Conférence de presse de M. Bernard Thibault, secrétaire national de la CGT, sur le bilan du Comité national confédéral, notamment la position de la CGT dans les négociations de la convention Unedic, et l'analyse des résultats du sondage de l'institut CSA sur l'image du syndicat, Montreuil le 25 octobre 2000

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Circonstance : Conférence de presse "Baromètre CSA" à Montreuil le 25 octobre 2000

Texte intégral

Mesdames, messieurs,
Le Comité Confédéral National de la CGT s'est réuni lundi et mardi avec un menu copieux à son ordre du jour.
Une large place a été consacrée dans les débats à l'actualité sociale.
Ce CCN nous a permis également d'arrêter plusieurs décisions concrètes sur la vie interne de l'organisation.
Je m'en tiendrai, vous le comprendrez à un résumé de ces deux jours de travaux pour répondre ensuite à vos questions.
Le rendez-vous national des secrétaires de syndicats, organisé à la Mutualité le 5 octobre, a été particulièrement apprécié par l'ensemble de l'organisation. Nous avions à en assurer le prolongement.
A partir d'un échange sur les expériences des uns et des autres sur notre rapport à la jeunesse et plus particulièrement aux jeunes salariés (56 % des 18/24 ans " font confiance " aux syndicats d'après l'enquête CSA que nous examinerons dans un instant), nous avons notamment retenu 2 axes d'intervention.
1. créer les conditions d'une initiative nationale sur les " emplois jeunes ". Nous voulons nous appuyer sur de premières avancées dans certaines professions pour dès maintenant mettre à l'ordre du jour l'objectif de pérenniser leur emploi.
2. nous attaquer avec eux aux différentes formes de précarité dans l'emploi dont ils sont assez systématiquement les victimes lors de leur entrée dans la vie active. Cette action s'inscrira dans le cadre d'une année 2001 que nous voulons consacrer de façon prioritaire à la lutte contre la précarité.
C'est donc " dans le feu de ces actions " que nous allons maintenant approfondir notre réflexion sur les évolutions souhaitables de notre Centre Confédéral de la Jeunesse qui a 30 ans. Notre campagne nationale sur les salaires prend du volume !
Après les commentaires sceptiques de rigueur, force est de constater que, dans de multiples professions ou entreprises, les salariés prennent peu à peu leurs affaires en mains, assez souvent dans l'unité de leurs organisations syndicales.
Parfois la seule menace, ou la seule perspective d'être confronté à une action dans l'entreprise suffit à convaincre l'employeur. Un ou quelques jours de grève débloquent souvent des situations figées depuis longtemps, débouchant sur des succès revendicatifs, traduits tantôt par des augmentations uniformes, tantôt par une progression de l'ensemble de la grille de salaires, l'instauration du 13ème mois ou la revalorisation de primes.
Nous allons davantage faire connaître ce qui est obtenu et comment les salariés l'obtiennent. La force de l'exemple vaut parfois mieux que de longs discours.
Nos organisations sont engagées, comme vous le savez, dans une nouvelle semaine de mobilisation et d'action du 6 au 10 novembre, avec un temps fort le 9 novembre où nous pousserons, entre autres, sur l'obligation annuelle pour les employeurs de négocier l'évolution des salaires.
Le 9 novembre a également été retenu comme journée nationale de mobilisation et d'action pour le rejet par le gouvernement du projet de convention UNEDIC.
Nous avons appris, avec satisfaction, que le gouvernement donnait suite à notre demande de réunion de tous les acteurs, sous l'égide du Ministère du Travail, pour une séance de clarification sur le projet de convention. Cette réunion est programmée demain.
Nous avons également découvert que le MEDEF, la CGPME n'avaient pas l'intention de s'y rendre et que d'autres ne seraient représentés que par des conseillers dits "techniques ".
Qu'est-ce qui peut motiver de telles attitudes ? Pourquoi craindre à ce point une confrontation des opinions sur les conséquences prévisibles de cette convention ?
Pourquoi refuser une clarification nécessaire à la prise de décision finale qui reviendra au gouvernement ?
Y aurait-il décalage entre le discours des signataires sur une convention " parée de toutes les vertus " et la réalité de son contenu ?
Si cet embarras des signataires est provoqué par le principe même d'une réunion organisée par le gouvernement, cela en dirait long sur la volonté d'imposer aux élus politiques les conclusions d'une négociation entre employeurs et une partie des syndicats de salariés, en contestant le droit aux élus et au gouvernement d'exercer leurs responsabilités devant les citoyens.
Il est paradoxal pour le MEDEF de contester les prérogatives des responsables politiques au moment où le président du mouvement se targue d'un accord direct " passé " avec le Premier Ministre !
Toujours est-il que nous irons, pour ce qui nous concerne, à cette réunion que nous avons souhaitée. Nous y développerons notre lecture du projet de convention, ses aspects juridiques et, bien évidemment, ses répercussions sociales. Nous serons attentifs à ce que diront les autres parties et, en particulier, les représentants de l'Etat.
Cette séance n'est pas une négociation supplémentaire, elle n'est donc pas susceptible de modifier notre désaccord de fond qui, je le rappelle, repose principalement sur l'absence flagrante d'amélioration des conditions d'indemnisation des chômeurs alors que les excédents financiers de l'UNEDIC sont accaparés, pour l'essentiel, par les entreprises et l'Etat.
C'est d'ailleurs fort de l'appui des délibérations du CCN, que je veux redire au gouvernement qu'il doit réfléchir à deux fois avant de prendre sa décision sur la demande d'agrément pour une convention qui est rejetée par deux des trois plus importantes confédérations de salariés.
Ce constat ne peut que renforcer notre demande de réviser en profondeur les règles antidémocratiques actuellement en vigueur dans la négociation collective et la représentativité syndicale. Il faut mettre fin à des " mécanismes " qui profitent exclusivement à la partie patronale.
La question n'est pas tant de savoir si, par sa décision, le gouvernement va renforcer le camp des pro ou des anti refondation sociale ! Mais, plus simplement et plus fondamentalement, le gouvernement peut-il justifier l'agrément d'une convention qui va continuer d'exclure la majorité des chômeurs du droit à l'indemnisation alors qu'il en avait fait le motif premier de sa critique des projets précédents ?
Rien n'est encore bouclé et nous allons mettre à profit les jours prochains pour sensibiliser et mobiliser davantage encore les chômeurs, les salariés qui doivent connaître la vérité. Nous interpellerons les élus, les partis politiques, les mouvements associatifs, les autres syndicalistes. Le 9 novembre sera un moment intense de cette mobilisation.
Le point que nous avons fait sur l'état de préparation de la manifestation européenne du 6 décembre à Nice est prometteur. Nous enregistrons, d'ores et déjà, 20 000 inscrits sous la banière de la CGT pour porter l'exigence de la Charte des droits sociaux et son caractère contraignant pour les pays de l'Union Européenne.
Enfin, l'unanimité des unions départementales et des fédérations s'est exprimée lors du CCN pour convoquer le 47ème congrès de la CGT dans la première quinzaine du mois de mars 2003.
L'année dernière, à la même époque, je présentais le résultat du " baromètre " CSA en déclarant : " la CGT bouge, les français l'ont vu " et je le prouvais : entre 98 et 99 tous les indicateurs d'image avaient progressé, certains de façon très spectaculaire.
Un an après, dans un contexte de croissance, de bonne situation financière des entreprises, dans le cadre d'une rentrée marquée par le couac de la hausse des prix des carburants et par les péripéties " abracadabrantesques " du dossier de l'UNEDIC, où en sommes-nous ?
Je vous propose une synthèse de notre lecture des résultats de cette année. Stéphane ROZES, Directeur de CSA, se tiendra ensuite à votre disposition pour quelques questions. Il a eu l'occasion de commenter cette enquête devant le CCN.
La confiance à l'égard des syndicats est en progrès. C'est déjà un élément très important en soi.
Le hit parade des 5 premières qualités de la CGT " présente, combative, respectueuse de l'avis des salariés, capable de propositions et disponible " reste le même avec des scores plus importants. A noter également une forte diminution de 10% du taux des " sans opinion " (NSP), qui témoigne manifestement d'un aiguisement des attentes à notre égard.
Tous les indicateurs d'image de la CGT, y compris certains qui avaient déjà fortement progressé en 99 sont de nouveau à la hausse en cette rentrée 2000. Deux exceptions, toutefois, un repli sur les deux adjectifs : " indépendante " et " efficace ".
Comme je sens que ce sont certainement les qualités auxquelles la presse accorde le plus d'importance, je voudrais vous livrer mon appréciation et - sait-on jamais - contribuer à forger la vôtre
Il faut sans doute croiser les indicateurs d'image avec ceux qui décrivent les attentes des salariés vis-à-vis de la CGT. Après tout, il est assez logique de penser qu'il devrait y avoir un rapport entre un déficit d'image et une attente qui n'est pas totalement comblée.
Ce croisement permet d'abord de tordre le cou à une interprétation classique du thème traditionnellement récurrent de l'indépendance de la CGT : il ne s'agit visiblement pas d'une résurgence critique sur les influences politiques puisque le nombre de ceux qui nous disent que la CGT devrait, en priorité, " se couper de toute influence politique " recule de 10 points.
Alors quoi ?
Les trois attentes par rapport à la CGT, qui à la fois sont les plus fortes et celles qui progressent le plus, sont : " être plus réaliste dans les négociations ", " trouver de nouvelles solutions à la crise économique ", " être plus unitaire ", cette dernière progressant de 13 points !
La traduction la plus simple de cet ensemble, celle qui hier a alimenté le débat au Comité Confédéral National, c'est que les salariés réclament à la CGT qu'elle donne une plus grande visibilité à la marche à suivre, aux objectifs qu'il faut atteindre, aux étapes qu'il faut franchir pour retrouver ensemble le chemin de la sécurité et du progrès social.
Être indépendant pour un syndicat c'est être capable de produire et de soumettre à des salariés, que l'on a écouté attentivement, des propositions constructives, solides. Des propositions résolument progressistes qui permettent de s'entendre sur le cap à suivre en dégageant l'horizon revendicatif, de poser des jalons pour l'avenir, non plus en résistant le dos au mur mais en étant porté par la nouvelle vague d'une croissance potentiellement riche en emplois qualifiés et bien rémunérés et dont on réclame, à juste titre, les dividendes. Donc, si les salariés s'accordent à nous trouver " capable de propositions " ils nous en demandent encore plus, parce que les réalités et les tendances de la situation nouvelle paraissent légitimer leurs exigences, en permettre la satisfaction concrète.
Être efficace suppose aussi d'être " plus unitaire " au service de cette activité revendicative de " conquête sociale " solidaire, c'est-à-dire privilégiant ce qu'il y a de commun à l'ensemble des salariés. Sans doute avons-nous aussi un déficit de communication pour mieux faire apprécier ce que l'action fait évoluer dans le débat public ou fait gagner en termes de revendications, pour que l'efficacité de notre activité soit effectivement appréciée avec tous les éléments en mains.
" Être plus réaliste dans la négociation ", c'est créer les conditions qui, à la fois permettent de promouvoir " de nouvelles solutions à la crise économique " et d'engranger immédiatement ce qu'autorisent le rapport de force et la situation de fait.
Ainsi, les quatre priorités plébiscitées : " le maintien du pouvoir d'achat " (33 %, + 3 points), " la meilleure gestion de la protection sociale " (32 %, + 8 points), la " formation et la qualification des salariés " (30 %, + 4 points), " la solidarité entre salariés français et immigrés " (25 %, + 4 points) conjuguée au maintien en bonne place de la question de l'emploi, témoignent de cette exigence et de cette volonté de rompre avec les malédictions du passé, de renouer avec une vision de l'avenir tangible, solide parce que prévisible et construite dans l'action et dans la négociation.
Pour cet avenir, plus des deux tiers des salariés - soit un progrès de 10 points - se déclarent prêts à s'engager dans " une manifestation " ou même " une grève ", avec un décalage de 10 à 20 points entre cette aspiration à l'action et l'éventualité d'une adhésion à un syndicat qui doit interpeller tout le mouvement syndical.
Hier au CCN, nous avons consacré des séances de travail sous forme d'ateliers, afin de nous atteler résolument au défi que nous avons à relever en matière de syndicalisation. C'est une question décisive pour l'avenir.
Vous comprendrez que la CGT trouve dans cette enquête d'opinion des éléments encourageants pour sa démarche et de nombreux sujets de réflexion pour être à la hauteur des attentes manifestées à notre égard.
Comme je vous le disais en introduction, Stéphane ROZES est à votre disposition pour plus de détail sur cette enquête et pour répondre à toutes vos questions, comme nous sommes également à votre disposition pour répondre à vos interrogations sur l'actualité sociale et sur les positions et les initiatives de la CGT.

(source http://www.cgt.fr, le 30 octobre 2000)