Déclaration de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la justice, sur les droits de l'Homme, Grenoble le 25 novembre 2000.

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Circonstance : Congrès du PS à Grenoble du 24 au 26 novembre 2000

Texte intégral

Marilyse LEBRANCHU.- Merci.
Le hasard fait que j'interviens juste après toi, Louis Mermaz
Je vais donc puisque tu m'as interpellé, abandonner ce que je devais dire. En 1995 il y eut un formidable espoir avec Lionel Jospin. Cet espoir, avec François Hollande, et tout le Parti Socialiste s'est transformé en formidable victoire en 1997.
Oui, Louis, le pays va mieux, beaucoup mieux, mais curieusement, le temps des citoyens n'est plus celui des politiques.
Les citoyens sont rassurés par les chiffres du chômage, mais s'inquiètent des pressions du monde. Nous avons encore à être vigilant, ils peuvent se détacher de nous, de nos valeurs, alors oui, Louis, tu as raison, c'est de valeurs qu'il faut parler !
Je crois profondément aujourd'hui qu'au-delà de tous les catalogues, de toutes les mesures que nous pourrions dire, ici, il faut que nous pensions à ce que nous disait autrefois Mendès France : " la vérité, jour après jour, doit être connue, doit être dite, pour que la justice sociale se bâtisse ".
Et la vérité effectivement, jour après jour, nous devons la dire.
Nous devons savoir que trop de citoyens sont justement choqués de l'absence de reconnaissance de la dignité de tous, de la dignité de chacun.
Trop de gens se sentent considérés comme indignes, dans nos quartiers, dans nos prisons, dans notre pays.
Tu as parlé de l'aide juridictionnelle, nous allons avancer sur ce dossier, le gouvernement s'y est engagé. Mais au-delà de ça, parce qu'avec Elisabeth Guigou, Lionel Jospin a écrit que ce pays est un pays du droit, pays de la liberté, pays de sécurité, nous avons un formidable devoir de porter la reconnaissance européenne, internationale de la dignité.
Aujourd'hui, Louis, vois-tu, il y a quelque part, dans le monde, en ce moment, des enfants qui ont froid de faim, froid de guerre, froid d'agression, froid de ces nouvelles formes terribles de marchés de la détresse, qui font qu'on peut utiliser cette horrible pauvreté pour faire quasiment de ces gens des marchandises.
Au-delà de ce que tu as justement dit, il faut que la France, - parce qu'il y a Bernard Kouchner au Kosovo, Badinter qui se bat avec force pour la Cour pénale Internationale de Justice contre la volonté des américains - exige de l'Europe le langage permanent de reconnaissance des droits, base de l'espace européen de liberté. C'est le seul rempart contre ce qui se passe aujourd'hui, tranquillement à bas bruit.
Il existe une idéologie muette mais dominante, libérale qui fait de la réussite économique son fer de lance, qui oublie les hommes, qui oublie les femmes, qui oublie les enfants, qui oublie que la réussite économique ne se bâtit pas contre les gens, mais pour eux.
Il faut que l'Europe dise - pourquoi pas le 30 novembre au sein du conseil des ministres de la Justice et de l'Intérieur - au monde que le message de la Convention Européenne des Droits de l'homme doit devenir un message international permanent des Droits de l'homme. Pour dire tout cela, oui, nous avons besoin de militants qui renouent avec le désir de dire que la dignité de l'individu est notre premier engagement, que la liberté se bâtit sur la garantie de la dignité de chacun et qu'on est loin du compte, très loin du compte. Et qu'à l'autre bout du monde, parce que la détresse est devenu un marché, parce qu'on pense même à breveter le vivant, on a oublié le fond : les hommes et les femmes, les enfants sont des individus que nous respectons tellement que nous sommes, nous, socialistes, tous les jours, confrontés à la réalité des mépris. Au-delà de notre engagement quotidien militant et gouvernemental, c'est un engagement fort que nous avons : celui de dire que les socialistes ont la responsabilité, avec la gauche plurielle de dire que les hommes et les femmes du monde ont besoin de dignité, de liberté, et ont donc besoin de nous. Merci.
(Applaudissements).
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 27 novembre 2000)