Déclaration de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur la place des retraités et des personnes âgées dans la société, la prévention des maladies liées au vieillissement, et la célébration en 1999 de l'Année internationale des personnes âgées, Paris le 17 décembre 1998.

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Circonstance : Installation du Comité national des retraités et personnes âgées (CNRPA) à Paris le 17 décembre 1998. Mission confiée à M. Jean-Marie Palach (IGAS) en vue de la célébration en 1999 de l'Année internationale des personnes âgées

Texte intégral

Madame la Présidente et chère collègue,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec grand plaisir que je participe, à la séance d'installation du CNRPA.
Comme vous le savez mes attributions viennent d'être élargies à l'action sociale et comme Martine AUBRY, j'attache une grande importance à la place des retraités et des personnes âgées dans notre société.
Notre pays est confronté à des changements profonds et irréversibles. Le vieillissement de la population française, résultant notamment des progrès dans le domaine médical et social, constitue un de ces changements et, à ce titre, figure parmi les préoccupations des pouvoirs publics.
L'espérance de vie sans incapacité augmente aujourd'hui plus rapidement que l'espérance de vie.
Si ce mouvement se confirme, le nombre de personnes dépendantes progressera moins rapidement que celui des personnes âgées. Cet allongement de la durée de vie sans incapacité apporte incontestablement une note optimiste dans le débat actuel sur l'évolution des dépenses de santé. On sait, en effet, qu'en moyenne la consommation médicale augmente fortement aux âges élevés. Or, on peut aujourd'hui espérer majoritairement vieillir en bonne santé. Plusieurs conditions détermineront la confirmation de ce bienfait du progrès. Je voudrais insister sur deux d'entre elles.
La première est celle du développement de la prévention des pathologies liées principalement à l'avancée en âge. Il est en effet nécessaire que cette prévention devienne une constante des politiques sanitaire et sociale.
A cet égard, il faut distinguer clairement le vieillissement pathologique - et ses maladies que l'on peut éventuellement prévenir - du vieillissement physiologique, processus naturel et inéluctable.
Il est désormais acquis que ce n'est pas le vieillissement qui entraîne la dépendance mais plutôt les maladies qui lui sont liées.
Or, si l'incidence de celles-ci augmente bien sûr avec l'âge, une partie non négligeable d'entre elles peut être prévenue, ou au moins est-il possible d'en atténuer l'impact : maladies cardio-vasculaires et cérébro-vasculaires, ostéoporose, dénutrition, conséquences des accidents domestiques, incontinence...
Et les progrès de la médecine prédictive - à condition que celle-ci soit sérieusement encadrée par des normes éthiques devraient largement élargir nos possibilités dans ce domaine.
Toutefois, quels que soient les progrès de la prévention et ceux de la médecine, toutes les maladies ne peuvent être éliminées.
Je suis particulièrement préoccupé par celles qui induisent une dégénérescence du système nerveux, parce qu'elles durent souvent très longtemps, se déclarant à des âges moyens, et parce qu'elles entraînent pour l'entourage des contraintes très lourdes.
Je puis vous dire que le Secrétariat d'Etat à la Santé et à l'Action sociale participe étroitement à la réflexion européenne menée actuellement sur ce sujet. Les résultats des études en cours, confiées à des experts français (épidémiologistes, gériatres, économistes,... ) ou réalisées en partenariat avec eux, nous donneront, bientôt je l'espère des éléments pour l'élaboration d'une stratégie innovante en la matière.
Dans l'immédiat, il convient de prendre en compte le fait que l'évolution de ces pathologies nécessite des prises en charge variées et adaptées à chaque stade de la maladie mais respectant un principe directeur : éviter, autant que possible, la mise à l'écart des malades. C'est une question de dignité et d'humanité. C'est aussi un enjeu thérapeutique. Mais sa mise en oeuvre est difficile.
Pour permettre un maintien au domicile dans les meilleures conditions possibles, il importe d'agir précocement afin d'aider la personne, bien sûr, mais aussi son entourage familial. Il est donc crucial de renforcer les "aides aux aidants" auquel il faudrait pouvoir proposer une formation adaptée pour leur permettre de mieux affronter des situations familiales difficiles.
S'agissant plus généralement de l'aide à domicile, chacun s'accorde désormais pour dire que le fonctionnement d'ensemble du dispositif n'est pas satisfaisant. Il est trop opaque pour les usagers et trop complexe pour les multiples gestionnaires qui interviennent.
Il nous faudra donc mettre en place un système de meilleure qualité donc mieux coordonné sur le terrain mais aussi plus professionnalisé, ainsi que l'a souligné, à l'instant, Martine Aubry.
Deuxième condition pour lutter contre l'accélération du vieillissement pathologique : il convient de cesser de penser autonomie et dépendance en termes antinomiques et inconciliables et de veiller au contraire à renforcer les capacités des individus à se gouverner eux-mêmes, y compris en tenant compte de leur dépendance.
Il faut aider les personnes âgées à devenir des acteurs de leur vieillissement en bonne santé. Car la politique en faveur des personnes âgées, dont la "refondation" est souhaitée à juste titre par le CNRPA, ne se réduit évidemment pas à la prise en charge de la dépendance.
Les seniors et les personnes âgées jouent un rôle majeur dans notre société : ils constituent un facteur important de stabilité familiale et, par là-même, un des chaînons de cette solidarité qui permet la cohésion sociale de notre société .
Le rôle social et la citoyenneté de nos aînés doivent donc être reconnus et favorisés. A ce titre, la politique de la vieillesse doit avoir pour ambition de donner à nos concitoyens une vision plus positive du vieillissement, et à nos aînés une place à part entière dans la collectivité.
Tel est le sens de la décision des Nations-Unies de célébrer en 1999 l'Année internationale des personnes âgées autour du thème : "Une société pour tous les âges". L'Assemblée générale des Nations-Unies a, par cet appel, invité les Etats à mettre à profit cette année afin de mieux faire comprendre les problèmes que pose le vieillissement des populations, les besoins des personnes âgées, mais aussi et surtout, de mettre en valeur la contribution que ces dernières apportent à la société.
Nous venons d'entrer, depuis le 1er octobre dernier, dans cette année internationale.
Le Gouvernement, par la voix de Madame AUBRY, a affirmé la volonté d'une participation active de la France à cette célébration et celle de tirer parti des réflexions générales engagées à cette occasion pour refonder la politique française des personnes âgées, trente six ans après le rapport Laroque.
Un comité de pilotage, présidé par Monsieur Michel THIERRY, Inspecteur général des affaires sociales, a dans cette perspective été installé le 29 juin. Le rapporteur général est Monsieur Jean-Marie PALACH, également membre de l'I.G.A.S.
Il est composé de représentants des administrations concernées, de personnalités qualifiées ainsi que de représentants des associations, des organismes de protection sociale, des collectivités territoriales et des organismes techniques offrant une expertise sur le rôle des personnes âgées dans la société.
Sous son égide ont été constitués 4 groupes de travail qui conduiront leur réflexion sur les thèmes suivants : la place des retraités dans une France solidaire et citoyenne ; la santé des personnes âgées ; les personnes âgées et leurs familles ; les personnes âgées et l'habitat.
La remise du rapport de synthèse des travaux de ces groupes est prévue pour l'automne 1999. En octobre prochain, une conférence nationale à ouverture internationale permettra de présenter la synthèse des conclusions et des perspectives dégagées par ces groupes de travail
Bien entendu, se développeront, tout au long de l'année, des manifestations décentralisées, concernant l'ensemble du territoire français et ouvertes aux échanges et aux comparaisons internationales. Une procédure de labellisation par les pouvoirs publics sera mise en oeuvre.
Permettez-moi enfin en guise de conclusion de formuler un voeu et une proposition. Le voeu que cette instance, qui va maintenant élire son vice-président, puisse poursuivre dans un esprit constructif ses échanges avec les pouvoirs publics. Et, dans cette perspective, je vous propose, pour poursuivre le dialogue, de recevoir prochainement le nouveau vice-président accompagné du bureau du C.N.R.P.A..



(source http://www.social.gouv.fr, le 25 septembre 2001)