Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur la préparation du sommet franco-africain, notamment sur la sécurité et le maintien de la paix en Afrique et sur la coopération militaire basée sur le programme RECAMP (Renforcement des Capacités de Maintien de la Paix), Paris le 26 novembre 1998.

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Circonstance : 20ème sommet des Chefs d'Etat d'Afrique et de France à Paris les 27 et 28 novembre 1998

Texte intégral

Madame et Messieurs les Ministres,
Monsieur le représentant du Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies,
Monsieur le Secrétaire général de l'OUA,

Permettez-moi tout d'abord de dire combien je suis personnellement heureux de vous accueillir ici, à Paris, au Louvre, pour cette Réunion ministérielle de préparation de la XXème Conférence des chefs d'Etat d'Afrique et de France.

Je tiens particulièrement à saluer M. Ablassé Ouedraogo, ministre burkinabé des Affaires étrangères, qui nous avait accueillis avec beaucoup de chaleur dans sa capitale, en mars dernier, à l'occasion de notre réunion de suivi du Sommet de Ouagadougou, et qui, depuis juin dernier, nous le savons tous, ne ménage pas sa peine pour faire de la présidence burkinabé de l'OUA un succès au service de l'Afrique.

Certains d'entre vous, en arrivant ici, ont peut-être aperçu certaines des fondations (on disait alors les fossés) de la première forteresse du Louvre, de dimensions alors assez modestes, construite par le roi Charles V, il y a plus de 600 ans. Depuis lors, ces lieux n'ont cessé d'être réaménagés, notamment par l'élargissement des enceintes successives, pour s'adapter aux besoins de chaque époque. La construction d'une pyramide de verre et du Carrousel où nous nous trouvons en ce moment ne sont que les plus récentes de ces transformations.

Sans avoir une aussi longue histoire, les Sommets Afrique-France ont, me semble-t-il, connu une évolution analogue. D'abord conçus au début des années 1970, comme des réunions annuelles de chefs d'Etats africains ayant avec la France une langue, une histoire, et pour certains une zone monétaire commune, ces conférences se sont assez rapidement ouvertes à de nouveaux partenaires, lusophones d'abord, arabophones, anglophones et hispanophones ensuite, jusqu'à regrouper aujourd'hui, à Paris, pour cette vingtième édition, la quasi-totalité des Etats du continent.

Cet élargissement constant, cette ouverture à l'ensemble du continent africain résulte à la fois d'une dynamique et d'une volonté. La dynamique, chacun la voit bien : comment la France et ses partenaires de longue date pouvaient-ils débattre de leurs préoccupations communes sans, très vite, prendre en compte l'environnement immédiat, sous-régional d'abord, régional ensuite, des pays constituant le noyau initial de ces sommets ? La volonté, ensuite, s'est affirmée, dès le début des années 1980, d'associer chaque fois plus largement de nouveaux partenaires à nos réflexions communes.

Et, de même qu'en s'élargissant au fil des siècles, le Grand Louvre est resté fidèle aux fondations posées par Charles V, de même, cette ouverture de nos Sommets à l'ensemble de l'Afrique se fait dans la fidélité à nos amis de longue date.

J'abandonnerai là le parallèle de l'histoire du Louvre et l'histoire de nos sommets, mais après en avoir évoqué un autre aspect : dans les deux cas, en effet, ce qui est en cause, c'est la durée, le long terme, la continuité d'une attention.

Je voudrais à présent, très rapidement, vous donner quelques indications sur l'ordre du jour de la Conférence et sur la façon dont nous imaginons son déroulement.

Comme vous le savez, ces conférences sont largement informelles. Chacune s'organise autour d'un thème général. Cette année, c'est à l'examen des questions liées à la sécurité en Afrique que nos chefs d'Etat consacreront leurs travaux. Sur une question aussi vaste, chacun, naturellement, pourra librement évoquer les questions de son choix. Et nous savons tous qu'elles sont nombreuses. Pour structurer un peu les travaux, nous avons souhaité renouveler l'expérience qui avait été conduite avec succès à Ouagadougou, où certains chefs d'Etat avaient accepté d'introduire brièvement certains aspects du thème général.

Quelques chefs de délégation, dont les pays sont tout particulièrement confrontés à certains problèmes, présenteront leurs réflexions, leur expérience, et dans certains cas leurs initiatives, sur des questions qui se trouvent au coeur de nos travaux.

Sans parler des questions d'actualité que chacun doit se sentir libre d'aborder s'il le souhaite, seront ainsi développés, dans un ordre qui dépendra sans doute largement de la dynamique des débats, les sujets suivants :

  • le maintien de la paix ;
  • le rôle des organisations sous-régionales ;
  • la lutte contre le trafic des armes de petit calibre ;
  • les liens entre sécurité et développement ;
  • les problèmes de la reconstruction après un conflit, y compris le déminage.


Je ne développerai pas, même rapidement, ces sujets. Nos débats à Ouagadougou, lors de la réunion ministérielle de mars 1998, ont largement contribué à introduire la réflexion qui a conduit à la sélection de ces sujets, et il appartient à présent aux chefs d'Etat ou de délégation d'aller plus avant, et, surtout, s'ils le souhaitent, de donner une portée pratique, concrète, à leurs travaux.

Comme vous le savez, c'est à l'occasion du précédent Sommet, en décembre 1996, qu'avait été décidée une initiative relative à la situation, alors très difficile, en République centrafricaine. Une mission de médiation, d'abord, puis la mission d'observation des Accords de Bangui, la MISAB, en ont été les suites opérationnelles avec les résultats que l'on connaît.

Je pense par conséquent qu'il n'est pas utile, dans cette réunion ministérielle, de prétendre faire le Sommet avant le Sommet. Et je voudrais que nous n'engagions pas ici entre nous un débat sur le fond, sur le thème général, mais que vous concentriez nos éventuelles interrogations sur la méthode, sur la forme des débats.

Je rappellerai à cet égard pour clore sur ce point cette rapide introduction que ce Sommet ne donnera lieu à aucune déclaration finale publique à caractère général. Ceci, afin de ne pas préjuger de la teneur des débats, et de leur laisser la plus grande liberté possible qu'un compte rendu des travaux élaborés par la présidence française s'attachera à refléter le plus fidèlement possible.

En rapport avec le thème général du Sommet, la sécurité en Afrique, je voudrais d'autre part vous dire quelques mots d'une initiative que je viens de prendre pour assurer la mise en oeuvre, du côté français, des efforts visant à aider au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.

Vous savez qu'en mai 1997, la France, le Royaume-Uni et les Etats Unis avaient décidé de proposer conjointement à l'ensemble de leurs partenaires, en Afrique et hors d'Afrique, la création d'un dispositif, placé sous l'égide des Nations unies, en liaison avec l'OUA et visant à mieux coordonner l'aide internationale au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix.

Grâce à l'action du Secrétaire général des Nations unies, deux réunions se sont d'ores et déjà tenues à New York - en décembre 1997 et mai 1998 - pour présenter et mettre en route ce dispositif.

A l'intérieur de ce dernier, la France a choisi de développer un programme ambitieux, que nous avons baptisé RECAMP (Renforcement des Capacités de Maintien de la Paix), doté en 1998 de 180 millions de francs, soit quelque 30 millions de dollars, dotation qui devrait être globalement reconduite en 1999.

Pour dynamiser ce programme, le faire connaître, et rassembler autour de lui d'autres partenaires, donateurs et bénéficiaires, j'ai récemment chargé l'Ambassadeur Gabriel Regnauld de Bellescize, un excellent connaisseur de l'Afrique, d'en assurer le suivi et la promotion, en relation avec notre ministère de la Défense. Il vous dira dans quelques instants ce que sont les perspectives de RECAMP et pourra répondre à vos interrogations.

Comme vous le savez, la France, premier bailleur d'aide publique au développement en Afrique, et premier partenaire commercial de l'Afrique, a engagé une réforme de ses dispositifs de coopération. Cette réforme vise à mieux répondre, à mieux accompagner les efforts engagés par vous-même sur la voie d'une bonne gouvernance et d'ajustements courageux.
Les principes de cette réforme vous avaient été exposés en mars lors de notre réunion ministérielle de Ouagadougou. Je demanderai à M. Charles Josselin, ministre délégué à la Coopération et à la Francophonie, de dresser un rapide état de la mise en oeuvre de ces orientations.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 octobre 2001)