Texte intégral
G. Morin - Chaque jour est important mais celui-ci peut-être plus encore, puisque c'est le jour "J "pour la négociation des traitements des fonctionnaires. C'est le début de la négociation, cet après-midi vous recevez les syndicats. Comment cela se présente ?
- "Bien parce que le dialogue est déjà noué, que j'ai beaucoup travaillé depuis que je suis ministre de la Fonction publique à faire en sorte que sur tous les sujets, y compris les sujets qui fâchent, on puisse en parler, en parler ensemble et en parler séparément. On a donc préparé les choses, on a l'habitude de parler ensemble. Et puis c'est difficile aussi parce que les fonctionnaires, c'est 5 millions de personnes, le budget de l'Etat,..."
Plus les retraités qui suivent.
- "C'est plus de 700 milliards sans compter les collectivités locales, les hôpitaux. Donc les décisions individuelles qui sont attendues et qui sont légitimes pour chacun des fonctionnaires ont des conséquences considérables sur l'ensemble du budget de l'Etat."
Il y a eu plusieurs réunions au Gouvernement. La semaine dernière, jeudi dernier, le Premier ministre a pris une sorte d'arbitrage pour dire jusqu'où on pouvait aller. Est-ce que vous êtes verrouillé ou avez-vous un peu de marge de manoeuvre ?
- "La négociation commence cet après-midi. Elle ne se termine pas cet après-midi, parce que c'est un processus qui est relativement long. Nous allons parler de l'année 2000 : qu'est-ce qu'on fait pour cette année, qu'est-ce que propose le Gouvernement ?"
C'est un peu tard de commencer en novembre ?
- "C'est parce que 1998 et 1999 ont été deux "bonnes années" - entre guillemets - pour les fonctionnaires parce que l'inflation a été très faible, beaucoup plus faible que ce qui avait été prévu. Ce qui fait qu'ils ont tous gagné du pouvoir d'achat pendant ces deux années."
Cela vous inciterait peut-être à ne pas trop en donner cette année ?
- "Donc cette année, il y avait, si je puis dire, cet acquis en début d'année. Le problème se pose maintenant. Il faut essayer de le résoudre maintenant. On va aussi essayer de parler de 2001 et de 2002. C'est en tous cas ce que je proposerai parce que je crois très important qu'on y voit clair dans les années qui viennent tant pour le budget de l'Etat mais aussi pour chacun des fonctionnaires - ou des candidats à être fonctionnaires. Je souhaite que les jeunes sachent ce qui va se passer dans la fonction publique, y compris en termes de paye, et ainsi les motiver ou du moins qu'ils prennent leurs décisions en connaissance de cause."
Pour l'argent déjà prévu : une provision de 3, 2 milliards au titre de l'année 2000, pour ce qu'il y aurait donc à rattraper en termes d'augmentation, c'est cela ?
- "Il y a de l'argent qui est prévu cette année dans le budget de l'Etat. Il y a de l'argent qui est prévu pour l'année prochaine dans le budget qui est en cours de discussion. C'est à l'intérieur de cela que nous discutons aujourd'hui. Ensuite les conversations, les négociations continueront jusqu'au début de 2001."
Mais on a dit que vous étiez prêt à donner + 0,5 % d'augmentation du traitement indiciaire des fonctionnaires, ce qui n'est pas suffisant selon les syndicats. C'est le chiffre actuel pour démarrer ?
- "C'est ce que j'ai lu dans certains journaux. Mais permettez-moi de considérer que ce genre de choses je les dis aux fonctionnaires eux-mêmes et aux organisations qui les représentent. Je commence cet après-midi cette négociation. Je leur réserve quelques informations."
Donc vous avez de l'information à donner, donc des démarches de discussion ?
- "De la discussion oui, par définition."
Vous vous sentez coincé entre la rigueur de Fabius et la générosité de Jospin, dans son aspect le plus politique ?
- "Non, il n'y a pas un gentil pour les fonctionnaires qui s'appellerait Sapin et un méchant qui s'appellerait Fabius ; il n'y a pas un gentil pour le budget de l'Etat qui s'appellerait Fabius et un méchant qui s'appellerait Sapin. Il y a un Gouvernement qui discute, débat, fixe une ligne qui tient compte de tous les éléments d'un équilibre : traiter correctement les fonctionnaires, parce que c'est aussi l'avenir de la France ; et en même temps tenir compte d'un certain nombre d'impératifs budgétaires, parce que c'est aussi l'avenir de la France."
Politiquement dans la gauche plurielle, il y a plutôt des revendications du côté du PC, des Verts, pour que vous donniez plus de pouvoir d'achat. Vous les entendez ceux-là ou pas ?
- "Oui, bien sûr. Je les entends parfois avec un certain plaisir mais en sachant qu'il y a à toute revendication des limites qui sont les limites de la réalité. Je souhaite que les fonctionnaires soient traités correctement, je souhaite qu'ils ne soient pas une catégorie à part dans le monde des salariés français, mais qu'ils jouent sur le même terrain que l'ensemble des Français. Et je souhaite par ailleurs que chaque Français comprenne que l'effort qu'il fait en payant des impôts est utilisé correctement pour payer les bons fonctionnaires aux bons endroits."
Vous voulez être le ministre du sérieux et du possible ?
- "Du sérieux, du possible, du raisonnable, du souhaitable."
Les 35 heures dans la fonction publique, il n'y a pas d'accord global ? Où en est-on aujourd'hui dans la discussions ministère par ministère ?
- "Il n'y a pas eu d'accord global mais cela ne va pas dire qu'il n'y a pas de discussions. C'est un peu comme dans le privé : il y a une loi générale dite loi Aubry et il y a un décret - on va l'appeler le décret Sapin - de cet été qui fixe les grands principes, exactement comme dans le privé. Ce sont d'ailleurs les même principes que ceux du privé : 1 600 heures annuelles dans le privé, 1 600 heures annuelles dans le public. Il n'y a pas de raison de faire deux poids deux mesures entre les salariés du public et les salariés du privé. Maintenant, dans chaque ministère, on discute, on débat parce qu'on ne fait pas les 35 heures de la même manière dans un musée et dans la police. Il faut donc discuter concrètement de ces choses-là."
D'après de ce que vous savez, cela avance ?
- "Oui, ils sont en train de faire le bilan. Ils discutent pour voir exactement aujourd'hui où on en est, combien de temps on travaille... Cela dépend beaucoup des ministères, certains sont déjà à 35 heures et d'autres où tout le monde est à 39 heures."
A priori cela génère de l'emploi créé ?
- "Ce n'est pas le raisonnement. Le raisonnement aujourd'hui est qu'on doit pouvoir passer aux 35 heures dans un contexte de stabilité de l'emploi et en améliorant les choses pour les usagers. Je crois qu'il ne faut jamais perde cela de vue. Dans la fonction publique, même les 35 heures - et j'allais dire surtout les 35 heures - doivent se traduire par un plus pour les usagers."
L'emploi dans la fonction publique, c'est l'emploi à terme puisqu'il y aura beaucoup de départs en retraite. On en a parlé pour l'éducation : il faut remplacer des professeurs, mais il n'y a pas que des professeurs dans la fonction publique. Quelles prévisions d'augmentation, de création d'emplois avez-vous pour les dix ans à venir, parce que c'est une échéance importante ?
- "Justement, vous employez le terme de "création d'emplois" et je crois que ce terme va devenir désuet. Je veux dire par là que le problème que tout gouvernement et tout ministre va avoir dans les dix ans qui viennent, n'est pas de créer des emplois nouveaux..."
C'est de les remplacer ?
- "C'est de remplacer les emplois existants."
On ne fera pas de la graisse ?
- "Pour que les choses soient simples : il va y a voir deux fois plus de fonctionnaires qui vont partir à la retraite dans les dix ans qui viennent que dans les dix ans passés. Pour le dire autrement, il va falloir recruter deux fois plus de fonctionnaires. Alors qu'il y a des jeunes qui sont moins nombreux qui arrivent sur le marché du travail ; alors que la fonction publique embauche majoritairement des cadres - des bacs + quelque chose - qui sont déjà aussi sur le marché du travail en situation satisfaisante - il y a très peu de chômage parmi eux. Il faut donc être attractif en termes de salaires - c'est le débat qui commence - mais attractif aussi en termes de responsabilité individuelle."
Pour pouvoir les attirer, il faut donner des salaires décents aujourd'hui ?
"On n'entre pas dans la fonction publique pour faire fortune. Il ne faut pas non plus les traiter n'importe comment. Mais en même temps, il y a aussi tout ce qui est responsabilité, amélioration de la relation à l'usager parce que c'est quand même plus agréable de rendre service plutôt que d'avoir des files d'attente devant son guichet."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 21 novembre 2000)
- "Bien parce que le dialogue est déjà noué, que j'ai beaucoup travaillé depuis que je suis ministre de la Fonction publique à faire en sorte que sur tous les sujets, y compris les sujets qui fâchent, on puisse en parler, en parler ensemble et en parler séparément. On a donc préparé les choses, on a l'habitude de parler ensemble. Et puis c'est difficile aussi parce que les fonctionnaires, c'est 5 millions de personnes, le budget de l'Etat,..."
Plus les retraités qui suivent.
- "C'est plus de 700 milliards sans compter les collectivités locales, les hôpitaux. Donc les décisions individuelles qui sont attendues et qui sont légitimes pour chacun des fonctionnaires ont des conséquences considérables sur l'ensemble du budget de l'Etat."
Il y a eu plusieurs réunions au Gouvernement. La semaine dernière, jeudi dernier, le Premier ministre a pris une sorte d'arbitrage pour dire jusqu'où on pouvait aller. Est-ce que vous êtes verrouillé ou avez-vous un peu de marge de manoeuvre ?
- "La négociation commence cet après-midi. Elle ne se termine pas cet après-midi, parce que c'est un processus qui est relativement long. Nous allons parler de l'année 2000 : qu'est-ce qu'on fait pour cette année, qu'est-ce que propose le Gouvernement ?"
C'est un peu tard de commencer en novembre ?
- "C'est parce que 1998 et 1999 ont été deux "bonnes années" - entre guillemets - pour les fonctionnaires parce que l'inflation a été très faible, beaucoup plus faible que ce qui avait été prévu. Ce qui fait qu'ils ont tous gagné du pouvoir d'achat pendant ces deux années."
Cela vous inciterait peut-être à ne pas trop en donner cette année ?
- "Donc cette année, il y avait, si je puis dire, cet acquis en début d'année. Le problème se pose maintenant. Il faut essayer de le résoudre maintenant. On va aussi essayer de parler de 2001 et de 2002. C'est en tous cas ce que je proposerai parce que je crois très important qu'on y voit clair dans les années qui viennent tant pour le budget de l'Etat mais aussi pour chacun des fonctionnaires - ou des candidats à être fonctionnaires. Je souhaite que les jeunes sachent ce qui va se passer dans la fonction publique, y compris en termes de paye, et ainsi les motiver ou du moins qu'ils prennent leurs décisions en connaissance de cause."
Pour l'argent déjà prévu : une provision de 3, 2 milliards au titre de l'année 2000, pour ce qu'il y aurait donc à rattraper en termes d'augmentation, c'est cela ?
- "Il y a de l'argent qui est prévu cette année dans le budget de l'Etat. Il y a de l'argent qui est prévu pour l'année prochaine dans le budget qui est en cours de discussion. C'est à l'intérieur de cela que nous discutons aujourd'hui. Ensuite les conversations, les négociations continueront jusqu'au début de 2001."
Mais on a dit que vous étiez prêt à donner + 0,5 % d'augmentation du traitement indiciaire des fonctionnaires, ce qui n'est pas suffisant selon les syndicats. C'est le chiffre actuel pour démarrer ?
- "C'est ce que j'ai lu dans certains journaux. Mais permettez-moi de considérer que ce genre de choses je les dis aux fonctionnaires eux-mêmes et aux organisations qui les représentent. Je commence cet après-midi cette négociation. Je leur réserve quelques informations."
Donc vous avez de l'information à donner, donc des démarches de discussion ?
- "De la discussion oui, par définition."
Vous vous sentez coincé entre la rigueur de Fabius et la générosité de Jospin, dans son aspect le plus politique ?
- "Non, il n'y a pas un gentil pour les fonctionnaires qui s'appellerait Sapin et un méchant qui s'appellerait Fabius ; il n'y a pas un gentil pour le budget de l'Etat qui s'appellerait Fabius et un méchant qui s'appellerait Sapin. Il y a un Gouvernement qui discute, débat, fixe une ligne qui tient compte de tous les éléments d'un équilibre : traiter correctement les fonctionnaires, parce que c'est aussi l'avenir de la France ; et en même temps tenir compte d'un certain nombre d'impératifs budgétaires, parce que c'est aussi l'avenir de la France."
Politiquement dans la gauche plurielle, il y a plutôt des revendications du côté du PC, des Verts, pour que vous donniez plus de pouvoir d'achat. Vous les entendez ceux-là ou pas ?
- "Oui, bien sûr. Je les entends parfois avec un certain plaisir mais en sachant qu'il y a à toute revendication des limites qui sont les limites de la réalité. Je souhaite que les fonctionnaires soient traités correctement, je souhaite qu'ils ne soient pas une catégorie à part dans le monde des salariés français, mais qu'ils jouent sur le même terrain que l'ensemble des Français. Et je souhaite par ailleurs que chaque Français comprenne que l'effort qu'il fait en payant des impôts est utilisé correctement pour payer les bons fonctionnaires aux bons endroits."
Vous voulez être le ministre du sérieux et du possible ?
- "Du sérieux, du possible, du raisonnable, du souhaitable."
Les 35 heures dans la fonction publique, il n'y a pas d'accord global ? Où en est-on aujourd'hui dans la discussions ministère par ministère ?
- "Il n'y a pas eu d'accord global mais cela ne va pas dire qu'il n'y a pas de discussions. C'est un peu comme dans le privé : il y a une loi générale dite loi Aubry et il y a un décret - on va l'appeler le décret Sapin - de cet été qui fixe les grands principes, exactement comme dans le privé. Ce sont d'ailleurs les même principes que ceux du privé : 1 600 heures annuelles dans le privé, 1 600 heures annuelles dans le public. Il n'y a pas de raison de faire deux poids deux mesures entre les salariés du public et les salariés du privé. Maintenant, dans chaque ministère, on discute, on débat parce qu'on ne fait pas les 35 heures de la même manière dans un musée et dans la police. Il faut donc discuter concrètement de ces choses-là."
D'après de ce que vous savez, cela avance ?
- "Oui, ils sont en train de faire le bilan. Ils discutent pour voir exactement aujourd'hui où on en est, combien de temps on travaille... Cela dépend beaucoup des ministères, certains sont déjà à 35 heures et d'autres où tout le monde est à 39 heures."
A priori cela génère de l'emploi créé ?
- "Ce n'est pas le raisonnement. Le raisonnement aujourd'hui est qu'on doit pouvoir passer aux 35 heures dans un contexte de stabilité de l'emploi et en améliorant les choses pour les usagers. Je crois qu'il ne faut jamais perde cela de vue. Dans la fonction publique, même les 35 heures - et j'allais dire surtout les 35 heures - doivent se traduire par un plus pour les usagers."
L'emploi dans la fonction publique, c'est l'emploi à terme puisqu'il y aura beaucoup de départs en retraite. On en a parlé pour l'éducation : il faut remplacer des professeurs, mais il n'y a pas que des professeurs dans la fonction publique. Quelles prévisions d'augmentation, de création d'emplois avez-vous pour les dix ans à venir, parce que c'est une échéance importante ?
- "Justement, vous employez le terme de "création d'emplois" et je crois que ce terme va devenir désuet. Je veux dire par là que le problème que tout gouvernement et tout ministre va avoir dans les dix ans qui viennent, n'est pas de créer des emplois nouveaux..."
C'est de les remplacer ?
- "C'est de remplacer les emplois existants."
On ne fera pas de la graisse ?
- "Pour que les choses soient simples : il va y a voir deux fois plus de fonctionnaires qui vont partir à la retraite dans les dix ans qui viennent que dans les dix ans passés. Pour le dire autrement, il va falloir recruter deux fois plus de fonctionnaires. Alors qu'il y a des jeunes qui sont moins nombreux qui arrivent sur le marché du travail ; alors que la fonction publique embauche majoritairement des cadres - des bacs + quelque chose - qui sont déjà aussi sur le marché du travail en situation satisfaisante - il y a très peu de chômage parmi eux. Il faut donc être attractif en termes de salaires - c'est le débat qui commence - mais attractif aussi en termes de responsabilité individuelle."
Pour pouvoir les attirer, il faut donner des salaires décents aujourd'hui ?
"On n'entre pas dans la fonction publique pour faire fortune. Il ne faut pas non plus les traiter n'importe comment. Mais en même temps, il y a aussi tout ce qui est responsabilité, amélioration de la relation à l'usager parce que c'est quand même plus agréable de rendre service plutôt que d'avoir des files d'attente devant son guichet."
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 21 novembre 2000)