Déclaration de Christian Pierret, secrétaire d' Etat à l'industrie, sur les orientations et les objectifs de la politique énergétique, à l'Assemblée nationale le 21 janvier 1999.

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Texte intégral

Le Gouvernement considère le débat d'aujourd'hui ni comme un exercice imposé, ni comme un exercice de style. Non, il considère comme légitime, nécessaire et décisif que nous débattions des orientations de notre politique énergétique devant la représentation nationale.
C'est légitime car il est normal dans une démocratie que le Parlement soit associé à la définition des objectifs, des orientations et des moyens de notre politique énergétique. Tel est le cas lorsque le Parlement examine les projets de loi de finances et en particulier le budget de mon ministère. Tel sera le cas le mois prochain lorsque vous examinerez le projet de loi sur la modernisation et le développement du Service public de l'électricité et, dès que le calendrier le permettra, le projet de loi sur l'Après-Mines adopté hier en conseil des ministres.
Ce débat est aussi nécessaire car il est utile d'appréhender la cohérence d'ensemble de cette politique afin d'en retenir les principes et les objectifs en relation avec la politique économique et sociale de la Nation et qui doivent ensuite être adaptés aux différentes composantes de notre politique énergétique.
Ce débat est enfin décisif car le secteur de l'énergie connaît partout dans le monde des évolutions profondes qui influent nécessairement sur ce que nous pouvons et sur ce que nous devons faire. Les réalités énergétiques sont, le plus souvent, des réalités internationales. Celles-ci ont trait à des questions aussi cruciales que celles de la présence de la technologie française dans le monde, de nos capacités d'approvisionnement à long terme, de notre liberté stratégique, par dessus tout de notre indépendance nationale économique et, par conséquent, de notre influence politique dans le monde. D'autre part, la politique énergétique française sera progressivement dans l'avenir partie intégrante de celle de l'Union Européenne, lorsque celle-ci aura définie une politique commune.
Je souhaite donc que ce débat soit fructueux et permette de dégager une vision claire de ce que la France veut mettre en oeuvre dans le secteur de l'énergie : une énergie de qualité, au moindre coût pour l'économie, respectueuse de l'environnement, accessible à tous même aux plus démunis. Notre politique énergétique, dans ce cadre mondial, peut être définie de manière cursive par quelques adjectifs :
elle se doit d'être sérieuse et non soumises aux caprices des polémiques. C'est ainsi qu'elle ne se reconnaît pas dans le " ni-tout, ni-tout " ni tout nucléaire, ni toutes énergies fossiles ou nouvelles.
Elle n'oppose pas un lobby à un autre, mais se défie de tout ce qui pourrait compromettre l'ouverture des choix de la France.
elle doit être équilibrée quant aux énergies utilisées, quant à leur maîtrise quantitative, quant aux conséquences sur les territoires et les groupes sociaux, qu'elle engendre.
elle doit être diversifiée et faire une place nouvelle aux énergie nouvelles.
elle doit être maîtrisée pour qu'entrent à nouveau dans nos priorités, après une éclipse de plusieurs années, les préoccupations d'économie d'énergie.
elle doit être responsable et se placer résolument dans une optique de long terme sur les plans économique de la rentabilité et environnemental de l'innocuité pour les générations futures. En résumé, elle doit marquer une rupture avec le Passé, en étant plus démocratique et régulièrement, pour cela, soumise au contrôle du Parlement.
I - Notre politique énergétique s'inscrit pleinement dans une promotion volontariste du Service public et plus généralement dans la politique économique et sociale du Gouvernement dont elle est une composante importante.
Ses orientations et ses objectifs sont cohérents et traduisent la démarche qui est celle du Gouvernement, et qui ont été précisées à deux reprises, lors des conseils interministériels, par le Premier Ministre, en février et décembre 1998.
Illustrons ce propos par quelques considérations qui me paraissent au cur de l'action politique :
a) - Le souci constant du Gouvernement est de concilier -et non d'opposer- performance économique, progrès social et missions de Service public, et cette orientation trouve pleinement son illustration dans nos choix en matière énergétique. Ainsi, vous aurez prochainement à débattre des conditions d'ouverture à la concurrence du marché de l'électricité, et demain de celles qui régiront le marché du gaz. Le Gouvernement souhaite à cette occasion donner corps aux missions de service public que nous entendons voir s'accomplir tout en confortant la compétitivité et l'attractivité de la base industrielle française. La concurrence entraînera des baisses de prix en particulier au profit de ceux pour qui la fourniture d'électricité ou de gaz constitue un élément important de leur propre compétitivité. La baisse du prix de ces fournitures renforcera la capacité d'attraction du territoire français aux yeux de tous ceux qui souhaitent y investir ; elle participera ainsi efficacement à une politique dynamique de l'emploi. Une fourniture énergétique compétitive constitue un atout décisif au même titre que de bonnes infrastructures ou de bons services de télécommunications. C'est aujourd'hui le cas grâce à EDF et GDF. Cette situation favorable doit se prolonger non seulement pour les futurs " consommateurs éligibles " qui pourront choisir leur fournisseur, mais également pour tous les autres clients. L'évolution du marché permettra aux industriels de bénéficier d'offres multi-énergies pour l'ensemble de leurs sites en Europe. Elle permettra à EDF, entreprise 100 % publique et qui demeurera totalement publique - le Gouvernement s'y engage - de s'affirmer comme un opérateur global sur ce nouveau marché où elle dispose des meilleurs atouts pour gagner dans la compétition. Dans le même temps, nous souhaitons que cette évolution ne se traduise pas par une concurrence inorganisée où les solidarités sociales et territoriales se déliteraient de façon inexorable. Nous savons bien que, dans le secteur énergétique, en particulier dans le domaine charbonnier, le développement économique a trop longtemps conduit à faire couler le sang et les larmes. Heureusement, le progrès social, dans le secteur de l'énergie grâce à la loi de 1946 comme dans d'autres, a permis le développement d'une industrie de premier plan, au meilleur niveau mondial. Le Gouvernement ne pense pas que la poursuite de ce développement puisse passer par la négation des acquis sociaux, bien au contraire.
C'est pourquoi, nous estimons souhaitable et équitable que les futurs concurrents d'EDF sur le marché de l'électricité soient soumis aux mêmes règles sociales que l'opérateur en charge des missions de service public. Nous disons que le statut des Industries électriques et gazières sera maintenu dans les mêmes conditions qu'il l'a été depuis la loi de 1946. Nous pensons que s'offrira progressivement à l'initiative des partenaires sociaux une véritable logique de négociation de branche française qui devrait déboucher sur une dynamique européenne au profit des salariés du secteur.
Performances économiques et progrès social ne doivent pas être opposées mais s'épauler mutuellement. L'accord en cours de finalisation sur la réduction du temps de travail à EDF et GDF en constitue une illustration exemplaire, grâce à l'attitude dynamique des partenaires sociaux. Le résultat de cette concertation avec l'ensemble des organisations syndicales témoigne de l'amélioration du climat social.
b) - Vous savez aussi que le Gouvernement considère indispensable que les pouvoirs publics soient à même d'assurer la prise en compte des préoccupations de long terme, en particulier le respect de l'environnement.
Dans le secteur de l'énergie, plus encore que dans d'autres, nous ne considérons pas comme allant de soi que le marché conduise instantanément et nécessairement vers le meilleur des mondes possibles.
C'est pourquoi nous jugeons nécessaire que l'Etat se préoccupe tout particulièrement de notre sécurité d'approvisionnement énergétique, des conséquences de nos actes sur l'environnement et plus généralement de la préparation de l'avenir.
Notre sécurité d'approvisionnement énergétique parce que plus de la moitié de notre consommation d'énergie doit être importée, le plus souvent à partir de pays où un opérateur dispose d'un monopole d'exportation. Combien d'entre vous croient que l'on pourra durablement importer du pétrole à un prix inférieur -en termes réels- à ce qu'il était en 1973 ?
Le Gouvernement considère qu'assurer notre sécurité d'approvisionnement est un impératif politique essentiel. C'est d'ailleurs pourquoi figure dans le projet de loi sur la modernisation du service public de l'électricité une programmation pluriannuelle des investissements de production d'électricité et la possibilité pour le Gouvernement de corriger des dérives éventuelles qui pourraient dans certaines circonstances réduire cette sécurité d'approvisionnement.
Nous devons nous soucier également des conséquences de nos actes sur l'environnement parce que cette démarche permet de préserver nos écosystèmes et de prévenir les conséquences éventuellement dommageables pour la santé humaine. Dominique VOYNET, au nom du Gouvernement s'est solennellement engagé vis-à-vis de la communauté internationale et de l'Union européenne à stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre. Ces engagements responsables sont importants en termes éthiques pour les générations futures et en termes environnementaux. Ils sont aussi porteurs de conséquences financières considérables, s'ils n'étaient pas tenus. En effet, si nous ne pouvions stabiliser nos émissions de gaz à effet de serre, nous devrions financer, des droits d'émettre ces mêmes gaz. Nous ne savons pas encore quel sera le prix du droit d'émettre 1 t de CO2 mais la prudence consiste selon nous à éviter de se trouver dans une situation qui serait grave pour l'économie française d'un véritable " choc CO2 " alors que nous sommes aujourd'hui le pays industriel le moins polluant de la planète en la matière.
Nous devons non seulement nous préoccuper du long terme, mais aussi du très long terme. Je ne parle plus ici des problèmes de réchauffement de la planète consécutifs à l'accumulation de gaz à effet de serre parce que cette réalité nous inquiète dès aujourd'hui. J'évoque les dispositions que nous devons prendre pour nous assurer que les déchets radioactifs sont correctement retraités, entreposés ou stockés et pris en charge, que la période des radioéléments soit de quelques mois ou de quelques milliers d'années.
La programmation pluriannuelle des investissements de capacité de production d'électricité contenue dans la loi sur l'électricité traduit la volonté des pouvoirs publics de pouvoir influer sur le " mix " des moyens de production nécessaires. Cet outil est important pour la protection de l'environnement, car la production d'électricité est à l'origine de plus de 30 % des émissions de CO2 de l'Union européenne même si ces émissions proviennent essentiellement par ailleurs du secteur des transports. Ce chiffre est beaucoup plus faible en France -moins de 10 %- en raison de la composition volontairement originale de notre parc de production d'électricité. Grâce à l'hydraulique ,don de la géographie et de la nature, et au nucléaire, choix politique et technologique, près de 90 % de la production d'électricité n'émet pas de CO2 : situation unique parmi les pays industriels. Depuis le premier choc pétrolier, grâce aux économies d'énergies réalisées -pour environ un tiers- et grâce au développement de la production électro-nucléaire -pour environ les deux tiers- nous avons non seulement considérablement réduit notre dépendance énergétique mais également réduit -d'environ 30 %- nos émissions de CO2, sans évoquer les autres émissions polluantes. C'est précisément parce que nous avons déjà réduit nos émissions de CO2 que nous avons pu convaincre nos partenaires que la stabilisation de nos émissions constituait un objectif équivalent aux leurs.
Se préoccuper du long terme signifie aussi nous préoccuper de notre avenir industriel et donc de la R D et de la possibilité de maintenir nos atouts technologiques de premier ordre que se soit dans le secteur nucléaire avec le Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), ou dans le secteur parapétrolier avec l'Institut Français du Pétrole (IFP) et le Fonds de Soutien des Hydrocarbures (FSH) et très vite, je l'espère dans les Energies Nouvelles Renouvelables (ENR) et technologies de maîtrise de l'effet de serre, autour de l'ADEME.
II - Prendre en compte les considérations que je viens d'évoquer
nous conduit à promouvoir une politique énergétique équilibrée et
respectueuse de l'environnement
a) - Ceci passe d'abord par un développement à la fois résolu et rationnel des productions et des comportements énergétiques respectueux de l'environnement.
Résolument parce que ce qui manque le plus dans ce domaine, c'est la constance dans l'effort. Et c'est bien sûr ce qui est le plus nécessaire. Chacun le comprend lorsque l'on parle de comportements individuels ou de production dans un secteur très consommateur de capital où les implications de long terme des actions menées sont donc importantes. Et il en va de même des conséquences sur l'environnement.
Cette constance est d'autant plus nécessaire à l'obtention de résultats que le prix de l'énergie est bas. Enfin, résolument parce que c'est ce qui a manqué à nos prédécesseurs lorsqu'ils étaient aux affaires et qu'ils ont fait passer de 300 MF à 75 MF, soit une division par quatre, les moyens d'interventions budgétaires consacrés à la maîtrise de l'énergie et aux énergies renouvelables. Vous savez que nous avons décidé d'y consacrer une ressource pérenne de plus de 500 MF par an dès 1999. C'est une contribution importante à ce que le Commissariat Général du Plan a fort justement appelé " les chemins d'une croissance sobre " , qui doit, dans la durée, permettre d'infléchir les comportements de consommation, particulièrement dans le secteur des transports. Rationnellement, c'est à dire avec raison car il ne s'agit pas de faire n'importe quoi, ni de faire naître ou prospérer des illusions. Les énergies renouvelables, hydraulique compris, représentent déjà une part non négligeable de la consommation d'énergie en France (12%). Tous les efforts doivent être faits pour que leur contribution augmente. Cependant, même avec des efforts d'une grande intensité - comme nous le souhaitons - en faveur des économies d'énergie ou des énergies nouvelles renouvelables, le nucléaire ne pourra pas, dans les trois ou quatre décennies à venir, être remplacé à due concurrence par ces solutions. Notre politique énergétique doit aussi développer avec vigueur, en raison des économies d'infrastructures de transport d'énergie qu'elles permettent, les autres énergies décentralisées efficaces sur le plan énergétique. Le schéma de services collectifs de l'énergie prévus par le projet de loi sur l'Aménagement du Territoire (LOADT), présenté au nom du gouvernement par Dominique Voynet, vont chercher à identifier et à organiser ce potentiel.
Nous nous donnons les moyens de le faire, non seulement en augmentant de façon très importante les crédits budgétaires qui sont affectés à l'ADEME, mais aussi grâce aux mécanismes prévus dans la loi sur l'électricité qui permettra de garantir un débouché à la production d'électricité produite à partir d'ENR. Il s'agit ainsi de développer les énergies renouvelables dont certaines sont compétitives ou en voie de l'être comme l'énergie éolienne qui est aujourd'hui le mode de production d'électricité qui se développe le plus rapidement. Mais ceci concerne aussi le biogaz, le solaire thermique, la biomasse et le bois. A ce sujet, le récent rapport de Jean-Louis BIANCO propose des pistes prometteuses que nous étudions.
Nous devons aussi accentuer une politique dynamique de développement des transports propres par les mesures fiscales et réglementaires appropriées. Je pense aux flottes urbaines pour le véhicule électrique, aux bus pour le GNV, et aux véhicules routiers pour le GPL.
Mais plutôt que de fixer un niveau minimum, il serait plus fécond que ce choix énergétique tienne compte des préférences de nos concitoyens. Il existe déjà des compagnies de distribution d'électricité proposant à leurs clients, moyennant un surcoût tenant compte de la différence des coûts de production, un tarif " vert " leur garantissant, sous un contrôle objectif extérieur à l'entreprise, que leur demande électrique sera satisfaite exclusivement à partir d'énergies renouvelables. Cette année, en Europe, certaines compagnies de distribution électriques feront sans doute de même. Je souhaite qu'EDF soit parmi les premiers en Europe à expérimenter un tel tarif " vert " .
Le Gouvernement souhaite enfin que la fiscalité des différentes énergies tienne compte de leur impact environnemental ce qui est très loin d'être le cas aujourd'hui. Des progrès ont été accomplis avec la loi de finances pour 1999 présentée par Dominique Strauss-Kahn et Christian Sautter. Cette voie sera poursuivie lors des prochaines années et nous ne ménagerons pas nos efforts pour parvenir à un accord communautaire, que la France souhaite voir aboutir rapidement, permettant d'harmoniser nos dispositifs fiscaux ce qui est une condition indispensable au rééquilibrage de notre fiscalité énergétique dans un sens plus conforme à l'équité de la concurrence et à la dimension environnementale, dans un contexte global où nous devons baisser nos prélèvements obligatoires.
b) - Une politique énergétique équilibrée consiste ensuite à ouvrir les choix de politique énergétique en diversifiant les différentes sources d'énergie primaire.
L'heure n'est plus au tout pétrole qui nous a conduit, nous comme les autres, aux deux chocs pétroliers dont nous tous ici avons gardé la mémoire. Je rappelle qu'au début des années 80, la facture énergétique de la France représentait un prélèvement extérieur de 6 % de notre PIB. Aujourd'hui, ce chiffre a été abaissé à seulement 1 % ! quel succès ! L'effet du prix du pétrole est évidemment important mais ce résultat a été également acquis grâce aux économies d'énergie réalisées. Ceci n'enlève rien au performences croissantes de nos industries pétrolière et para-pétrolière qui, chaque jour, connaissent des succès internationaux pour le bénéfice de notre sécurité d'approvisionnement, et portent la technologie française aux tous premiers rangs mondiaux.
Mais l'heure n'est pas non plus et ne doit pas être au tout gaz. Je le dis sans contester que la progression -raisonnable et attendue-du gaz dans notre bilan énergétique soit un phénomène positif, notamment en vue de la substitution de combustibles fossiles plus polluants. Il n'est cependant pas souhaitable que la part du gaz dans notre bilan énergétique devienne prépondérante. Quatre raisons s'y opposent. La première c'est que nous dépendons pour près des trois quart de pays extérieurs à l'Europe communautaire pour nos besoins en gaz. La deuxième c'est que le gaz ne dispose pas d'un avantage économique par rapport au nucléaire pour la production d'électricité en base. La troisième, c'est que si le gaz émet moins de CO2 que les autres énergies fossiles, il contribue évidemment davantage à l'effet de serre que les énergies qui n'en émettent pas du tout. Enfin la dernière, c'est la persistance de la volatilité des prix du gaz qui lui ôte de ce fait une partie de son intérêt en tant qu'instrument de diversification des risques. La place du charbon dans notre bilan énergétique va, aussi, continuer d'évoluer. L'exploitation du charbon connaîtra son terme, comme prévu, dans notre pays, tout simplement, parce qu'il ne serait pas raisonnable de poursuivre l'exploitation dans les conditions de coût d'extraction auxquelles CDF est confronté. Le coût pour la collectivité de l'exploitation charbonnière présente et passée (charges de retraites) est d'environ 10 milliards de Francs par an (1,52 milliards d'euros) pour 5,7 millions de tonnes en 1998. Les conditions de fermeture exprimeront la reconnaissance de la Nation à ces travailleurs de la mine, et tous les efforts doivent être mobilisés pour réindustrialiser ces régions de bassins miniers de manière à apporter un travail digne aux enfants de mineurs. Je pense à Gardanne, à Ales ou à la Lorraine C'est une des raisons pour laquelle l'effort financier en faveur de ces bassins, à travers le FIBM et le GIRZOM, doit rester soutenu. Le Gouvernement s'y engage. Enfin, le charbon génère plus d'émissions de CO2 que la combustion de toute autre énergie fossile. Ceci ne signifie pas que toute la technologie charbonnière appartient au passé. Au contraire nous développons avec succès des techniques de charbon " propre " , en particulier, celle du lit fluidisé circulant (LFC) notamment à Gardanne, où nous comptons développer cette voie.
L'heure n'est plus non plus au tout nucléaire dans la production d'électricité. La part du nucléaire dans notre production d'électricité est, vous le savez, proche de 80 %. Cette part excède la plage de compétitivité du nucléaire telle que nous pouvons l'estimer aujourd'hui. Le nucléaire représente à ce jour la meilleure solution technico-économique pour faire face aux besoins en " base " , c'est à dire pour produire la quantité d'électricité consommée en continu, et c'est ce caractère continu qui permet d'amortir les investissements financièrement les plus lourds que constituent les centrales électro-nucléaires. En revanche, le nucléaire ne constitue pas une bonne solution économique pour faire face aux pics de demande. Lorsqu'il s'agira pour EDF de renouveler son parc de production, vers 2010-2020, le nucléaire ne représentera vraisemblablement qu'une part plus réduite, même si elle reste majoritaire, des capacités de production d'électricité. Ni tout pétrole, ni tout nucléaire, ni tout gaz ; notre bilan énergétique et notre politique énergétique doivent être équilibrés dans leurs composantes et leurs orientations. Nous devons être conscients des avantages et des inconvénients de chaque filière énergétique sur les plans économiques et environnementaux. Nous savons par exemple que le nucléaire n'émet pas de CO2 mais génère d'autres déchets. Nous savons aussi que les coûts de production d'électricité issus de cette filière sont plus stables que ceux des autres filières. Nous savons enfin que chaque filière doit faire l'objet d'une appréciation globale et exhaustive sur les " économies externes " qu'elle engendre : s'il faut inclure le coût estimé au démantèlement des centrales nucléaires obsolètes et du retraitement concernant le stockage des déchets, il faut aussi évaluer le coût des dommages à l'environnement résultant de l'émission du gaz à effet de serre pour les énergies fossiles ainsi que les coûts externes des énergies nouvelles.
C'est pourquoi, même si le nucléaire doit demeurer le pilier de notre politique énergétique, nous entendons ouvrir autant que possible les choix relatifs aux énergies primaires utilisées et valoriser nos atouts nationaux.
III - Enfin, nous devons conduire la politique énergétique de notre pays autrement, en tenant compte des aspirations de nos compatriotes à plus de transparence et de démocratie et à assumer nos responsabilités vis-à-vis de nos concitoyens et vis-à-vis des générations futures, comme l'a souhaité le Premier ministre dès le 19 juin 1997.
a) - Transparence, parce que nos concitoyens sont en droit de bénéficier d'une information fiable et objective concernant les conséquences des choix de politique énergétique comme de politique sociale, de politique économique etc Ils doivent pouvoir être informés de façon fiable et objective des risques qui s'attachent à ces choix. Et lorsqu'il s'agit de choix publics, ceux-ci doivent s'effectuer selon les procédures en vigueur dans notre démocratie.
Le Gouvernement a, vous le savez, pris d'importantes décisions qui traduisent concrètement cette volonté et je m'en réjouis. Je m'en réjouis d'autant plus que je suis certain qu'une information plus fiable et plus objective concernant la politique énergétique ne peut que renforcer le soutien dont elle dispose dans l'opinion. Combien sont ceux qui connaissent le vrai bilan sanitaire et humain des différents modes de production énergétique ? C'est pourquoi la transparence, une information plus fiable et plus objective sont aux yeux du Gouvernement des conditions nécessaires à l'efficacité de notre politique énergétique. Ce débat doit y contribuer.
Y contribuera également l'étude sur les données économiques de l'ensemble de la filière nucléaire, y compris le retraitement, au regard des autres sources d'énergie, et compte tenu des différentes hypothèses contenues dans le rapport du Plan Energie 2010 ainsi que de la conjoncture économique internationale, que le Gouvernement va commander. Cette étude confiée à MM. CHARPIN, Commissaire au Plan, DESSUS, Directeur de Recherche au CNRS et PELLAT, Haut-Commissaire du CEA, devra pouvoir évaluer les coûts réels de l'aval du cycle. Il appartient aussi à tous ceux qui participent ou animent le débat public de faire preuve d'objectivité et de responsabilité. Il serait inacceptable que persistent des comportements et des attitudes consistant à refuser cette transparence. Mais il est également inacceptable de jouer sur les inquiétudes de nos concitoyens, particulièrement ceux qui sont les moins informés. Renvoyons dos à dos le lobby nucléaire et celui de la désinformation. En dernier ressort, en cas d'accident grave, nous savons bien que nos concitoyens se tourneraient vers l'Etat et il est donc légitime que son action ne soit pas entachée d'une suspicion permanente selon laquelle celui-ci serait incapable d'être indépendant des exploitants.
Le contrôle de la sûreté nucléaire doit non seulement être exercée avec la plus grande rigueur et les décisions prises irréprochables, mais la sûreté nucléaire doit apparaître comme insoupçonnable aux yeux de nos concitoyens. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé qu'un projet de loi créant une autorité de sûreté indépendante sera déposé au Parlement au printemps prochain et que le rôle du Conseil Supérieur de la Sûreté des Installations Nucléaires (CSSIN) et des Commissions Locales d'Information (CLI) serait renforcé.
La transparence et la responsabilité doivent aller de pair. Dans le domaine des déchets, le Gouvernement redoublera d'efforts pour que les retours de déchets dans leurs pays d'origine soient conduits avec la célérité nécessaire en définissant avec les pays concernés des programmes pluriannuels de transports ; ainsi en ce qui concerne l'Allemagne, dans le prolongement du Sommêt de Postdam, le Ministre allemand de l'Environnement, M. TRITTIN, a pris l'engagement, au nom de son Gouvernement, pour que, dès cette année, des retours aient lieu. Croyez bien que le Gouvernement français fera ici comme sur des sujets connexes, preuve de continuité pour que les engagements de notre partenaire allemand soient tenus.
b) - Assumer nos responsabilités est également une exigence vis-à-vis des générations futures.
Nous souhaitons traiter la lutte contre l'effet de serre comme la gestion des déchets nucléaires.
L'accumulation dans l'atmosphère de plusieurs gaz à effet de serre, le principal étant de loin le CO2, est une réalité météorologique d'aujourd'hui. L'année 1998 a été la plus chaude en moyenne à la surface de la planète depuis que des relevés météorologiques existent. Sept des années de la dernière décennie figurent parmi les dix années les plus chaudes jamais enregistrées. Chacun peut déjà appréhender la plus grande instabilité des paramètres climatologiques et en tirer des conséquences quant aux choix fondamentaux.
Nous devons faire preuve de la même responsabilité s'agissant de la gestion des déchets radioactifs et raisonner en fonction de leur durée de vie qui se chiffre de quelques jours à quelques centaines de milliers d'années. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité privilégier le principe de réversibilité. Les techniques progressent vite et il serait absurde et inéquitable que nos enfants, petits enfants et les générations suivantes ne puisse inverser un choix que nous effectuons pour nous même mais également pour eux. Prendre une décision réversible ne signifie pas ne pas prendre de décision.
Il est de notre responsabilité, vis-à-vis du Parlement qui a voté la loi BATAILLE à l'unanimité et vis-à-vis des générations futures d'appliquer la loi. Les décisions que le Gouvernement a prises permettent de traduire de manière concrète ses principales dispositions : remontée en puissance de PHENIX, décision de construire deux laboratoires de recherche souterrains, l'un dans des terrains granitiques, qu'il convient d'identifier dès 1999, l'autre dans des terrains argileux et qui se situe dans la Meuse à Bure. Par ailleurs le Gouvernement a décidé d'augmenter les crédits consacrés à l'axe trois de la loi de 1991 et d'étudier la possibilité d'un entreposage, en sub-surface dans le Gard. Nous n'avons pas, collectivement, démérité. La politique énergétique menée depuis 25 ans est globalement un succès mais le Gouvernement se prononce en faveur de changements radicaux de méthode et d'attitude .Nous assumons nos responsabilités et en particulier celles qui consistent, à maintenir nos options ouvertes afin d'utiliser au mieux les atouts incontestables dont nous disposons dans le secteur énergétique et à adapter nos règles de façon à ce que les missions de service public auxquelles nos compatriotes sont attachés soient assurées dans les meilleures conditions possibles. Nous estimons pouvoir montrer à nos compatriotes qu'il est possible dans ce secteur comme dans d'autres de concilier réussite économique, compétitivité, choix technologique français et progrès social.
Notre politique énergétique sera complète si nous savons désormais, pour atteindre ces objectifs, mettre en oeuvre une véritable transparence vis à vis de l'opinion et de véritables processus de contrôle démocratiques dans lesquels se sera toujours au Parlement français d'avoir le dernier mot. C'est la méthode que le gouvernement de L.Jospin compte bien mettre en oeuvre.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 21 janvier 1999)