Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, son point de presse conjoint avec M. Nabil Chaath, ministre de la Coopération internationale de l'Autorité palestinienne, ses réponses aux questions d'actualité à l'Assemblée nationale et son entretien avec des radios et télévision étrangères, sur les affrontements entre Isréliens et Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem et la responsabilité d'Ariel Sharon, Paris les 2 et 3 octobre 2000.

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Circonstance : Affrontements entre Israéliens et Palestiniens à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem, le 2 octobre 2000

Texte intégral

Déclaration du 2 octobre 2000
Je condamne sans réserve la provocation délibérée accomplie par Ariel Sharon, pour des raisons de politique intérieure, au moment le plus sensible des négociations de paix.
Je déplore les violences qui en sont résultées.
J'appelle les deux parties à faire preuve de responsabilité, à enrayer l'engrenage de la violence et à se mobiliser plus que jamais pour la recherche de la paix./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2000)

Point de presse conjoint avec M Nabil Chaath
Je viens de recevoir Nabil Chaath qui est venu en urgence à Paris, comme dans d'autres capitales européennes, après les tragiques événements des derniers jours. J'ai eu l'occasion de déclarer, déjà, que je condamnais sans réserve la provocation effectuée, à mon sens de façon délibérée, par M. Sharon pour des raisons de politique intérieure, ce qui est encore plus grave. J'ai dit également que je déplore profondément les conséquences de cette provocation, c'est à dire les troubles et les morts qui en sont résultés et l'extrême tension.
Malheureusement ce n'est sans doute pas un hasard si ces provocations ont eu lieu à un moment décisif des discussions pour le processus de paix. Donc je redis aux Palestiniens, par l'intermédiaire de Nabil Chaath, présent ici, que nous partageons leur émotion et leur tristesse. Nous comprenons qu'ils aient demandé que la lumière soit faite par une enquête appropriée. Le président Clinton a d'ailleurs déjà fait des propositions pour une enquête qui permettrait d'y voir clair sur ces événements. Nous espérons que toutes les parties répondront favorablement à cette proposition d'enquête et si l'Europe peut apporter une contribution utile, et qu'elle est acceptée par tout le monde, elle participera volontiers car cela peut aider à rétablir le climat. De même, nous comprenons que les Palestiniens demandent d'urgence des mesures pour que les forces de sécurité, quelles qu'elles soient, ne soient plus au contact des populations dans des conditions qui ne peuvent que faire renaître des incidents graves.
Je comprends également que les autorités palestiniennes sont prêtes à faire ce qu'elles peuvent et à exercer leurs responsabilités pour abaisser cette tension, quelle que soit l'extrême douleur des populations. Donc au bout du compte, ce qui me parait très urgent, c'est de rétablir les conditions de la discussion pour la paix, dont je pense, malgré les souffrances, malgré l'indignation, les inquiétudes des uns et des autres, qu'elle doit reprendre à tout prix. C'est difficile, le temps presse, cela devient plus dur que jamais, et malgré tout, c'est plus nécessaire que jamais, comme on vient de le voir./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 4 octobre 2000)
Réponses aux questions d'actualité à l'Assemblée nationale, le 3 octobre 2000
C'est la perspective même d'un aboutissement du processus de paix, malgré les difficultés, qui révulse les extrémistes de tous bords et explique la provocation délibérée de M. Sharon - à laquelle ne sont pas non plus étrangères des considérations de politique intérieure israélienne et de compétition au sein du Likoud.
La France doit aujourd'hui faire tout ce qui est en son possible pour faire retomber la tension. Cela suppose que la commission d'enquête demandée par l'opinion soit créée, ce que viennent d'accepter l'Union européenne et les Etats-Unis. Cela suppose également que les autorités israéliennes prennent des décisions quant à la mise en place des forces de sécurité - car des incidents peuvent renaître à tout instant - et que les autorités palestiniennes, en dépit du choc, recherchent aussi l'apaisement afin que la négociation puisse reprendre. La France a toujours soutenu la négociation et nous sommes heureux de constater que Paris inspire confiance à tous les protagonistes : c'est à Paris que dès demain matin ils tenteront de renouer le fil du dialogue pour aboutir à une solution sur le fond. La France, en son nom et en celui de l'Union européenne qu'elle préside, appuiera ces efforts, comme elle l'a toujours fait./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2000)
Si la provocation d'Ariel Sharon a eu pour objet de porter un coup aux négociations en cours, la meilleure réponse à lui opposer consiste à tout faire pour déjouer ce calcul. Comme nous nous y sommes employés ces dernières heures, il faut prendre fermement position pour briser un enchaînement désastreux. Si les protagonistes ont accepté de se parler à Paris, c'est bien parce qu'ils savent que Paris fait tout pour la paix, et dans le seul intérêt des peuples de la région. Il faut revenir au plus vite au travail de fond sur Jérusalem et les territoires occupés. Après la percée extraordinaire de la mi-août, il reste possible de parvenir à un accord de paix juste et durable, même si ce choix appartient au bout du compte aux Israéliens et aux Palestiniens./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2000)
Entretien avec des radios et télévision au Centre d'accueil de la presse étrangère
le 3 octobre 2000
Q - Monsieur le Ministre, vous appuyez la formation d'une commission internationale qui va établir les faits à la suite des dernières violences dans les Territoires palestiniens. Quelle sera la contribution de la France et de l'Union européenne à cette commission ?
R - Quand j'ai reçu M. Nabil Chaath, j'ai apporté mon appui à cette demande parce qu'il me semblait qu'elle était justifiée compte tenu de ce qui s'était passé, et qu'elle serait de nature à faire baisser la tension. Le président Clinton a lui-même fait une proposition dans ce sens, proposition que nous avons soutenue. Nous avons même dit que l'Union européenne était prête a y participer si ça pouvait être utile. Mais il faut évidemment que cette proposition soit acceptée. Je souhaite que M. Barak et M. Arafat puissent en parler lors de leurs entretiens à Paris, parce que je crois que c'est un des éléments qui permettrait de faire baisser la tension.
Q - L'envoi d'observateurs comme le demandent les Palestiniens, vous paraît-il possible comme idée ?
R - Cela ne serait concevable que s'il était rétabli entre les Israéliens et les Palestiniens un climat disons de travail, un climat suffisant, un climat moins tendu qui permettrait que reprenne la discussion sur le fond. C'est presque un élément d'un accord. Je ne crois pas que l'on puisse plaquer cela artificiellement, sur une situation de tension si extrême que celle que l'on connaît en ce moment après la tragédie des derniers jours.
Q - Vous avez porté clairement la responsabilité à Ariel Sharon. Tous les responsables français ont fait de même. Est-ce que vous ne pensez pas qu'on est en train de dédouaner Ehud Barak ?
R - Je pense que chronologiquement c'est tout à fait juste de souligner que la visite de M. Sharon, dans les conditions où elle a été effectuée, a eu un effet déclencheur, au pire moment. Et je crois malheureusement que ce n'est pas tout à fait par hasard. Je crois que nous avons décrit les choses exactement comme elles se sont passées. En français, on dirait que nous avons appelé un chat un chat. C'est tout à fait juste. Pour le reste, l'essentiel n'est pas de se transformer nous-mêmes en commission d'enquête, ce n'est pas notre objet. Notre objet c'est de participer à un effort urgent pour faire retomber la tension et pour que, par ailleurs, après, les discussions sur le fond puissent reprendre. Elles sont urgentes.
Q - Qu'attendez-vous de la réunion de demain ?
R - Nous espérons qu'à Paris, dans un contexte qu'ils savent amical, dans un pays qui a pour seule politique au Proche-Orient de faciliter la paix entre tous les peuples, nous espérons que M. Arafat et M. Barak sauront trouver et annoncer les gestes de part et d'autre. Chacun doit jouer son rôle dans cette affaire qui pourrait faire retomber le plus vite possible la tension, arrêter cet engrenage de la provocation, de la peur, des représailles. Il faut arrêter d'extrême urgence ces gestes de violence et reprendre le fil de la discussion sur le fond.
Q - Demain ?
R - Demain, je ne sais pas s'il est possible de faire tout en même temps mais le fil de la discussion doit reprendre dès que possible. En tout cas, si les provocations qui ont entraîné tout ça avaient pour objet de casser les discussions sur le processus de paix et de rendre impossible au bout du compte un compromis constructif, je crois que la meilleure réponse, précisément c'est de montrer que les provocations n'ont pas marché./.

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 octobre 2000)