Interview de M. Denis Kessler, vice-président délégué du MEDEF, à Radio Classique le 6 septembre 2000, sur le coût des réassurances et des assurances de dommages et la négociation sur l'assurance chômage.

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Média : Radio Classique

Texte intégral

HEDWIGE CHEVRILLON : Denis KESSLER, bonjour !
DENIS KESSLER : Bonjour !
HEDWIGE CHEVRILLON : Alors vous êtes en direct de Monaco où se tient le grand congrès, la grand-messe de la réassurance. Alors une fois n'est pas coutume, je vais d'abord m'adresser au n°1 de la Fédération française des sociétés d'assurances et puis après au n°2 du MEDEF. La réassurance est-ce qu'elle se porte bien, parce qu'on sait que c'est là un secteur dans lequel les Européens sont vraiment les leaders mais le cru 2000 ne s'annonce pas très bien avec les catastrophes, notamment la catastrophe de " l'Erika " ?
DENIS KESSLER : Oui, un réassureur c'est indispensable pour les assureurs et puis c'est ce qui permet de lisser à la fois dans l'espace et dans le temps les grandes catastrophes autrement on ne pourrait pas absorber des chocs comme, par exemple, les tempêtes qui ont affecté la France à la fin de 1999, les fameuses tempêtes Lauda et Martin (phon). Donc c'est indispensable pour absorber, non seulement je dis les chocs de catastrophes naturelles mais également pour les grands chocs, les grands sinistres, les grandes catastrophes industrielles, c'est absolument indispensable. Alors la situation actuelle est la suivante, il y a une augmentation forte de la sinistralité, c'est-à-dire du nombre d'évènements, comme on dit dans notre jargon, qui ont été extrêmement coûteux en 99. L'an 2000 n'a pas permis l'augmentation des tarifs pour combler les difficultés et le creusement des sinistres et donc on est dans une situation effectivement relativement morose et tout le monde attend l'entrée dans ce qu'on appelle un cycle haussier qui devrait se poursuivre sur plusieurs années.
HEDWIGE CHEVRILLON : Ca veut dire en bas de la chaîne pour nos consommateurs sans doute encore une hausse des cotisations ; c'est ça que vous sous-entendez ?
DENIS KESSLER : Alors écoutez, encore une hausse des cotisations, non, je ne reprendrai pas votre expression puisque, comme vous le savez, le prix relatif de l'assurance en assurance de dommages n'a fait que baisser au cours des années passées.
HEDWIGE CHEVRILLON : Absolument.
DENIS KESSLER : Quand vous regardez la situation aussi bien des risques industriels que d'ailleurs des risques de particuliers hors-taxes bien entendu, nous sommes dans une situation dans laquelle en fait les consommateurs, les assurés ont bénéficié d'une situation extrêmement favorable sur plusieurs années.
HEDWIGE CHEVRILLON : Oui, mais,
DENIS KESSLER :, après justement la tempête, la grande tempête de décembre il y a déjà eu des hausses des cotisations.
DENIS KESSLER : Oui, absolument. Relativement faibles par rapport au coût des tempêtes. Il faut savoir qu'en deux jours, ceci a représenté plus que l'encaissement annuel de toutes les multirisques habitations en France, donc rendez-vous compte un peu du choc que
HEDWIGE CHEVRILLON : Le chiffre final du coût de la tempête ?
DENIS KESSLER : Oui, c'est toujours aux alentours de 45 milliards de francs, ce qui est évidemment tout à fait considérable, mais je dis bien encore une fois les cotisations ont peu augmenté par rapport à ce que je lis de-ci de-là et en fait ce sont bien les réassureurs au niveau mondial qui ont porté une très large part de ces évènements de catastrophes naturelles.
HEDWIGE CHEVRILLON : Donc un climat un petit peu morose à Monaco.
DENIS KESSLER : Un peu morose mais le secteur s'est restructuré, il y a eu une très forte concentration au cours des quatre dernières années absolument incroyable quand on regarde les chiffres du nombre d'opérations très élevé et puis les réassureurs aussi qui essaient de développer de nouveaux secteurs d'activité, comme, par exemple, la réassurance dans le domaine de la prévoyance, de l'assurance-vie, de l'invalidité et puis des nouvelles techniques aussi, ce qu'on appelle la réassurance financière qu'ils développent pour offrir de nouveaux services aux assureurs.
HEDWIGE CHEVRILLON :
DENIS KESSLER :, un accord a été trouvé cette nuit entre les fédérations de transporteurs routiers et le ministre GAYSSOT ; est-ce que ça vous paraît un bon accord, sachant que c'est une réduction de 35 centimes par litre de la taxe de la TIPP ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, la méthode ne correspond absolument pas en ce qui nous concerne, le MEDEF, nous souhaitons, nous avons toujours considéré que c'est anormal que, dans notre pays, la plupart des difficultés ou des contentieux ou des conflits dégénèrent systématiquement par ces épreuves de force, ces blocus, ces barrages, en d'autres cas des manifestations de toute nature, ceci n'est pas normal, il y a véritablement un mal français. Quand vous regardez, le choc pétrolier affecte tous les pays européens en même temps puisqu'il n'y a pas de raisons qu'il affecte plus la France que les autres pays, ça ne se passe pas comme ça dans les autres pays, ce qui montre bien que les relations entre les acteurs économiques, les acteurs sociaux et l'Etat ont été placées dans des termes qui sont en ce qui nous concerne des termes qui ne sont pas satisfaisants.
HEDWIGE CHEVRILLON : Ce que vous déplorez, c'est toujours le recours à l'Etat ; c'est ça, Monsieur KESSLER ?
DENIS KESSLER : C'est le recours à l'Etat, c'est le blocus, c'est cette espèce de mayonnaise politico-médiatique qui aboutit à cette tension et qui fait que, semble t-il, les seules solutions pour pouvoir débloquer les situations soient systématiquement le recours à des extrêmes, que, en ce qui nous concerne, nous ne partageons absolument pas et je le dis très directement. Nous souhaitons en ce qui nous concerne qu'on développe en France un autre type de rapports que ceux qui sont à l'uvre à l'heure actuelle.
HEDWIGE CHEVRILLON : Alors qu'est-ce que vous auriez préconisé ?
DENIS KESSLER : Non, je dis encore une fois c'est anormal que, face à une situation comme ça, d'abord la tentation de tous les acteurs, c'est de se tourner d'abord vers l'Etat, qui lui-même d'ailleurs s'en satisfait puisqu'il apparaît avoir le premier rôle et puis il faudrait passer des nuits blanches pour pouvoir arriver à des accords, tout ceci ne correspond pas à une démocratie moderne dans une économie moderne et nos voisins d'ailleurs très nombreux, ici à Monte-Carlo posent des questions sur la façon dont la France, tout se termine systématiquement dans les bureaux des ministres.
HEDWIGE CHEVRILLON : Alors justement à propos de bureau de ministre,
DENIS KESSLER :, là je prends votre casquette de n°2 du MEDEF, demain vous devez aller voir Martine AUBRY, non, à 9h30, c'est ce qu'on dit ?
DENIS KESSLER : Oui.
HEDWIGE CHEVRILLON : Oui. Vous avez envoyé un texte commun à tous les signataires de la nouvelle convention sur l'assurance-chômage, donc le MEDEF, la CFDT et la CFTC. Est-ce que ce texte sans parler de recul, est-ce qu'on peut au moins parler de concessions, est-ce que vous avez ouvert, entrouvert un peu la porte, même si ce n'est pas dans votre habitude ?
DENIS KESSLER : Certainement pas. Vous voyez bien, là c'est l'Etat qui provoque les partenaires sociaux dans ce dossier-là puisque nous avions négocié en toute bonne foi, en toute loyauté un accord très innovant qui a été transmis, il y a quand même plus de deux mois aux pouvoirs publics et c'est les pouvoirs publics qui ont bloqué ce texte, ils ont provoqué la crispation. Nous considérons, nous, au MEDEF qu'il y a des excès de pouvoir qui ont été faits parce qu'ils ne rentrent pas dans les attributions d'un ministre de commencer à discuter le contenu d'un texte mais il doit le valider en respectant la loi et donc très honnêtement, on a organisé le conflit, on a voulu pour des raisons politiques aboutir à ceci, c'est-à-dire qu'on soit obligé de venir et de respecter, que ce soit l'Etat qui ait le premier rôle, tout ceci s'est en train de se dérouler, nous en ce qui nous concerne nous
HEDWIGE CHEVRILLON : Vous en êtes où, quoi ?
DENIS KESSLER : Dans l'accord les cinq signataires avaient prévu de toute façon, dans l'accord dès le 14 juin 2000 nous avions prévu d'éclaircir les relations financières avec l'Etat, c'est en toutes lettres dans cet accord et nous avions également souhaité éclaircir qui fait quoi entre l'ANPE, d'une part, et l'UNEDIC et les ASSEDIC, d'autre part. Nous étions disposés dès le mois de juin, le 14 juin nous l'avions écrit, nous l'avons dit à l'Etat qui n'a pas voulu jusqu'à présent entamer ces discussions et la lettre que nous avons fait avec les cinq signataires lundi, simplement pour dire à l'Etat : nous sommes prêts à vous faire des propositions dans les domaines qui étaient les domaines de toute façon de clarification nécessaires. Alors quand le lendemain on voit tout ça, concession, modification d'attitudes, que sais-je encore, on a perdu très honnêtement deux mois, on a perdu deux mois parce que ces discussions on aurait pu les avoir de manière très utile dès le début du mois de juillet.
HEDWIGE CHEVRILLON : Mais est-ce que vous êtes prêts à renoncer à doter l'UNEDIC d'un pouvoir de sanction, qui est un des, je dirais, un des points qui coince, notamment avec les non-signataires ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, ne parlons pas des non-signataires, ils ont pris leurs responsabilités, ils n'ont pas voulu signer, c'est leur affaire. A la limite, je le dis encore une fois, c'est à eux qu'il faut poser des questions sur l'attitude de leur comportement et de leur décision. En ce qui nous concerne, nous n'allons pas modifier l'accord du 14 juin pour une raison simple, c'est que c'est dans les attributions des partenaires sociaux que d'établir des accords dans le cadre de l'UNEDIC, depuis 1958 nous avons une fonction
HEDWIGE CHEVRILLON : Oui, mais dans les modalités d'application de cet accord, c'est peut-être là où on peut trouver
DENIS KESSLER : Si on retire toute la substance de cet accord ne croyez pas que nous allons en ce qui nous concerne continuer à dire que c'est notre volonté. C'est incroyable, un accord librement négocié exprime la volonté des parties. Vous aviez huit organisations qui ont participé, cinq qui se sont mis d'accord, cet accord en ce qui nous concerne nous le considérons comme valable, alors
HEDWIGE CHEVRILLON : D'accord,
DENIS KESSLER :, mais là concrètement vous faites quoi, demain dans quel état d'esprit vous allez voir Martine AUBRY ?
DENIS KESSLER : Ecoutez dans un état d'esprit les pouvoirs publics ont bloqué cet accord, je dis bien encore une fois selon nous sans doute en faisant des excès de pouvoir, maintenant nous avons des propositions à leur faire dans les deux domaines que nous avons identifiés, il y en a trois d'ailleurs, c'est également l'accès au service du PARE pour ceux qui relèvent du régime de solidarité, donc
HEDWIGE CHEVRILLON : Le plan d'aide au retour à l'emploi, le PARE.
DENIS KESSLER : Le plan d'aide au retour à l'emploi et donc nous avons en ce qui concerne le contentieux financier des propositions à faire, nous avons aussi une articulation ANPE/UNEDIC, nous avons des propositions. Je vous rappelle qu'à ce jour nous n'avons pas eu de demande de la part de l'Etat sur ces deux points-là. Nous avons eu des lectures de l'accord fait publiquement qui ne correspondent absolument pas au contenu réel, mais nous n'avons pas eu, nous, en ce qui nous concerne, des demandes précises de la part de l'Etat. J'espère que demain et c'est dans cet état d'esprit-là que nous y allons, s'il y a de la bonne volonté de la part de l'Etat, l'Etat nous dira enfin ce qu'il veut et puis on lui dira oui ou non en fonction très honnêtement de nos intimes convictions et de la conception que l'on a des rapports sociaux. Nous avons des propositions à faire également, nous espérons
HEDWIGE CHEVRILLON : Des propositions sur quoi ?
DENIS KESSLER : Comme vous dites, nous avons des propositions pour solder ce contentieux financier et qu'on cesse vraiment dans
HEDWIGE CHEVRILLON : Vous êtes prêts à reverser, enfin l'UNEDIC pourrait reverser une part de sa cagnotte à l'Etat ?
DENIS KESSLER : Mais nous avions déjà dit en juin 2000, c'était il y a plus de deux mois et demi, que nous souhaitions cette clarification des relations financières puisqu'il y a des financements croisés, l'Etat prend ça en charge et puis il ne prend pas ça en charge et puis il y a des contentieux et puis il ne paie pas ce qu'il devrait payer. Dans d'autres cas, il appelle prêts ce qui était des subventions, enfin bref tout ceci est un méli-mélo qui ne correspond absolument pas à notre vision de voir, nous nous souhaitons définitivement dire ceci c'est l'UNEDIC et c'est nous, ça, c'est l'Etat et c'est l'Etat et que l'on cesse, je dis bien encore une fois, ces espèces de financements qui sont tout à fait perturbateurs. Donc soldons le passé, soldons, trouvons un motus vivendi en ce qui concerne la coexistence d'un régime qui relève des partenaires sociaux de l'UNEDIC et d'un régime ou de dispositif qui relève de l'Etat qui est l'UNEDIC et puis après que chacun assume ses responsabilités, nous nous sommes prêts à le faire, mais nous ne le ferons pas dans n'importe quelles conditions.
HEDWIGE CHEVRILLON : Merci, Denis KESSLER, vous étiez donc en direct de Monaco.
(source http://www.medef.fr, le 30 octobre 2000)