pour améliorer les dispositifs de prévention et de prise en charge.
Je vous remercie.
(source http://www.agriculture.gouv.fr, le 23 octobre 2000)