Déclaration de M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire, sur le développement du micro-crédit et de la micro-entreprise, Paris le 11 décembre 2000.

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Circonstance : Colloque micro-crédit et micro-entreprises à Paris le 11 décembre 2000

Texte intégral

La création d'activité par des personnes exclues du marché du travail correspond à des formes historiques de l'économie solidaire. C'est donc avec intérêt que je viens évoquer devant vous le micro-crédit, la micro-entreprise, et leurs perspectives de développement.
Il ne doit pas y avoir d'opposition entre ces démarches et les systèmes de protection sociale. L'observation de la réalité désigne trois points cruciaux qui me paraissent au cur de la démarche.
Le passage à l'auto-emploi ne doit pas se traduire par une coupure brutale avec les dispositifs d'aide. Les personnes qui prennent le risque d'entreprendre ne doivent pas avoir à payer trop cher, en cas d'échec, le fait d'avoir eu le courage de prendre une initiative. Il y a quelques mois, les Assises nationales de la création d'entreprise ont apporté des éléments de réponse concrets à cette préoccupation. Mais pour des néophytes, on le sait, ces dispositifs demeurent assez lourds. La recherche d'une simplification des procédures doit encore être au cur de nos préoccupations.
L'accès aux financements est au centre des travaux de votre conférence. Si l'on veut favoriser l'esprit d'initiative, nous devons faire évoluer les mentalités, et ce dès la formation initiale. Il faut également multiplier les opportunités permettant aux personnes en grande difficulté de porter des projets.
Le micro-crédit a le mérite de constituer un pont entre deux mondes. Les pouvoirs publics doivent créer les conditions favorables au développement de ces dispositifs, encore trop peu répandus. Dans le monde, 200 millions d'individus pourraient potentiellement bénéficier de micro-crédits. Ils sont moins de 15 millions aujourd'hui. C'est dire que le chemin à parcourir est encore long. Nous avons le devoir d'accompagner et de mobiliser le secteur bancaire et les collectivités, pour que l'énergie de tous ceux qui souhaitent entreprendre dans la logique du micro-crédit ne soit pas gaspillée en pure perte.
Il faut aussi que l'institution respecte la culture et l'originalité des réseaux d'acteurs. L'institution doit être à l'écoute de la formidable richesse que constituent le lien social et les réseaux d'individus à l'échelle d'un bassin. Loin de chercher à les standardiser, il faut au contraire respecter leur diversité et leurs spécificités. Cette démarche doit déboucher sur de nouvelles relations et sur un autre partenariat entre les collectivités, les établissements bancaires et les entrepreneurs eux-mêmes. Toutes les énergies qui peuvent être mobilisées en faveur de la diversité des démarches économiques contribueront à la lutte contre le chômage.
Accompagnement, accès à l'argent, conseil, tutorat, encadrement bénévole : c'est une démarche citoyenne qui doit être engagée. Il faut néanmoins structurer les choses et j'ai, dans le cadre des responsabilités qui sont les miennes, engagé un certain nombre de chantiers.
Il s'agit tout d'abord d'affirmer la place des différents acteurs de l'économie sociale et solidaire, notamment en les faisant reconnaître dans l'agenda social européen.
Un nouveau statut d'entreprise coopérative est par ailleurs à l'étude. Nous cherchons à mettre en place des structures où les porteurs de projet pourraient bénéficier, dans un premier temps, d'un statut d'entrepreneur salarié. C'est seulement lorsque le projet aura atteint le stade de maturité nécessaire qu'il prendra son envol de manière complètement indépendante.
Nous cherchons également à améliorer les systèmes de garantie actuels et à faciliter l'accès à l'argent. Nous travaillons notamment à la mobilisation d'une partie de l'épargne au profit de l'économie solidaire. Nous devons faire des efforts, pour créer au plus près des bassins et des départements, les structures capables de répondre aux demandes de micro-crédit.
Enfin, je crois que le Nord a le devoir d'aider les pays du Sud. Cela pourrait notamment prendre la forme de fonds de garantie pour les caisses de micro-crédit. Lors d'un récent voyage au Mali, j'ai pu constater que le niveau de risques de ces caisses était inférieur à 2 pour 10 000. Quel organisme bancaire occidental refuserait d'apporter une garantie dans de telles conditions ? Il y a là, manifestement, une contribution nécessaire à apporter, pour faire naître, dans le contexte de la globalisation, une nouvelle solidarité par l'économie, qui privilégierait la solidarité entre les personnes.
En guise de conclusion, je ne crois pas que la micro-entreprise soit simplement un maillon manquant. C'est un enjeu au cur de l'économie solidaire, qui peut être associé à toutes les activités sans sacrifier le respect de la dignité de ceux qui y concourent. Le droit d'entreprendre doit être démocratisé, indépendamment des situations économiques et des niveaux de formation initiaux. C'est ainsi, à mes yeux, que doit être la nouvelle économie. Je suis persuadé que vos travaux permettront de mettre l'accent sur les perspectives qui s'ouvrent devant nous. Comptez sur moi pour vous apporter mon soutien dans la construction de ce monde solidaire que nous appelons de nos vux.
(source http://www.finances.gouv.fr, le 14 décembre 2000)