Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises au commerce et à l'artisanat, sur la normalisation dans le secteur des services, Paris le 5 novembre 1998.

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Circonstance : Clôture du colloque "Normes de service et marché mondial" à Paris le 5 novembre 1998

Texte intégral

Au cours de ce séminaire, vous avez abordé un thème qui est assurément significatif de l'esprit nouveau qui doit animer la démarche de qualité dans les services.
Le titre donné à votre colloque, normes de services et marché mondial, ainsi que le contenu de vos débats, invitent à mettre en regard deux perspectives qui peuvent paraître antinomiques au premier abord : la mondialisation de l'offre de services d'un côté, la nécessaire proximité de cette offre de l'autre côté.
Le service est une prestation individualisée, où la qualité de la relation entre le client et le prestataire est essentielle, et où l'adaptation aux demandes spécifiques du consommateur doit être presque instantanée.
Les petites structures, PME, artisans, commerçants, ont un fort potentiel pour offrir, dans ces relations directes entre un prestataire et son client, les solutions les plus appropriées.
La normalisation vise quant à elle, en simplifiant, à établir par voie consensuelle, entre professionnels d'un secteur et consommateurs, des règles communes, répétitives, susceptibles de constituer un commun dénominateur ou une référence collective de bonnes pratiques.
A première vue, l'approche de la normalisation semblerait donc en contradiction avec la proximité et la flexibilité requises pour l'offre de services.
C'est donc un défi important que les organismes normalisateurs et votre organisation internationale ont à relever, dans les secteurs de services, pour mettre en phase mondialisation et proximité.
Je voudrais aujourd'hui faire quatre observations qui me semblent importantes :
I - Le poids des services va croissant et constitue un élément clef de la compétitivité.
Les dernières décennies ont vu la montée progressive des services, et donc la réduction du poids relatif du secteur primaire agricole et du secteur industriel. La normalisation a bien évidement commencé par les produits, en particulier dans le domaine industriel. Cette démarche de normalisation sur les produits s'est imposée d'une manière générale, et son intérêt n'est contesté par personne aujourd'hui. Il en allait de l'intérêt des professionnels eux-mêmes, pour des raisons techniques autant que concurrentielles, mais aussi de l'intérêt des consommateurs qui obtenaient ainsi un certain nombre de garanties.
Nous arrivons aujourd'hui à un nouveau tournant de la normalisation.
Un produit techniquement irréprochable, et même de qualité exceptionnelle, ne sera pas forcément bien accepté par le public, ni bien vendu. Il faut un accompagnement et un service de qualité autour de ce produit. Cela porte sur la présentation du produit, sa mise en oeuvre, l'apprentissage de sa manipulation, le service de maintenance, jusqu'à la reprise éventuelle du produit au terme de son usage.
La France, qui a atteint un haut niveau de qualité de ses produits, a trop longtemps vécu sur l'idée que le service était secondaire par rapport à la qualité intrinsèque des produits.
Ainsi, il y a des réussites techniques qui ne se sont pas traduites par des succès commerciaux. Tout n'est pas à imputer exclusivement à la qualité du service, mais sa carence explique, pour une bonne part, les échecs. Le service d'accompagnement de la vie du produit représente donc aujourd'hui un immense champ de potentialités.
Mais il y a aussi les services non liés à un produit. Cela va, par exemple, de la restauration à la formation professionnelle, en passant par les transports, les conseils juridiques ou le secteur de la santé Pendant longtemps, la normalisation a pu apparaître comme inapplicable à ces secteurs, par nature spécifiques et qui privilégient l'adaptation personnalisée. Une fois la qualification du professionnel pleinement reconnue, la notion même de norme ou de certification de services paraissait inopérante, car tout reposait sur la relation particulière avec le client, et la conscience professionnelle de l'opérateur agissant avec tact et mesure.
On doit se féliciter du changement d'état d'esprit qui s'est opéré depuis, sous la double pression des professionnels eux-mêmes et des consommateurs, dont les intérêts sont en réalité convergents. Je trouve très instructif que les deux premiers secteurs de services qui en France se sont lancés en 1991 dans la démarche de la normalisation, sont la formation professionnelle et le déménagement des particuliers.
S'agissant de la formation professionnelle, vous savez sans doute que la France, comme la plupart des pays d'Europe, a mis en place un dispositif qui est contraignant en ce qu'il impose une contribution à tous les employeurs pour la formation des salariés. Mais ce dispositif est très souple aussi, car il laisse aux partenaires sociaux le soin de définir les formations, et d'effectuer la sélection des organismes prestataires. Ce marché ne pouvait pas fonctionner sans un minimum de règles. Il en allait de la possibilité de sélectionner ces organismes sur des bases saines et transparentes, de la qualité de la formation pour les salariés, et de la loyauté de la concurrence. La normalisation a contribué à des avancées dans ce secteur.
J'irai même plus loin. Dans certains cas, la normalisation contribue à la moralisation et à l'assainissement d'une profession. L'image des déménageurs n'était pas toujours bonne. La normalisation a constitué un apport très positif. Les services de gardiennage et de sécurité qui se sont engagés, et je m'en réjouis, dans une démarche de normalisation en fournissent un autre exemple. La normalisation permet ainsi de faire l'analyse des défaillances, des pratiques douteuses et de mettre en place un dispositif de redressement.
La démarche de normalisation reçoit donc dans ces secteurs un ferme soutien de la part du Gouvernement français. Aucun secteur professionnel ne me semble, a priori, devoir être exclu du champ d'une telle démarche. La normalisation peut compléter la réglementation et parfois, même, elle permet de l'alléger.
2 - C'est le second point que je voudrais aborder.
La normalisation et la certification de services sont un complément utile, voire indispensable, de la réglementation. Pendant longtemps, la réglementation sous sa forme traditionnelle - loi, décret, arrêté - est apparue comme la seule forme d'encadrement adaptée à de nombreux secteurs d'activité, et tout particulièrement dans le secteur des services.
La réglementation est parfois pleinement justifiée. C'est l'évidence. Mais elle n'est pas toujours adaptée et elle ne saurait suffire. Une formation reçue par un prestataire de service, il y a 20 ou 30 ans, ne peut ainsi garantir l'actualisation de la compétence du professionnel, la performance et la régularité qui sont attendues de ses prestations.
L'accélération des progrès techniques, les évolutions de la société imposent une sorte de processus de requalification permanente. Celle-ci prend de nombreuses formes et reçoit de multiples appellations : normalisation avec certification, accréditation. Le sens n'est pas partout exactement le même, mais l'objectif final est partagé : s'assurer par rapport à un référentiel et de manière périodique, par un tiers indépendant, de la compétence d'un opérateur et de sa capacité à atteindre tel ou tel niveau de performance qu'il annonce, ou que le client demande.
C'est une démarche novatrice et de grande ampleur que le Gouvernement a engagé non seulement vis-à-vis des opérateurs privés - les professionnels du désamiantage doivent ainsi être accrédités - mais aussi vis-à-vis du secteur public : les hôpitaux publics seront soumis à des audits et à l'accréditation comme les cliniques privées. D'ailleurs, les propres laboratoires de contrôle du marché de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes ont procédé à cette démarche d'accréditation.
Nous savons bien que des secteurs sont encore très réticents à engager une démarche nouvelle qui peut mettre en cause une image considérée comme homogène, voire uniforme ou flatteuse de leur profession. Mais la demande des professionnels ou des consommateurs est pressante, et leurs exigences apparaissent si légitimes que les garanties de qualité de service offerts par la seule réglementation ne sauraient suffire.
La réglementation de nombreuses professions devra ainsi être complétée peu à peu par des démarches de qualité certifiée, sans préjudice de révisions de la réglementation elle-même pour bien intégrer les deux volets réglementaire d'une part, et de normalisation ou de certification d'autre part.
C'est le gage d'une meilleure adaptation aux demandes de la clientèle, mais aussi à une concurrence renforcée, à une ouverture plus grande des marchés.
Ceci m'amène à une troisième observation.
3 - Depuis longtemps, en effet, la normalisation des produits a été l'une des voies privilégiées pour le développement du commerce mondial. Il en ira de même pour les services.
Nous savons tous ici, évidemment, que des réglementations, différentes d'un Etat à l'autre, ont pu servir à cloisonner des marchés, à fermer des professions. L'approche normalisatrice, tout comme l'approche un peu différente mais dans le même esprit de la certification, parce qu'elle est volontaire, négociée par consensus, est moins rigide que l'approche réglementaire. C'est un gage en principe de plus grande ouverture.
Ne tombons pas dans l'angélisme cependant. Chacun sait que la normalisation peut être habilement détournée pour recloisonner les marchés, et peut même servir à les fermer.
Il faut lutter contre ces détournements. Mais ce préalable étant rappelé, on voit bien que la normalisation entre des systèmes profondément différents peut être le moyen consensuel de trouver un langage commun, et d'ouvrir le marché des services dans un cadre plus transparent qui permette une concurrence effective et loyale.
Il faut même reconnaître que quels que soient les accords mondiaux qui peuvent être passés entre Etats pour s'assurer que les conditions de production d'un service, ou de l'élaboration d'un produit sont respectées, une démarche de normalisation associée à des contrôles adaptés, indépendants et inopinés par des organismes qualifiés peut être utile. Il suffit de penser ici au travail des enfants ou à l'utilisation de certaines techniques relativement difficiles à déceler comme l'ionisation des aliments. Il en va de la concurrence loyale, de la sécurité des consommateurs et même au delà, de l'ordre public économique mondial.
C'est en cela que votre organisation est irremplaçable et peut compter sur mon soutien à vos efforts pour faire progresser la normalisation des services.
Je voudrais terminer enfin sur un point que la Ministre du Commerce, de l'artisanat et des petites et moyennes entreprise que je suis ne peut manquer de souligner. C'est le souci que vous devez avoir vis-à-vis des PME et des artisans, de les aider à entrer dans ce processus d'amélioration de la qualité des services.
4 - La normalisation, comme la certification des services, reste un mot qui fait encore peur aux PME, aux artisans et même aux professions libérales.
Normalisation et certification sont encore perçues comme une contrainte bureaucratique qui engendre des surcoûts jugés disproportionnés.
Il vous appartient donc de veiller, dans vos travaux, à réduire le fossé avec les PME et les artisans qui créent des emplois, et qui constituent un réseau de base pour les consommateurs dans le secteur des services et dans ces activités de proximité.
Cela signifie concrètement qu'il faut penser en amont aux meilleurs moyens d'associer les PME et les artisans à l'élaboration de ces normes pour les adapter aussi, en temps que de besoin, à l'essence même de ces entreprises.
Tels sont les messages que je voulais vous transmettre, au nom du Gouvernement français, en me félicitant que ce premier forum ISO sur la normalisation et les services pour la zone Europe ait pu se tenir en France.
Nous y sommes d'autant plus sensibles que la France veille tout particulièrement à ce que les services rejoignent le niveau de qualité atteint dans le secteur industriel et agricole, grâce notamment au travail de fond que vous avez déjà mené. Ce travail doit trouver, dans les années à venir, un nouveau terrain de développement avec la normalisation des services.

(source http://www.minefi.gouv.fr, le 27 septembre 2001)