Texte intégral
Quelle politique européenne de Coopération pour le développement ?
Je vous remercie tout d'abord d'avoir ménagé à la Friedrich Ebert Stiftung ce moment d'échanges sur un sujet d'intérêt commun, et pour nous, Européens et pour les pays en développement : la Coopération pour le développement au sein de l'Union européenne.
Je n'ai pas encore eu l'occasion d'aborder ce sujet en public en dehors du territoire français. Je suis heureux de pouvoir élargir cette réflexion en Allemagne, notre partenaire principal au sein de l'Union européenne. Intervenir ici dans le cadre de la Friedrich Ebert Stiftung, dont l'action vers les pays en développement est appréciée par tous, n'en a à mes yeux que plus de sens.
Ce mois de juin marque le premier anniversaire de la nomination de Lionel Jospin à la tête du gouvernement français. Un gouvernement qui, je crois pouvoir le dire sans risque d'être contredit par les Français eux-mêmes, a su, dans la diversité de ses familles politiques, organiser la confrontation des idées, tout en affirmant son unité d'action et une grande détermination dans la mise en oeuvre de son programme.
Dans le domaine de la politique étrangère, l'un des points majeurs de ce programme était la réforme de notre Coopération. Celle-ci est en cours, j'y reviendrai plus loin mais je veux vous dire à présent que dans l'esprit du gouvernement français, une politique de développement commune aux pays de l'Union européenne est complémentaire de la réforme de nos propres structures.
L'objet de cette conférence sera de formuler des propositions précises et concrètes pour la mise en oeuvre d'une telle politique européenne. Mais auparavant, permettez-moi d'expliquer pourquoi la période me paraît favorable à une réflexion sur ce sujet.
Le moment me paraît venu notamment parce que l'Union européenne est maintenant une réalité politique. En incluant la Coopération dans la Politique étrangère et de sécurité commune, les Traités de Maastricht et d'Amsterdam ont donné une base légale à la Coopération. C'est une avancée importante pour les relations avec les pays en développement, parce qu'un dialogue politique commun de l'Union avec ceux-ci prend à présent une dimension institutionnelle.
Le moment me paraît également venu parce que nous avons, me semble-t-il, pris conscience des insuffisances de notre actuelle politique européenne de développement qu'il nous faut surmonter.
A - Je ferai à cet égard trois constats :
1) Le premier concerne l'orientation des aides européennes.
La part accordée aux pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) dans le cadre du Fonds européen de développement (FED) s'est réduite au bénéfice des actions extérieures - financées sur le budget communautaire - vers les pays en développement d'Amérique latine, d'Asie et du Moyen-Orient ainsi que vers les pays d'Europe centrale et orientale. La priorité en particulier accordée aux pays d'Europe centrale et orientale reflète les bouleversements politiques du début de cette décennie, dont l'Allemagne a été l'un des principaux acteurs. Ainsi, alors que la part accordée à l'Afrique subsaharienne représentait 70% de l'aide au début des années 70, elle est tombée dans les années 90 au dessous de 40%.
Dans le même temps et parallèlement, les instruments communautaires de Coopération au développement se sont multipliés, tant en ce qui concerne les programmes conçus sur une base géographique (FED dans la zone ACP, PVD-ALA en Amérique latine, MED pour les pays de la zone méditerranéenne...), qu'en ce qui concerne l'aide thématique (alimentaire, ONG, humanitaire, promotion de la démocratie, forêts tropicales, Sida,...) ou les régimes commerciaux préférentiels. La nature des interventions a également évolué pour inclure notamment les appuis à l'ajustement structurel. Tous ces phénomènes se sont accompagnés d'une multiplication excessive des intervenants au sein de la Commission (DG8, DG1-A, DG1-B, DG6, Echo...), chacun développant ses propres règles et méthodes donnant ainsi des armes à ceux qui dénoncent avec délectation la bureaucratie européenne.
2) Le deuxième constat est que l'aide publique au développement souffre d'une crise de légitimité, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Union européenne. De façon générale, son efficacité est souvent contestée, pour n'avoir pas réussi en particulier à éviter ce qui apparaît à bien des égards comme une marginalisation de nombreux pays dans l'économie mondiale, particulièrement en Afrique. Résultat ou conséquence, l'aide des Etats-Unis a été fortement réduite et se concentre sur quelques pays alliés. En insistant de façon privilégiée sur le commerce et l'investissement plutôt que l'aide proprement dite lors de son voyage en Afrique, le président Clinton n'a pas dissipé cette impression. Le Japon a, pour sa part, choisi de réduire en moyenne de 10% son APD au cours de cette année budgétaire.
En Europe aussi, de nombreux pays ont diminué en termes relatifs leurs financements vers les pays en développement. La France n'a pas échappé à cette tendance.
Or, l'aide de l'Union européenne ne réussit pas de son côté à convaincre de son impact sur le développement des bénéficiaires. Elle n'a pas non plus une influence à la mesure de son effort financier sur les questions de développement au niveau international. Il y a là un déficit d'identité de l'aide européenne. A cet égard, il est significatif de constater que les pays touchés par la crise asiatique ont l'impression que l'Union ne fait rien pour leur venir en aide alors qu'elle est le deuxième bailleur de fonds dans la région, derrière le Japon. Trop souvent, la Commission est assimilée par les pays en développement comme le 16ème Etat membre, ou comme une agence internationale parmi tant d'autres.
3) Troisième et dernier constat : les pays développés, en particulier ceux de l'Union européenne, ont pris des engagements internationaux nouveaux, afin notamment de s'adapter aux mutations de l'économie mondiale. Les préférences commerciales accordées aux pays en développement subissent une érosion continue depuis les Accords de Marrakech qui posent le principe d'un désarmement tarifaire mondial. L'Union européenne a également multiplié les accords commerciaux avec les pays tiers, y compris avec de nombreux pays en développement, réduisant par là même les avantages tarifaires relatifs des pays théoriquement les plus favorisés par nos préférences commerciales (comme les pays ACP). La mondialisation de l'économie s'est aussi traduite par des interdépendances nouvelles et par le souci des pays développés de demander aux pays du Sud la mise en place de minima sociaux, de normes sur le travail des enfants, de règles pour mieux maîtriser l'environnement avec le souci d'assurer un développement durable de la planète.
Que déduire de ces constats pour notre aide publique au développement en Europe ? Critiquée pour son manque de cohérence et de transparence, elle doit s'adapter rapidement. Les frontières s'ouvrent, les antagonismes politiques internationaux s'estompent, les barrières commerciales tombent, les contraintes budgétaires et financières s'alourdissent. Simultanément, la partie de l'opinion publique sensibilisée à ces questions - les ONG notamment - est en prise avec des réseaux d'information mondiaux capables de faire pression sur nos gouvernements, y compris sur la manière d'utiliser les ressources publiques vers les pays en développement. Face à ces évolutions, nous devons adapter notre aide au développement et la rendre tout à la fois, lisible, transparente et efficace.
Ce sont ces considérations qui ont guidé la réforme du dispositif français de Coopération. Elles pourraient aussi nous aider à définir en commun, plus particulièrement avec nos amis allemands, les nouvelles orientations de notre politique européenne.
B - Avant d'en venir à ces orientations, laissez-moi vous dire d'abord les directions que nous avons prises en France.
Dès son installation, le gouvernement a entrepris de refonder sa politique de Coopération au développement. Les principes en ont été arrêtés en février, et la réorganisation des structures administratives sera achevée à la fin de cette année. La préparation du budget 1999 intègre déjà cette dernière. Nous avions conscience en effet, que l'image de notre politique de Coopération avait été ternie par des échecs répétés, des appuis peu nuancés à des régimes contestables et contestés et par un manque de cohérence et de continuité dans ses orientations. Le Premier ministre Lionel Jospin a par conséquent souhaité tourner la page et sortir définitivement de l'ère post-coloniale. Il s'agit désormais de déployer notre politique de Coopération dans la plus grande transparence et de démontrer qu'elle répond à un objectif de solidarité à l'égard des pays en développement les plus pauvres, tout autant qu'à un intérêt mutuel révisé. "Ni ingérence, ni indifférence", ai-je coutume de dire à nos partenaires africains.
Cette politique de Coopération, nous voulons qu'elle constitue une composante majeure de l'action extérieure de la France et qu'elle s'oriente autour des grands principes suivants : concentrer nos actions vers les populations les plus défavorisées, répondre aux aspirations démocratiques, au respect des Droits de l'Homme et au développement humain, et gérer avec les pays partenaires leur insertion dans l'économie mondiale. Ainsi servirons-nous leur développement tout en stimulant notre propre croissance.
Mais la France ne peut plus se permettre d'affronter seule les problèmes de développement et de sécurité auxquels est confronté le continent africain avec lequel elle a longtemps entretenu une relation quasi-exclusive. Elle a en revanche un devoir de solidarité, avec l'Afrique bien sûr, avec toute l'Afrique, mais aussi avec d'autres pays marginalisés, et nous comptons sur le prisme européen pour nous aider à dessiner une carte actualisée de nos engagements.
La France inscrit en effet sa réforme et son action dans un cadre européen, pour des raisons d'efficacité comme pour des raisons politiques.
Je citerai un seul chiffre : l'Union européenne est désormais le premier contributeur mondial à l'APD, avec plus de 50 % de l'aide des pays de l'OCDE (qu'il s'agisse des concours bilatéraux des 15 Etats membres ou des ressources transitant par la Commission). La somme agrégée des aides européennes peut constituer un levier formidable pour étendre notre politique de développement à tous les pays du Sud où l'Union estime qu'elle doit agir prioritairement.
Nous devons donc unir nos forces pour renforcer la crédibilité de notre aide, et faire jouer les économies d'échelle par une coordination accrue entre pays européens.
La France a aussi conscience que les Européens sont également mieux armés pour répondre à de nombreuses préoccupations communes ayant des conséquences sur la politique européenne vers les pays du Sud. Je pense par exemple aux conséquences dues à l'élargissement vers les pays d'Europe centrale et orientale, - des pays sans véritable engagement au Sud -, ainsi qu'aux conséquences de la réalisation de l'Union économique et monétaire et de la révision des perspectives financières.
L'Europe a donc besoin de rassembler ses moyens et de les rendre plus performants, à la fois pour des raisons d'efficacité et pour maximiser ses avantages politiques.
C - Mais comment bâtir les fondements d'une politique européenne commune ?
Rappelons déjà que, ces derniers mois, les représentants des Etats membres de l'Union européenne se sont réunis fréquemment à Bruxelles afin d'élaborer un mandat européen de renégociation de la Convention de Lomé avec les pays ACP.
Ce mandat, en construisant notre approche du développement vers la plupart des pays qui ont le plus besoin de notre aide, constitue en effet l'une des pierres de l'édifice européen en matière de développement. Le maintien d'une convention spécifique entre l'Union européenne et les pays ACP est pour la France un élément essentiel de l'incontournable solidarité avec l'Afrique.
Mais je voudrais insister aujourd'hui sur des pistes de réflexion qui concernent l'ensemble de notre aide au développement. Car, à l'instar de la réforme de notre propre dispositif, nous nous devons de réfléchir sur l'ensemble des instruments, procédures et politiques de l'Union tournés vers les pays en développement.
Je ferai sept suggestions :
1. Parler d'une seule voix. Cela devrait aller de soit, il est vrai, et il ne suffit pas de le dire pour le faire. Mais sans doute est-il utile de rappeler ce que l'Europe perd lorsqu'elle est divisée, privée d'une politique commune cohérente. Quand l'Union parle d'une seule voix, elle est en mesure de peser de tout son poids au sein de la communauté des bailleurs de fonds et dans le cadre des grandes négociations internationales. Car, actuellement, reconnaissons le, le débat sur les politiques économiques et de développement est, conduit avant tout par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et d'autres institutions financières internationales. Or, en la matière l'Europe accompagne davantage le mouvement qu'elle ne le détermine.
De même, peut-on se demander s'il est normal que l'Europe soit amenée à négocier et à justifier chaque année à l'OMC sa politique préférentielle commerciale à l'égard des pays en développement. Nous sommes capables dans le cadre des Nations unies d'adopter des positions européennes communes : pourquoi ne pas tenter de nous y astreindre au sein des organisations économiques internationales ? Nous pourrions alors y rechercher des majorités d'idées avec les pays en développement.
2. Dialoguer au niveau politique ensuite. Un dialogue sur la Coopération au développement gagnerait à s'inscrire dans le cadre d'un dialogue politique plus large avec les bénéficiaires de l'aide. L'action extérieure de l'Union est en effet maintenant en mesure de mettre en oeuvre une politique d'ensemble (affaires étrangères, sécurité, politique de développement, humanitaire). Une telle évolution suppose néanmoins l'amélioration du fonctionnement de la Politique étrangère et de sécurité commune, en faveur de laquelle la France plaide avec constance. L'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam et la désignation d'un Haut-Représentant pour la Politique étrangère et de sécurité commune permettront des avancées en ce sens.
3. Rationaliser nos instruments de Coopération à Bruxelles - Aujourd'hui, et personne ne me contredira, je crois, le dispositif institutionnel européen, souffre de lourdeurs administratives. La Commission n'est certes pas le seul bailleur de fonds dans cette situation ; mais elle doit devenir irréprochable pour jouer le rôle moteur que j'évoquais.
L'ensemble des instruments de l'aide européenne au développement fait actuellement l'objet d'un rapport demandé lors du Conseil du développement du 1er juin 1995. Il faut que son examen permette d'évoluer vers des structures qui prennent davantage en compte la fonction d'exécution des projets au sein des services européens. En effet, la Commission pourrait examiner les moyens de mieux intégrer des actions transversales dans les programmes fonctionnant sur une base géographique.
La répartition des compétences devrait être également améliorée afin d'éviter que deux services différents (l'un géographique, l'autre sectoriel) de la Commission interviennent sur des domaines identiques. Une telle démarche pourrait permettre d'étendre à d'autres zones géographiques des programmes qui ont fait leur preuve. Tel est le cas du programme European community investment program (ECIP) en vertu duquel la Communauté appuie les initiatives conjointes des entreprises privées européennes et des pays en développement (Afrique du Sud et Amérique latine) grâce à un réseau de banques associées.
La rationalisation implique également que les procédures d'examen des projets gérés par l'aide européenne deviennent plus homogènes et transparentes. Les difficultés que nous rencontrons dans certains comités d'examen de projets (MED, PVD-ALA, Aide humanitaire) illustrent cette nécessité.
4. Améliorer la mise en oeuvre de l'aide communautaire. Je ne m'appesantis pas sur le constat. Chacun, je le pense, juge une amélioration nécessaire. S'agissant des modalités, deux schémas sont souvent évoqués.
Le premier consisterait à confier le rôle d'orientation, de conception et de tutelle à la Commission, les agences nationales de développement étant chargées de l'exécution et du suivi de l'aide et des projets. L'autre approche serait de transférer la plupart des fonctions de Coopération au développement à Bruxelles.
Aucune de ces approches ne me parait en fait réaliste. D'ailleurs, sauf si la plus grande efficacité d'une opération spécifique est démontrée, je ne suis pas favorable à la possibilité de déléguer des fonds européens à des opérateurs des Etats membres. Il me semble plutôt que la conduite d'une opération doit être assurée, au cas par cas, par l'institution à laquelle les ressources correspondantes ont été confiées, que cette institution soit nationale ou communautaire.
Quant à des transferts massifs de compétences à Bruxelles, ils ne feraient qu'alourdir encore l'administration européenne.
Je me félicite dans ce contexte de la création d'un service commun à toutes les directions en charge du développement à Bruxelles qui sera chargé de la mise en oeuvre de l'aide européenne. Outre les économies d'échelle envisageables, j'espère qu'elle permettra de favoriser l'émergence de procédures simplifiées et homogènes dans la gestion des différents programmes et d'aboutir à une centralisation de l'information sur l'aide communautaire. L'Union y gagnera en transparence et en efficacité.
5. Assurer une meilleure coordination au sein de l'Europe. La coordination opérationnelle, qui permet aux représentations des Etats membres et de la Commission de s'assurer sur place de la cohérence et de la complémentarité des programmes bilatéraux et communautaires, offre à cet égard, une piste intéressante. L'idée, proposée par la Commission pour la prochaine Convention de l'Union européenne ACP, de déconcentrer une partie de la gestion de l'aide communautaire, est séduisante. L'examen des projets par les Etats membres, qui demeure absolument nécessaire, devrait en effet intervenir dans le cadre de procédures moins centralisées. On peut imaginer par exemple que sur le terrain des comités locaux réunissant les représentants des Etats membres et de la Commission soient créés et saisis pour avis, préalablement à l'examen des projets au niveau des administrations centrales. Pour les projets ne dépassant pas un certain seuil qui reste à déterminer, la pleine déconcentration pourrait être recherchée. Ces comités se verraient également dotés d'un rôle de définition de stratégies et de suivi de la mise en oeuvre des projets.
6. Réfléchir sur la répartition des tâches entre les Etats membres et la Commission. La Communauté pourrait mettre l'accent sur les domaines où elle bénéficie d'une légitimité indéniable, comme le soutien à l'intégration régionale (y compris les échanges commerciaux) et l'appui à l'Etat de droit. Les Etats membres pourraient plus particulièrement intervenir là où ils ont un avantage comparatif. L'expérience française est par exemple unique en matière de Coopération monétaire.
7. Tenter d'élaborer des approches sectorielles communes. Ne sommes nous pas en mesure de définir des stratégies communes pour notre action au niveau communautaire et bilatéral dans des domaines tels que l'environnement ou l'appui au secteur privé ? Nous avons pu dans le cadre du Comité d'aide au développement de l'OCDE définir des objectifs en commun en matière d'éducation ou de santé à l'horizon de 2015. C'est une première étape encourageante, mais il nous reste à lancer, en concertation avec nos partenaires du Sud, un processus d'élaboration des politiques qui puissent nous permettre d'atteindre ces objectifs.
J'ai voulu vous présenter ces suggestions que nous pourrions mettre en oeuvre à l'avenir. Je ne souhaite pas pour autant faire preuve d'angélisme : la mise en pratique d'une politique européenne commune ne va pas de soi. Vous ici en Allemagne, êtes confrontés à la nécessité de développer des programmes importants de Coopération avec l'Europe de l'Est, qui vous est si proche et avec laquelle vous avez les liens historiques que nous connaissons.
La Grande-Bretagne a longtemps estimé que, de façon générale, l'aide bilatérale était la plus adaptée, compte tenu des lourdeurs administratives des institutions internationales. Le gouvernement de M. Blair s'est montré plus ouvert à l'égard des organisations bilatérales.
Les pays latins se tournent davantage vers la Méditerranée, en particulier le Maghreb, et l'Amérique latine. Je reste aussi frappé par l'absence d'une cohésion européenne dans des organismes aussi importants que les institutions de Bretton Woods.
Malgré ces différences d'appréciation et d'intérêt, je crois qu'il nous faut progresser et qu'il est aujourd'hui possible, souhaitable et opportun de s'engager dans la voie d'une politique commune européenne de Coopération. J'étais récemment à Bamako, et le président Konare me confiait que, de son point de vue, c'est bien la problématique de nos choix à nous Européens et non ceux des autres qui marquera l'entrée dans le prochain siècle du monde en développement. C'est le moment de faire preuve de vision et d'imagination vis à vis de nos partenaires du Sud. Les mutations qui affectent l'Aide publique au développement (APD), doivent s'inscrire dans un souci de cohérence et de transparence et m'incitent à penser qu'une politique européenne mieux définie, plus visible, est indispensable.
Dans ce domaine là aussi, l'Allemagne et la France devront exercer leur responsabilité particulière pour mettre en oeuvre cette politique au niveau européen./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2001)
Je vous remercie tout d'abord d'avoir ménagé à la Friedrich Ebert Stiftung ce moment d'échanges sur un sujet d'intérêt commun, et pour nous, Européens et pour les pays en développement : la Coopération pour le développement au sein de l'Union européenne.
Je n'ai pas encore eu l'occasion d'aborder ce sujet en public en dehors du territoire français. Je suis heureux de pouvoir élargir cette réflexion en Allemagne, notre partenaire principal au sein de l'Union européenne. Intervenir ici dans le cadre de la Friedrich Ebert Stiftung, dont l'action vers les pays en développement est appréciée par tous, n'en a à mes yeux que plus de sens.
Ce mois de juin marque le premier anniversaire de la nomination de Lionel Jospin à la tête du gouvernement français. Un gouvernement qui, je crois pouvoir le dire sans risque d'être contredit par les Français eux-mêmes, a su, dans la diversité de ses familles politiques, organiser la confrontation des idées, tout en affirmant son unité d'action et une grande détermination dans la mise en oeuvre de son programme.
Dans le domaine de la politique étrangère, l'un des points majeurs de ce programme était la réforme de notre Coopération. Celle-ci est en cours, j'y reviendrai plus loin mais je veux vous dire à présent que dans l'esprit du gouvernement français, une politique de développement commune aux pays de l'Union européenne est complémentaire de la réforme de nos propres structures.
L'objet de cette conférence sera de formuler des propositions précises et concrètes pour la mise en oeuvre d'une telle politique européenne. Mais auparavant, permettez-moi d'expliquer pourquoi la période me paraît favorable à une réflexion sur ce sujet.
Le moment me paraît venu notamment parce que l'Union européenne est maintenant une réalité politique. En incluant la Coopération dans la Politique étrangère et de sécurité commune, les Traités de Maastricht et d'Amsterdam ont donné une base légale à la Coopération. C'est une avancée importante pour les relations avec les pays en développement, parce qu'un dialogue politique commun de l'Union avec ceux-ci prend à présent une dimension institutionnelle.
Le moment me paraît également venu parce que nous avons, me semble-t-il, pris conscience des insuffisances de notre actuelle politique européenne de développement qu'il nous faut surmonter.
A - Je ferai à cet égard trois constats :
1) Le premier concerne l'orientation des aides européennes.
La part accordée aux pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) dans le cadre du Fonds européen de développement (FED) s'est réduite au bénéfice des actions extérieures - financées sur le budget communautaire - vers les pays en développement d'Amérique latine, d'Asie et du Moyen-Orient ainsi que vers les pays d'Europe centrale et orientale. La priorité en particulier accordée aux pays d'Europe centrale et orientale reflète les bouleversements politiques du début de cette décennie, dont l'Allemagne a été l'un des principaux acteurs. Ainsi, alors que la part accordée à l'Afrique subsaharienne représentait 70% de l'aide au début des années 70, elle est tombée dans les années 90 au dessous de 40%.
Dans le même temps et parallèlement, les instruments communautaires de Coopération au développement se sont multipliés, tant en ce qui concerne les programmes conçus sur une base géographique (FED dans la zone ACP, PVD-ALA en Amérique latine, MED pour les pays de la zone méditerranéenne...), qu'en ce qui concerne l'aide thématique (alimentaire, ONG, humanitaire, promotion de la démocratie, forêts tropicales, Sida,...) ou les régimes commerciaux préférentiels. La nature des interventions a également évolué pour inclure notamment les appuis à l'ajustement structurel. Tous ces phénomènes se sont accompagnés d'une multiplication excessive des intervenants au sein de la Commission (DG8, DG1-A, DG1-B, DG6, Echo...), chacun développant ses propres règles et méthodes donnant ainsi des armes à ceux qui dénoncent avec délectation la bureaucratie européenne.
2) Le deuxième constat est que l'aide publique au développement souffre d'une crise de légitimité, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Union européenne. De façon générale, son efficacité est souvent contestée, pour n'avoir pas réussi en particulier à éviter ce qui apparaît à bien des égards comme une marginalisation de nombreux pays dans l'économie mondiale, particulièrement en Afrique. Résultat ou conséquence, l'aide des Etats-Unis a été fortement réduite et se concentre sur quelques pays alliés. En insistant de façon privilégiée sur le commerce et l'investissement plutôt que l'aide proprement dite lors de son voyage en Afrique, le président Clinton n'a pas dissipé cette impression. Le Japon a, pour sa part, choisi de réduire en moyenne de 10% son APD au cours de cette année budgétaire.
En Europe aussi, de nombreux pays ont diminué en termes relatifs leurs financements vers les pays en développement. La France n'a pas échappé à cette tendance.
Or, l'aide de l'Union européenne ne réussit pas de son côté à convaincre de son impact sur le développement des bénéficiaires. Elle n'a pas non plus une influence à la mesure de son effort financier sur les questions de développement au niveau international. Il y a là un déficit d'identité de l'aide européenne. A cet égard, il est significatif de constater que les pays touchés par la crise asiatique ont l'impression que l'Union ne fait rien pour leur venir en aide alors qu'elle est le deuxième bailleur de fonds dans la région, derrière le Japon. Trop souvent, la Commission est assimilée par les pays en développement comme le 16ème Etat membre, ou comme une agence internationale parmi tant d'autres.
3) Troisième et dernier constat : les pays développés, en particulier ceux de l'Union européenne, ont pris des engagements internationaux nouveaux, afin notamment de s'adapter aux mutations de l'économie mondiale. Les préférences commerciales accordées aux pays en développement subissent une érosion continue depuis les Accords de Marrakech qui posent le principe d'un désarmement tarifaire mondial. L'Union européenne a également multiplié les accords commerciaux avec les pays tiers, y compris avec de nombreux pays en développement, réduisant par là même les avantages tarifaires relatifs des pays théoriquement les plus favorisés par nos préférences commerciales (comme les pays ACP). La mondialisation de l'économie s'est aussi traduite par des interdépendances nouvelles et par le souci des pays développés de demander aux pays du Sud la mise en place de minima sociaux, de normes sur le travail des enfants, de règles pour mieux maîtriser l'environnement avec le souci d'assurer un développement durable de la planète.
Que déduire de ces constats pour notre aide publique au développement en Europe ? Critiquée pour son manque de cohérence et de transparence, elle doit s'adapter rapidement. Les frontières s'ouvrent, les antagonismes politiques internationaux s'estompent, les barrières commerciales tombent, les contraintes budgétaires et financières s'alourdissent. Simultanément, la partie de l'opinion publique sensibilisée à ces questions - les ONG notamment - est en prise avec des réseaux d'information mondiaux capables de faire pression sur nos gouvernements, y compris sur la manière d'utiliser les ressources publiques vers les pays en développement. Face à ces évolutions, nous devons adapter notre aide au développement et la rendre tout à la fois, lisible, transparente et efficace.
Ce sont ces considérations qui ont guidé la réforme du dispositif français de Coopération. Elles pourraient aussi nous aider à définir en commun, plus particulièrement avec nos amis allemands, les nouvelles orientations de notre politique européenne.
B - Avant d'en venir à ces orientations, laissez-moi vous dire d'abord les directions que nous avons prises en France.
Dès son installation, le gouvernement a entrepris de refonder sa politique de Coopération au développement. Les principes en ont été arrêtés en février, et la réorganisation des structures administratives sera achevée à la fin de cette année. La préparation du budget 1999 intègre déjà cette dernière. Nous avions conscience en effet, que l'image de notre politique de Coopération avait été ternie par des échecs répétés, des appuis peu nuancés à des régimes contestables et contestés et par un manque de cohérence et de continuité dans ses orientations. Le Premier ministre Lionel Jospin a par conséquent souhaité tourner la page et sortir définitivement de l'ère post-coloniale. Il s'agit désormais de déployer notre politique de Coopération dans la plus grande transparence et de démontrer qu'elle répond à un objectif de solidarité à l'égard des pays en développement les plus pauvres, tout autant qu'à un intérêt mutuel révisé. "Ni ingérence, ni indifférence", ai-je coutume de dire à nos partenaires africains.
Cette politique de Coopération, nous voulons qu'elle constitue une composante majeure de l'action extérieure de la France et qu'elle s'oriente autour des grands principes suivants : concentrer nos actions vers les populations les plus défavorisées, répondre aux aspirations démocratiques, au respect des Droits de l'Homme et au développement humain, et gérer avec les pays partenaires leur insertion dans l'économie mondiale. Ainsi servirons-nous leur développement tout en stimulant notre propre croissance.
Mais la France ne peut plus se permettre d'affronter seule les problèmes de développement et de sécurité auxquels est confronté le continent africain avec lequel elle a longtemps entretenu une relation quasi-exclusive. Elle a en revanche un devoir de solidarité, avec l'Afrique bien sûr, avec toute l'Afrique, mais aussi avec d'autres pays marginalisés, et nous comptons sur le prisme européen pour nous aider à dessiner une carte actualisée de nos engagements.
La France inscrit en effet sa réforme et son action dans un cadre européen, pour des raisons d'efficacité comme pour des raisons politiques.
Je citerai un seul chiffre : l'Union européenne est désormais le premier contributeur mondial à l'APD, avec plus de 50 % de l'aide des pays de l'OCDE (qu'il s'agisse des concours bilatéraux des 15 Etats membres ou des ressources transitant par la Commission). La somme agrégée des aides européennes peut constituer un levier formidable pour étendre notre politique de développement à tous les pays du Sud où l'Union estime qu'elle doit agir prioritairement.
Nous devons donc unir nos forces pour renforcer la crédibilité de notre aide, et faire jouer les économies d'échelle par une coordination accrue entre pays européens.
La France a aussi conscience que les Européens sont également mieux armés pour répondre à de nombreuses préoccupations communes ayant des conséquences sur la politique européenne vers les pays du Sud. Je pense par exemple aux conséquences dues à l'élargissement vers les pays d'Europe centrale et orientale, - des pays sans véritable engagement au Sud -, ainsi qu'aux conséquences de la réalisation de l'Union économique et monétaire et de la révision des perspectives financières.
L'Europe a donc besoin de rassembler ses moyens et de les rendre plus performants, à la fois pour des raisons d'efficacité et pour maximiser ses avantages politiques.
C - Mais comment bâtir les fondements d'une politique européenne commune ?
Rappelons déjà que, ces derniers mois, les représentants des Etats membres de l'Union européenne se sont réunis fréquemment à Bruxelles afin d'élaborer un mandat européen de renégociation de la Convention de Lomé avec les pays ACP.
Ce mandat, en construisant notre approche du développement vers la plupart des pays qui ont le plus besoin de notre aide, constitue en effet l'une des pierres de l'édifice européen en matière de développement. Le maintien d'une convention spécifique entre l'Union européenne et les pays ACP est pour la France un élément essentiel de l'incontournable solidarité avec l'Afrique.
Mais je voudrais insister aujourd'hui sur des pistes de réflexion qui concernent l'ensemble de notre aide au développement. Car, à l'instar de la réforme de notre propre dispositif, nous nous devons de réfléchir sur l'ensemble des instruments, procédures et politiques de l'Union tournés vers les pays en développement.
Je ferai sept suggestions :
1. Parler d'une seule voix. Cela devrait aller de soit, il est vrai, et il ne suffit pas de le dire pour le faire. Mais sans doute est-il utile de rappeler ce que l'Europe perd lorsqu'elle est divisée, privée d'une politique commune cohérente. Quand l'Union parle d'une seule voix, elle est en mesure de peser de tout son poids au sein de la communauté des bailleurs de fonds et dans le cadre des grandes négociations internationales. Car, actuellement, reconnaissons le, le débat sur les politiques économiques et de développement est, conduit avant tout par le Fonds monétaire international, la Banque mondiale et d'autres institutions financières internationales. Or, en la matière l'Europe accompagne davantage le mouvement qu'elle ne le détermine.
De même, peut-on se demander s'il est normal que l'Europe soit amenée à négocier et à justifier chaque année à l'OMC sa politique préférentielle commerciale à l'égard des pays en développement. Nous sommes capables dans le cadre des Nations unies d'adopter des positions européennes communes : pourquoi ne pas tenter de nous y astreindre au sein des organisations économiques internationales ? Nous pourrions alors y rechercher des majorités d'idées avec les pays en développement.
2. Dialoguer au niveau politique ensuite. Un dialogue sur la Coopération au développement gagnerait à s'inscrire dans le cadre d'un dialogue politique plus large avec les bénéficiaires de l'aide. L'action extérieure de l'Union est en effet maintenant en mesure de mettre en oeuvre une politique d'ensemble (affaires étrangères, sécurité, politique de développement, humanitaire). Une telle évolution suppose néanmoins l'amélioration du fonctionnement de la Politique étrangère et de sécurité commune, en faveur de laquelle la France plaide avec constance. L'entrée en vigueur du Traité d'Amsterdam et la désignation d'un Haut-Représentant pour la Politique étrangère et de sécurité commune permettront des avancées en ce sens.
3. Rationaliser nos instruments de Coopération à Bruxelles - Aujourd'hui, et personne ne me contredira, je crois, le dispositif institutionnel européen, souffre de lourdeurs administratives. La Commission n'est certes pas le seul bailleur de fonds dans cette situation ; mais elle doit devenir irréprochable pour jouer le rôle moteur que j'évoquais.
L'ensemble des instruments de l'aide européenne au développement fait actuellement l'objet d'un rapport demandé lors du Conseil du développement du 1er juin 1995. Il faut que son examen permette d'évoluer vers des structures qui prennent davantage en compte la fonction d'exécution des projets au sein des services européens. En effet, la Commission pourrait examiner les moyens de mieux intégrer des actions transversales dans les programmes fonctionnant sur une base géographique.
La répartition des compétences devrait être également améliorée afin d'éviter que deux services différents (l'un géographique, l'autre sectoriel) de la Commission interviennent sur des domaines identiques. Une telle démarche pourrait permettre d'étendre à d'autres zones géographiques des programmes qui ont fait leur preuve. Tel est le cas du programme European community investment program (ECIP) en vertu duquel la Communauté appuie les initiatives conjointes des entreprises privées européennes et des pays en développement (Afrique du Sud et Amérique latine) grâce à un réseau de banques associées.
La rationalisation implique également que les procédures d'examen des projets gérés par l'aide européenne deviennent plus homogènes et transparentes. Les difficultés que nous rencontrons dans certains comités d'examen de projets (MED, PVD-ALA, Aide humanitaire) illustrent cette nécessité.
4. Améliorer la mise en oeuvre de l'aide communautaire. Je ne m'appesantis pas sur le constat. Chacun, je le pense, juge une amélioration nécessaire. S'agissant des modalités, deux schémas sont souvent évoqués.
Le premier consisterait à confier le rôle d'orientation, de conception et de tutelle à la Commission, les agences nationales de développement étant chargées de l'exécution et du suivi de l'aide et des projets. L'autre approche serait de transférer la plupart des fonctions de Coopération au développement à Bruxelles.
Aucune de ces approches ne me parait en fait réaliste. D'ailleurs, sauf si la plus grande efficacité d'une opération spécifique est démontrée, je ne suis pas favorable à la possibilité de déléguer des fonds européens à des opérateurs des Etats membres. Il me semble plutôt que la conduite d'une opération doit être assurée, au cas par cas, par l'institution à laquelle les ressources correspondantes ont été confiées, que cette institution soit nationale ou communautaire.
Quant à des transferts massifs de compétences à Bruxelles, ils ne feraient qu'alourdir encore l'administration européenne.
Je me félicite dans ce contexte de la création d'un service commun à toutes les directions en charge du développement à Bruxelles qui sera chargé de la mise en oeuvre de l'aide européenne. Outre les économies d'échelle envisageables, j'espère qu'elle permettra de favoriser l'émergence de procédures simplifiées et homogènes dans la gestion des différents programmes et d'aboutir à une centralisation de l'information sur l'aide communautaire. L'Union y gagnera en transparence et en efficacité.
5. Assurer une meilleure coordination au sein de l'Europe. La coordination opérationnelle, qui permet aux représentations des Etats membres et de la Commission de s'assurer sur place de la cohérence et de la complémentarité des programmes bilatéraux et communautaires, offre à cet égard, une piste intéressante. L'idée, proposée par la Commission pour la prochaine Convention de l'Union européenne ACP, de déconcentrer une partie de la gestion de l'aide communautaire, est séduisante. L'examen des projets par les Etats membres, qui demeure absolument nécessaire, devrait en effet intervenir dans le cadre de procédures moins centralisées. On peut imaginer par exemple que sur le terrain des comités locaux réunissant les représentants des Etats membres et de la Commission soient créés et saisis pour avis, préalablement à l'examen des projets au niveau des administrations centrales. Pour les projets ne dépassant pas un certain seuil qui reste à déterminer, la pleine déconcentration pourrait être recherchée. Ces comités se verraient également dotés d'un rôle de définition de stratégies et de suivi de la mise en oeuvre des projets.
6. Réfléchir sur la répartition des tâches entre les Etats membres et la Commission. La Communauté pourrait mettre l'accent sur les domaines où elle bénéficie d'une légitimité indéniable, comme le soutien à l'intégration régionale (y compris les échanges commerciaux) et l'appui à l'Etat de droit. Les Etats membres pourraient plus particulièrement intervenir là où ils ont un avantage comparatif. L'expérience française est par exemple unique en matière de Coopération monétaire.
7. Tenter d'élaborer des approches sectorielles communes. Ne sommes nous pas en mesure de définir des stratégies communes pour notre action au niveau communautaire et bilatéral dans des domaines tels que l'environnement ou l'appui au secteur privé ? Nous avons pu dans le cadre du Comité d'aide au développement de l'OCDE définir des objectifs en commun en matière d'éducation ou de santé à l'horizon de 2015. C'est une première étape encourageante, mais il nous reste à lancer, en concertation avec nos partenaires du Sud, un processus d'élaboration des politiques qui puissent nous permettre d'atteindre ces objectifs.
J'ai voulu vous présenter ces suggestions que nous pourrions mettre en oeuvre à l'avenir. Je ne souhaite pas pour autant faire preuve d'angélisme : la mise en pratique d'une politique européenne commune ne va pas de soi. Vous ici en Allemagne, êtes confrontés à la nécessité de développer des programmes importants de Coopération avec l'Europe de l'Est, qui vous est si proche et avec laquelle vous avez les liens historiques que nous connaissons.
La Grande-Bretagne a longtemps estimé que, de façon générale, l'aide bilatérale était la plus adaptée, compte tenu des lourdeurs administratives des institutions internationales. Le gouvernement de M. Blair s'est montré plus ouvert à l'égard des organisations bilatérales.
Les pays latins se tournent davantage vers la Méditerranée, en particulier le Maghreb, et l'Amérique latine. Je reste aussi frappé par l'absence d'une cohésion européenne dans des organismes aussi importants que les institutions de Bretton Woods.
Malgré ces différences d'appréciation et d'intérêt, je crois qu'il nous faut progresser et qu'il est aujourd'hui possible, souhaitable et opportun de s'engager dans la voie d'une politique commune européenne de Coopération. J'étais récemment à Bamako, et le président Konare me confiait que, de son point de vue, c'est bien la problématique de nos choix à nous Européens et non ceux des autres qui marquera l'entrée dans le prochain siècle du monde en développement. C'est le moment de faire preuve de vision et d'imagination vis à vis de nos partenaires du Sud. Les mutations qui affectent l'Aide publique au développement (APD), doivent s'inscrire dans un souci de cohérence et de transparence et m'incitent à penser qu'une politique européenne mieux définie, plus visible, est indispensable.
Dans ce domaine là aussi, l'Allemagne et la France devront exercer leur responsabilité particulière pour mettre en oeuvre cette politique au niveau européen./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 septembre 2001)