Interview de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, à Radio-Canada le 25 octobre 2000, sur la nécessité d'associer les pays en voie de développement aux bénéfices de la mondialisation, la hausse du prix du pétrole et sur la faiblesse de l'euro.

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Circonstance : Conférence du G20, à Montréal le 25 octobre 2000

Média : Radio-Canada

Texte intégral

REUNION DU "G-20"
ENTRETIEN DU SECRETAIRE D'ETAT
AU COMMERCE EXTERIEUR,
M. FRANCOIS HUWART,
AVEC "RADIO-CANADA"
(Montréal, 25 octobre 2000)

Q - Monsieur le Ministre, quel est l'ordre du jour ce matin ?
R - Ce matin nous allons aborder la situation de l'économie mondiale. Ce sera dans un premier temps le sujet de la matinée. Dans la journée nous parlerons entre autres de stabilité financière, de libéralisation financière ordonnée et bien sûr de mondialisation en général.
Q - Quel est l'état de l'économie mondiale actuellement selon vous ?
R - Aujourd'hui, l'économie mondiale est en croissance. C'est le cas notamment dans les pays développés, dans l'Union européenne mais aussi en Asie du Sud-Est et en Amérique latine. La situation de l'Afrique est beaucoup plus préoccupante.
Q - Etes-vous préoccupés par cette situation ? Allez-vous aborder cette thématique ?
R - Bien entendu. Je crois que l'objet de ce forum du G-20 est de trouver un consensus sur le moyen de mieux partager les bénéfices de la mondialisation et de faire en sorte que tous les pays en bénéficient et qu'enfin certains pays ou certains peuples ne soient plus laissés sur le bord de la route.
Q - Il y a beaucoup de personnes qui s'inquiètent des retombées de la mondialisation. Est-ce que cela ne faisait pas l'objet de pourparlers hier, plus informels peut-être ?
R - Si, tout à fait. La mondialisation aujourd'hui fait débat et c'est normal. Les gens sont anxieux, ne comprennent pas toujours quelles en sont les conséquences. Par conséquent nous avons un problème de légitimité, un problème d'explication et le G-20 permet d'avoir ce dialogue, notamment avec les pays en voie de développement.
Q - Quels sont selon vous les effets négatifs de la mondialisation ? Ce sont ces effets là qui retiennent l'attention des manifestants depuis quelques temps.
R - Je crois que globalement la mondialisation est une source de croissance. C'est le cas clairement pour les pays développés et une partie des pays émergents. Je crois en effet qu'une des préoccupations légitimes des opinions publiques est que cette mondialisation, si elle n'a pas un visage humain, si elle n'est pas régulée, risque d'aboutir à ce que la loi du plus fort l'emporte. Elle risque par conséquent de pénaliser ceux qui sont les moins bien armés pour entrer dans le cadre du commerce international et du monde financier international. Il faut donc que nous soyons attentifs à cela. Il y a un problème de légitimité par rapport à une opinion publique inquiète. C'est sur ce sujet là que nous devons travailler.
Q - Pour lui donner un visage humain il faut parler de ce qui découle de cette mondialisation, de la création ou de la perte d'emplois dans certains cas...
R - Il y a des effets de pertes d'emploi dans certains cas. Mais la mondialisation entraîne aussi des créations d'emplois. Je suis, en tant que ministre du Commerce extérieur, persuadé que si certaines délocalisations sont la conséquence de la mondialisation, les créations d'emploi, et je prends l'exemple de la France, sont nombreuses et découlent de nos exportations. Je crois donc qu'il faut créer les conditions, par exemple d'un cycle commercial de développement qui permette notamment aux pays les moins avancés comme à ceux qui dans nos sociétés sont les plus faibles et qui sont marginalisés, d'en profiter eux aussi.
Q - Mais en même temps ce sont les plus forts économiquement parlant qui discutent de ces questions là. Ne serait-il pas opportun de demander aux plus faibles de participer aux travaux.
R - Précisément. Je crois que le cadre du G-20, qui est un cadre de dialogue avec les pays en voie de développement, est tout à fait indiqué. Je crois qu'aujourd'hui la mondialisation ne se fera plus entre techniciens et qu'il faudra que des gouvernements légitimes de tous les pays concernés puissent discuter, que le dialogue entre les grandes puissances développées n'est plus suffisant et qu'il faut un véritable dialogue au fond des choses avec les pays en voie de développement et les pays les plus pauvres.
Q - Une des critiques que l'on formule à l'endroit de votre groupe c'est son manque de transparence. Ne pourrait-on pas démocratiser ce processus.
R - Je suis persuadé que ce que la société civile exprime - ses inquiétudes, ses protestations, son opposition - doit être écouté et pris en compte. Par exemple, la France et l'Union européenne souhaitent que, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, on puisse mieux associer les parlements - qui sont légitimes - et que l'on puisse aussi mieux associer les organisations non gouvernementales. Il y a, vous avez raison de le dire, un vrai problème de transparence et de démocratie. C'est pourquoi je crois qu'il faut aborder cette question avec un état d'esprit ouvert.
Q - Revenons au contenu. Allez-vous vous préoccuper de la flambée des prix du carburant ?
R - Ce n'est pas normalement le sujet principal du G-20, mais je crois que l'importance du sujet est telle aujourd'hui que nous en parlerons sans doute. Il est tout à fait évident que la flambée des prix du pétrole a une influence sur la croissance mondiale.
Ce que nous souhaitons - là je m'exprime en tant que ministre français et représentant du président de l'ECOFIN - c'est une détente sur ce marché du pétrole. Les prix actuels risquent de pénaliser la croissance mondiale et notamment celle des pays en voie de développement et des pays les plus pauvres. Je souhaite qu'un dialogue fructueux s'instaure entre les pays consommateurs et les pays producteurs.
Q - Est-ce que vous et vos collègues êtes préoccupés par la faiblesse actuelle de l'euro ?
R - La faiblesse de l'euro aujourd'hui ne correspond pas aux fondamentaux de nos économies. Les économies de la zone euro sont en croissance forte cette année. L'année prochaine, la croissance sera aussi au rendez-vous. Par conséquent nous considérons que l'euro a un fort potentiel d'appréciation dans les mois et les années à venir. Il y a sans doute des causes très concrètes : le différentiel de croissance entre les Etats-Unis - qui ont une forte croissance aujourd'hui - et l'Europe - qui croît, mais à un rythme légèrement moins rapide - et puis bien sûr, il faut aussi plus d'Europe pour que la crédibilité de l'euro soit renforcée. Mais sur ce point nous ne sommes pas pessimistes à moyen terme.
Q - Merci Monsieur Le Ministre.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 octobre 2000)