Déclarations de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les relations entre la France et le Portugal, notamment les relations économiques et culturelles, Lisbonne le 8 juin 1998.

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Circonstance : Visite de M. Jospin au Portugal les 8 et 9 juin 1998

Texte intégral

Allocution devant la communauté française le 8 juin 1998.
Madame et Messieurs les Ministres,
Monsieur l'Ambassadeur,
Monsieur le Délégué au Conseil supérieur des Français à l'étranger,
Mesdames et Messieurs les Présidents d'Association,
Mes chers compatriotes,
Laissez-moi avant tout vous dire le plaisir que j'éprouve à vous accueillir ici, ce soir, dans ce palais de France sur les rives du Tage, dont le destin est si intimement lié à l'histoire du Portugal.

Je voudrais saluer, à travers vous, les successeurs d'une communauté dont l'installation durable remonte au XVème siècle, lorsque nos premiers compatriotes venus s'établir sur les bords de la Mer de Paille se sont organisés pour constituer ce que l'on a appelé "la Nation française de Lisbonne". Aujourd'hui encore se perpétue, avec des institutions dynamiques comme la Société française de bienfaisance ou l'Eglise Saint-Louis des Français et son Conseil de Fabrique, cette tradition d'entraide et de solidarité. Je voudrais associer à cet hommage toutes celles et tous ceux d'entre vous qui donnent bénévolement de leur temps, en participant par exemple aux comités consulaires, aux actions pour la protection et l'action sociale ou à celles pour l'emploi et la formation professionnelle.

Je voudrais également rendre hommage à celles et ceux qui se sont fixés ici depuis plusieurs générations et qui, bien intégrés dans ce pays, conservent aussi avec leur patrie d'origine des liens d'exemplaire fidélité ; sans oublier naturellement celles et ceux d'entre vous qui sont venus plus récemment, dans le sillage de l'ouverture du Portugal à l'Europe, de la modernisation et de l'essor de son économie ; si vous tous qui, installés de Porto à Faro, exercez au Portugal des activités de toute nature, économique, culturelle, sociale, éducative, administrative, ou autre.

Je tiens à saluer en particulier nos compatriotes issus du vaste mouvement d'émigration portugaise vers la France qui, en devenant français, ont enrichi la communauté nationale tout en préfigurant le citoyen de l'Europe de demain.

Votre communauté jeune, dynamique, diversifiée et en augmentation régulière, constitue une solide armature sur laquelle se développe la présence active et multiple de la France au Portugal.

Cette présence s'appuie notamment sur les membres de la Chambre de Commerce et d'Industrie luso-française, cette institution ancienne et très active ; sur les conseillers du Commerce extérieur de la France au Portugal, qui entretiennent des liens étroits et fructueux avec les pouvoirs publics français ; et enfin sur les nombreux coopérants qui effectuent en entreprises leur service national et apportent ainsi leur jeunesse et leur enthousiasme au développement et à l'approfondissement des échanges entre nos deux pays.

Nos échanges bilatéraux ont atteint 41 milliards de francs en 1997, triplant depuis l'entrée du Portugal dans la Communauté européenne il y a douze ans. L'année dernière, nos exportations ont représenté 23 milliards de francs et ont cru de 15 %. Le Portugal est devenu notre onzième client et notre quinzième fournisseur. Et je relève, pour m'en réjouir, que l'activité des PME et des PMI est particulièrement forte puisque la part des exportations françaises vers le Portugal qui leur revient est beaucoup plus importante que vers d'autres pays.

artenaire commercial important, le Portugal est également, pour le savoir-faire de nos sociétés, une terre de grands contrats. Celles-ci ont ainsi participé à la modernisation des infrastructures portugaises : pont Vasco de Gama sur le Tage, qui a été inauguré il y a deux mois et demi en présence du ministre française de l'Equipement ; prolongement du métro de Lisbonne ; bientôt livraison ferroviaire sous le pont du 25 avril ; modernisation de l'aéroport de Funchal à Madère et multiples contrats remportés à l'occasion de cette grande opération qu'est l'Expo 98, parmi lesquels celui de la toiture du Pavillon de l'Utopie.

Ces performances variées que je viens d'évoquer et pour lesquelles je sais toute la part qui vous revient, font qu'au total la France est devenue un partenaire économique privilégié du Portugal : le troisième après l'Espagne et l'Allemagne pour les échanges, sans doute le second pour les investissements.

Mais votre pays d'accueil ne se réduit pas à un acheteur et à un client. L'une des premières nations d'Europe, à l'histoire prestigieuse, à la civilisation raffinée, le Portugal a été d'abord et reste aujourd'hui un partenaire culturel de singulière qualité, avec lequel nous entretenons des relations étroites, confiantes et diversifiées. Ces relations reposent sur une amitié et un respect anciens et profonds. Elles sont tissées aujourd'hui d'un flot nourri et incessant d'échanges dans tous les domaines : artistique, éducatif, universitaire et scientifique.

Ces relations privilégiées s'appuient, ici même, sur un solide réseau d'établissements culturels et scolaires français. Ainsi nos instituts culturels de Lisbonne et de Porto, les 28 alliances françaises réparties sur tout le territoire ont fait un considérable effort de rénovation, de modernisation, d'adaptation afin de mieux répondre aux conditions d'un Portugal connaissant un développement économique, social et culturel rapide.

D'autres partenariats se sont noués avec nos amis portugais : Institut Camoes et Institut de coopération scientifique et technique international, Institut portugais des musées, Fondation de Serralves à Porto, Centre culturel de Belém, Culturgest, Fondation Calouste Gulbenkian, pour ne citer que les principales d'entre eux. Ils témoignent d'un intérêt profond pour notre culture.

Enfin, je relève avec plaisir que le paysage audiovisuel portugais fait une place à la France, avec la diffusion de programmes de RFI par sa filiale Radio Paris Lisbonne, avec la reprise de TV5 et de chaînes françaises par le câble portugais, ainsi que grâce à la diffusion du jeune cinéma français par un distributeur indépendant entreprenant. A l'heure de la mondialisation et du risque croissant d'uniformisation culturelle, je me réjouis de cette chance qui nous est donnée de préserver la diversité de l'information et de la culture.

Non moins déterminante pour l'avenir, notre coopération scientifique avec le Portugal est de tout premier ordre, comme en océanologie, en médecine, en génétique, en sciences humaines et sociales, ou pour ce qui est de la formation des chercheurs et savants ; je me félicite que la France soit le premier partenaire du Portugal pour le financement des projets en partenariat bilatéral.

Pour la communauté française dans son ensemble, l'accomplissement de la mission de présence culturelle qui nous incombe est facilité par un réseau scolaire de grande qualité et qui se développe. Depuis plusieurs décennies, le lycée Charles Lepierre de Lisbonne dispense avec succès les enseignements français, il est l'un des centres d'excellence des établissements de l'AEFE et participe, du même coup, à l'effort de coopération de la France, en contribuant à la formation des jeunes Portugais. L'Ecole Marius Latour de Porto, s'est enrichie, quant à elle, récemment, d'un cycle collège et, pour mieux assurer l'avenir, s'est lancée dans la construction de nouveaux locaux.

Pour le Portugal, désormais ancré au coeur de l'Europe, 1998 est une année exceptionnelle puisque vient de s'ouvrir à Lisbonne la dernière exposition mondiale du siècle, Expo 98, sur un thème mobilisateur pour tous, "les océans, un patrimoine pour le futur". Cet événement est un véritable catalyseur d'échanges et de dialogue des cultures, notamment entre les plus jeunes générations. Permettez-moi donc ce soir de féliciter particulièrement les lauréats du concours inspiré par l'Association que préside Mme Solange Parvaux, inspectrice générale honoraire de portugais, et organisé par le ministère de l'Education nationale : la classe de seconde du lycée de l'Europe à Dunkerque, qui est récompensée par un séjour à Lisbonne pour visiter l'Exposition, ainsi que la classe du lycée Charles Lepierre de Lisbonne qui a gagné le prix "étranger".

Je voudrais dire ici plus généralement à tous les maîtres, à tous les professeurs, à tous les responsables d'encadrement, notre reconnaissance pour le travail qu'ils accomplissent. Je voudrais y associer tous ceux qui oeuvrent pour que se développe au Portugal le goût d'apprendre le français. De même que nous nous efforçons de répondre aux préoccupations légitimes des autorités portugaises s'agissant de l'enseignement du portugais dans notre pays, de même les pouvoirs publics portugais envisagent de prendre des mesures rendant obligatoire à la rentrée prochaine une deuxième langue vivante dans l'enseignement secondaire, ce qui devrait améliorer, comme nous le souhaitons, la situation de notre langue.

Mesdames, Messieurs, chers Compatriotes,
Nos relations avec le Portugal, je viens de le souligner, sont riches et diversifiées ; votre présence dans ce pays et l'énergie que vous mettez dans vos activités y contribuent considérablement. La détermination qui vous anime est, croyez-le bien, partagée par les plus hautes autorités de nos deux pays.

Les occasions ne manquent pas, naturellement, pour les membres des deux gouvernements de se rencontrer, par exemple dans le cadre des réunions européennes régulières. Mais il y a aussi une volonté mutuellement partagée de développer et d'intensifier notre dialogue bilatéral. Depuis ce début d'année, le ministre des Affaires étrangères, Hubert Védrine, puis celui de l'Equipement, des Transports et du Logement, Jean-Claude Gayssot, en mars, tout récemment le ministre de l'Agriculture et de la Pêche, Louis le Pensec, se sont succédés à Lisbonne. Ma présence aujourd'hui ici même, accompagné du ministre délégué chargé des Affaires européennes, du secrétaire d'Etat chargé du Commerce extérieur et de la secrétaire d'Etat chargée du Tourisme, atteste de l'importance que le gouvernement attache à des contacts denses et suivis avec nos amis portugais. J'ai moi-même voilà peu rencontré le président Sampaio à Paris, et je m'apprête à m'entretenir tout à l'heure avec M. Gutteres et, demain, avec le président de la République à nouveau.

La perspective de l'exercice de la présidence de l'Union européenne par le Portugal durant le premier semestre de l'an 2000, puis par la France au second semestre de cette même année, va contribuer dans les mois qui viennent à l'intensification de nos contacts avec les autorités portugaises. Nos deux pays, qui ont des siècles d'histoire commune, partagent une même vision de l'Europe et de la place de celle-ci dans le monde.

Je souhaite que votre communauté, comme elle l'a si bien fait jusqu'à présent, continue d'avoir toute sa part à l'approfondissement de la relation franco-portugaise. La France et son gouvernement vous sont reconnaissants du rôle que vous jouez à cette fin.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2001)
Toast lors du diner offert en son honneur par le Premier ministre du Portugal, M, Antonio Guterres le 8 juin 1998.
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs,
Je veux tout d'abord vous remercier de vos paroles amicales et de l'intention qui les anime. Nous nous connaissons depuis longtemps, et l'amitié nous réunit ce soir au moins autant que le protocole.

C'est avec un plaisir d'autant plus grand que j'effectue aujourd'hui et demain une première visite, en tant que Premier ministre de la République française, au Portugal. Avec l'Expo 98, votre pays est à l'honneur, en accueillant 150 pays et organisations internationales. Vous recevrez, m'a-t-on dit, huit millions et demi de visiteurs. Je suis particulièrement heureux d'être l'un d'entre eux.

Je n'ai pas encore visité l'Expo, mais je sais déjà que vous avez tout lieu d'en être fiers.

Cet événement permettra en effet à vos visiteurs de mieux prendre conscience de l'importance de l'élément liquide, pour notre planète, pour l'humanité, et, par la même, de mieux comprendre comment l'exploiter tout en le protégeant.

Mais l'Expo, c'est également une grande fête, qui mettra à l'honneur tout à tour, les pays qui y participent. Demain est la journée de la France, et je suis très heureux d'être ici pour la célébrer avec vous, à l'occasion d'un véritable festival musical.

Monsieur le Premier ministre,
Nous avons, Portugais et Français, beaucoup à nous dire. Nos relations bilatérales sont sans nuages et extrêmement fructueuses. Grâce notamment à la parfaite Francophonie, à laquelle je rends hommage, des élites portugaises et à la présence en France d'une importante communauté portugaise ou française d'origine portugaise, dont l'intégration dans la Nation française s'est effectuée de façon remarquable, nous nous comprenons parfaitement et les bases sont jetées d'une coopération dans tous les domaines culturels, scientifiques, économiques. Nous sommes particulièrement heureux, fiers et reconnaissants que votre pays ait fait appel à des entreprises françaises pour certains des grands travaux de l'Expo 98.

Au-delà de leur histoire et de leurs caractéristiques, nos deux pays se retrouvent dans nombre de leurs préoccupations : en politique, comme en matière internationale. Nous portons le même intérêt attentif à la stabilité et au progrès politique et économique dans ce qui fait notre environnement proche : la Méditerranée, l'Afrique. Nous avons aussi, chacun en ce qui nous concerne, la responsabilité, en tant que pays du "Nord", d'aider, conseiller et soutenir les pays qui partagent avec nous notre langue : pays lusophones de la Communauté des pays de langue portugaise pour le Portugal, pays francophones pour la France.

Et bien sûr, nous sommes maintenant depuis douze ans, partenaires au sein de l'Union européenne. Vos succès depuis 1986 sont remarquables. Le dernier en date, que nous partageons avec vous, est la qualification pour la première vague de l'euro. La France a toujours défendu l'idée que la participation à l'euro devait être la plus large possible, et qu'elle devait inclure notamment le Portugal, l'Espagne et l'Italie. Je me réjouis donc de ce résultat, qui est dû à vos efforts.

La création de l'euro est un événement majeur dans l'histoire du XXème siècle, qui marque l'avènement d'une nouvelle monnaie s'appuyant sur une population de trois cent millions environ, sur le marché unique le plus vaste et le plus riche du monde. L'euro sera demain une des grandes monnaies internationales. Elle contribuera aussi à un meilleur équilibre et une meilleur stabilité des échanges financiers.

Au cours des prochains moins, des prochaines années, le calendrier européen sera extrêmement chargé. Le nouvel élargissement qui se prépare est lui aussi un événement politique de première importance puisqu'il consacrera la réunification des éléments épars de l'Europe séparés par l'histoire récente. Cette perspective confirme la nécessité qu'il y a à adapter les structures institutionnelles et financières de l'Union. Notre souci, et c'est je crois aussi le vôtre, est que tous ces changements s'effectuent dans un esprit de justice, qui respecte l'acquis communautaire, préserve les intérêts fondamentaux des anciens membres - bien que quelques sacrifices soient inévitables - et donne à l'Europe de demain les moyens de maîtriser son propre avenir et de parler d'une voix forte sur la scène internationale.

Le Portugal et la France apporteront une contribution importante à l'accomplissement de cette tâche, notamment en l'an 2000 où, de façon très symbolique, nos deux pays exerceront successivement la présidence de l'Union européenne.

Monsieur le Premier ministre,
Permettez-moi de vous remercier encore une fois pour l'hospitalité merveilleuse que vous nous accordez, à ma délégation et à moi-même.

Je vous propose de lever notre verre au Portugal, au succès de l'Expo 98, à la France et à l'amitié entre nos deux peuples.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 juin 2001)