Déclarations de Mme Elisabeth Hubert, ministre de la santé publique et de l'assurance maladie, sur les enjeux de la politique de santé publique, et sur la réforme de la gestion hospitalière (passer du système du budget global à une démarche contractuelle basée sur un financement médicalisé des hôpitaux), Brest le 1er juin, Paris le 15 juin 1995.

Prononcé le 1er juin 1995

Intervenant(s) : 

Circonstance : Congrès annuel du SNCH (Syndicat National des Cadres Hospitaliers) à Brest le 1er juin 1995. Conférence des directeurs généraux des Centres Hospitaliers Régionaux à Paris le 15 juin

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Directeurs Généraux,
C'est avec plaisir que je viens participer à la réunion de votre conférence et je vous remercie vivement de votre invitation.
Les Centres Hospitaliers Régionaux et Universitaires jouent en effet un rôle de tout premier plan dans notre dispositif hospitalier et au-delà, dans l'ensemble de notre système de santé.
Cette place, ils la doivent d'ailleurs largement à la réforme initiée voici bientôt quarante ans par le professeur DEBRE qui mettait à la fois en uvre l'exercice médical hospitalier à plein temps et l'organisation hospitalo-universitaire que nous connaissons encore aujourd'hui. En leur confiant l'essentiel de la mission d'enseignement et de recherche, cette réforme a donné aux Centres Hospitaliers et Universitaires une place privilégiée dans l'évolution de la médecine.
Elle a aussi suscité un dynamisme remarquable de l'ensemble des équipes hospitalières des CHR. Je pense bien sûr aux équipes médicales mais aussi aux équipes paramédicales, aux équipes techniques, administratives et de direction que vous représentez.
Les CHR sont ainsi à l'origine de nombreuses initiatives, dont le rayonnement contribue aux progrès de l'ensemble du monde hospitalier.
Cette position particulière leur donne des responsabilités propres et je suis convaincue qu'ils doivent apporter une contribution importante à l'élaboration et à la mise en uvre des réformes qui sont indispensables pour rendre notre système de santé plus performant.
Vous le savez en effet, alors que la France se situe en 3ème position pour les dépenses de santé par habitant, elle ne se situe qu'au 10ème rang environ pour les principaux indicateurs de santé.
Dans le même temps, la situation économique générale, et spécialement la situation de l'emploi, ont freiné considérablement l'évolution des ressources de l'assurance maladie.
Le défi est donc de taille.
Tout en maîtrisant l'évolution des dépenses de santé, nous devons en effet mettre à la disposition, de la population les progrès de la médecine, répondre aux exigences légitimes de nos concitoyens concernant la sécurité, l'accessibilité et la qualité des soins, satisfaire les besoins nouveaux liés au vieillissement de la population et à l'apparition de nouvelles pathologies, assurer une couverture généralisée et renforcée du risque maladie.
Tels sont les enjeux de la réforme hospitalière annoncée par le Président de la République et qui sera initiée par le Premier Ministre lors de l'installation très prochaine du Haut Conseil pour la réforme hospitalière. Ce Haut Conseil, qui sera animé par des personnalités reconnues du monde de la santé, associera dans une large concertation l'ensemble des organisations représentant l'hôpital dans ses différentes composantes. Votre conférence aura bien entendu sa place dans cette concertation.
Sans devancer les conclusions des réflexions qui seront menées par le Haut Conseil, je souhaiterais vous indiquer maintenant quelques-uns uns des principes qui présideront à cette réforme.
Tout d'abord, j'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas de fragiliser les structures hospitalières qui ont su gagner la confiance de la population, par des changements inadaptés, mais au contraire de renforcer leur efficacité en poursuivant leur modernisation et leur ouverture sur l'ensemble du dispositif de soins. Cette réforme passe en premier lieu par une clarification des rôles respectifs de l'Etat et des professionnels de santé. Le rôle de l'Etat est principalement : d'arrêter, à partir d'une large concertation, les grandes orientations de la politique de santé publique, de garantir l'accessibilité, la sécurité et la qualité des soins pour tous, notamment sur la base de schémas régionaux élaborés médicalement à partir des besoins de santé, de prendre en compte les impératifs dé l'aménagement du territoire, de veiller au respect des équilibres économiques.
Le rôle de l'Etat n'est pas de préciser jusque dans les détails les modalités de fonctionnement des institutions. On a trop multiplié par le passé les carcans réglementaires ; il faut rendre aux professionnels plus de liberté d'initiative et leur permettre ainsi de s'adapter plus facilement aux évolutions techniques, médicales, économiques et de gestion.
Cette clarification doit également s'appliquer aux missions des structures hospitalières elles-mêmes.
Celles-ci sont multiples et imbriquées : soins courants des structures de proximité ou soins très spécialisés et innovants, enseignement et recherche, activité d'hébergement, qu'elle soit liée aux soins ou à une prise en charge sociale.
De cette clarification des missions, découlera une meilleure adaptation des modes de financement. Je sais que c'est l'une de vos préoccupations.
Une fois mieux identifiés le rôle et les missions des différents partenaires, il conviendra de préciser leurs relations.
C'est là que prend place la démarche contractuelle. Elle seule permet en effet de substituer à une approche réglementaire, une régulation fondée sur l'initiative et la responsabilité.
Ces contrats, qui seront pluriannuels et négociés dans un cadre régional, devront porter sur les activités médicales elles-mêmes qui sont la finalité de nos structures hospitalières. Ils définiront ainsi des objectifs d'activité fondés sur des critères avant tout qualitatifs.
A cet égard, ils devront comporter des engagements en matière d'assurance de la qualité des prestations de soins et prévoir les modalités (évaluation a posteriori de leur mise en uvre)
C'est pourquoi, je souhaite que les équipes médicales et soignantes s'engagent fortement dans cette démarche contractuelle dont les établissements seront, bien entendu, partie prenante.
Le contrat déterminera également les moyens budgétaires nécessaires à la réalisation des objectifs en tenant compte des missions spécifiques de chaque établissement.
Vous le voyez, nous sortons du système aveugle et inefficace du budget global.
Le PMSI, pourra, au même titre que d'autres outils comme ceux développés par la CNAM en liaison avec la FHF, concourir à cette médicalisation indispensable de la répartition des ressources.
Enfin, cette démarche contractuelle favorisera le développement des coopérations entre les établissements publics et privés, la mise en uvre de réseaux de soins et le renforcement des alternatives à l'hébergement sanitaire.
Bien entendu une telle réforme suppose une concertation approfondie et ne pourra être mise en uvre que progressivement. Des expérimentations seront menées dès l'an prochain pour en démontrer la faisabilité et en préciser les méthodes.
En particulier sur le plan budgétaire, je puis vous indiquer, pour répondre à l'une de vos interrogations, que les règles actuelles seront pour l'essentiel maintenues l'an prochain, pour des raisons de calendrier évidentes, sous deux réserves :
- En premier lieu, je souhaite que la part de la marge de manuvre régionale dans le taux directeur soit élargie de façon à ce que l'activité médicale soit mieux prise en compte dans la répartition des budgets.
- Je souhaite en second lieu, comme je vous l'ai indiqué, que certaines régions puissent mettre en uvre dès 1996, des expériences de contractualisation pluriannuelles sur des objectifs médicaux dans l'esprit de la réforme qui est engagée.
Bien entendu, les CHR seront invités à participer à cette expérience et d'ores et déjà, je vous propose d'engager une réflexion en ce sens avec les équipes médicales et soignantes de vos établissements en liaison, autant que de besoin, avec les autres structures publiques ou privées de votre environnement.
Je sais que plusieurs d'entre vous ont déjà pris des initiatives dans cet esprit.
Je sais compter sur votre concours pour préserver et accroître encore la qualité de nos hôpitaux. Je vous remercie de votre attention.
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Monsieur le Président,
Monsieur le représentant du Préfet,
Monsieur le Directeur des affaires sanitaires et sociales,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un réel plaisir que je suis aujourd'hui parmi vous à Brest à l'occasion de votre congrès annuel et je vous remercie vivement de votre invitation.
J'ai tenu en effet à participer à ce rendez-vous important de votre organisation en vous réservant le premier déplacement, à un congrès professionnel depuis mon arrivée au gouvernement.
Vous le savez, je suis convaincue qu'aucun progrès ne pourra être accompli sans un dialogue constant, franc et confiant entre les pouvoirs publics, les professionnels de santé et les organisations qui les représentent.
Le SNCH est un partenaire essentiel de ce dialogue car il réunit de très nombreux directeurs et cadres hospitaliers dont le rôle et les responsabilités sont éminents et sans lesquels je ne peux envisager de mener des réformes nécessaires qu'appelle la situation de notre système de santé.
Je me réjouis à cet égard, de constater que votre organisation, avec tant d'autres organisations représentatives du monde hospitalier, considère que l'hôpital, qu'il soit public ou privé, appelle de nouvelles mesures de réforme.
L'hôpital est en effet au cur de plusieurs enjeux décisifs pour la société française. Il s'agit tout d'abord d'un enjeu politique et de santé publique.
Nous ne devons pas perdre de vue en effet le but final que nous poursuivons.
Notre combat c'est celui de la vie, de la vie gagnée sur la maladie, le handicap, la dépendance ; c'est aussi celui de la préservation du capital santé de chacun.
Nous mesurerons l'efficacité de notre action à l'amélioration de l'état de santé de nos concitoyens.
Or vous le savez, notre pays ne se situe qu'à un rang médiocre, environ le 10ème, pour les indicateurs de santé même si nous sommes au 3ème rang pour le niveau des dépenses.
Le développement de la prévention, le renforcement de la qualité et de la sécurité des soins par une organisation plus performante qui permette de mieux prendre en compte les progrès de la médecine et l'évolution des besoins de santé, enfin l'impulsion donnée à la recherche médicale, seront donc au cur de l'action que nous mènerons.
Il s'agit ensuite d'un enjeu social pour de multiples raisons.
L'état de santé de la population est, pour une part, indissociable de l'état de la société. Les inégalités devant la santé et la maladie entre les groupes sociaux et entre les régions en témoignent.
La politique de santé publique est de ce point de vue un des aspects de la politique de lutte contre l'exclusion et nous avons le devoir de nous attacher à garantir un égal accès de tous à des soins de qualités.
C'est ce souci qui inspire l'une des orientations envisagées pour la réforme de l'assurance maladie en distinguant les besoins de financement qui relèvent de la solidarité et ceux qui relèvent de l'assurance.
Bien entendu, je tiens fortement à préciser s'il en est besoin, que ceci ne doit entraîner aucune conséquence pour les usagers qui devront accéder aux soins selon des modalités strictement identiques.
L'enjeu est social aussi parce que près d'un million et demi de personnes travaillent dans le domaine de la santé dont environ les deux tiers pour l'hospitalisation.
Dans de nombreuses villes il s'agit du principal secteur d'emploi.
C'est pourquoi, la politique de santé publique ne saurait ignorer les impératifs de l'aménagement du territoire et ce d'autant que la population est très attachée, à juste titre, à l'accessibilité et à la proximité des structures de soins.
Enfin, bien entendu l'enjeu est économique. L'hospitalisation, publique et privée, représente à elle seule un volume financier de 700 MD de francs soit plus de 4 % de là richesse nationale.
Et pourtant comme je viens de l'indiquer elle n'est qu'au 10ème rang pour les indicateurs de santé et la part prise en charge par l'assurance maladie est l'une des plus faibles des pays européens comparables.
Certes la croissance des dépenses de santé n'est pas en soit répréhensible, elle correspond à l'élévation du niveau de vie du pays et aux progrès de la médecine. Nous ne devons pas oublier non plus l'impact positif du système de santé sur l'économie générale.
Mais il s'agit de tirer un meilleur parti des dépenses de santé afin de garantir à tous, comme je l'ai dit, un accès à des soins de qualité, afin de répondre aux besoins de santé actuels et futurs, afin de confirmer l'excellence de la médecine française, et le rayonnement des hôpitaux.
L'hôpital français a acquis en effet, tout particulièrement depuis la réforme engagée par le professeur DEBRE en 1958, une notoriété justifiée tant auprès des usagers qui lui font confiance, qu'au niveau international.
Il ne s'agit donc pas de fragiliser la structure hospitalière par des réformes inadaptées, mais de renforcer son efficacité, en poursuivant la modernisation de sa gestion et son ouverture sur l'ensemble du dispositif de soins.
Comme vous l'avez souligné, Monsieur le Président, cette modernisation de notre dispositif hospitalier passe d'abord par une évolution des rôles respectifs de l'Etat, de l'assurance maladie et des acteurs de santé.
Le rôle de l'Etat est de définir les grandes orientations de la politique de santé publique, de garantir la sécurité et la qualité des soins pour tous, de veiller à l'équilibre économique du système et enfin, de jouer si nécessaire, un rôle d'arbitre.
Il n'est pas de multiplier sur le terrain les carcans réglementaires, il doit au contraire les assouplir pour permettre à ceux qui le veulent de s'adapter aux évolutions des besoins de santé et de la médecine.
Il s'agit donc de passer d'un système essentiellement réglementaire à un système de régulation fondée sur des relations contractuelles.
Cette profonde modification des relations entre les partenaires du système de santé suppose un rapprochement des instances de décision et c'est pourquoi je partage avec vous le sentiment que le niveau régional est le plus souvent le mieux adapté.
Il convient maintenant de préciser les conséquences d'une telle approche contractuelle. Elle suppose la définition claire d'objectifs et de moyens.
C'est ici que trouve place la réforme nécessaire du financement des hôpitaux.
Le budget global, vous l'avez dit, n'est plus adapté.
Il ne permet pas en effet d'adapter les moyens aux activités et aux objectifs médicaux poursuivis, il est antiéconomique et démobilisateur.
Il est urgent de lui substituer de nouvelles règles : le financement des hôpitaux devra être médicalisé, il devra prendre en compte des impératifs de qualité, il devra assurer le respect des obligations liées au service public et à l'aménagement du territoire.
Le contrat implique aussi l'évaluation.
Il s'agit là d'une priorité absolue. Trop longtemps celle-ci est restée une incantatoire et accessoire, il convient aujourd'hui de l'intégrer pleinement dans la nouvelle définition des règles du jeu.
Enfin à vous qui représentez les cadres hospitaliers, je souhaite dire que je serais attentive à ce que de telles relations contractuelles se développent à tous les niveaux.
Nos hôpitaux disposent de professionnels médicaux, paramédicaux, techniques et administratifs de grande qualité, et dont le niveau de formation nous est envié.
Trop souvent ces compétences sont bridées car ils n'ont pas les moyens d'initiative et de responsabilité qui conviennent.
Les équipes hospitalières devront donc être mieux, reconnue et bénéficier de cette nouvelle approche contractuelle.
La seconde orientation que j'ai évoquée est celle de l'ouverture de l'hôpital.
Je sais que beaucoup a été fait au cours des dernières années et que vous y avez largement contribué.
Ce mouvement doit être poursuivi.
Notre dispositif de santé doit être en effet ordonné autour du malade, c'est lui qui doit faire l'unité de l'action des multiples professionnels dont la médecine moderne requiert le concours.
Le développement de relations de coopération avec les autres structures hospitalières, qu'elles soient publiques ou privées, comme avec les professions de santé libérales, devra être largement renforcé.
Je souhaite aussi, dans 1e même esprit, que soit vivement encouragé le développement des alternatives à l'hospitalisation.
Telles sont donc quelques-unes unes des orientations sur la base desquelles seront prochainement engagés les travaux du haut conseil de la réforme hospitalière.
Les réflexions et les expériences engagées au cours des derniers mois seront bien entendu prises en compte et tous les professionnels de santé seront très largement associés à ces travaux et bien entendu, les directeurs d'hôpitaux et les cadres hospitaliers.
C'est à ceux-ci que je voudrais maintenant m'adresser avant d'achever mon propos.
Vous comprendrez que je ne sois pas en mesure, quelques jours après ma prise en fonction, de vous donner des réponses précises sur l'ensemble des dossiers statutaires auxquels vous êtes attachés.
D'ores et déjà, je peux cependant vous indiquer que les travaux sur la haute fonction publique seront poursuivis et c'est dans ce cadre que pourra être examiné, notamment, le dossier du conseil général des hôpitaux.
Je voudrais vous dire également que je souhaite voir aboutir rapidement le dossier des directeurs de quatrième classe sur lequel, il me semble, un consensus a pu être dégagé sur les principaux points.
Enfin je sais l'engagement de l'ensemble des cadres hospitaliers, vous en avez témoigné, et j'apprécie la franchise de vos propos.
Cet engagement doit être mieux reconnu, tant en ce qui concerne leur formation que leur place dans l'organisation hospitalière, j'y veillerai.
Je le redis encore, rien ne pourra en effet être entrepris sans leur concours, sans celui de tous les professionnels du terrain.
Je compte sur vous et je sais pouvoir le faire