Déclaration de Mme Colette Codaccioni, ministre de la solidarité entre les générations, sur l'intégration des enfants et des personnes âgées handicapées, à Paris le 17 juin 1995.

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Circonstance : Congrès de l'Union nationale des Associations de Parents d'Enfants Inadaptés (UNAPEI), à Paris le 17 juin 1995

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs.
Je voudrais tout d'abord vous remercier très vivement de votre invitation à participer au Congrès National de l'UNAPEI, près d'un mois après ma nomination au poste de Ministre de la Solidarité entre les générations.
Il s'agit de mon premier déplacement officiel.
Je suis extrêmement heureuse que ce soit chez vous.
Cela me fournit une première occasion de rencontre, depuis que je suis Ministre, avec une association dont l'engagement et le dynamisme se sont conjugués pour affirmer la place des personnes handicapées mentales dans notre société.
C'est donc avec plaisir que je réponds à votre invitation car, par ma présence, je tiens à témoigner de l'importance que le Gouvernement attache à la politique en faveur des personnes handicapées.
Soyons très clairs, cette politique est et demeure, pour le Gouvernement et pour moi, une priorité nationale. Il ne peut en être autrement.
Comme vous le désiriez, Madame la Présidente, je vous le confirme le plus solennellement possible. Le Message du Président de la République en témoigne, la lettre de mission que m'a remis le Premier Ministre l'atteste.
C'est pour moi, au-delà de cette enceinte, l'occasion de m'adresser tout d'abord à l'ensemble des associations qui, comme vous, représentent les personnes handicapées et militent pour que l'objectif d'intégration inscrit dans notre dispositif législatif et les avancées qu'il a rendues possibles, confortent la situation morale et matérielle des personnes handicapées.
Je sais que vous avez ressenti quelques inquiétudes à l'annonce de la composition du gouvernement.
Je suis là pour vous rassurer et aussi vous assurer que, Ministre de la solidarité entre les générations, je suis et me sens totalement et pleinement le ministre des personnes handicapées.
Certes, dans l'intitulé de mon ministère, le terme lui-même n'apparaît pas. Si tel n'était pas le cas, je serais le ministre des personnes handicapées, de la famille, des femmes, des personnes âgées, de la sécurité sociale, ...
Je suis donc le ministre de la solidarité, de la solidarité entre les générations !
J'irai au-delà : si je suis et me sens pleinement ministre des personnes handicapées, je suis et me sens, aussi totalement le ministre de la vie.
C'est aussi à ce titre que je suis votre ministre.
Au-delà de ce titre, je suis aussi une élue locale, une élue de terrain, une femme de terrain.
Ce que je conçois au niveau national vient de mon expérience de terrain.
Ce que je concevrai, pour vous et avec vous, au niveau national. viendra de notre expérience de terrain.
Ceci afin d'être au plus près de la vie quotidienne des personnes handicapées.
En tant que Conseiller général du département du Nord, je suis la présidente de l'Etablissement public départemental de soins, d'adaptation et d'éducation qui regroupe de nombreux établissements pour les personnes handicapées.
En cette année 1995, nous avons d'ailleurs ouvert trois nouveaux établissements.
Au-delà de ma récente responsabilité ministérielle, ma mission quotidienne d'élue est donc, depuis longtemps, de vous accompagner dans vos préoccupations quotidiennes. Dans nos préoccupations.
Au titre de la Solidarité : la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées dont nous fêterons dans quelques jours le 20ème anniversaire est d'abord et fondamentalement une grande loi de solidarité dont le mérite unanimement reconnu est d'avoir substitué à la charité et à l'assistance individuelle, la garantie incontestable d'une solidarité collective fondée sur l'obligation nationale.
Vous serez, je le crois, ouverts, non pas à une refonte de la loi mais à une amélioration incessante et concertée de cette loi que l'on qualifie si bien de loi socle.
Je suis donc tout-à-fait d'accord avec vous, Madame la Présidente, lorsque vous parlez de loi à compléter sans en modifier l'esprit.
Au titre de la solidarité entre les générations nous savons, tous, combien la question du handicap a partie liée avec la famille.
N'est-ce pas en son sein que l'enfant handicapé vit sa première expérience d'intégration, sans doute la plus décisive ?
N'est-ce pas grâce au dynamisme des initiatives familiales fédérées par les associations que la loi de 1975 a constitué la base indispensable sur lequel se construisent et se construiront encore les changements nécessaires de la situation des personnes handicapées ?
Il nous faut répondre à des préoccupations dont l'urgence se fait sentir. Je citerai par exemple les problèmes posés par l'arrivée à l'âge adulte de nombreux jeunes handicapés, la question du vieillissement des adultes handicapés eux-mêmes et de celui , corrélatif, de leur famille.
La responsabilité qui m'a été confiée témoigne de la volonté d'assumer le devoir de solidarité collective qu'exprime, par delà la résonance des mots, la prise en charge de personnes, handicapées certes, mais dans un environnement qui privilégie leur insertion dans la société, dans la famille, à tous les âges de la vie.
Les thèmes que vous avez retenus cette année, permettent d'illustrer précisément sous deux angles et à deux âges de la vie, mon propos introductif. Vous avez en effet choisi de débattre de l'accueil des jeunes enfants handicapés mentaux et de l'accompagnement des personnes handicapées mentales vieillissantes et âgées .
En ma qualité d'élue locale, ces problèmes me sont familiers. Je tiens à évoquer les thèmes que vous avez choisis, mais aussi plus généralement tous ceux autour desquels s'organise la politique en faveur des personnes handicapées.
Favoriser l'accueil des jeunes enfants handicapés, dans toutes les manifestations de la vie collective, c'est le premier axe d'une politique d'intégration qu'il faut poursuivre obstinément.
Cette volonté d'intégration doit se manifester à tous les âges de la vie, mais d'abord au plus jeune âge, au moment où s'amorce la destinée du jeune enfant au sein de l'institution irremplaçable qu'est la famille, pivot de la cohésion sociale.
C'est dès la naissance qu'il faut apprendre à accueillir l'enfant handicapé, que de témoignages bouleversants j'ai entendus de parents pour qui l'annonce du handicap avait été faite dans des conditions détestables. L'éducation du médecin et des équipes hospitalières, à l'accueil de la vie, même souffrante, doit être faite sur les bancs de la faculté. Ne pas laisser les parents seuls face à des choix impossibles, leur expliquer la nature du handicap et ses conséquences réelles, leur apporter le soutien moral et psychologique dont ils ont besoin. Voilà ce qu'il est essentiel de leur enseigner.
Dans cette perspective, il convient de poursuivre les efforts d'ores et déjà engagés pour améliorer les interventions précoces dans le cadre des structures appropriées, notamment les centres d'action médico-sociale précoce. Le développement de ces structures chargées du dépistage, et de la rééducation des enfants des 1er et 2ème âges présentant des déficits sensoriels, moteurs ou mentaux, en vue de leur adaptation sociale et éducative dans leur milieu naturel doit être encouragé dans leur démarche de soutien, d'écoute et d'accompagnement des parents, non seulement au moment de l'annonce du handicap mais aussi et surtout jusqu'à son acceptation.
Par ailleurs, et là c'est la sage-femme qui vous parle, la sensibilisation aux réalités du handicap, en direction des professionnels médicaux et paramédicaux, notamment par des actions de formation, doit être poursuivie et renforcée. J'insiste tout particulièrement sur le développement de ces structures, lieux de consultation et de guidance parentale qui ont su développer, comme dans le département du Nord, leurs actions en direction par exemple de populations défavorisées.
Accueillir le jeune enfant handicapé c'est aussi l'intégrer dès son plus jeune âge dans la société. L'école est à cet égard un lieu incontesté et irremplaçable de socialisation, d'intégration et d'apprentissage à la vie collective.
L'accueil en milieu scolaire est l'un des objectifs inscrits dans la loi du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées. Conforté par la loi du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation, le dispositif en vigueur fonde une volonté de solidarité et de cohésion sociale qu'il convient de préserver et de renforcer. Il s'agit en effet de faire évoluer le système éducatif dans le sens d'une meilleure prise en compte des différences et des particularités des enfants handicapés, de pousser à l'ouverture des établissements spécialisés vers le milieu ordinaire, en somme de faire réellement évoluer dans ce domaine, les mentalités vers une plus grande tolérance dès le plus jeune âge.
Dans cette perspective, il importera de conforter la mobilisation des moyens d'accompagnement d'une telle politique par la poursuite notamment de l'oeuvre de longue haleine qu'a représentée la réforme des annexes 24, et le développement des services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD) qui constituent une des clés de la réussite de la politique d'intégration scolaire.
Ces services ont en effet pour mission essentielle, mais non exclusive, d'assurer, outre la prise en charge précoce de l'enfant, les soutiens matériels, psychologiques et thérapeutiques, gages de réussite à son intégration scolaire, sans oublier l'aide précieuse qu'ils peuvent apporter aux familles elles-mêmes.
Dans ce domaine, des efforts ont d'ores et déjà porté leurs fruits puisque actuellement sur 112 000 enfants accueillis dans un établissement au service de l'éducation spéciale, près de 9 000 sont pris en charge par un SESSAD. Je ne saurais trop insister sur la nécessaire articulation à rechercher entre les Centres d'Action Médico-Sociale Précoce et les SESSAD dans le sens d'une complémentarité des actions menées par chacune des structures, compte tenu de leurs spécificités respectives.
Il convient de souligner que , dans le cadre du plan général d'action sur l'autisme récemment arrêté, ces structures devront jouer un rôle essentiel dans la constitution de réseaux coordonnés de prises en charge adaptées aux enfants et adolescents autistes.
Avant d'évoquer le deuxième thème que vous avez inscrit à l'ordre du jour de votre congrès et d'aborder ainsi un autre âge de la vie, je voudrais dire rapidement quelques mots des autres aspects de notre politique en matière de handicap. Je m'inscris dans la continuité d'action qu'appelle le large consensus existant sur les objectifs poursuivis sans négliger les adaptations urgentes que commande un contexte affecté par de fortes contraintes.
Les évolutions ayant affecté le domaine du handicap depuis quinze ans rendent indispensable une politique active d'accueil visant à créer ou à transformer des places en nombre suffisant et à se doter des instruments permettant d'améliorer qualitativement le fonctionnement des établissement et services.
A ce titre, les redéploiements de moyens, lorsqu'ils sont possibles, ainsi que la mise en oeuvre de programmes pluriannuels de places nouvelles - dans un cadre déconcentré et partenarial -, en particulier dans les établissements pour adultes handicapés, ont constitué les instruments majeurs de l'effort entrepris en vue d'accroître notablement les capacités disponibles.
Cependant les réponses institutionnelles aux besoins d'accueil des personnes handicapées ont été encore améliorées cette année 1995, notamment par la création de 2 000 places nouvelles de CAT, et l'effort financier consenti en faveur des personnes handicapées adultes. Certaines d'entre elles, cependant, n'ont pas fait la parfaite démonstration de leur totale efficacité. Je veux parler notamment du dispositif issu de l'application de l'article 22 de la loi du 13 janvier 1989 dit "amendement CRETON". C'est un dispositif transitoire d'exception, qu'il convient malgré tout de poursuivre momentanément tant il est difficile de répondre de façon immédiate et idéale, quantitativement et qualitativement, aux besoins avérés, dans un contexte budgétaire contraint. Mais je vous confirme qu'il s'agit bien d'une situation transitoire que nous devrons régler dans les meilleurs délais.
Dans cette perspective, si la circulaire du 27 janvier 1995, adressée aux préfets, ne règle pas l'intégralité des difficultés soulevées par sa mise en oeuvre, elle fournit néanmoins des débuts de solutions. Si nécessaire, la mission d'appui animée par M. BORDELOUP Inspecteur Général des Affaires Sociales Honoraire, apportera localement aide et médiation.
Mais j'insiste à mon tour sur le fait que le règlement définitif de ce problème passe immanquablement par des programmes de créations nettes de places ou des opérations significatives de reconversion.
Aussi, ma priorité des priorités - qui est aussi la vôtre, Madame la Présidente -, sera de tout faire pour accélérer - je dis bien accélérer et non pas maintenir - le programme pluriannuel de création de places en Centre d'Aide par le Travail et en Maisons d'Accueil Spécialisées.
C'est une priorité ; c'est aussi un devoir.
Ne nous voilons pas la face, nous devrons mobiliser toutes nos énergies pour tracer ce chemin de vie.
On pourrait également évoquer le règlement du problème posé par le financement des frais de soins des enfants accueillis en établissements ou services spécialisés. Sur ce dossier tout comme celui des conditions de versement du troisième complément de l'allocation d'éducation spéciale, actuellement à l'étude, je m'attacherai par principe à apporter des solutions concertées.
Il reste à soutenir encore davantage les efforts en faveur de l'intégration sociale et professionnelle. Si les résultats en ce domaine sont encourageants, ils sont loin d'être pleinement suffisants voire satisfaisants et appellent de notre part un engagement sans faille.
En ce qui concerne l'insertion professionnelle, l'accent devra être mis sur le développement de démarches innovantes au sein des CAT pour faciliter les sorties vers le milieu ordinaire de travail sans sous-estimer la nécessité de régler parallèlement les difficultés financières de ces structures.
Le développement d'une politique en faveur des loisirs des personnes handicapées leur ouvrant notamment l'accès aux activités sportives, artistiques et culturelles, viendra renforcer une qualité de vie à laquelle il est légitime qu'elles accèdent. Mes services s'y emploieront.
Je crois important de souligner que dans le cadre de la présidence française de l'Union Européenne, notre pays organise à Grenoble prochainement un colloque sur le thème "créer et recréer le musée". Il s'agit d'affirmer la valeur essentielle, voire thérapeutique dans certains cas, de l'accès au musée pour tous les publics et plus particulièrement les personnes handicapées.
Mais votre journée s'attache à considérer tous les âges de la vie et plus singulièrement l'accompagnement des personnes handicapées mentales vieillissantes et âgées.
J'insisterai sur ce thème dont je sais qu'il vous préoccupe tout particulièrement et à bon droit, en vous livrant l'état de mes réflexions issues notamment de mon expérience d'élue locale.
Selon les dernières données dont nous disposons, près de 165 000 personnes adultes handicapées sont actuellement accueillies en établissements.
Il convient d'intégrer également dans cette réflexion les personnes qui vivent actuellement à domicile et qui, elles aussi, devront se voir proposer une réponse adaptée à leurs souhaits, à leurs besoins et à leurs possibilités.
Dans quelques établissements, des difficultés se font jour ponctuellement. Elles trouvent une réponse locale, grâce à une mobilisation importante des familles, des personnels des établissements et des travailleurs sociaux.
Les données démographiques dont nous disposons soulignent l'importance, à terme, du problème du vieillissement des personnes handicapées, mais révèlent aussi que nous disposons de peu de temps pour préparer, au plan national, notre dispositif institutionnel à cette mutation essentielle.
Il nous appartient désormais de faire en sorte que la politique en faveur des personnes handicapées, qui repose pour beaucoup sur la loi du 30 juin 1975, intègre prioritairement cette nouvelle problématique.
Il y a, je crois, un préalable intangible, à savoir le bien-être et le respect de la personne handicapée et de son entourage.
Ceci doit être le fil conducteur des réflexions qui vont devoir être conduites dans les mois qui viennent, et qui devront nécessairement porter sur les besoins des personnes, sur l'adaptation de notre dispositif institutionnel, mais aussi sur son élargissement .
S'agissant du premier point, je crois fondamental de veiller à ce que la personnes handicapée conserve, autant que faire se peut, les acquis qui ont pu être les siens au cours de sa vie. Il y va de sa dignité et du respect de l'action accomplie par tout ceux qui l'ont accompagnée et qui l'accompagnent encore.
Ceci suppose alors que, quel que soit le cadre de vie qui lui sera offert, les soins mais aussi la stimulation soient constants et coordonnés pour atteindre cet objectif. La mobilisation de tous - famille, associations, professionnels, et Pouvoirs Publics- doit alors se maintenir voire s'amplifier pour y parvenir.
Ceci, je vous le disais, supposera également une adaptation de notre dispositif institutionnel. En raisonnant au plan national, nous disposons de quelques années pour le faire, sachant qu'il nous faudra, au préalable, chercher ensemble la ou les solutions les plus adaptées, en terme de structures notamment.
Car diverses hypothèses sont envisageables.
La première consisterait à transformer des structures existantes, soit totalement, soit par adjonction de sections spécifiques.
Cette formule a l'avantage considérable d'éviter à la personne des déplacements, et donc des ruptures difficiles avec ce qui a été jusqu'alors son milieu ordinaire de vie. Elle constitue alors une solution de continuité et de sécurité. Mais elle risque, en revanche, de devenir un facteur d'exclusion, en favorisant la création de "ghettos", ce que le législateur de 1975 avait totalement rejeté en affirmant clairement un principe fondamental d'intégration. Il en irait d'ailleurs de même si nous envisagions la création dès à présent, de structures spécifiques notamment spécialisées.
La seconde s'inscrit, elle, tout à fait dans le souhait de donner à la personne handicapée, quels que soient son handicap et son âge, tous les moyens d'une intégration dans le milieu ordinaire. Elle consiste à intégrer la personne handicapée dans les structures traditionnelles d'accueil des personnes âgées, de type maison de retraite. C'est cette formule qui est souvent mise en oeuvre actuellement, même si les places dans ces établissements leur sont encore insuffisamment proposées.
Divers travaux actuellement menés par le Conseil de l'Europe dans le cadre d'un groupe de travail sur le thème du "vieillissement des personnes handicapées" montrent que beaucoup de pays, et particulièrement les pays nordiques, n'excluent pas cette solution, même si elle sera difficile à mettre en oeuvre et suppose alors l'adhésion des pensionnaires et de leurs proches.
Faudra-t-il trancher entre ces deux hypothèses ? L'extrême hétérogénéité des situations, les différences nées des handicaps eux-mêmes, m'incitent à penser qu'il ne faut rien exclure, mais au contraire se doter de tous les moyens pour offrir la réponse optimale.
Au demeurant, dans un cas comme dans l'autre, il faudra réfléchir ensemble, mais aussi au sein de chaque établissement, sur le projet de vie que l'on souhaite développer. Ainsi que je vous le disais, l'objectif nouveau sera de maintenir les acquis de la personne, d'éviter sa régression. Mais il s'agira aussi de développer un nouveau projet de vie du groupe, plus adapté aux potentialités de la personne et de la communauté. Si l'âge constitue parfois un sur-handicap, il faut veiller à ce que, dans le projet élaboré pour chacun, tout soit fait pour en surmonter les effets, pour les dépasser. C'est essentiel pour la personne handicapée ; cela l'est tout autant pour les personnes conduites à les accompagner dans cette nouvelle phase de leur existence, et qui ont besoin de connaître le fil conducteur de leur mission.
Cet aspect ne doit pas être négligé. Il est en effet important que les personnels disposent de tous les moyens pour répondre à ces nouveaux besoins. Il est, à cet égard, essentiel que la formation continue soit développée, pour favoriser une connaissance et une meilleure appréhension des besoins des personnes handicapées vieillissantes ; ceci s'inscrit dans la démarche de qualité que vous-mêmes, mais également les Pouvoirs Publics ont à cur de développer ; cette démarche doit d'ailleurs être permanente, dans tous les types d'accueil et pour tous les âges de la vie de la personne handicapée.
Elle est, au demeurant, une des conditions pour que les projets de vie individualisés, mais aussi les projets collectifs, puissent aboutir. En effet, c'est avec l'adhésion et la compétence des personnels que nous serons en mesure d'éviter l'exclusion des personnes handicapées.
Ces actions s'inscrivent dans le cadre traditionnel de nos institutions. Mais le vieillissement des personnes handicapées constitue pour nous tous un nouveau défi, qui suppose que nous fassions preuve d'innovation.
Il est ainsi important que nous nous attachions à développer les formules transitoires, permettant à la personne handicapée de ne pas subir brutalement les effets de l'âge. Ainsi faut-il développer davantage des modes d'accueil temporaire ou de jour notamment; ceux-ci aideront les personnes handicapées, vivant à leur domicile, à se familiariser avec les institutions, en donnant également à leur proche entourage une tranquillité d'esprit quant à un avenir appréhendé parfois avec une angoisse légitime.
De la même façon, et dans le cas du passage d'un établissement vers un autre, faut-il prévoir des périodes d'adaptation, pour éviter une trop grande déstabilisation de la personne handicapée, notamment lorsqu'elle quitte un centre d'aide par le travail où elle exerçait une activité. Elle aura alors à s'habituer à de nouveaux visages, à de nouveaux rythmes, à de nouvelles occupations, ce qui nécessite un accompagnement dans le temps.
Je n'ignore pas que les structures gérées par vos associations s'attachent, avec beaucoup d'imagination et de compétence, à mettre en oeuvre ce principe.
Mais en outre, nous devons faire preuve de plus d'audace dans le maintien à domicile des personnes handicapées en général, et vieillissantes, en particulier.
En effet, le maintien à domicile des personnes âgées est un des axes essentiels de la politique gouvernementale, et il n'y a aucune raison objective à ce que qu'il n'en soit pas de même pour les personnes handicapées, quand cela est possible et apparaît souhaitable aux familles.
Notre pays a érigé en règle fondamentale le fait de considérer la personne handicapée comme un citoyen à part entière. Lui refuser, ou ne pas faciliter le maintien à domicile serait alors écorner sérieusement ce principe.
Ayons conscience que le vieillissement de la personne handicapée, c'est aussi le vieillissement de sa famille. Il faut alors s'attacher à donner à cette dernière tout le soutien qui lui permettra d'éviter un placement non désiré, ni par elle-même, ni par la personne handicapée.
A terme, et dès lors qu'elle se retrouverait seule, il conviendrait de lui proposer les aides humaines et techniques, ainsi que les services de proximité, y compris sanitaires, pour lui permettre, dans la mesure de ses possibilités, de continuer à vivre dans son cadre de vie normal, celui qu'elle ne souhaite d'ailleurs pas quitter.
Mais si, pour diverses raisons, la personne handicapée ne peut pas rester à son propre domicile, elle peut aussi opter pour un cadre familial, notamment en étant accueillie à cet effet par des personnes agréées par le Président du Conseil Général.
Telles sont, sur ce thème précis du vieillissement des personnes handicapées, les quelques voies que je souhaitais ouvrir avec vous. Elles ne sont pas exclusives d'autres propositions qui naîtront, j'en suis certaine, de la réflexion commune que nous aurons désormais. Face à cette mutation sociale, nous devrons tous faire preuve d'imagination et de conviction.
Mais au-delà de ce problème spécifique, c'est toute la politique à l'égard des personnes handicapées qui devra être marquée du sceau de la collaboration réciproque, de la confiance et de la volonté de tous.
Je n'ignore pas que d'autres débats transcendent cette politique sociale, et en tout premier lieu celui de la répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales.
Il m'apparaît d'ailleurs clairement que l'Etat doit absolument rester le garant de l'égalité entre toutes les personnes handicapées sur tout le territoire.
Mais nous ne parviendrons à amplifier nos actions en faveur des personnes handicapées qu'au travers d'un dialogue permanent et respectueux entre l'Etat, les collectivités territoriales et les associations, fondé sur une meilleure perception de la personne handicapée.
Avant de conclure, il est un autre sujet que je voudrais simplement évoquer avec vous, même s'il appartient plus à Madame HUBERT qu'à moi-même, c'est celui de la recherche médicale. Ce qu'il est convenu d'appeler le génie génétique ouvre un nouveau champ à la médecine moderne. Il nous permet de comprendre chaque jour un peu plus les mécanismes biochimiques et expliquent les troubles de l'intelligence.
Je sais que le Président de la République est attaché au développement de cette recherche, porteuse d'espérance pour tous ceux qui, jeunes ou vieux, sont blessés dans leur intelligence. Puissent les chercheurs avancer vite dans ce domaine si riche d'espoir, pourvu que le bien de l'homme soit toujours respecté.
Comme vous, Madame la Présidente - et nous en avons encore parlé récemment - je pense fondamentalement que la personne handicapée ne doit pas être perçue comme une personne assistée. Elle est au cur de notre vie collective ; à la fois actrice et citoyenne, elle tiendra, de plus en plus, le rôle l'essentiel, ce rôle révélateur que l'on voudra bien lui reconnaître, enfin !
Soyez assurés que pour ma part, je veillerai à ce que les conditions d'un dialogue fructueux soient toujours réunies, dans l'intérêt même de ceux à l'égard desquels la Société a un devoir fondamental de Solidarité.
N'est-ce pas cela le cur de la Solidarité entre les générations ?