Texte intégral
O. Mazerolle : Le chef de cabinet du maire de Paris et du Premier ministre qui s'appelait J. Chirac est en prison. Le Président de la République est-il menacé d'une instruction judiciaire ?
- "Non. D'abord dans cette affaire, il n'y a pas que le RPR, il y a également le parti socialiste. Je voudrais répondre à ce que je viens d'entendre sur votre antenne - cela répond à votre question en même temps - de la part d'Alain Duhamel. J'ai été très longtemps magistrat et juge d'instruction et je regarde ce qui ce passe aujourd'hui. Lorsque la justice, comme on l'a vu ces jours-ci, se donne en spectacle ou fait du spectacle, ce n'est plus de la justice. Regardez ce qui se passe depuis quelque temps : des perquisitions en direct, ce n'est pas le code. On a vu Dumas, on a vu Strauss-Kahn, on voit Roussin en direct à la télévision. Lorsqu'on voit le secret de l'instruction, violé délibérément, dans les secondes qui a suivi l'interrogation de telle ou telle personne, lorsqu'on voit - encore plus grave- la présomption d'innocence bafouée comme ce qui s'est passé vendredi soir, lorsqu'on met en prison quelqu'un parce qu'il ne peut pas parler, parce qu'il ne veut pas dire ce que le juge veut qu'il dise, je dis qu'il n'y a plus de justice et que la justice est partie dans une mauvaise direction. Quand je suis devenu magistrat, il y a très longtemps, un grand juge m'avait dit : "Tu sais, les magistrats sont là pour rendre des jugements, des arrêts, pour dire le droit et non pour rendre des services." On a le sentiment aujourd'hui qu'on choisit la veille des élections pour sortir des affaires qui sont connues depuis dix ans, quinze ans - la justice est d'une lenteur désespérante ! - et pour mettre les affaires sur la place publique. "
Mais à qui les juges rendraient -ils service en l'occurrence ?
- "Tout ce qui est en train de se faire déstabilise l'Etat, déstabilise la démocratie, et c'est l'ouverture au poujadisme et à la démagogie. Je dis que la majorité des juges rendent bien leur service, mais je dis que dans cette affaire, la justice ne fonctionne pas correctement, pour toutes les raisons que je viens d'énoncer, parce que derrière tout cela il y a des hommes, il y a des individus, et on n'a pas le droit de traiter des gens comme on les traite actuellement. Que les choses soient très claires : cette affaire concerne tous les partis politiques et pas simplement le RPR. Je vous ai écouté, vous n'avez cité que J. Chirac, parce que M. Roussin était proche de M. J. Chirac, mais les autres trésoriers..."
Hier soir, M. Moscovici était sur l'antenne de RTL, on lui a parlé...
- "Il n'est au courant de rien, il ne sait rien. "
C'est la même chose pour M. Chirac.
- "Je ne sais pas si vous connaissez le fonctionnement des partis politiques, mais en tout cas, je connais le fonctionnement du RPR. Le Président du RPR n'est au courant de rien, en ce qui concerne le financement. Il n'est au courant que des dons légaux, ce qui est normal, et n'est pas au courant d'autre chose, s'il y a autre chose. La presse dit : il n'est pas au courant du reste ; ne parlons pas de M. Chirac, ou alors on veut dans cette affaire non pas chercher la vérité, on cherche à déstabiliser un homme. Je crois que ce n'est pas bien. "
Pourquoi madame Tissot, par exemple, qui est RPR, qui était présidente de la Commission d'appel d'offres au Conseil Régional et qui avait dénoncé le système à l'époque, dit : "maintenant, nous sommes en présence d'une affaire d'Etat. "
- "Chacun peut dire ce qu'il veut. Je vous dis simplement qu'il y a des faits : que la justice passe tranquillement, sereinement, mais pas cette justice spectacle car quand on fait du spectacle, on ne fait plus de la justice. "
Il y a quelques semaines, vous disiez "non à la repentance" mais maintenant F. Bayrou parle d'une opération mani pulite, comme en Italie. Il dit : "il y a une crise morale et politique profonde." P. Séguin réclame une grande explication sur la responsabilité collective.
- "Je ne souhaite ni repentance ni grande explication. Je souhaite simplement que la justice se fasse tranquillement, passe tranquillement, sereinement, qu'elle travaille dans la discrétion et dans le sérieux et à ce moment-là, on arrivera à la vérité. "
M. Borloo, UDF, dit : "si personne ne parle et si on ne fournit pas d'explication, c'est la rue qui va finir par demander des explication".
- "Je me méfie de ces hommes politiques qui sont à la limite du poujadisme et de la démagogie. "
Qu'est-ce que vous répondez, ce matin, à ceux qui se disent : dans le fond, Jean Marie Le Pen n'avait pas tort, Philippe De Villiers n'avait pas tort, Arlette Laguiller n'a pas tort, et d'autres encore.
- "Non. Je crois qu'il faut continuer à laisser la justice faire son travail, et évitons les phrases. Si vous voulez, je voudrais qu'on parle de l'inversion du calendrier... "
Vous ne croyez pas quand même que, à force de voir constamment revenir sur la scène la question de l'immunité du Président de la République, M. Montebourg qui est en train d'essayer d'obtenir des signatures de députés pour pouvoir traduire le Président de la République en Haute Cour, cela ne sème aucun trouble ?
- "Cela sème un trouble. Je souhaite que la justice passe, je souhaite qu'on n'en fasse pas une affaire d'un parti politique, ou d'une formation politique, mais que cela concerne l'ensemble des formations politiques, qu'on regarde l'application de la loi et que s'il y a eu des manquements, ils soient sanctionnés. C'est une position raisonnable, raisonnée. Attention, attention..."
On nous dira : la justice a été ficelée...
- "Non, la justice n'a jamais été ficelée, c'est déshonorant pour les magistrats. Je l'ai été longtemps, et ce n'est pas le pouvoir qui ficelle la justice. Cela dit, la justice a besoin de calme et de sérénité, et elle n'a pas besoin d'interventions des politiques. "
Sur le plan politique, mauvais week-end pour le Président de la République, François Bayrou a obtenu de se présenter à la présidence, A. Madelin dit : "J. Chirac n'a pas de bilan", et enfin l'UDF est prête à voter maintenant l'inversion de calendrier.
- "Sur l'inversion du calendrier, il faut que les choses soient claires. Certains veulent effectivement que l'élection présidentielle se situe avant l'élection législative. Si c'est leur conviction, alors ils doivent déposer non pas une proposition UDF, ils doivent demander la réforme de la constitution pour d'une part fixer définitivement comme règle l'élection présidentielle avant l'élection législative, et puis, comme corollaire, la disparition de droit de dissolution et, ce qu'ils ne peuvent pas, l'immortalité du Président de la République pendant son mandat. Mais telle n'est pas du tout la proposition de M. Jospin. M. Jospin ne cherche pas à l'avenir à empêcher qu'il y ait l'élection présidentielle avant l'élection législative, il fait une réforme pour convenance personnelle parce qu'il sait que sa seule chance, s'il en a une encore, c'est celle là. Et comme il est tellement convaincu qu'il faut jouer avec les institutions, il ne cherche pas à les modifier, il cherche simplement à inverser le calendrier pour raisons personnelles. Il ne se situe pas dans la tradition de la Vème République, car c'est du marchandage et c'est de la magouille. Or la Vème République a été justement créée par les constituants de 1958 pour éviter ce marchandage et cette magouille avec les partis politiques. "
M. Barre, qui a déposé une proposition de loi, tient un discours différent du vôtre, et il vous a donné la leçon hier soir sur France 3. Il a dit : " ceux qui ont dévoyé la Vème République, ce sont ceux qui ont accepté la cohabitation à partir de 86 ". Si mes souvenirs sont bons en 86, le Premier ministre s'appelait J. Chirac.
- "La cohabitation est prévue dans les institutions de la Vème République. Je l'ai dit plusieurs fois..."
"Dévoiement de la Vème République", dit R. Barre.
- "Mais on ne dévoie pas la Vème République lorsqu'on l'applique, comme le voulait le Général de Gaulle, c'est-à-dire avec une lecture soit parlementaire, soit présidentielle. Je vous rappelle que la constitution de la Vème République a prévu la cohabitation. Un exemple : dans le domaine de la défense, le Président est chef des armées et le Premier ministre, responsable de la défense nationale. On a prévu cette cohabitation, on a prévu qu'il n'y aurait pas toujours concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire. J. Chirac a appliqué la constitution, il l'a appliquée avec ses personnalités, mais aujourd'hui il ne s'agit plus de cela, il s'agit de revenir au régime des partis, puisque M. Jospin veut sa réforme. Comme il veut sa réforme, il négocie des circonscriptions avec le parti communiste, avec les Verts : ce n'est plus de la Vème, c'est même plus de la Vème évoluée, c'est le retour au régime des partis et à l'incapacité et à l'immobilité de l'Etat. Cela, nous n'en voulons pas et je récuse tous ceux qui disent que M. Jospin se situe dans la tradition de la Vème République. Non, il se situe dans la tradition de la mauvaise IVème République. "
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 décembre 2000)
- "Non. D'abord dans cette affaire, il n'y a pas que le RPR, il y a également le parti socialiste. Je voudrais répondre à ce que je viens d'entendre sur votre antenne - cela répond à votre question en même temps - de la part d'Alain Duhamel. J'ai été très longtemps magistrat et juge d'instruction et je regarde ce qui ce passe aujourd'hui. Lorsque la justice, comme on l'a vu ces jours-ci, se donne en spectacle ou fait du spectacle, ce n'est plus de la justice. Regardez ce qui se passe depuis quelque temps : des perquisitions en direct, ce n'est pas le code. On a vu Dumas, on a vu Strauss-Kahn, on voit Roussin en direct à la télévision. Lorsqu'on voit le secret de l'instruction, violé délibérément, dans les secondes qui a suivi l'interrogation de telle ou telle personne, lorsqu'on voit - encore plus grave- la présomption d'innocence bafouée comme ce qui s'est passé vendredi soir, lorsqu'on met en prison quelqu'un parce qu'il ne peut pas parler, parce qu'il ne veut pas dire ce que le juge veut qu'il dise, je dis qu'il n'y a plus de justice et que la justice est partie dans une mauvaise direction. Quand je suis devenu magistrat, il y a très longtemps, un grand juge m'avait dit : "Tu sais, les magistrats sont là pour rendre des jugements, des arrêts, pour dire le droit et non pour rendre des services." On a le sentiment aujourd'hui qu'on choisit la veille des élections pour sortir des affaires qui sont connues depuis dix ans, quinze ans - la justice est d'une lenteur désespérante ! - et pour mettre les affaires sur la place publique. "
Mais à qui les juges rendraient -ils service en l'occurrence ?
- "Tout ce qui est en train de se faire déstabilise l'Etat, déstabilise la démocratie, et c'est l'ouverture au poujadisme et à la démagogie. Je dis que la majorité des juges rendent bien leur service, mais je dis que dans cette affaire, la justice ne fonctionne pas correctement, pour toutes les raisons que je viens d'énoncer, parce que derrière tout cela il y a des hommes, il y a des individus, et on n'a pas le droit de traiter des gens comme on les traite actuellement. Que les choses soient très claires : cette affaire concerne tous les partis politiques et pas simplement le RPR. Je vous ai écouté, vous n'avez cité que J. Chirac, parce que M. Roussin était proche de M. J. Chirac, mais les autres trésoriers..."
Hier soir, M. Moscovici était sur l'antenne de RTL, on lui a parlé...
- "Il n'est au courant de rien, il ne sait rien. "
C'est la même chose pour M. Chirac.
- "Je ne sais pas si vous connaissez le fonctionnement des partis politiques, mais en tout cas, je connais le fonctionnement du RPR. Le Président du RPR n'est au courant de rien, en ce qui concerne le financement. Il n'est au courant que des dons légaux, ce qui est normal, et n'est pas au courant d'autre chose, s'il y a autre chose. La presse dit : il n'est pas au courant du reste ; ne parlons pas de M. Chirac, ou alors on veut dans cette affaire non pas chercher la vérité, on cherche à déstabiliser un homme. Je crois que ce n'est pas bien. "
Pourquoi madame Tissot, par exemple, qui est RPR, qui était présidente de la Commission d'appel d'offres au Conseil Régional et qui avait dénoncé le système à l'époque, dit : "maintenant, nous sommes en présence d'une affaire d'Etat. "
- "Chacun peut dire ce qu'il veut. Je vous dis simplement qu'il y a des faits : que la justice passe tranquillement, sereinement, mais pas cette justice spectacle car quand on fait du spectacle, on ne fait plus de la justice. "
Il y a quelques semaines, vous disiez "non à la repentance" mais maintenant F. Bayrou parle d'une opération mani pulite, comme en Italie. Il dit : "il y a une crise morale et politique profonde." P. Séguin réclame une grande explication sur la responsabilité collective.
- "Je ne souhaite ni repentance ni grande explication. Je souhaite simplement que la justice se fasse tranquillement, passe tranquillement, sereinement, qu'elle travaille dans la discrétion et dans le sérieux et à ce moment-là, on arrivera à la vérité. "
M. Borloo, UDF, dit : "si personne ne parle et si on ne fournit pas d'explication, c'est la rue qui va finir par demander des explication".
- "Je me méfie de ces hommes politiques qui sont à la limite du poujadisme et de la démagogie. "
Qu'est-ce que vous répondez, ce matin, à ceux qui se disent : dans le fond, Jean Marie Le Pen n'avait pas tort, Philippe De Villiers n'avait pas tort, Arlette Laguiller n'a pas tort, et d'autres encore.
- "Non. Je crois qu'il faut continuer à laisser la justice faire son travail, et évitons les phrases. Si vous voulez, je voudrais qu'on parle de l'inversion du calendrier... "
Vous ne croyez pas quand même que, à force de voir constamment revenir sur la scène la question de l'immunité du Président de la République, M. Montebourg qui est en train d'essayer d'obtenir des signatures de députés pour pouvoir traduire le Président de la République en Haute Cour, cela ne sème aucun trouble ?
- "Cela sème un trouble. Je souhaite que la justice passe, je souhaite qu'on n'en fasse pas une affaire d'un parti politique, ou d'une formation politique, mais que cela concerne l'ensemble des formations politiques, qu'on regarde l'application de la loi et que s'il y a eu des manquements, ils soient sanctionnés. C'est une position raisonnable, raisonnée. Attention, attention..."
On nous dira : la justice a été ficelée...
- "Non, la justice n'a jamais été ficelée, c'est déshonorant pour les magistrats. Je l'ai été longtemps, et ce n'est pas le pouvoir qui ficelle la justice. Cela dit, la justice a besoin de calme et de sérénité, et elle n'a pas besoin d'interventions des politiques. "
Sur le plan politique, mauvais week-end pour le Président de la République, François Bayrou a obtenu de se présenter à la présidence, A. Madelin dit : "J. Chirac n'a pas de bilan", et enfin l'UDF est prête à voter maintenant l'inversion de calendrier.
- "Sur l'inversion du calendrier, il faut que les choses soient claires. Certains veulent effectivement que l'élection présidentielle se situe avant l'élection législative. Si c'est leur conviction, alors ils doivent déposer non pas une proposition UDF, ils doivent demander la réforme de la constitution pour d'une part fixer définitivement comme règle l'élection présidentielle avant l'élection législative, et puis, comme corollaire, la disparition de droit de dissolution et, ce qu'ils ne peuvent pas, l'immortalité du Président de la République pendant son mandat. Mais telle n'est pas du tout la proposition de M. Jospin. M. Jospin ne cherche pas à l'avenir à empêcher qu'il y ait l'élection présidentielle avant l'élection législative, il fait une réforme pour convenance personnelle parce qu'il sait que sa seule chance, s'il en a une encore, c'est celle là. Et comme il est tellement convaincu qu'il faut jouer avec les institutions, il ne cherche pas à les modifier, il cherche simplement à inverser le calendrier pour raisons personnelles. Il ne se situe pas dans la tradition de la Vème République, car c'est du marchandage et c'est de la magouille. Or la Vème République a été justement créée par les constituants de 1958 pour éviter ce marchandage et cette magouille avec les partis politiques. "
M. Barre, qui a déposé une proposition de loi, tient un discours différent du vôtre, et il vous a donné la leçon hier soir sur France 3. Il a dit : " ceux qui ont dévoyé la Vème République, ce sont ceux qui ont accepté la cohabitation à partir de 86 ". Si mes souvenirs sont bons en 86, le Premier ministre s'appelait J. Chirac.
- "La cohabitation est prévue dans les institutions de la Vème République. Je l'ai dit plusieurs fois..."
"Dévoiement de la Vème République", dit R. Barre.
- "Mais on ne dévoie pas la Vème République lorsqu'on l'applique, comme le voulait le Général de Gaulle, c'est-à-dire avec une lecture soit parlementaire, soit présidentielle. Je vous rappelle que la constitution de la Vème République a prévu la cohabitation. Un exemple : dans le domaine de la défense, le Président est chef des armées et le Premier ministre, responsable de la défense nationale. On a prévu cette cohabitation, on a prévu qu'il n'y aurait pas toujours concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire. J. Chirac a appliqué la constitution, il l'a appliquée avec ses personnalités, mais aujourd'hui il ne s'agit plus de cela, il s'agit de revenir au régime des partis, puisque M. Jospin veut sa réforme. Comme il veut sa réforme, il négocie des circonscriptions avec le parti communiste, avec les Verts : ce n'est plus de la Vème, c'est même plus de la Vème évoluée, c'est le retour au régime des partis et à l'incapacité et à l'immobilité de l'Etat. Cela, nous n'en voulons pas et je récuse tous ceux qui disent que M. Jospin se situe dans la tradition de la Vème République. Non, il se situe dans la tradition de la mauvaise IVème République. "
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 4 décembre 2000)