Conférence de presse de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur le développement de la coopération économique entre la France et la Thaïlande, la crise financière en Asie, les problèmes de la pêche à la crevette, le développement de la francophonie et l'aide française et japonaise au développement, Bangkok le 24 octobre 1998.

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Circonstance : Voyage de M. Josselin au Laos et en Thaïlande du 22 au 24 octobre 1998-conférence de presse à Bangkok (Thailande) le 24

Texte intégral

J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec le ministre des Finances et le ministre des Affaires étrangères. Des signes positifs apparaissent qui laissent espérer que la Thaïlande devrait commencer à toucher les dividendes de ses réformes. Ils ont souligné le rôle que le FMI avait joué dans cette période en rappelant le rôle important du Directeur général du FMI qui est un Français, M. Camdessus. Je rappelle que la France souhaite que le FMI voit ses moyens consolidés pour lui permettre de faire face à cette crise de manière plus active. Nous avons salué la décision du Congrès américain autorisant l'accroissement de la participation des Etats-Unis à l'augmentation du capital du FMI. Faut-il rappeler que le FMI n'est pas mobilisé seulement en Asie mais que l'Amérique latine aussi, le Brésil en particulier a nécessité une intervention du FMI.
La France est présente en Thaïlande au travers d'un certain nombre d'entreprises, notamment d'établissements bancaires que j'ai eu l'occasion de rencontrer ce matin. J'ai eu l'occasion d'ailleurs de soutenir auprès de mes interlocuteurs un certain nombre de dossiers auxquels la France est particulièrement attachée puisque des entreprises françaises souhaitent consolider leur présence dans certains secteurs. D'une façon générale, la France souhaite renforcer ses liens avec cette partie du monde. La Thaïlande nous semble devoir mériter d'une attention particulière, à la fois en raison d'un contexte politique rasséréné mais aussi d'un contexte économique qui, en dépit des difficultés de l'heure, nous paraît porteur d'avenir. Nous sommes surtout heureux que la Thaïlande ait fait le choix de préserver son ouverture au monde et nous souhaitons que ce pays aille jusqu'au bout de cette cohérence d'ouverture en adaptant son dispositif législatif et réglementaire afin d'encourager davantage les investissements extérieurs qui sont nécessaires à son développement.
C'est un des sujets sur lequel j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les représentants du Conseil d'Etat que j'ai rencontré également ce matin. Cette rencontre a aussi été l'occasion de souligner les liens qui existent entre cette institution et la Francophonie. Ceci s'explique par l'histoire de cette institution dans laquelle, des Français ont joué, dès l'origine, un rôle important. Je suis heureux d'observer que des liens étroits continuent d'exister entre le Conseil d'Etat thaïlandais et le Conseil d'Etat français. Ceci qui nous encourage à approfondir la coopération dans le domaine juridique : des échanges entre magistrats sont d'ores et déjà organisés et nous avons l'intention d'offrir à de jeunes Thaïlandais, des possibilités accrues de venir rencontrer notre culture, notre langue et aussi nos institutions. Ce sera notamment le cas dans le cadre d'un programme intitulé "Real Golden Jubily". Quarante bourses supplémentaires vont être offertes aux étudiants thaïlandais.
Si j'observe, par ailleurs, l'activité soutenue des alliances françaises, les résultats attendus de la réforme de TV5 et de CFI que nous voulons transformer en une authentique chaîne francophone, - ce qu'elle n'est pas complètement -, nous pouvons considérer que la relation entre la France et la Thaïlande devrait connaître un raffermissement très marqué au cours de ces prochaines années.
Voilà ce que je voulais vous dire en vous invitant maintenant, si vous le souhaitez à poser quelques questions.
Q - Est-ce qu'au cours de votre entretien avec le ministre Surin, la question de la Birmanie a été évoquée, et si oui, en quel terme ?
R - Nous avons en effet, évoqué la situation de la Birmanie qui ne se caractérise pas, malheureusement aujourd'hui, par un paysage politique rasséréné. C'est une opposition caractérisée qui se manifeste entre la junte d'une part et l'opposition d'autre part. Nous savons les pressions qu'exercent certains Etats en faveur d'un embargo. La France a toujours exprimé une position de réserve vis-à-vis des embargos, quel que soit le continent ou le pays où l'on veuille le mettre en oeuvre, observant que presque toujours, ce sont les populations civiles et généralement les plus faibles qui sont les premières victimes de ces sanctions économiques, sans qu'elles atteignent l'objectif politique qu'elles sont sensées poursuivre. Ceci ne nous dispense pas de continuer à faire pression sur les autorités birmanes pour qu'elles organisent un dialogue authentique et qu'elles permettent à la démocratie de vivre mieux dans ce pays. C'est d'ailleurs dans le cadre du dialogue entre l'Europe et l'ASEM que ces pressions doivent, à nos yeux, aussi s'exprimer.
Q - (au sujet de la question des crevettes)
R - Ce dossier n'a été qu'évoqué très brièvement au cours de l'entretien. C'est un des points de discussion, actuellement, entre l'Europe et la Thaïlande. Jusqu'à présent, aucun accord n'a pu être trouvé. C'est un dossier sensible pour la France à cause notamment, de l'importance de cette production pour un département français, la Guyane.
Néanmoins, dans le cadre européen, nous recherchons très honnêtement un accord dont nous mesurons l'importance pour la Thaïlande. J'en ai eu une confirmation supplémentaire ce matin : nous avons passé quelques minutes au Parlement, c'était à l'occasion de l'approbation d'une convention relative aux crevettes et nous avons vu la passion que ce dossier pouvait déchaîner sur les bancs de l'assemblée.
Mais ce dossier de la crevette est à relier au dossier plus général des préférences généralisées et vous savez qu'il y a débat sur la période référence. C'est de cela dont le ministre Surin voulait m'entretenir en particulier et je lui ai dit que nous comprenions qu'il fallait choisir une période de référence qui corresponde en quelque sorte à une vitesse de croisière et non pas une période qui soit proche de la crise, ce qui a modifié beaucoup la relation. Je ne peux pas préjuger du résultat des discussions qui sont actuellement en cours, mais, - je l'ai dit à mon interlocuteur -, je comprends que, par rapport à la volonté d'ouverture que manifeste la Thaïlande, il fallait que la communauté internationale et l'Europe en particulier adressent un signe positif à la Thaïlande. J'espère qu'un accord va être trouvé rapidement.
Q - Ce que vous venez de dire, cela indique-t-il que l'Union européenne ne voulait pas se baser sur les chiffres de 1984 ?
R - J'observe simplement que la Thaïlande fait valoir que les chiffres de 1997 sont des chiffres qui sont déjà des chiffres de crise et qu'elle espère une autre période de référence. Je pense que la France peut faire preuve de compréhension par rapport à une telle attitude. J'ajoute que ce n'est pas la France qui a chargée de conduire cette négociation, c'est la commission de Bruxelles.
Q - Au sein des parlementaires hier, on a surtout parlé des possibilités dans le monde de l'Union européenne de faire preuve d'assouplissement.
R - Oui, mais je ne peux pas dire plus car, c'est la commission de Bruxelles qui est chargée de conduire ces négociations. Il y a de toute évidence, des intérêts qui s'affrontent. La France comprend qu'il faille rechercher une période de référence qui soit en quelque sorte distincte de la période de crise. C'est tout ce que je peux dire.
Q - La Thaïlande possède autant et sinon plus de francophones que le Vietnam. N'a-t-elle pas vocation, à plus ou moins long terme à entrer dans la Francophonie. ?
R - Je crois qu'il faut savoir distinguer la relation avec la Francophonie et l'entrée en Francophonie. Le Vietnam est entré en Francophonie, ceci a marqué aussi la reconnaissance d'efforts très importants d'introduction du français dans l'enseignement, quelques 500 classes de français, dans l'enseignement vietnamien, c'était un signe important.
Je sais qu'il y a une population francophone probablement aussi importante en Thaïlande qu'au Vietnam, mais nous n'avons pas observé chez les Thaïlandais une volonté d'insertion en quelque sorte de l'enseignement du français aussi marquée qu'au Vietnam.
Mais, surtout, je le répète, il y a cinquante-deux Etats et gouvernements constituant la communauté francophone. On peut imaginer que ce nombre désormais ne sera pas considérablement augmenté. Par contre, on peut imaginer les relations entre cette communauté francophone et des pays qui veulent avoir une relation avec la langue française, au travers par exemple, d'institutions spécifiques, - j'ai parlé du Conseil d'Etat.
Bref, je suis tout à fait favorable à ce que la Francophonie entretienne avec la Thaïlande une relation spécifique, cela me paraît tout à fait justifié. Mais, je ne préjuge pas de l'entrée de la Thaïlande dans la Francophonie.
Q - Qu'allez-vous répondre aux hommes d'affaires français ici qui remarquent que, comme vous l'avez souligné tout à l'heure, vous êtes le premier à venir depuis plus d'un an. Les concurrents de la France ici envoient régulièrement des délégations, l'Allemagne, les Pays-Bas. Avez-vous un regret, sinon une amertume ?
R - Oui, ils regrettaient que nous ne soyons pas venus plu tôt mais je les ai senti satisfaits de voir un ministre français à Bangkok. Vous me permettrez de retenir plutôt cette satisfaction, mais j'ai noté le regret. Cela veut dire qu'il faut que l'on fasse davantage, nous allons nous y employer. Je rappelle que nous avons fait le choix, évidemment, non seulement de maintenir la présence de nos moyens diplomatiques et économiques en Thaïlande, mais de faire en sorte que des entreprises françaises, celles qui sont déjà en Thaïlande et celles qui pourraient y venir, trouvent auprès de nos services, une information complète sur les opportunités qui peuvent se présenter et qui leur permettraient de profiter des outils financiers que la France a non seulement préservé, mais qu'elle entend mieux utiliser en Thaïlande, en particulier en terme d'assurances.
Q - (sur les relations financières)
R - C'est surtout avec l'Europe, surtout dans le cadre d'une relation Europe-ASEM qu'il y a ces relations. Pour le reste, en dehors du soutien apporté au travers du FASEM au secteur privé, il n'y a pas de relation financières particulières, sauf à rappeler que la France est aussi membre du FMI et que cet organisme joue un rôle tout à fait important dans l'actualité monétaire thaïlandaise. On me rappelle qu'en effet, il y a eu à Londres, une rencontre récente entre l'ASEM et l'Union européenne. A cette occasion, on a annoncé une assistance technique de l'Union européenne à l'ASEM via la Banque mondiale. C'est le moyen utilisé pour permettre à l'Europe d'aider l'ASEM, donc la Thaïlande.
Q - Pouvez-vous nous parler en détail des relations trilatérales qui vous avez évoquées tout à l'heure au déjeuner ?
R - J'observe que les Japonais recherchent une coopération trilatérale qui permettrait de conduire quelques projets de développement en Afrique avec la France. Nous y sommes favorables. Certains projets de ce type sont d'ailleurs en cours, concernant les problèmes de santé, d'éducation, d'infrastructure. J'ai proposé à mes interlocuteurs japonais à Tokyo en début de semaine, qu'à cette trilatérale africaine puisse correspondre aussi une sorte de trilatérale asiatique qui nous permettraient d'être associés avec les Japonais, très présents dans cette partie du monde sur un certain nombre de projets de développement. Voilà ce que cela signifiait. J'ai senti un intérêt certain chez mes interlocuteurs japonais pour cette coopération spécifique avec la France sur le développement.
Pourquoi insistons-nous ? C'est parce que le Japon et la France sont très nettement les deux pays qui font le plus pour l'aide publique. Le Japon est le premier donateur, la France est le second. Et rapporté à la population, cela veut dire que nous faisons beaucoup plus. Faut-il rappeler qu'au titre de l'année 1997, la France a consacré 0,48 % de son PIB à l'aide publique au développement, les Etats-Unis sont descendus à 0,08 %, le Japon est autour de 0,25 % ce qui, rapporté à la population leur permet néanmoins d'avoir la première place en valeur absolue.
Bref, l'aide au développement est un sujet qui intéressent le Japon et la France. Nous considérons que cette aide publique au développement, loin de s'opposer à l'investissement privé, doit au contre être considéré comme son complément, parfois son préalable. C'est pour conduire les projets mobilisant l'aide publique au développement, mais servant le développement, que nous allons coopérer avec les Japonais.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)