Texte intégral
Madame la Ministre,
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Parler du cinéma français, c'est d'abord parler d'émotions et de plaisirs. Mes fonctions ne me permettent plus d'aller au cinéma aussi souvent que je le souhaiterais ; j'essaie cependant de préserver parfois quelques heures pour retrouver la magie des salles obscures. Je suis donc très heureux de l'occasion qui m'est donnée par le "premier rendez-vous européen du cinéma français", organisé à l'occasion des cinquante ans d'Unifrance, de vous accueillir aujourd'hui à l'hôtel Matignon. Tous ici - créateurs, artistes, producteurs, acheteurs et distributeurs, journalistes et critiques du cinéma - vous êtes intéressés par le cinéma français impliqués dans son avenir. C'est de l'action en faveur des créations françaises que je voudrais vous parler.
(I) Un système d'aides original a permis au cinéma français de s'affirmer en Europe et dans le monde. (II) Des faiblesses persistantes nous invitent à renforcer notre action dans le cadre-européen. (III) C'est en recherchant un nouvel équilibre dans le régime de diffusion et de soutien aux oeuvres que nous assurerons la pérennité de notre cinéma.
I - C'est la vertu essentielle de notre système d'aides que d'avoir permis au cinéma français, dans un contexte difficile - de conserver sa richesse et sa diversité. L'an dernier la France a produit ou co-produit plus de 180 films dont 147 d'initiative française. Films à grands moyens et effets spéciaux, films intimistes, comédies, drames : cette variété des créations doit à tout prix être préservée. "Industrie de prototype", le cinéma ne crée que des produits uniques. Il leur faut cependant trouver un public.
Dans cette quête du public le plus vaste, notre cinéma a des atouts : c'est son image, sa réputation, liées à son histoire, de Méliès à nos jours en passant par la Nouvelle Vague ; ce sont ses actrices et acteurs qui ont su se faire un nom au-delà de nos frontières ; c'est enfin le soutien, ouvert aux autres cultures, qu'il a apporté aux cinématographies du monde entier. Pour toutes ces raisons, le cinéma français constitue avec l'offre hollywoodienne une vraie alternative.
Pour jouer pleinement ce rôle alternatif, il doit savoir s'exporter.
L'exportation des films français, leur diffusion à l'étranger revêtent donc une importance capitale. Comme le Centre national de la cinématographie, comme les postes culturels et audiovisuels du ministère des Affaires étrangères, Unifrance y contribue. Sa création témoigne de la volonté de votre profession et des pouvoirs publiés d'ouvrir le cinéma français aux marchés extérieurs. Cinquante ans après, le retour du public vers les salles obscures est le fruit d'efforts tenaces et constants. Notre cinéma est en Europe le plus présent dans les coproductions internationales, et tout spécialement inter-européennes. Les films français les plus coûteux sont dans la plupart des cas "prévendus " en Europe, qui est ainsi devenue leur débouché naturel.
Mais le cinéma français a aussi ses faiblesses.
II. Ces faiblesses persistantes nous invitent à renforcer notre action dans le cadre européen.
Comme les autres cinémas européens, le cinéma français a connu des difficultés. La baisse des entrées en Europe commence à peine à être enrayée. Elle n'a laissé aux films non nationaux et non américains qu'une place réduite. Les nouvelles chaînes européennes, aux ressources modestes, sont sensibles à la pression des distributeurs américains, dont notre continent constitue le premier marché étranger. La France reste donc attachée au régime européen des quotas que garantit la directive "Télévision transfrontières". J'ai rappelé, à plusieurs reprises, qu'à nos yeux le cinéma n'est pas un produit comme un autre. J'ai annoncé solennellement que la France refusait de participer plus longtemps à la négociation de l'AMI, qui a, de ce fait, été interrompue. D'autres négociations sont en cours : la France défendra partout avec la même détermination l'exception culturelle. Car protéger le cinéma européen, c'est préserver notre identité, et donner à nos créateurs un espace de liberté indispensable.
C'est en Europe et par l'Europe que se constituera un espace culturel nouveau, enrichi les différences entre nos cultures nationales. La France plaide donc pour un renforcement des moyens d'actions communautaires en faveur du cinéma. Je veux saluer la présence ce soir et l'action des distributeurs européens, regroupés dans l'Association Europa-cinéma, financée pour une large part par la Communauté à travers le plan Média II.
Mesdames et Messieurs,
En cinquante ans, alors que des cinématographies nationales disparaissaient, notre cinéma s'est épanoui, en produisant de grands chefs d'oeuvre qui marquent aujourd'hui encore les mémoires. C'est le fruit notamment du système original que j'évoquais il y a quelques minutes.
III. Aujourd'hui, c'est en recherchant un nouvel équilibre dans le régime de diffusion et de soutien aux oeuvres que nous assurerons la pérennité de notre cinéma. Nous restons très attachés à ce système qui a fait ses preuves et a su prendre en compte l'arrivée des télévisions. De ce bilan positif, je tire trois enseignements.
En premier lieu, le cinéma français n'est jamais aussi fort que lorsqu'il est uni. Le dialogue et le compromis doivent donc toujours être recherchés.
D'autre part, les pouvoirs publics doivent veiller à préserver l'équilibre du système d'aides. A côté de films à gros budgets, fers de lance indispensables de l'exportation, il doit y avoir place pour d'autres oeuvres. De même, la production, la distribution, la diffusion doivent éviter d'excessives concentrations.
Enfin, - et c'est une troisième idée -, l'ensemble des chaînes de télévision jouent un rôle majeur. Les obligations qui leur incombent sont sans doute la contrepartie de leur autorisation d'émettre. Elles sont pourtant, pour la plupart, allées au-delà. Elles permettent ainsi à des films plus nombreux et variés de se financer. Le service public doit être à cet égard exemplaire. Quelle que soit à l'avenir l'évolution de ses structures, chaque chaîne doit rester maîtresse de sa politique de production de films, pour garantir le pluralisme.
Face aux plus récentes évolutions, il reste à trouver un nouvel équilibre dans le régime de diffusion et de soutien aux oeuvres. Les effets de la technique numérique peuvent inquiéter votre profession. Ils peuvent remettre en cause l'équilibre d'un système éprouvé. Le gouvernement croit aux vertus de la concurrence, qui enrichit l'offre de programmes aux téléspectateurs et donc la demande de films. Mais parce que le cinéma n'est pas un secteur comme un autre, parce que nous restons opposés à une analyse purement marchande de la culture, nous pensons qu'une régulation reste plus que jamais nécessaire. Je souhaite donc que chacun des partenaires du cinéma français participe aux discussions qui s'engageront sur la "chronologie des médias" ou le financement du cinéma, avec le souci - essentiel - de ne pas déstabiliser un système qui a jusqu'à présent profité à tous.
L'Etat entend y jouer pleinement son rôle. Il n'a plus dans certains domaines tels que les "délais de diffusion des films" un pouvoir réglementaire. Son implication reste cependant déterminante, notamment par les dispositifs d'aides. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel joue par ailleurs un rôle essentiel dans la régulation audiovisuelle. Soyez assurés, Mesdames et Messieurs, qu'il sera guidé par le seul souci d'assurer l'avenir du cinéma français.
Qu'il me soit permis pour conclure d'espérer que nos amis étrangers de passage à Paris soient plus séduits encore lorsqu'ils nous quitteront par notre cinéma. Je souhaite à Unifrance un très bon anniversaire et, en cette saison des voeux, je forme, Monsieur le Président, pour vous-même, pour tous les artistes que vous avez invités ce soir, des voeux professionnels, et surtout personnels : je souhaite que vous nous donniez, cette année comme par le passé, beaucoup de plaisir et d'émotion au cinéma, et de nouvelles occasions d'apprécier le talent de chacun d'entre vous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Parler du cinéma français, c'est d'abord parler d'émotions et de plaisirs. Mes fonctions ne me permettent plus d'aller au cinéma aussi souvent que je le souhaiterais ; j'essaie cependant de préserver parfois quelques heures pour retrouver la magie des salles obscures. Je suis donc très heureux de l'occasion qui m'est donnée par le "premier rendez-vous européen du cinéma français", organisé à l'occasion des cinquante ans d'Unifrance, de vous accueillir aujourd'hui à l'hôtel Matignon. Tous ici - créateurs, artistes, producteurs, acheteurs et distributeurs, journalistes et critiques du cinéma - vous êtes intéressés par le cinéma français impliqués dans son avenir. C'est de l'action en faveur des créations françaises que je voudrais vous parler.
(I) Un système d'aides original a permis au cinéma français de s'affirmer en Europe et dans le monde. (II) Des faiblesses persistantes nous invitent à renforcer notre action dans le cadre-européen. (III) C'est en recherchant un nouvel équilibre dans le régime de diffusion et de soutien aux oeuvres que nous assurerons la pérennité de notre cinéma.
I - C'est la vertu essentielle de notre système d'aides que d'avoir permis au cinéma français, dans un contexte difficile - de conserver sa richesse et sa diversité. L'an dernier la France a produit ou co-produit plus de 180 films dont 147 d'initiative française. Films à grands moyens et effets spéciaux, films intimistes, comédies, drames : cette variété des créations doit à tout prix être préservée. "Industrie de prototype", le cinéma ne crée que des produits uniques. Il leur faut cependant trouver un public.
Dans cette quête du public le plus vaste, notre cinéma a des atouts : c'est son image, sa réputation, liées à son histoire, de Méliès à nos jours en passant par la Nouvelle Vague ; ce sont ses actrices et acteurs qui ont su se faire un nom au-delà de nos frontières ; c'est enfin le soutien, ouvert aux autres cultures, qu'il a apporté aux cinématographies du monde entier. Pour toutes ces raisons, le cinéma français constitue avec l'offre hollywoodienne une vraie alternative.
Pour jouer pleinement ce rôle alternatif, il doit savoir s'exporter.
L'exportation des films français, leur diffusion à l'étranger revêtent donc une importance capitale. Comme le Centre national de la cinématographie, comme les postes culturels et audiovisuels du ministère des Affaires étrangères, Unifrance y contribue. Sa création témoigne de la volonté de votre profession et des pouvoirs publiés d'ouvrir le cinéma français aux marchés extérieurs. Cinquante ans après, le retour du public vers les salles obscures est le fruit d'efforts tenaces et constants. Notre cinéma est en Europe le plus présent dans les coproductions internationales, et tout spécialement inter-européennes. Les films français les plus coûteux sont dans la plupart des cas "prévendus " en Europe, qui est ainsi devenue leur débouché naturel.
Mais le cinéma français a aussi ses faiblesses.
II. Ces faiblesses persistantes nous invitent à renforcer notre action dans le cadre européen.
Comme les autres cinémas européens, le cinéma français a connu des difficultés. La baisse des entrées en Europe commence à peine à être enrayée. Elle n'a laissé aux films non nationaux et non américains qu'une place réduite. Les nouvelles chaînes européennes, aux ressources modestes, sont sensibles à la pression des distributeurs américains, dont notre continent constitue le premier marché étranger. La France reste donc attachée au régime européen des quotas que garantit la directive "Télévision transfrontières". J'ai rappelé, à plusieurs reprises, qu'à nos yeux le cinéma n'est pas un produit comme un autre. J'ai annoncé solennellement que la France refusait de participer plus longtemps à la négociation de l'AMI, qui a, de ce fait, été interrompue. D'autres négociations sont en cours : la France défendra partout avec la même détermination l'exception culturelle. Car protéger le cinéma européen, c'est préserver notre identité, et donner à nos créateurs un espace de liberté indispensable.
C'est en Europe et par l'Europe que se constituera un espace culturel nouveau, enrichi les différences entre nos cultures nationales. La France plaide donc pour un renforcement des moyens d'actions communautaires en faveur du cinéma. Je veux saluer la présence ce soir et l'action des distributeurs européens, regroupés dans l'Association Europa-cinéma, financée pour une large part par la Communauté à travers le plan Média II.
Mesdames et Messieurs,
En cinquante ans, alors que des cinématographies nationales disparaissaient, notre cinéma s'est épanoui, en produisant de grands chefs d'oeuvre qui marquent aujourd'hui encore les mémoires. C'est le fruit notamment du système original que j'évoquais il y a quelques minutes.
III. Aujourd'hui, c'est en recherchant un nouvel équilibre dans le régime de diffusion et de soutien aux oeuvres que nous assurerons la pérennité de notre cinéma. Nous restons très attachés à ce système qui a fait ses preuves et a su prendre en compte l'arrivée des télévisions. De ce bilan positif, je tire trois enseignements.
En premier lieu, le cinéma français n'est jamais aussi fort que lorsqu'il est uni. Le dialogue et le compromis doivent donc toujours être recherchés.
D'autre part, les pouvoirs publics doivent veiller à préserver l'équilibre du système d'aides. A côté de films à gros budgets, fers de lance indispensables de l'exportation, il doit y avoir place pour d'autres oeuvres. De même, la production, la distribution, la diffusion doivent éviter d'excessives concentrations.
Enfin, - et c'est une troisième idée -, l'ensemble des chaînes de télévision jouent un rôle majeur. Les obligations qui leur incombent sont sans doute la contrepartie de leur autorisation d'émettre. Elles sont pourtant, pour la plupart, allées au-delà. Elles permettent ainsi à des films plus nombreux et variés de se financer. Le service public doit être à cet égard exemplaire. Quelle que soit à l'avenir l'évolution de ses structures, chaque chaîne doit rester maîtresse de sa politique de production de films, pour garantir le pluralisme.
Face aux plus récentes évolutions, il reste à trouver un nouvel équilibre dans le régime de diffusion et de soutien aux oeuvres. Les effets de la technique numérique peuvent inquiéter votre profession. Ils peuvent remettre en cause l'équilibre d'un système éprouvé. Le gouvernement croit aux vertus de la concurrence, qui enrichit l'offre de programmes aux téléspectateurs et donc la demande de films. Mais parce que le cinéma n'est pas un secteur comme un autre, parce que nous restons opposés à une analyse purement marchande de la culture, nous pensons qu'une régulation reste plus que jamais nécessaire. Je souhaite donc que chacun des partenaires du cinéma français participe aux discussions qui s'engageront sur la "chronologie des médias" ou le financement du cinéma, avec le souci - essentiel - de ne pas déstabiliser un système qui a jusqu'à présent profité à tous.
L'Etat entend y jouer pleinement son rôle. Il n'a plus dans certains domaines tels que les "délais de diffusion des films" un pouvoir réglementaire. Son implication reste cependant déterminante, notamment par les dispositifs d'aides. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel joue par ailleurs un rôle essentiel dans la régulation audiovisuelle. Soyez assurés, Mesdames et Messieurs, qu'il sera guidé par le seul souci d'assurer l'avenir du cinéma français.
Qu'il me soit permis pour conclure d'espérer que nos amis étrangers de passage à Paris soient plus séduits encore lorsqu'ils nous quitteront par notre cinéma. Je souhaite à Unifrance un très bon anniversaire et, en cette saison des voeux, je forme, Monsieur le Président, pour vous-même, pour tous les artistes que vous avez invités ce soir, des voeux professionnels, et surtout personnels : je souhaite que vous nous donniez, cette année comme par le passé, beaucoup de plaisir et d'émotion au cinéma, et de nouvelles occasions d'apprécier le talent de chacun d'entre vous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr)