Texte intégral
Monsieur le Directeur général, Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'Orientation,
Mesdames, messieurs,
Mes premiers mots seront pour vous remercier d'avoir changé ainsi, à la dernière minute, votre emploi du temps, en dépit du délai très court qui vous a été laissé pour le faire. J'aurais préféré ne pas vous imposer cette contrainte, mais je tenais absolument à venir installer le conseil d'orientation du centre de prospective cet après-midi, parce qu'il est à mes yeux une avancée importante et précieuse pour la gendarmerie.
C'est pourquoi je tiens à remercier tous ceux et toutes celles qui ont accepté d'être membre de ce conseil d'orientation, responsabilité qui pour tous, j'en suis bien conscient, vient s'ajouter à des charges déjà lourdes.
C'est la première fois, à ma connaissance, qu'un conseil composé presque entièrement de personnalités extérieures siège aux côté du Directeur général de la gendarmerie nationale. C'est donc en soi un petit événement, et un événement dont je me réjouis, car j'ai la volonté de mettre chaque jour davantage la gendarmerie au service et à l'écoute du public, ce qui suppose que des voix extérieures se fassent entendre. Mais ce conseil a aussi une vocation, une mission particulière : il doit orienter les travaux du nouveau centre de prospective de la gendarmerie nationale, et je voudrais, en quelques mots, vous dire pourquoi j'ai décidé la création d'une formation prospective.
L'un des avantages du Ministère de la Défense, c'est le temps long dans lequel il inscrit son travail. Parce que notre rythme d'équipement, de planification et d'évolution n'est pas celui du quotidien et des médias, nous avons le temps de réfléchir aux orientations majeures de notre environnement et aux manières d'y adapter notre outil de défense. De ce fait, plus que d'autres, nous avons conscience de deux choses : que le monde change plus vite qu'on ne le croit, et que les appareils de sécurité d'un pays changent moins vite qu'on ne le souhaiterait.
La mutation des missions, des structures et des moyens des forces armées entreprise après la chute du rideau de fer a beau être rapide et radicale à bien des égards, elle semble toujours procéder avec lenteur. Malgré la bonne volonté de tous, les adaptations entreprises ne peuvent être instantanées.
Connaître à l'avance les transformations de notre environnement pour être, comme on dit, proactif et non pas seulement réactif, est donc naturellement l'ambition d'un ministère comme le nôtre - ambition en partie exagérée, illusoire, bien entendu, mais dont on ne doit pas faire l'économie en attendant simplement que l'histoire se déroule sous nos yeux.
Encore une fois, personne ne se fait d'illusion sur la capacité de quiconque à dire l'avenir ; il s'agit bien ici d'un centre de " prospective " et non de " prophétie " : je ne vous demande pas d'être devins, mais de nous aider à réduire les incertitudes, à mettre à jour les tendances lourdes qui se dessinent pour l'avenir, à nous alerter sur les ruptures dans ces tendances afin d'adapter notre action.
Prévoir pour ne pas subir, et pour anticiper : c'est l'une des ambitions de ce ministère, et je me réjouis que la gendarmerie développe ses propres capacités de prospective, s'inscrivant en cela dans le courant de mise en place de telles capacités ailleurs dans notre ministère et dans notre communauté de défense.
On peut avoir l'impression qu'une arme comme la gendarmerie, qui paraît " légère " en termes de matériel par rapport à d'autres armes, s'adapte facilement et rapidement aux évolutions de notre temps. C'est ignorer je crois qu'elle doit être plus proche que d'autres d'une société qui change à un rythme accéléré, et que dans le même temps elle doit compter avec son rôle essentiel et historique auprès d'une société qui s'oppose à des changements trop brutaux !
Ainsi le projet actuellement en discussion de redéploiement des forces de police et de gendarmerie aurait dû être anticipé et planifié bien avant cette année, en prenant simplement en compte les mutations géographiques et sociales de nos concitoyens. C'est le rôle de ce centre et de son conseil d'orientation que de nous aider à prendre conscience à temps des réformes qui s'imposent pour rendre toujours plus efficace et mieux adaptée notre action auprès de la société.
J'ai confiance que vous saurez nous alerter sur les mutations à prévoir dans le siècle qui vient. Et soyez sûrs que votre travail prospectif, stratégique en quelque sorte, est précieux, et qu'il n'est pas isolé. J'en veux pour preuve la décision prise par Jean-Pierre Chevènement de créer un centre d'étude et de prospective dans son ministère ; ces fonctions régaliennes lourdes que sont la Police et la Justice ont elles aussi besoin de se projeter dans l'avenir si elles veulent que leur transformation ne soit plus une course perpétuelle contre un monde qui risque d'aller plus vite qu'elles.
Aussi quand monsieur PREVOST m'a fait part de sa préoccupation au sujet du caractère trop limité des réflexions prospectives dans la gendarmerie, ai-je cherché à l'encourager à y remédier. Sur la base du rapport qu'il avait commandé au général CHARLOT, et à messieurs SUREAU et TUOT, j'ai donc décidé d'une opération en deux temps :
*A la fin de l'année dernière, le directeur général de la gendarmerie nationale a créé lui-même une petite cellule de préfiguration, qui a tout à la fois précisé le projet et réalisé quelques études afin de mettre au point les méthodes de travail. Ce qui a permis, en septembre dernier, que je signe l'arrêté qui crée le centre de prospective.
*Comme je vous le disais, l'une de ses originalités est la volonté d'ouverture vers l'extérieur. D'une part, le centre est dirigé par un fonctionnaire civil, monsieur Patrick HUBERT, maître des requêtes au Conseil d'Etat. D'autre part, le conseil d'orientation que nous installons aujourd'hui est composé, dans son immense majorité, de personnes extérieures à la gendarmerie. J'indique d'ailleurs que je n'ai pas voulu fixer de manière rigide l'effectif du conseil. Deux des personnalités pressenties, il s'agissait je crois d'un sociologue et d'un spécialiste des questions technologiques, n'avaient pas la disponibilité suffisante. Il serait bon qu'aujourd'hui nous nous assurions que la composition vous convient, et monsieur le directeur général est prêt à entendre vos propositions en vue d'y ajouter éventuellement 1 ou 2 membres supplémentaires.
Cela étant dit, quel sera votre mission précise, au-delà des grandes lignes que je fixais tout à l'heure ? Je n'entrerai pas moi-même dans les considérations relatives à vos méthodes de travail, dont vous débattrez en séance. Je m'en tiendrai à trois questions d'ensemble qui méritent d'être approfondies.
1- Tout d'abord, les missions " civiles " de la gendarmerie, police administrative, police judiciaire, secours, etc. s'exercent au service d'une société en mutation constante, et qui occupe un territoire de plus en plus intégré à ses voisins, un territoire parcouru toujours davantage par des flux de personnes, de marchandises, d'informations, de capitaux Par la variété de vos expériences et votre recul, vous êtes en mesure d'éclairer la gendarmerie sur les nouveaux besoins, les nouvelles contraintes, les nouveaux enjeux de notre temps, et de suggérer au centre de prospective les pistes à explorer en priorité.
2- Il y a, ensuite, les questions de défense. Il est devenu banal d'affirmer que la confrontation de puissants blocs militaires a fait place à un monde éclaté où les menaces sont plus difficiles à cerner et où elles peuvent prendre d'autres formes intermédiaires que l'affrontement militaire classique. Je pense à des dangers qui ignorent les limites d'Etat, comme la déstabilisation, le terrorisme, le crime organisé... Je pense aussi aux missions toujours plus nombreuses des gendarmes à l'extérieur de nos frontières. La gendarmerie qui, précisément, est une force militaire non classique, n'a-t-elle pas un rôle spécifique à jouer face à ces nouvelles menaces, et pour ces nouvelles missions ? C'est à vous de nous éclairer sur ce point.
3- Enfin, il est difficile de ne pas avoir présentes à l'esprit les questions institutionnelles. Il faut aussi être conscient de ce qu'autour de la gendarmerie, des évolutions institutionnelles sont en cours : réforme de la justice, avec l'indépendance accrue du Parquet, créations de structures européennes comme Europol, cadre législatif désormais clair et précis pour les polices municipales Mais aussi la mutation de l'armée de Terre, de l'armée de l'air et de la Marine qui s'ouvrent de plus en plus sur la société. L'avenir de la gendarmerie en tant qu'institution est donc l'un des sujets de réflexion importants pour votre conseil. J'en attends beaucoup et vous devez être conscient que les 96.000 gendarmes qui ont engagé toute leur existence dans cette institution, sont aussi très préoccupés par ce sujet.
Mais je ne voudrais pas vous donner l'impression que je connais à l'avance le fruit de vos réflexions. Bien au contraire, j'attends de vous une pensée libre et sans a priori. C'est la mission que vous avez acceptée et je vous en suis reconnaissant.
J'arrête donc là ce propos liminaire et je vous rends la parole, monsieur le directeur général, pour aborder la réunion proprement dite.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 17 septembre 2001)
Mesdames et Messieurs les membres du Conseil d'Orientation,
Mesdames, messieurs,
Mes premiers mots seront pour vous remercier d'avoir changé ainsi, à la dernière minute, votre emploi du temps, en dépit du délai très court qui vous a été laissé pour le faire. J'aurais préféré ne pas vous imposer cette contrainte, mais je tenais absolument à venir installer le conseil d'orientation du centre de prospective cet après-midi, parce qu'il est à mes yeux une avancée importante et précieuse pour la gendarmerie.
C'est pourquoi je tiens à remercier tous ceux et toutes celles qui ont accepté d'être membre de ce conseil d'orientation, responsabilité qui pour tous, j'en suis bien conscient, vient s'ajouter à des charges déjà lourdes.
C'est la première fois, à ma connaissance, qu'un conseil composé presque entièrement de personnalités extérieures siège aux côté du Directeur général de la gendarmerie nationale. C'est donc en soi un petit événement, et un événement dont je me réjouis, car j'ai la volonté de mettre chaque jour davantage la gendarmerie au service et à l'écoute du public, ce qui suppose que des voix extérieures se fassent entendre. Mais ce conseil a aussi une vocation, une mission particulière : il doit orienter les travaux du nouveau centre de prospective de la gendarmerie nationale, et je voudrais, en quelques mots, vous dire pourquoi j'ai décidé la création d'une formation prospective.
L'un des avantages du Ministère de la Défense, c'est le temps long dans lequel il inscrit son travail. Parce que notre rythme d'équipement, de planification et d'évolution n'est pas celui du quotidien et des médias, nous avons le temps de réfléchir aux orientations majeures de notre environnement et aux manières d'y adapter notre outil de défense. De ce fait, plus que d'autres, nous avons conscience de deux choses : que le monde change plus vite qu'on ne le croit, et que les appareils de sécurité d'un pays changent moins vite qu'on ne le souhaiterait.
La mutation des missions, des structures et des moyens des forces armées entreprise après la chute du rideau de fer a beau être rapide et radicale à bien des égards, elle semble toujours procéder avec lenteur. Malgré la bonne volonté de tous, les adaptations entreprises ne peuvent être instantanées.
Connaître à l'avance les transformations de notre environnement pour être, comme on dit, proactif et non pas seulement réactif, est donc naturellement l'ambition d'un ministère comme le nôtre - ambition en partie exagérée, illusoire, bien entendu, mais dont on ne doit pas faire l'économie en attendant simplement que l'histoire se déroule sous nos yeux.
Encore une fois, personne ne se fait d'illusion sur la capacité de quiconque à dire l'avenir ; il s'agit bien ici d'un centre de " prospective " et non de " prophétie " : je ne vous demande pas d'être devins, mais de nous aider à réduire les incertitudes, à mettre à jour les tendances lourdes qui se dessinent pour l'avenir, à nous alerter sur les ruptures dans ces tendances afin d'adapter notre action.
Prévoir pour ne pas subir, et pour anticiper : c'est l'une des ambitions de ce ministère, et je me réjouis que la gendarmerie développe ses propres capacités de prospective, s'inscrivant en cela dans le courant de mise en place de telles capacités ailleurs dans notre ministère et dans notre communauté de défense.
On peut avoir l'impression qu'une arme comme la gendarmerie, qui paraît " légère " en termes de matériel par rapport à d'autres armes, s'adapte facilement et rapidement aux évolutions de notre temps. C'est ignorer je crois qu'elle doit être plus proche que d'autres d'une société qui change à un rythme accéléré, et que dans le même temps elle doit compter avec son rôle essentiel et historique auprès d'une société qui s'oppose à des changements trop brutaux !
Ainsi le projet actuellement en discussion de redéploiement des forces de police et de gendarmerie aurait dû être anticipé et planifié bien avant cette année, en prenant simplement en compte les mutations géographiques et sociales de nos concitoyens. C'est le rôle de ce centre et de son conseil d'orientation que de nous aider à prendre conscience à temps des réformes qui s'imposent pour rendre toujours plus efficace et mieux adaptée notre action auprès de la société.
J'ai confiance que vous saurez nous alerter sur les mutations à prévoir dans le siècle qui vient. Et soyez sûrs que votre travail prospectif, stratégique en quelque sorte, est précieux, et qu'il n'est pas isolé. J'en veux pour preuve la décision prise par Jean-Pierre Chevènement de créer un centre d'étude et de prospective dans son ministère ; ces fonctions régaliennes lourdes que sont la Police et la Justice ont elles aussi besoin de se projeter dans l'avenir si elles veulent que leur transformation ne soit plus une course perpétuelle contre un monde qui risque d'aller plus vite qu'elles.
Aussi quand monsieur PREVOST m'a fait part de sa préoccupation au sujet du caractère trop limité des réflexions prospectives dans la gendarmerie, ai-je cherché à l'encourager à y remédier. Sur la base du rapport qu'il avait commandé au général CHARLOT, et à messieurs SUREAU et TUOT, j'ai donc décidé d'une opération en deux temps :
*A la fin de l'année dernière, le directeur général de la gendarmerie nationale a créé lui-même une petite cellule de préfiguration, qui a tout à la fois précisé le projet et réalisé quelques études afin de mettre au point les méthodes de travail. Ce qui a permis, en septembre dernier, que je signe l'arrêté qui crée le centre de prospective.
*Comme je vous le disais, l'une de ses originalités est la volonté d'ouverture vers l'extérieur. D'une part, le centre est dirigé par un fonctionnaire civil, monsieur Patrick HUBERT, maître des requêtes au Conseil d'Etat. D'autre part, le conseil d'orientation que nous installons aujourd'hui est composé, dans son immense majorité, de personnes extérieures à la gendarmerie. J'indique d'ailleurs que je n'ai pas voulu fixer de manière rigide l'effectif du conseil. Deux des personnalités pressenties, il s'agissait je crois d'un sociologue et d'un spécialiste des questions technologiques, n'avaient pas la disponibilité suffisante. Il serait bon qu'aujourd'hui nous nous assurions que la composition vous convient, et monsieur le directeur général est prêt à entendre vos propositions en vue d'y ajouter éventuellement 1 ou 2 membres supplémentaires.
Cela étant dit, quel sera votre mission précise, au-delà des grandes lignes que je fixais tout à l'heure ? Je n'entrerai pas moi-même dans les considérations relatives à vos méthodes de travail, dont vous débattrez en séance. Je m'en tiendrai à trois questions d'ensemble qui méritent d'être approfondies.
1- Tout d'abord, les missions " civiles " de la gendarmerie, police administrative, police judiciaire, secours, etc. s'exercent au service d'une société en mutation constante, et qui occupe un territoire de plus en plus intégré à ses voisins, un territoire parcouru toujours davantage par des flux de personnes, de marchandises, d'informations, de capitaux Par la variété de vos expériences et votre recul, vous êtes en mesure d'éclairer la gendarmerie sur les nouveaux besoins, les nouvelles contraintes, les nouveaux enjeux de notre temps, et de suggérer au centre de prospective les pistes à explorer en priorité.
2- Il y a, ensuite, les questions de défense. Il est devenu banal d'affirmer que la confrontation de puissants blocs militaires a fait place à un monde éclaté où les menaces sont plus difficiles à cerner et où elles peuvent prendre d'autres formes intermédiaires que l'affrontement militaire classique. Je pense à des dangers qui ignorent les limites d'Etat, comme la déstabilisation, le terrorisme, le crime organisé... Je pense aussi aux missions toujours plus nombreuses des gendarmes à l'extérieur de nos frontières. La gendarmerie qui, précisément, est une force militaire non classique, n'a-t-elle pas un rôle spécifique à jouer face à ces nouvelles menaces, et pour ces nouvelles missions ? C'est à vous de nous éclairer sur ce point.
3- Enfin, il est difficile de ne pas avoir présentes à l'esprit les questions institutionnelles. Il faut aussi être conscient de ce qu'autour de la gendarmerie, des évolutions institutionnelles sont en cours : réforme de la justice, avec l'indépendance accrue du Parquet, créations de structures européennes comme Europol, cadre législatif désormais clair et précis pour les polices municipales Mais aussi la mutation de l'armée de Terre, de l'armée de l'air et de la Marine qui s'ouvrent de plus en plus sur la société. L'avenir de la gendarmerie en tant qu'institution est donc l'un des sujets de réflexion importants pour votre conseil. J'en attends beaucoup et vous devez être conscient que les 96.000 gendarmes qui ont engagé toute leur existence dans cette institution, sont aussi très préoccupés par ce sujet.
Mais je ne voudrais pas vous donner l'impression que je connais à l'avance le fruit de vos réflexions. Bien au contraire, j'attends de vous une pensée libre et sans a priori. C'est la mission que vous avez acceptée et je vous en suis reconnaissant.
J'arrête donc là ce propos liminaire et je vous rends la parole, monsieur le directeur général, pour aborder la réunion proprement dite.
(source http://www.defense.gouv.fr, le 17 septembre 2001)