Interview de M. Denis Kessler, vice-président délégué du MEDEF, à France 2 le 20 décembre 2000, sur le bilan de la Refondation sociale et le dialogue entre les partenaires sociaux.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

GERARD MORIN : Bonjour à tous. Denis Kessler, bonjour.
DENIS KESSLER : Bonjour.
GERARD MORIN : Avec les dirigeants patronaux, vous avez rencontré hier les dirigeants des centrales syndicales pour faire le point sur le chantier de Refondation sociale. Un chantier que vous avez lancé il y a plus d'un an maintenant et qui aboutit moyennement, finalement parce tout n'a pas été lancé et tout n'aboutit pas.
DENIS KESSLER : Il a été lancé qu'au mois d'avril dans la réalité puisque l'accord date du 3 février et puis les premières réunions se sont tenues au mois d'avril. Ecoutez, nous avons ouvert 4 chantiers, il y en a deux qui sont terminés, qui ont abouti à un accord
GERARD MORIN : L'assurance chômage et la santé au travail
DENIS KESSLER : L'assurance chômage et la santé au travail. Dans le premier cas, il s'agissait vraiment d'adapter le système d'assurance chômage et nous y sommes parvenus.
GERARD MORIN : Ca a été laborieux.
DENIS KESSLER : Ca a été laborieux parce que le gouvernement a tout fait pour freiner l'agrément de cet accord. Et puis la santé au travail qui consiste à améliorer la prévention des risques dans l'entreprise. C'est très important, ça a eut moins de retentissement, mais pour nous, c'est très important.
GERARD MORIN : Et là aussi, pardon, sur ce deuxième chantier également, la CGT et Force ouvrière n'ont pas suivi.
DENIS KESSLER : Nous le regrettons mais que voulez-vous, c'est à ces organisations de prendre leurs responsabilités. Elles n'ont pas voulu s'associer malheureusement à ces deux chantiers. Eh bien, nous en prenons acte. Ca ne nous empêche pas de continuer avec les syndicats qui acceptent de réformer notre système de protection sociale.
GERARD MORIN : Là, vous lancez le chantier sur la formation qui est important pour tout le monde de l'entreprise.
DENIS KESSLER : Oui, c'est important. La formation c'est important pour tous les salariés français. Parce que dans notre intention, c'est 15 millions de salariés qui vont bénéficier de ce nouvel élan que l'on va donner à la formation professionnelle.
GERARD MORIN : C'est-à-dire que l'on va revoir les lois sur la formation permanente continue qui datent de 1970, 1971 ?
DENIS KESSLER : On va les adapter. Vous vous rendez compte, ces lois, elles ont déjà 30 ans. A l'origine, c'était un accord qui était transformé dans une loi. Elles ont déjà 30 ans. Et là, nous entrons dans ce que l'on appelle la société du savoir, la société de la connaissance, il y a une accélération du progrès technologique, c'est absolument nécessaire de repenser entièrement la formation. Parce que l'on considère que c'est l'impératif pour l'ensemble des salariés. Les salariés français veulent gagner davantage d'argent et nous les comprenons. Ils veulent, bien entendu, faire carrière. Eh bien, le moyen, c'est plus de formation et une formation de meilleure qualité.
GERARD MORIN : D'autres chantiers qui se lancent en cette fin d'année ?
DENIS KESSLER : Alors, nous avons à boucler un chantier compliqué qui est le chantier de la retraite complémentaire, qui a été, lui, initié en début d'année 2000 et que nous avons l'intention de boucler d'ici la fin de cette année.
GERARD MORIN : Oui, vous disiez même d'ici le 21 décembre, c'est-à-dire après-demain, ou demain.
DENIS KESSLER : C'est demain. C'est demain. Nous sommes le 20. Notons que le 21, c'est le lendemain du 20. Donc, c'est demain soir que nous allons travailler pour essayer de trouver une solution à ce problème qui est parfaitement connu de la part de nos interlocuteurs. Comme vous le savez, la France vieillit, comme vous le savez, l'espérance de vie augmente et comme vous le savez, nous allons devoir demain travailler plus longtemps. Donc, il faut prendre cette décision. C'est une décision importante pour protéger l'avenir de nos enfants.
GERARD MORIN : Les cotisations pour les caisses de retraite complémentaire ne seront pas Vous n'y renoncez pas le patronat quoiqu'il arrive ? Les entreprises cotiseront ?
DENIS KESSLER : Deux choses importantes. Pour les personnes qui sont actuellement à la retraite, il n'y a aucun problème. Il faut le dire. Je veux dire qu'ils ne sont pas concernés, les retraites sont versées, ce sont des droits qui ont été acquis et ces droits seront respectés pendant toute la période de la retraite. Ce qu'il s'agit de faire sur 20 ans, c'est d'adapter les droits pour les nouvelles générations qui arrivent aujourd'hui à la retraite et qui arriveront en 2010, 2015, 2020. Comme vous voyez, nous avons prévu un programme extrêmement progressif qui consiste, grosso modo, à préparer l'avenir en 20 ans. Donc, vous voyez, les effets pleins de ce que nous proposons commencent en 2023. C'est vraiment plus que progressif.
GERARD MORIN : Vous pensez sincèrement arriver à un accord d'ici demain soir ? Même tard dans la nuit ?
DENIS KESSLER : Oh, vous savez, je ne désespère de rien. Nous avons négocié l'accord Unedic dans les conditions que vous connaissez, beaucoup de nuits blanches. Depuis le début de l'année, monsieur Morin, c'est 90 réunions qui ont eu lieu. Le dialogue social en France, ça fonctionne, ça marche, nous avons la volonté d'y aller. Et regardez, il y a des résultats. Nous continuons et la bonne nouvelle d'hier, c'est que l'ensemble des syndicats ont décidé de continuer, ce qui est absolument fondamental pour tous les salariés, pour tous les retraités et bien entendu pour toutes les entreprises.
GERARD MORIN : Pourquoi Marc Blondel de Force ouvrière dit-il que la Refondation sociale, c'est du bidon ?
DENIS KESSLER : Oh, vous savez, comme dans " Blanche-Neige ", il y a les " Joyeux " et puis les " Grincheux ". Bon, écoutez, il y a des personnes qui décident de ne pas accompagner tout ceci, qui sont insatisfaites. C'est leur droit. Et je le respecte. Bon, c'est du bidon ? Très bien pour lui, ça ne l'est pas pour nous. Ca ne l'est pas pour nous et ça ne l'est certainement pas pour tous ceux qui sont concernés par nos mesures et qui vont voir davantage de formation, davantage de prévention des risques, un meilleur accompagnement pour les chômeurs et des baisses de cotisation. Je vous rappelle que dans l'accord Unedic, il y a des baisses de cotisation qui concernent tous les salariés français. Elles commencent quand ? Dans 10 jours. Il faut se réjouir. Vous allez voir sur les feuilles de paye de tous les salariés français un allégement des cotisations chômage. Ca, c'est une bonne nouvelle pour l'année 2001.
GERARD MORIN : Denis Kessler, allez-vous lancer un chantier sur la représentativité des salariés, des syndicats ?
DENIS KESSLER : Il est lancé. Il est lancé. Il n'a pas encore abouti parce que ce sont des questions extrêmement compliquées. Mais nous, nous souhaitons bien entendu avoir des règles du jeu sociales nouvelles, adaptées à notre temps. Nous en avons proposé. Elles sont discutées par les syndicats.
GERARD MORIN : Avant-dernière chose. 2001 sera, je pense, encore votre année de lutte contre les 35 heures dans les PME ?
DENIS KESSLER : De toute façon, vous savez, la lutte contre une loi qui a des effets pervers comme on les voit, cette lutte, elle est nécessaire. Cette loi n'a que des effets pervers : augmentation de l'inflation, perte de compétitivité, augmentation de la conflictualité Non, écoutez, c'est une mesure qui se traduit par des goulets d'étranglement. Nous continuerons inlassablement, inlassablement
GERARD MORIN : Et vous croyez que Lionel Jospin vous entendra comme il vous a entendu sur l'Unedic pour donner l'agrément ?
DENIS KESSLER : Monsieur Morin, ce n'est pas nous qu'il faut écouter. Il faut écouter la réalité du terrain. Lorsque nous disons qu'il y a à l'heure actuelle des pénuries de main d'uvre, que la croissance française est freinée par cette loi, ce n'est pas nous qu'il faut écouter. Il faut regarder le terrain et puis prendre des décisions. Nous en avons proposé et nous attendons des pouvoirs publics qu'ils prennent ces décisions sur les 35 heures.
GERARD MORIN : Une toute petite dernière chose. Le Conseil constitutionnel a dit : le gouvernement a tord de baisser la CSG pour les Smicards. Il casse une disposition de loi de financement de la Sécurité sociale. Est-ce que le Conseil constitutionnel a bien fait selon vous ?
DENIS KESSLER : Il a parfaitement raison. Il y avait rupture de l'égalité des citoyens devant l'impôt. Nous nous réjouissons de la décision du Conseil constitutionnel. C'est une mesure qui n'était pas appropriée. Il faut respecter ces principes. Chacun doit payer l'impôt. La CGS était un bon impôt, une cotisation simple, une cotisation proportionnelle. On avait commencé à tripatouiller tout ça. Le Conseil constitutionnel dit non. Bravo.
GERARD MORIN : Denis Kessler, merci pour ces précisions.
(Source http://www.medef.fr, le 22 décembre 2000).