Texte intégral
(Première intervention)
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Sénateur,
Mesdames,
Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour présenter la prestation d'autonomie que le gouvernement se propose de mettre en place au 1er janvier 1996.
Pourquoi ici ? Parce que la Haute-Loire est un département en pointe dans la prise en charge des personnes âgées et qu'il participe à l'expérimentation d'une allocation de dépendance lancée par la loi du 25 juillet 1994. Parce que la maison de La Roseraie, tout spécialement, est un établissement innovant, soucieux de se moderniser. J'ai d'ailleurs le plaisir d'annoncer que l'État prendra sa part de cet effort, à travers une subvention d'un million de francs au projet d'extension et de modernisation développé par cet établissement.
Venons-en maintenant à la prestation d'autonomie. De quoi s'agit-il ? Pas simplement d'une nouvelle allocation, qui viendrait s'ajouter à d'autres prestations sociales, mais d'une étape essentielle dans la reconnaissance par notre société du droit des personnes âgées à la sécurité financière, à la santé et à la dignité.
La génération qui nous a précédés a mis en place, au sortir de la seconde guerre mondiale, un système de retraite par répartition et une assurance maladie offrant à tous des soins de qualité. Elle a ainsi rompu avec une situation intolérable, qui faisait de ceux que l'on appelait les "petits vieux" des citoyens de seconde zone, condamnés à la misère et à la maladie. C'en est aujourd'hui fini, fort heureusement, de ces hospices insalubres d'autrefois, dernière étape de souffrance et de solitude avant la mort.
Ces avancées fondamentales de notre protection sociale ont permis une amélioration considérable de la situation des personnes âgées. Leur niveau de vie moyen est aujourd'hui comparable à celui des actifs. J'ai d'ailleurs tenu à ce que cette équité de traitement soit préservée, en augmentant, dès l'installation du gouvernement, l'ensemble des pensions de retraite de 0,5 %, afin que tous bénéficient du retour de la croissance. Il est vrai que ce rattrapage global cache encore des cas difficiles, notamment parmi les allocataires du minimum vieillesse. J'en ai tenu compte et le minimum vieillesse a été relevé de 2,8 %, ce qui a porté à 4 % la hausse de cette allocation en 1995.
Au-delà des conditions financières, c'est aussi l'état de santé des personnes âgées qui s'est amélioré de manière spectaculaire. Cela se traduit par un allongement de l'espérance de vie sans incapacité, allongement plus rapide que l'espérance de vie à la naissance.
Pour autant, admettons-le, quels que soient les progrès de la médecine, il existera toujours un lien direct entre le grand âge et ce que l'on appelle la dépendance. C'est-à-dire l'incapacité à réaliser seul les fonctions essentielles de la vie courante.
On estime aujourd'hui le nombre des personnes âgées en situation de dépendance marquée à 700.000. Cela veut dire qu'elles sont confinées au lit ou au fauteuil, ou ont besoin de l'aide d'une tierce personne pour la toilette et l'habillage. Jacques Brel, dans sa chanson "les vieux", a d'une phrase sans verbe caractérisé l'état de dépendance : "du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit".
A n'en pas douter, la prise en charge de la dépendance est le grand défi de protection sociale de cette fin de siècle. Parce que l'espérance de vie augmente actuellement d'un trimestre par an, parce que le nombre des personnes âgées de plus de 85 ans passera d'ici à 2015 de 900 000 à 1 850 000.
Or, notre système de protection sociale ne reconnaît pas la dépendance dans sa spécificité et il ne répond donc pas aux contraintes humaines et aux charges financières devenues beaucoup trop lourdes pour les familles. Celles-ci sont trop souvent laissées seules, sans autre ressource que leur dévouement, pour faire face à la dépendance de leurs parents.
Il est vrai que des prestations d'aides sociales, telles que les aides ménagères, contribuent à améliorer le quotidien des personnes dépendantes. Il est vrai également que les départements ont progressivement ouvert le bénéfice de l'allocation compensatrice pour tierce personne aux personnes âgées dépendantes. Mais cette prestation, destinée aux personnes handicapées, n'a nullement été conçue pour préserver l'autonomie des personnes âgées dépendantes ni pour répondre à leurs besoins spécifiques. Ce qui explique d'ailleurs que beaucoup de personnes âgées dépendantes, qui pourraient en bénéficier, n'y ont pas, en pratique, recours.
De tout cela, les Français ont pris conscience. Et ils sont prêts aujourd'hui à un effort de solidarité en faveur des plus âgés et parmi eux des plus fragiles.
C'est pourquoi dès l'installation du gouvernement, j'ai demandé au ministre de la solidarité entre les générations d'élaborer sans attendre un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance.
Le gouvernement disposait, en effet, déjà de réflexions de grande qualité sur le sujet. Je pense au rapport de M. Théo Braun de 1987, élaboré à la demande de M. Jacques Chirac. Je pense aussi au rapport de M. Schopflin de 1991 pour le Commissariat Général au Plan et au rapport parlementaire de M. Boulard également de 1991.
En outre, le gouvernement pouvait s'appuyer sur les enseignements d'une vaste expérimentation lancée dans 12 départements en application de la loi du 25 juillet 1994 sur la base de conventions entre les départements et les caisses de sécurité sociale.
J'ai voulu enfin, conformément à la méthode que je me suis assignée pour conduire les réformes sociales, que le projet fasse l'objet d'une concertation approfondie. Mme Codaccioni a ainsi rencontré toutes les parties intéressées (associations de personnes âgées, départements, caisses de sécurité sociale, organisations syndicales, gestionnaires d'établissements d'accueil de personnes âgées...).
Dans le même esprit, j'ai sollicité l'avis du Conseil Économique et Social sous la forme la plus constructive possible : le Conseil a été saisi non d'un projet de loi déjà arbitré, mais, en amont, des principales options que le gouvernement se proposait de retenir. Il a rendu son avis le 13 septembre dernier. C'est un avis très articulé, qui marque une convergence de vues très forte sur les choix fondamentaux adoptés par le gouvernement et formule diverses propositions propres à éclairer ses décisions. Je souhaite remercier très vivement les membres du Conseil Économique et Social pour cette contribution d'une grande richesse et cela malgré les délais très courts dont ils disposaient.
Cette concertation est désormais terminée. Le projet que je vous présente aujourd'hui en est le résultat. J'en détaillerai maintenant les caractéristiques principales :
1 - la prestation d'autonomie sera une prestation légale de solidarité nationale. Ce choix fondamental emporte deux conséquences :
- la prestation sera attribuée d'une manière égale sur tout le territoire national, la dépendance étant évaluée par des équipes médico-sociales, comprenant au moins un médecin, grâce à une grille nationale unique. Un observatoire de la dépendance placé auprès du ministre de la solidarité entre les générations et réunissant notamment des représentants des associations de personnes âgées, des départements et des caisses de sécurité sociale, aura pour mission d'y veiller. Elle pourra dans sa mission bénéficier du concours de l'inspection générale des affaires sociales. En outre, la loi fera l'objet d'une évaluation au bout de 3 ans, ainsi que l'a préconisé le Conseil Economique et Social ;
- la prestation d'autonomie sera financée par les ressources que les départements consacrent aujourd'hui à la prise en charge des personnes âgées dépendantes et pour le surplus par un effort de la solidarité nationale, selon des règles clairement posées dans la loi. J'ai retenu l'idée avancée par le Conseil Économique et Social de financements complémentaires apportés par une contribution sur l'ensemble des revenus. Toutefois, plutôt que de créer un fonds spécifique, j'ai fait le choix d'utiliser les instruments qui existent déjà. Les apports financiers supplémentaires nécessaires le seront ainsi au travers du Fonds de Solidarité Vieillesse. Ce fonds, créé en 1994 pour prendre en charge les dépenses non contributives en faveur des personnes âgées, est alimenté notamment par la contribution sociale généralisée.
Au total, au terme de sa montée en charge, la prestation d'autonomie devrait représenter un effort financier de 20 milliards de francs en faveur de nos aînés.
2 - En second lieu, j'ai fait le choix d'un maître d'uvre clairement désigné, le département. Je n'ai pas souhaité, comme le proposait le Conseil Économique et Social créer en quelque sorte une administration spécifique de la dépendance. Et je n'ai pas souhaité non plus instituer des instances de codécision dont toute notre expérience montre qu'elles ne peuvent fonctionner efficacement. Les départements sont, en effet, les mieux placés pour gérer la prestation au plus près des gens, d'autant qu'ils assurent déjà depuis la décentralisation, des responsabilités essentielles dans l'aide aux personnes âgées. Pour autant, maîtrise d'uvre unique ne signifie pas, à mon sens, exercice solitaire des compétences, mais bien au contraire partenariat et collaboration étroite avec l'ensemble des acteurs locaux, et en premier lieu les caisses de sécurité sociale. Cette coopération se fera sur la base de conventions passées entre les départements et les différentes institutions et organismes intervenant au profit des personnes âgées et dans le cadre de plans gérontologiques départementaux, dont la loi prévoit la création obligatoire dans un délai impératif de deux ans. Ces plans prendront en compte l'ensemble des dispositifs d'aide aux personnes âgées et auront pour objet de mobiliser l'ensemble des partenaires sur un même objectif : assurer à nos aînés, jusqu'au bout, une vie aussi heureuse qu'ils sont en droit de l'espérer.
3 - La prestation sera ouverte dès 60 ans. Le gouvernement avait initialement fait le choix de 70 ans, qui est l'âge où commence, en général, la grande dépendance, mais il a entendu les arguments du Conseil Économique et Social de simplification de gestion administrative de la nouvelle prestation par rapport à l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il a également eu le souci de prendre en compte l'incidence parfois très lourde en termes de dépendance de certaines maladies, comme la maladie d'Alzheimer.
4 - Pour entrer davantage dans le détail des conditions d'attribution de la prestation, celle-ci sera soumise à condition de ressources. J'ai voulu qu'elle ne soit pas un "minimum social", mais qu'elle bénéficie aussi largement que possible aux personnes âgées dépendantes qui ne sont ni riches ni pauvres, et qui ont été jusqu'à présent les grandes oubliées de l'action publique en faveur de nos aînés. C'est pourquoi le plafond de ressources pour bénéficier de la prestation sera sensiblement plus élevé que celui de l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il avoisinera le montant du plafond de la sécurité sociale, soit 13 000 F bruts mensuels environ.
Au total, et au terme de la période de montée en charge de la prestation, ce sont plus de 600 000 personnes qui bénéficieront de la prestation d'autonomie dont le montant pourra atteindre jusqu'à 4 300 F par mois en fonction des ressources personnelles du bénéficiaire. Ce montant correspond bien, ainsi que le souligne le Conseil Économique et Social, et comme l'ont montré les expérimentations telles que celles qui ont été conduites en Haute-Loire, à la couverture des besoins de dépendance les plus courants.
5 - Concrètement, le montant de la prestation d'autonomie sera déterminé dans le cadre d'un plan d'aide à la personne établi par l'équipe médico-sociale en fonction de son niveau de dépendance et des caractéristiques de son environnement.
Le niveau de la prestation et le plan d'aide pourront être révisés en cas d'aggravation du niveau de dépendance. Cette adaptabilité du dispositif permettra de préserver la liberté de choix de la personne âgée entre le maintien à domicile et l'hébergement en établissement. Il permettra ainsi d'éviter qu'une personne âgée dont l'état physique s'est dégradé ne soit contrainte de quitter son domicile, faute de pouvoir disposer d'une aide suffisante.
6 - Venons-en maintenant au calendrier de mise en place de la prestation d'autonomie.
La prestation sera ouverte dans un premier temps aux personnes maintenues à domicile, puis, dans un délai de 18 mois, aux personnes en établissement. Il ne s'agit évidemment pas de faire "deux poids et deux mesures" entre le soutien à domicile, qui serait la forme légitime et souhaitable de la prise en charge de la dépendance, et l'hébergement en établissement. J'ai bien conscience, en effet, qu'au-delà d'un certain niveau de dépendance, le maintien à domicile devient très difficile et parfois n'est plus souhaitable. Je connais également le dévouement des gestionnaires et des personnels des établissements d'accueil des personnes âgées dépendantes.
Ce décalage dans le temps répond simplement à la nécessité d'adapter la tarification des établissements au financement des dépenses de dépendance. Celles-ci, aujourd'hui, ne sont pas isolées des dépenses médicales et d'hébergement qui donnent lieu à des forfaits spécifiques. Une enquête conjointe de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection Générale des Affaires Sociales sera lancée très prochainement pour clarifier cette question. L'objectif est de pouvoir attribuer la prestation, dès le 1er juillet 1997, aux personnes âgées en établissement sur des bases financièrement indiscutables.
Fallait-il faire attendre jusque-là les personnes âgées maintenues à domicile dans le seul souci d'égalité de traitement ? J'ai choisi plutôt la voie du pragmatisme, et donc d'une mise en uvre en deux temps. En anticipant au 1er janvier 1996 la mise en place de la prestation à domicile plutôt que de reculer encore la création d'une prestation qui était devenue une véritable "Arlésienne" de notre débat politique. Cela n'empêche pas, bien sûr, d'ici-là, la prise en charge par l'allocation compensatrice pour tierce personne des personnes âgées dépendantes hébergées en établissement ou souhaitant l'être.
7 - Enfin, la prestation sera versée en nature. J'ai, en effet, souhaité que la prestation ne prenne pas la forme d'une allocation en espèces, mais serve à rémunérer des personnes ou des services d'aide à la dépendance. Ce choix marque le souci du gouvernement de mettre en place une prestation dont l'objet est de permettre le plus longtemps possible aux personnes âgées de conserver leur autonomie. Il rejoint, par ailleurs, l'objectif de tous les instants du gouvernement : la création d'emplois. J'attends, en effet, de cette prestation la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
En pratique, les personnes dépendantes à domicile qui auront embauché directement une aide se verront attribuer par le département des "chèques autonomie" fonctionnant sur le modèle des chèques-emplois-services. Pour les personnes âgées ayant fait le choix de recourir à une association d'aide à domicile, celle-ci sera rémunérée directement par le département sur la base d'un relevé de services faits.
Enfin, pour les personnes en hébergement, la prestation sera versée selon un mécanisme de "tiers payant" identique à celui que je viens d'exposer pour les associations d'aide à domicile.
Ce dispositif sera bien sûr complété par des contrôles sur place visant à éviter que la prestation ne fasse l'objet de fraude.
Telles sont les principales caractéristiques de la prestation d'autonomie qui sera mise en uvre, je le rappelle, dès le 1er janvier 1996. Elle traduit, vous le constatez, la volonté du gouvernement de franchir une étape indispensable pour l'amélioration des conditions d'existence et de dignité des plus âgés d'entre nous. C'est une exigence de solidarité nationale. C'est l'honneur d'une société qui sait demeurer unie et généreuse même dans des temps économiquement difficiles.
(Deuxième intervention)
M. JUPPÉ.- Mesdames, Messieurs, je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous, avec Colette Codaccioni, ministre chargé de la solidarité entre les générations, et Jacques Barrot, ministre du travail, du dialogue social et de la participation, pour présenter ce qui, à coup sûr, restera comme l'une des grandes conquêtes sociales des années que nous vivons, je veux parler de la prestation "autonomie" que le gouvernement se propose de mettre au 1er janvier 1996.
L'un des intervenants disait à l'instant qu'on en parlait beaucoup depuis des décennies. Il y a eu des propositions de loi. Il y a eu des expériences. Eh bien, j'ai tenu à faire, comme le Président de la République s'était engagé, de la concrétisation de la prestation "autonomie" l'une des priorités de l'action de mon gouvernement. Nous y sommes.
Pourquoi ici ? Pourquoi à Rosières ? Pourquoi cette prestation "autonomie" sera-t-elle désormais la prestation de Rosières ? Eh bien, d'abord, parce que nous sommes dans la ville de R. Gouthéron, votre sénateur-maire, qui est, pour moi, un ami de longue date, dont j'ai pu, au fil des années, éprouver la fidélité, la compétence, le dynamisme. L'accueil qui lui a été fait tout à l'heure par ses administrés, et notamment par les pensionnaires de cette maison de retraite, montre sa popularité, ô combien justifiée.
Je viens de lui confier, en accord avec François Bayrou, une nouvelle mission très importante pour l'avenir puisqu'il fait partie de la commission présidée par monsieur Fauroux, qui va s'interroger sur l'avenir de notre système éducatif et me faire, là aussi, dans quelques mois, des propositions dont beaucoup dépendra pour l'avenir de notre jeunesse.
Nous avons choisi Rosières aussi parce que la Haute-Loire est un département en pointe dans la prise en charge des personnes âgées et qu'il participe, cela vient de nous être rappelé, à l'expérimentation de l'allocation de dépendance qui avait été lancée par la loi du 25 juillet 1994.
Cette expérimentation a été utile. Même si le recul n'est pas tout à fait suffisant, on a déjà pu en tirer quelques conclusions et notamment l'idée qu'il fallait simplifier et amplifier le dispositif.
Enfin, je m'exprime d'ici parce que la Maison de la Roseraie est un établissement innovant, accueillant, soucieux de se moderniser. Je sais que tout le personnel qui travaille ici a fait beaucoup d'efforts pour organiser notre rencontre aujourd'hui et je l'en remercie.
J'ai d'ailleurs le plaisir d'annoncer que l'État prendra sa part dans cet effort de modernisation en attribuant une subvention complémentaire de 600 000 francs au projet d'extension de la Maison de La Rose.
(Applaudissements)
Et j'en reviens à la prestation "autonomie". De quoi s'agit-il ? Pas simplement d'une nouvelle allocation qui viendrait s'ajouter à d'autres prestations sociales mais, je le crois, d'une étape essentielle dans la reconnaissance dans notre Société du droit des personnes âgées à la sécurité financière, à la santé, à la dignité.
La génération qui nous a précédé a mis en place au sortir de la seconde guerre mondiale un système de retraite par répartition, auquel nous sommes très attachés, et une assurance-maladie qui offrait à tous ou à presque tous des soins de qualité. Elle a ainsi rompu avec une situation intolérable qui faisait de ceux qu'on appelait alors des petits vieux, des citoyens de seconde zone condamnés à la maladie et parfois à la misère. Cela en est aujourd'hui fini, fort heureusement, des hospices insalubres d'antan qui étaient la dernière étape de souffrance et de solitude avant la mort.
Ces avancées fondamentales de notre protection sociale ont permis une amélioration incontestable de la situation des personnes âgées. Leur niveau de vie moyen est aujourd'hui comparable à celui des actifs. J'ai d'ailleurs tenu à ce que cette équité de traitement soit préservée en augmentant, dès l'installation du Gouvernement, l'ensemble des pensions de retraite. Il est vrai que ce rattrapage global cache encore des cas difficiles, notamment parmi les allocataires du minimum vieillesse, et c'est pourquoi j'en ai tenu compte en relevant le minimum vieillesse de 2,8 % au 1er juillet, ce qui a porté la hausse pour l'année 95 à 4 %.
Au-delà des conditions financières, c'est aussi l'état de santé des personnes âgées qui s'est amélioré de manière spectaculaire depuis quelques décennies. Cela se traduit notamment par un allongement de l'espérance de vie sans incapacité, allongement plus rapide que l'espérance de vie à la naissance.
Mais quels que soient les progrès de la médecine, ils sont loin d'être achevés, - nous l'espérons tous - il existera toujours un lien direct entre le grand âge et ce qu'on appelle la dépendance, c'est-à-dire l'incapacité à réaliser seul un certain nombre d'actes essentiels de la vie courante.
On estime aujourd'hui le nombre de personnes âgées en situation de dépendance marquée à 700 000. Cela veut dire qu'elles sont souvent confinées au lit ou au fauteuil ou qu'elles ont besoin de l'aide d'une tierce personne pour la toilette ou l'habillage. Jacques Brel dans une chanson fort célèbre qui s'appelle "Les vieux" a, d'une phrase à la fois précise et cruelle, caractérisé cet état de dépendance, je le cite : "Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit". A n'en pas douter, la prise en charge de la dépendance est le grand défi de la protection sociale de cette fin de siècle parce que, il faut le rappeler, l'espérance de vie augmente actuellement d'un trimestre par an, parce que le nombre des personnes âgées de plus de 85 ans passera d'ici à 2015, si l'on en croit les statistiques, de 900 000 à 1 850 000, plus qu'un doublement. Il faut bien entendu s'en réjouir.
Or, notre système de protection sociale ne reconnaît pas la dépendance dans sa spécificité. Il ne répond donc pas aux contraintes humaines et aux charges financières devenues beaucoup trop lourdes pour les familles. Celles-ci sont trop souvent laissées seules, sans autres ressources que leur dévouement pour faire face à la dépendance de leurs parents.
Il est vrai que des prestations d'aide sociale, qui existent déjà, telles que les aides ménagères, contribuent à améliorer le quotidien des personnes dépendantes. Il est vrai également que les départements ont progressivement ouvert le bénéfice de l'allocation compensatrice pour tierce personne aux personnes âgées dépendantes. Mais, nous l'avons vu tout à l'heure, cette prestation qui, dans son principe, est destinée aux personnes handicapées, n'a pas été conçue pour préserver l'autonomie des personnes âgées dépendantes et pour répondre à leurs besoins spécifiques. Ce qui explique d'ailleurs que beaucoup de personnes âgées dépendantes qui pourraient en bénéficier n'y ont pas en pratique recours.
De tout cela, les Français ont pris conscience et ils sont prêts aujourd'hui à faire un effort de solidarité supplémentaire en faveur des plus âgés d'entre eux et, parmi les plus âgés, en faveur des plus fragiles. C'est pourquoi dès l'installation du Gouvernement, il y a moins de quatre mois, j'ai demandé au ministre de la Solidarité entre les générations, Madame Codaccioni, d'élaborer sans attendre un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance. Le Gouvernement disposait déjà de réflexions de grande qualité sur ce sujet. Je pense au rapport de Monsieur Théo Brown de 1987 qui avait été élaboré à la demande de Monsieur Chirac. Je pense aussi au rapport de Monsieur Shopflin de 1991 pour le Commissariat général au Plan ou au rapport parlementaire de Monsieur Boulard qui date également de 1991.
En outre, le Gouvernement pouvait s'appuyer sur les enseignements d'une expérimentation lancée dans 12 départements en application de la loi de juillet 94, que nous avons citée, sur la base de convention entre les départements et les caisses de sécurité sociale.
J'ai voulu, conformément à la méthode que je me suis assigné pour conduire les réformes sociales, que le projet fasse l'objet d'une concertation approfondie. Et c'est ainsi que Madame Codaccioni, que je félicite de ce travail fait avec beaucoup de sérieux, beaucoup de cur et beaucoup d'efficacité, a rencontré toutes les parties intéressées : les associations de personnes âgées, les gestionnaires départementaux, les caisses de Sécurité sociale, les organisations syndicales, les gestionnaires d'établissements d'accueil de personnes âgées. Et, dans le même esprit, j'ai sollicité l'avis du Conseil Économique et Social sous la forme la plus constructive possible. Le Conseil a été saisi non pas d'un projet de loi tout ficelé mais, en amont, des principales options que le Gouvernement se proposait de retenir. Et il a rendu, vous le savez, son avis le 13 septembre. C'est un avis très articulé, très argumenté qui souligne une convergence de vues très forte sur les choix fondamentaux adoptés par le Gouvernement et formule diverses propositions propres à éclairer ses décisions. Je voudrais, ici, remercier très vivement les membres du Conseil Économique et Social pour cette contribution d'une très grande richesse et, cela, malgré les délais courts dont il disposait.
Vous le voyez : faire des réformes, si on veut vraiment les concerter, cela demande un peu de réflexion. On dit parfois que, surprenant, tout n'ait pas été fait en un jour. Là, on l'a fait en moins de quatre mois, je voudrais à nouveau en féliciter les membres du Gouvernement qui ont travaillé sur ce sujet fort complexe.
La concertation est désormais terminée. Le projet que je vous présente en est le résultat. Je voudrais en détailler les caractéristiques principales.
Tout d'abord, la prestation "autonomie" sera une prestation légale de solidarité nationale. Ce choix fondamental comporte deux conséquences :
D'abord, la prestation sera attribuée d'une manière égale sur tout le territoire national. On s'était parfois ému des disparités ou des injustices que le système pouvait présenter. De manière égale, je le répète donc, sur tout le territoire national. La dépendance étant évaluée par des équipes médico-sociales qui comprendront au moins un médecin et en référence à une grille nationale unique de dépendance.
Un observatoire de la dépendance qui sera placé auprès du ministre de la solidarité entre les générations et qui réunira notamment des représentants des associations de personnes âgées, des départements, des caisses de sécurité sociale qui seront pleinement associées à la mise en uvre de la réforme, aura pour mission de veiller à cette égalité entre les différents bénéficiaires. Elle pourra dans sa mission bénéficier du concours de l'inspection générale des Affaires sociales. En outre, la loi fera l'objet d'une évaluation au bout de 3 ans, comme l'a préconisé le Conseil Économique et social.
La prestation "autonomie" sera financée par les ressources que les départements consacrent aujourd'hui à la prise en charge des personnes âgées dépendantes et, pour le surplus parce que cela ne suffira pas, par un effort de solidarité nationale selon des règles qui seront clairement posées dans la loi.
J'ai retenu l'idée avancée par le Conseil Économique et social de financement complémentaire apporté par une contribution sur l'ensemble des revenus. Toutefois, plutôt que de créer un fonds spécifique, j'ai fait le choix d'utiliser les instruments qui existent déjà. Des apports financiers supplémentaires nécessaires le seront ainsi au travers du Fonds de solidarité vieillesse. Ce Fonds, je vous le rappelle, a été créé en 1994 pour prendre en charge les dépenses non contributives en faveur des personnes âgées et il est alimenté par la contribution sociale généralisée.
Au total, au terme de sa montée en charge qui se fera sur plusieurs années, la prestation "autonomie" devrait représenter, et ce chiffre montre qu'il s'agit bien d'une étape considérable dans notre effort de protection sociale, un montant de l'ordre de 20 milliards de francs en régime de croisière en faveur de nos aînés. Tous financements confondus.
En second lieu, j'ai fait le choix d'un maître d'uvre clairement désigné, le département. Je n'ai pas souhaité, comme le proposait le Conseil Économique et Social, créer une nouvelle administration qui aurait été une administration spécifique de la dépendance. Je n'ai pas souhaité non plus instituer des instances de co-décisions dont toute notre expérience montre qu'elles ne peuvent fonctionner efficacement. Les départements sont à mes yeux les mieux placés, compte tenu de leur expérience, pour gérer la prestation au plus près des citoyens, d'autant qu'ils assurent déjà depuis la décentralisation des responsabilités essentielles dans l'aide aux personnes âgées. Pour autant, et j'insiste beaucoup sur ce point, maîtrise d'uvre unique ne signifie pas exercice salutaire des compétences mais bien au contraire partenariat, collaboration étroite avec l'ensemble des acteurs locaux et, en premier lieu, avec les Caisses de sécurité sociale qui devront être impliquées dans la mise en uvre de cette réforme.
Cette coopération se fera sur la base de convention passée entre les départements et les différentes institutions et organismes intervenant au profit des personnes âgées et dans le cadre de plans gérontologiques départementaux dont la loi prévoit la création obligatoire dans un délai impératif de deux ans. Ces plans prendront en compte l'ensemble des dispositifs d'aide aux personnes âgées. Ils auront pour objet de mobiliser tous les partenaires sur un même objectif : assurer à nos aînés, jusqu'au bout, une vie aussi heureuse qu'ils sont en droit de l'espérer.
Troisième série de remarques : la prestation sera ouverte dès 60 ans. Le Gouvernement avait initialement retenu l'âge de 70 ans dans les travaux préparatoire que nous avons conduits depuis le mois de juin, parce que c'est l'âge où commence en général la grande dépendance. Ce qui prouve que la concertation n'est pas un exercice purement formel mais que nous avons retenu beaucoup de suggestions qui nous ont été faites. Nous avons entendu les arguments du Conseil Économique et social qui a plaidé pour la simplification de la gestion administrative de la nouvelle prestation par rapport à l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il a également eu le souci de prendre en compte l'incidence parfois très lourde, en termes de dépendance, de certaines maladies comme la maladie d'Alzheimer, et donc nous avons finalement retenu l'âge de 60 ans.
Pour rentrer davantage dans le détail des conditions d'attribution de la prestation, je voudrais indiquer qu'elle sera soumise à des conditions de ressources. Mais j'ai voulu qu'elle ne soit pas un minimum social. J'ai voulu qu'elle bénéficie, aussi largement que possible, aux personnes âgées dépendantes qui ne sont ni riches, ni pauvres, mais qui ont été jusqu'à présent les grandes oubliées de l'action publique en faveur de nos aînés. C'est pourquoi le plafond de ressources pour bénéficier de la prestation sera sensiblement plus élevé que celui de l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il avoisinera le montant du plafond de la sécurité sociale, c'est-à-dire 13 000 francs bruts mensuels environ.
Au total, et je le souligne à nouveau au terme de la période de montée en charge qui sera nécessaire, ce sont plus de 600 000 personnes qui pourront bénéficier de la prestation d'autonomie. Le montant individuel de cette prestation pourra atteindre jusqu'à 4 300 francs par mois en fonction des ressources personnelles du bénéficiaire. Ce montant correspond bien, ainsi que le souligne le Conseil Économique et social et comme l'ont montré les expérimentations, telles que celles qui ont été conduites en Haute-Loire, à la couverture des besoins de dépendance les plus courants.
Concrètement, le montant de la prestation autonomie sera déterminé dans le cadre d'un plan d'aide à la personne établi par l'équipe médico-sociale dont j'ai parlé, en fonction du niveau de dépendance et des caractéristiques de l'environnement de la personne âgée. Le niveau de la prestation et le plan d'aide pourront être révisés en cas d'aggravation du niveau de la dépendance. Cette adaptabilité du dispositif permettra de préserver la liberté de choix de la personne âgée entre le maintien à domicile et l'hébergement en établissement. Il permettra d'éviter qu'une personne âgée dont l'état physique s'est dégradé ne soit contrainte de quitter son domicile faute de pouvoir disposer d'une aide supplémentaire suffisante.
J'en viens maintenant au calendrier de mise en place de la prestation autonomie. La prestation sera ouverte dans un premier temps aux personnes maintenues à domicile. Puis, dans un délai que nous avons fixé à 18 mois, aux personnes hébergées en établissement. Je sais que c'est un point qui suscite un certain nombre d'interrogations. Je dis tout de suite qu'il ne s'agit pas de faire deux poids et deux mesures entre le soutien à domicile qui serait la forme légitime et souhaitable de la prise en charge de la dépendance et l'hébergement en établissement. J'ai bien conscience, nous l'avons vu d'ailleurs ici même, que, au-delà d'un certain niveau de dépendance, le maintien à domicile devient très difficile et parfois d'ailleurs il n'est plus souhaitable. Je connais également le dévouement des gestionnaires et des personnels des établissements d'accueil des personnes âgées dépendantes.
Si nous avons prévu un décalage dans le temps entre le maintien à domicile et l'hébergement à l'établissement, c'est tout simplement pour permettre aux établissements d'adapter leurs tarifications au financement des dépenses de dépendance. Celles-ci aujourd'hui ne sont pas isolées des dépendances médicales et d'hébergement qui donnent lieu à des forfaits spécifiques. Il faut mettre un peu d'ordre et de clarté dans tout cela. J'ai pensé qu'une enquête conjointe de l'Inspection générale des Finances et de l'Inspection générale des affaires sociales pourrait nous permettre de clarifier la situation. L'objectif est de pouvoir attribuer la prestation dès le 1er juillet 1997 aux personnes âgées hébergées en établissement sur des bases financièrement indiscutables.
On m'a parfois, bien que tout ceci a été évidemment discuté, posé la question de savoir ce qui pourrait se passer si, entre le 1er janvier 1996, date de mise en uvre de la réforme et le 1er juillet 1997, date que nous avons retenue pour l'extension à l'hébergement à l'établissement, une personne âgée bénéficiaire d'une prestation d'autonomie à domicile était obligée d'entrer dans une maison de retraite ? Eh bien, j'indique tout de suite que cette personne âgée, après avis de l'équipe médico-sociale et sur décision expresse du Président du Conseil général pourra conserver sa prestation "autonomie" au moment où elle entrera, par hypothèse, en établissement et avant même qu'il y ait généralisation du système.
Fallait-il attendre jusque là les personnes âgées maintenues à domicile dans le seul souci d'égalité de traitement ? J'ai choisi plutôt la voie du pragmatisme et donc d'une mise en uvre en deux attentes telle que je viens de vous la décrire. Nous anticipons donc au 1er janvier 96 la mise en place de la prestation à domicile plutôt que de reculer encore la création d'une prestation qui était devenue une sorte d'Arlésienne de notre débat politique et social.
Cela n'empêche pas bien sûr, d'ici l'extension de la nouvelle prestation, la prise en charge par l'allocation compensatrice pour tierce personne qui existe, des personnes âgées dépendantes hébergées en établissement ou souhaitant l'être.
Enfin, c'est la dernière précision que je voudrais apporter, la prestation "autonomie" sera versée en nature pour éviter les effets de bas de laine que l'un d'entre-vous évoquait tout à l'heure à ce micro. J'ai souhaité que la prestation ne prenne pas la forme d'une allocation en espèces mais qu'elle serve à rémunérer des personnes ou des services d'aide à la dépendance. Ce choix marque le souci du Gouvernement de mettre en place une prestation dont l'objet est de permettre le plus longtemps possible aux personnes âgées de conserver leur autonomie et il rejoint un autre objectif prioritaire de l'action de mon Gouvernement, la création d'emplois puisque nous faisons par la même, d'une certaine manière, coup double.
Nous humanisons, ce qui est l'objectif principal, la situation des personnes âgées mais en même temps nous favorisons la création d'emplois à domicile et nous attendons de certaine prestation la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans les mois ou les années qui viennent.
En pratique, les personnes dépendantes à domicile qui auront embauché directement une aide, se verront attribuer par le département des chèques autonomie qui fonctionneront sur le modèle des chèques emploi-service. Pour les personnes âgées qui auront fait le choix de recourir à une association d'aide à domicile, c'est l'association qui sera rémunérée directement par le département sur la base d'un relevé des services faits.
Enfin, pour les personnes en hébergement, le moment venu, la prestation sera versée selon un mécanisme de tiers payant identique à celui que je viens d'exposer pour les associations d'aide à domicile. Ce dispositif sera, bien sûr, complété par des contrôles sur place visant à éviter que la prestation ne fasse l'objet de fraude.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les principales caractéristiques de la prestation "autonomie" qui sera mise en uvre, je le rappelle, dès le 1er janvier 1996, c'est-à-dire dans à peine plus de trois mois pour nous permettre de faire voter les textes nécessaires.
Tout ceci traduit la volonté du Gouvernement de franchir une étape indispensable pour l'amélioration des conditions d'existence et de dignité des plus âgés d'entre-nous. C'est une exigence de solidarité nationale. C'est l'honneur d'une société qui sait demeurer unie, généreuse, même dans les temps économiquement difficiles, d'une société qui fait du Pacte républicain, pour reprendre l'expression chère au Président de la République, plus qu'un thème de discours, une réalité vraiment vécue au quotidien. Et c'est ainsi, peut-être sans tambours, ni trompettes, que nous allons franchir, de manière pragmatique, déterminée et résolue, une nouvelle étape dans la politique du changement qu'ont souhaitée les Françaises et les Français.
(Applaudissements)
JOURNALISTE.- Nous avons relevé que cette prestation sera donnée en nature. Mais nous voudrions attirer votre attention sur deux ou trois points précis.
Premièrement, nous sommes dans un milieu rural et lorsque nous envoyons du personnel dans nos campagnes, nous avons des pertes de temps énormes pour nos salariés, nous avons des kilomètres à rembourser, ce qui ne se passe pas en ville, il pourrait peut-être avoir deux mesures différentes, des améliorations pour le milieu rural qui a des prêts supplémentaires très importants.
Le deuxième point que nous voudrions éviter et voir éviter, c'est tout particulièrement le manque de qualité dans les prestations. Depuis des années, les associations d'aide à domicile, quelles qu'elles soient, et je parle en, mon nom personnel et en même temps au nom de l'UNASAD qui est à côté de moi, nous désirons continuer et aller au-delà pour la formation de nos salariés. Nous voulons qu'une prestation à domicile soit autre chose qu'un coup de balai. Une femme de ménage, c'est bien, une dame qui va dans une maison doit être quelqu'un qui apporte un plus, qui devient une amie, qui devient une partenaire dans la famille.
Enfin, un troisième point : vous nous avez dit tout à l'heure que la personne pourrait éventuellement employer directement quelqu'un. Je me permets de rappeler une lettre de Madame Simone Veil, ministre, à l'époque, de la santé et de la sécurité sociale, qui nous disait de faire très attention car quand une personne âgée est dépendante, elle n'est pas capable non seulement de gérer et d'employer quelqu'un, mais d'organiser son travail. Nous en avons la preuve. Dans 90 % des cas où nous intervenons en Haute-Loire, ce sont nos personnels ou surtout nos bénévoles qui sont obligés de faire les chèques.
Enfin, pour terminer, cet emploi direct va concerner les membres d'une même famille. C'est là où il y a le plus de dérives. Nous en avons des expériences flagrantes, récentes, depuis justement la mise en place de cet essai de l'allocation de la PSO. Nous avons des dérives fréquentes et surtout à la suite de l'aide d'un membre de la famille chez une personne dépendante, nous avons des problèmes dans les familles.
J'ai tenu à attirer votre attention sur ces différents points. Merci, Monsieur le Premier Ministre.
(Applaudissements)
M. JUPPÉ. Je vais passer le micro à Madame Codaccioni, non pas pour me défiler, mais parce qu'elle connaît le sujet mieux que moi pour l'avoir étudié en profondeur depuis plusieurs mois
... Je vous ai donné non seulement les grandes lignes mais même beaucoup de détails. Cela dit, il va y avoir maintenant une discussion bien entendu, notamment avec le Parlement. Toutes les améliorations sont toujours possibles. Mais une première précision, Madame Codaccioni, emportée par l'éloquence, dit : "Mais c'est le Conseil général qui va payer", je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté dans les esprits. Chacun va mettre de sa poche dans cette affaire. J'ai dit que, au total, c'est en régime de croisière une vingtaine de milliards que l'on peut considérer comme correspondants au coût de cette nouvelle prestation. Actuellement, quand on fait le total de ce que les départements mettent dans l'allocation compensatrice pour tierce personne et dans diverses autres aides, on est aux environs de 9 milliards de francs. Et donc la différence, c'est l'État qui va l'apporter. Il y aura donc un partage de responsabilités. Il est vrai que, dans certains secteurs, et Madame Codaccioni faisait allusion aux déplacements, la responsabilité des départements peut être en première ligne, mais au total l'État est là pour assurer le financement de cette prestation. L'État, c'est-à-dire la solidarité nationale en vérité.
Autres questions ?
QUESTIONS.- Dans les différentes réunions de travail que nous avons pu avoir à propos de l'allocation dépendance actuellement en expérimentation, la question a été souvent posée, vis-à-vis de la CTP, d'une aide qui était directement apportée par la famille, c'est-à-dire de "l'inutilité" d'avoir recours à des Services extérieurs à partir du moment où il y avait au sein de la famille une personne qui pouvait, en quelque sorte, aider, seconder, assurer cette tierce personne auprès de la personne âgée. Donc, la question qui peut peut-être éventuellement se poser est de savoir s'il peut être prévu en fait, parmi les différentes modalités d'attribution de la nouvelle prestation, une forme d'aide à la famille ou à une personne de la famille qui pourrait éventuellement jouer ce rôle d'aide familiale et de tierce personne ?
M. JUPPÉ.- ... Il faut faire preuve d'un petit peu de souplesse et on voit là les préoccupations légitimement contradictoires qui peuvent s'exprimer sur ce sujet. Il y a des familles admirables qui s'occupent très bien de leurs personnes âgées, il faut les aider. Puis il y a des familles moins admirables. Il faudra peut-être aussi mettre en place un système de contrôle qui permette de vérifier que s'il y a prestations, il y a effectivement service rendu. Et comme l'a dit Madame Codaccioni, ce sera le rôle de l'équipe médico-sociale et le rôle également du département.
Je crois que, dans ce genre de prestation, il faut essayer de jouer le plus possible la proximité et le terrain, selon les décideurs locaux, sur le terrain, qui sont les mieux à même de vérifier que cela marche bien, et pas une administration un peu lourde et un peu lointaine.
QUESTION.- Je dirige un hôpital psychiatrique qui est en pleine reconversion et qui, notamment, accueille beaucoup de personnes âgées dans son Service de long séjour de 80 lits. Nous avons actuellement pour faire fonctionner financièrement ce Service de long séjour un forfait soins d'environ 250 francs, un tarif d'hébergement d'environ 250 francs. Je vous le dis carrément, Monsieur le Premier ministre, nous attendons avec intérêt - budgétaire, financier - et aussi un grand soulagement, cette allocation dépendance qui constituera peut-être le troisième volet de ce financement de cette aide à la dépendance dans les établissements. Je suis très heureux de savoir que cela va se mettre en place en juillet 97. J'aurais souhaité que cela se mette en place plus tôt, bien entendu. Mais si cela se met en place, c'est déjà quelque chose de très important.
J'aurais tout de même voulu avoir quelques précisions sur ce troisième volet de cette aide à la dépendance dans les établissements ?
M. JUPPÉ.- Là-dessus, je vous ai tout dit, je crois pour l'instant. La loi posera très clairement en principe que la nouvelle prestation "autonomie" s'adresse à toutes les personnes âgées qui remplissent les conditions, c'est-à-dire qui ont plus de 60 ans et dont l'équipe médico-sociale aura constaté le degré de dépendance en accord avec une grille nationale, qu'elle soit à domicile ou qu'elle soit hébergée en établissement. De l'avis général, le problème de l'hébergement est un problème complexe. Vous l'avez dit, vous-même, il y a un forfait hébergement, il y a un forfait soins, qu'est-ce qui, dans tout cela, correspond à la partie à proprement parler prise en charge de la dépendance ? Ce n'est pas facile. Et les départements eux-mêmes nous ont expliqué qu'ils avaient besoin, pour y voir clair, d'un délai de mise au point.
Donc, c'est la raison pour laquelle j'ai dit : "1er janvier 96, personnes âgées à domicile". En principe, nous verrons si ce délai peut être amélioré, 18 mois plus tard, 1er juillet 1997, extension aux personnes âgées hébergées, après les clarifications nécessaires, et j'ai évoqué tout à l'heure une mission de l'Inspection des finances et de l'Inspection des affaires sociales pour nous permettre d'y voir clair.
J'ai également apporté deux précisions, c'est que d'ici la généralisation de la prestation autonomie, les personnes âgées placées en établissement peuvent continuer à bénéficier de l'allocation compensatrice tierce personne.
Et deuxième précision que j'ai apportée, c'est qu'une personne âgée à domicile, titulaire de la nouvelle prestation autonomie, qui serait obligée de se faire admettre en établissement parce que son degré de dépendance s'est aggravé, continuerait à bénéficier au nom des droits acquis de la prestation autonomie, même si cela pose quelques petits problèmes.
Ce n'était pas, je le reconnais, initialement prévu dans notre dispositif mais, là aussi, de la discussion a jailli la lumière et nous avons apporté cette amélioration supplémentaire au texte. Cela compliquera un peu mais je crois qu'il vaut mieux jouer la justice et simplifier au fur et à mesure que le système se mettra en place.
Mme GUILLOT.- Déléguée départementale de l'Association des Paralysés de France.- Je voulais vous apporter un témoignage d'une personne handicapée du département qui m'a dit il y a peu de temps : "Si j'ai retrouvé la joie de vivre, c'est grâce aux aides techniques". Or, bien souvent quand il s'agit d'allocations compensatrices ou de prestations dépendance, on demande des preuves d'intervention de personnes, donc d'aides humaines, à savoir les fiches de paie. Je voulais savoir s'il est prévu de pouvoir envisager de prendre en compte le coût des aides techniques qui peuvent compenser la présence d'une personne ?
Je voulais aussi vous poser une deuxième question : Quand il s'agit de personnes lourdement handicapées - et nous sommes amenés dans l'Association à nous occuper, par exemple, de tétraplégiques qui vivent à leur domicile -, dans ces cas-là, la somme maximale de prestation dépendance ou d'allocation compensatrice n'est pas suffisante pour rémunérer une personne, quelquefois 24 heures sur 24.
Donc, je vous demande, dans ces cas-là, que peut-on envisager pour que la personne puisse rester à son domicile ?
Mme CODACCIONI.- Pour ce qui concerne le premier cas évoqué, Madame, c'est vrai que le matériel technique, la plupart du temps, est un besoin très, très important qui peut aider les personnes handicapées. Nous avons prévu éventuellement, mais toutes les modalités ne sont pas encore fixées, un versement peut-être en espèces de 10 % de la somme. Nous sommes en train d'y réfléchir et nous en discuterons.
Pour ce qui concerne le deuxième point, nous allons envisager très sérieusement toutes ces possibilités. Le moment n'est pas encore le meilleur pour expliquer tous ces détails précis, mais nous allons y réfléchir.
M. JUPPÉ. Je commence à avoir une certaine expérience des réformes maintenant, quand on fait quelque chose, au lieu de regarder le plus, on regarde tout de suite ce qui pourrait ne pas aller éventuellement. C'est normal, c'est comme ça. J'en ai fait l'expérience avec la réforme de l'accession à la propriété du logement. On a fait il y a huit jours une réforme très importante, très forte, très simple, qui commence d'ailleurs à avoir pas mal de succès, au cours de la conférence de presse que je faisais, on ne m'a interrogé que sur ce qui ne pouvait ne pas marcher.
Je ferai là-dessus une réponse de bon sens : si on avait attendu d'examiner tous les cas particuliers, toutes les difficultés possibles et imaginables, on discuterait encore de la prestation autonomie dans un an. Nous avons arrêté un cadre, il est relativement précis, les principes sont fondés, et puis évidemment, au bout de six mois d'existence de la prestation, il y aura des améliorations à apporter. D'ailleurs, vous avez vu, je l'ai dit tout à l'heure, que la loi prévoira une évaluation de la réforme au bout d'un délai que je n'ai plus en tête, je crois que c'est un an, trois ans, on pourra faire des étapes intermédiaires et si, là, on se rend compte qu'il y a des choses qui méritent d'être modifiées, on la modifiera.
On va prendre la dernière question parce que nous avons déjà une demi-heure de retard.
QUESTION.- A quoi correspondent les plans gérontologiques dont vous avez parlé ? Quelles seront leur définition et leur utilité ?
Mme CODACCIONI.- Les plans gérontologiques, Monsieur, sont faits pour permettre d'avoir une prise en charge globale des personnes âgées et donc d'envisager tout ce qui est important, tout ce qui est possible pour son environnement et de mettre en place un certain nombre de structures ou d'aides à ces personnes pour pouvoir répondre aux besoins globaux de la personne âgée.
(Point de presse)
M. JUPPÉ... Nous n'avons pas les moyens, dans les deux ou trois ans qui viennent, de réduire fortement les impôts, parce que je ne sais pas réduire fortement les déficits - ce qui est notre priorité - en baissant fortement les impôts.
J'ajoute que lorsqu'on parle de la réforme de la fiscalité, il y a beaucoup d'autres choses à faire qu'une baisse généralisée des impôts. Il y a aussi la recherche de l'équité, et il y a la recherche de l'efficacité.
La vraie réforme fiscale que nous sommes en train de préparer, c'est une réforme des prélèvements obligatoires en France, c'est-à-dire une réforme qui traitera en même temps la gestion du financement de la protection sociale qui est assurée aujourd'hui à 75 ou 80 % par des cotisations associées à l'assise sur les salaires - et la réforme de l'impôt à proprement parler, c'est-à-dire de l'impôt sur le revenu ou de la cotisation sociale généralisée.
Voilà la vraie réforme que nous sommes en train de préparer. Mais vous ne trouverez pas dans mes propos, depuis que je suis Premier ministre, l'annonce d'une baisse massive et généralisée des impôts.
Q - Une question sur le financement complémentaire de la prestation "autonomie" : Songez-vous à augmenter le coût actuel de la C.S.G. Ou à élargir. l'assiette des prélèvements... ( fin non saisie)
M JUPPÉ.- Le financement complémentaire sera assuré par le Fonds Solidarité Vieillesse, comme je vous l'ai dit, lequel Fonds est notamment financé par la cotisation sociale généralisée. C'est donc au fur et à mesure de la montée en puissance de cette nouvelle prestation et dans le cadre de la réforme que j'évoquais tout à l'heure de l'impôt sur le revenu et de la C.S.G. qui impliquera - l'élargissement de l'assiette de ces prélèvements - que nous préciserons, le moment venu, les modalités.
Q - Avez-vous déjà une idée du type de revenus qui seront élargis et contribueront au Fonds de Solidarité ?
M. JUPPÉ.- Je vous le dirai le moment venu. Il faut vous faire à une réalité qui est très difficile à admettre, c'est que je lancerai mes réformes selon mon calendrier, et pas juste avant.
J'annoncerai mercredi, vous le savez déjà d'ailleurs, en grande partie les mesures fiscales applicables dans la loi de Finances 1996. Et puis nous aurons, le moment venu, c'est-à-dire en décembre-janvier, une loi d'orientation sur les prélèvements obligatoires par laquelle tout ceci sera traité.
Q - Confirmez-vous pour l'an prochain, c'est-à-dire avant la montée en puissance définitive, de 14 milliards de la prestation "autonomie", chiffre qui a été avancé régulièrement...
M. JUPPÉ.- C'est une estimation. Vous savez, comme toujours ces estimations sont tout à fait aléatoires, puisque tout dépend du nombre de bénéficiaires et de la montée en puissance.
Q - Globalement, dans 2 ou 3 ans, la moyenne des Français pourra se dire que ses impôts ont légèrement baissé ?
M. JUPPÉ.- Je voudrais insister sur le fait qu'ils ont beaucoup baissé depuis quelques années, je parle des impôts de l'État.
Si nous avions aujourd'hui les mêmes taux d'impôt qu'en 1985, il y aurait 200 milliards de recettes supplémentaires dans les caisses de l'État. Les impôts, on les a baissés.
J'ai été ministre du Budget de 1986 à 1988, j'en parle en connaissance de cause. Je ne vais pas récapituler tout ce qui a baissé.
Deuxièmement, nous avons baissé des impôts depuis que nous sommes arrivés, il ne faut pas quand même l'oublier ? Les 50 milliards d'allégement de charges sociales sur les salaires - chiffre de 1996, en année pleine - si ce n'est pas une baisse d'impôt, je voudrais bien que l'on m'explique ce que c'est ! Il y a une baisse massive à ce titre-là. Mais comme il y a des déficits - je ne veux pas à nouveau utiliser l'épithète que j'utilise depuis que je suis arrivé - disons très importants, c'est vrai que nous avons été amenés à compenser par d'autres prélèvements.
Avant les élections, on parlait beaucoup - s'agissant du financement de la protection sociale - de la T.VA. sociale. Il y avait beaucoup de gens qui étaient pour à l'époque. La T.V.A. sociale, je l'ai faite.
Les deux points de T.V.A. que nous avons eus au mois de juillet dernier, ils ont servi à baisser les cotisations sociales, c'est donc la T.V.A. sociale.
Q - Est-ce que la prestation économique sera récupérée par la collectivité sur la succession...
M. JUPPÉ.- C'est ce que nous avons prévu dans le texte.
Q - Monsieur le Premier ministre, beaucoup de journaux s'inquiètent de votre semaine difficile, avec les critiques de certains sur le projet de loi de Finances. Qu'est-ce que vous en pensez ?
M. JUPPÉ.- S'il y a quelque chose qui ne change pas, c'est cela ! Vous êtes inquiet toutes les semaines... Mais pas moi !
Q - Certains journaux...
M. JUPPÉ.-... Certains journaux continueront d'être inquiets.
Q - Vous n'êtes pas inquiet ?
M. JUPPÉ.- Non. Pas du tout. Je ne suis pas du tout inquiet. Pourquoi voulez-vous que je sois inquiet ? J'ai une majorité. Vous avez vu que cette majorité a été approuvée lors des élections partielles d'hier.
Souvenez-vous, en janvier 1982, quelques mois après le succès massif du parti socialiste, les élections partielles avaient donné la victoire à quatre candidats de l'opposition,
Eh bien, aujourd'hui, tous nos candidats soit ont été réélus, soit sont dans de très bonnes positions. Je ne veux pas en tirer des conclusions définitives, avec 70 % d'abstention, il faut évidemment relativiser. Mais, enfin, il n'y a pas de désaveu. Il n'y a pas de déception. Il n'y a pas de recul de la majorité. Donc, je ne suis pas inquiet.
Q - N'est-ce pas contradictoire de créer une nouvelle prestation, certes nécessaire, pour les nouvelles dépenses, alors que la Sécurité sociale accuse un déficit de l'ordre de 180 milliards de francs sur les trois dernières années ?
M. JUPPÉ.- De toute façon, quoi que je fasse, on me dit que c'est contradictoire. Si je ne fais pas de réformes, on me dit que je ne fais pas de réformes. Quand je fais des réformes, on me dit que ce ne sont pas les réformes qu'il faut faire !
Et puis, surtout, il faut sortir de la pensée unique. La pensée unique consiste à dire que chaque fois que l'on fait une dépense nouvelle, c'est mauvais pour le déficit. Ce n'est pas toujours vrai ! Une dépense nouvelle qui devrait permettre de créer 50 000 à 60 000 emplois peut avoir, sur les comptes de la Sécurité sociale, un effet de rétablissement, de rééquilibrage tout à fait important. C'est dans cet esprit que nous avons conçu les emplois de proximité. C'est l'une des réponses aux problèmes du chômage. Ce sont des cotisations supplémentaires dans les caisses de la Sécurité sociale, et c'est donc, d'une certaine façon, une réduction du déficit.
Q - Quand vous analysez la situation des comptes sociaux, pensez-vous, l'année prochaine, passer, donc échapper à un prélèvement, quel qu'il soit ?
M. JUPPÉ.- Ils le décideront. Ce que je veux, moi, c'est réduire de moitié le déficit de la Sécurité sociale en 1996. Il est actuellement de 55 à 60 milliards, c'est une prévision. Il faut le réduire de moitié.
Pour réduire un déficit de moitié, il n'y a pas 36 solutions : ou bien l'on fait des économies - il faut donc faire des réformes de structure pour cela - ou bien les Français décident qu'ils veulent payer plus.
Ce débat va avoir lieu et les décisions seront prises à temps puisqu'elles seront prises avant le 31 décembre de l'année 1996.
Question... (inaudible)
M. JUPPÉ.-... Une réforme par jour. Après, si j'en faisais plus, on considèrerait que j'en fais trop.
Voilà ! Eh bien merci beaucoup. A tout à l'heure.
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Sénateur,
Mesdames,
Messieurs,
Je suis heureux d'être parmi vous aujourd'hui pour présenter la prestation d'autonomie que le gouvernement se propose de mettre en place au 1er janvier 1996.
Pourquoi ici ? Parce que la Haute-Loire est un département en pointe dans la prise en charge des personnes âgées et qu'il participe à l'expérimentation d'une allocation de dépendance lancée par la loi du 25 juillet 1994. Parce que la maison de La Roseraie, tout spécialement, est un établissement innovant, soucieux de se moderniser. J'ai d'ailleurs le plaisir d'annoncer que l'État prendra sa part de cet effort, à travers une subvention d'un million de francs au projet d'extension et de modernisation développé par cet établissement.
Venons-en maintenant à la prestation d'autonomie. De quoi s'agit-il ? Pas simplement d'une nouvelle allocation, qui viendrait s'ajouter à d'autres prestations sociales, mais d'une étape essentielle dans la reconnaissance par notre société du droit des personnes âgées à la sécurité financière, à la santé et à la dignité.
La génération qui nous a précédés a mis en place, au sortir de la seconde guerre mondiale, un système de retraite par répartition et une assurance maladie offrant à tous des soins de qualité. Elle a ainsi rompu avec une situation intolérable, qui faisait de ceux que l'on appelait les "petits vieux" des citoyens de seconde zone, condamnés à la misère et à la maladie. C'en est aujourd'hui fini, fort heureusement, de ces hospices insalubres d'autrefois, dernière étape de souffrance et de solitude avant la mort.
Ces avancées fondamentales de notre protection sociale ont permis une amélioration considérable de la situation des personnes âgées. Leur niveau de vie moyen est aujourd'hui comparable à celui des actifs. J'ai d'ailleurs tenu à ce que cette équité de traitement soit préservée, en augmentant, dès l'installation du gouvernement, l'ensemble des pensions de retraite de 0,5 %, afin que tous bénéficient du retour de la croissance. Il est vrai que ce rattrapage global cache encore des cas difficiles, notamment parmi les allocataires du minimum vieillesse. J'en ai tenu compte et le minimum vieillesse a été relevé de 2,8 %, ce qui a porté à 4 % la hausse de cette allocation en 1995.
Au-delà des conditions financières, c'est aussi l'état de santé des personnes âgées qui s'est amélioré de manière spectaculaire. Cela se traduit par un allongement de l'espérance de vie sans incapacité, allongement plus rapide que l'espérance de vie à la naissance.
Pour autant, admettons-le, quels que soient les progrès de la médecine, il existera toujours un lien direct entre le grand âge et ce que l'on appelle la dépendance. C'est-à-dire l'incapacité à réaliser seul les fonctions essentielles de la vie courante.
On estime aujourd'hui le nombre des personnes âgées en situation de dépendance marquée à 700.000. Cela veut dire qu'elles sont confinées au lit ou au fauteuil, ou ont besoin de l'aide d'une tierce personne pour la toilette et l'habillage. Jacques Brel, dans sa chanson "les vieux", a d'une phrase sans verbe caractérisé l'état de dépendance : "du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit".
A n'en pas douter, la prise en charge de la dépendance est le grand défi de protection sociale de cette fin de siècle. Parce que l'espérance de vie augmente actuellement d'un trimestre par an, parce que le nombre des personnes âgées de plus de 85 ans passera d'ici à 2015 de 900 000 à 1 850 000.
Or, notre système de protection sociale ne reconnaît pas la dépendance dans sa spécificité et il ne répond donc pas aux contraintes humaines et aux charges financières devenues beaucoup trop lourdes pour les familles. Celles-ci sont trop souvent laissées seules, sans autre ressource que leur dévouement, pour faire face à la dépendance de leurs parents.
Il est vrai que des prestations d'aides sociales, telles que les aides ménagères, contribuent à améliorer le quotidien des personnes dépendantes. Il est vrai également que les départements ont progressivement ouvert le bénéfice de l'allocation compensatrice pour tierce personne aux personnes âgées dépendantes. Mais cette prestation, destinée aux personnes handicapées, n'a nullement été conçue pour préserver l'autonomie des personnes âgées dépendantes ni pour répondre à leurs besoins spécifiques. Ce qui explique d'ailleurs que beaucoup de personnes âgées dépendantes, qui pourraient en bénéficier, n'y ont pas, en pratique, recours.
De tout cela, les Français ont pris conscience. Et ils sont prêts aujourd'hui à un effort de solidarité en faveur des plus âgés et parmi eux des plus fragiles.
C'est pourquoi dès l'installation du gouvernement, j'ai demandé au ministre de la solidarité entre les générations d'élaborer sans attendre un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance.
Le gouvernement disposait, en effet, déjà de réflexions de grande qualité sur le sujet. Je pense au rapport de M. Théo Braun de 1987, élaboré à la demande de M. Jacques Chirac. Je pense aussi au rapport de M. Schopflin de 1991 pour le Commissariat Général au Plan et au rapport parlementaire de M. Boulard également de 1991.
En outre, le gouvernement pouvait s'appuyer sur les enseignements d'une vaste expérimentation lancée dans 12 départements en application de la loi du 25 juillet 1994 sur la base de conventions entre les départements et les caisses de sécurité sociale.
J'ai voulu enfin, conformément à la méthode que je me suis assignée pour conduire les réformes sociales, que le projet fasse l'objet d'une concertation approfondie. Mme Codaccioni a ainsi rencontré toutes les parties intéressées (associations de personnes âgées, départements, caisses de sécurité sociale, organisations syndicales, gestionnaires d'établissements d'accueil de personnes âgées...).
Dans le même esprit, j'ai sollicité l'avis du Conseil Économique et Social sous la forme la plus constructive possible : le Conseil a été saisi non d'un projet de loi déjà arbitré, mais, en amont, des principales options que le gouvernement se proposait de retenir. Il a rendu son avis le 13 septembre dernier. C'est un avis très articulé, qui marque une convergence de vues très forte sur les choix fondamentaux adoptés par le gouvernement et formule diverses propositions propres à éclairer ses décisions. Je souhaite remercier très vivement les membres du Conseil Économique et Social pour cette contribution d'une grande richesse et cela malgré les délais très courts dont ils disposaient.
Cette concertation est désormais terminée. Le projet que je vous présente aujourd'hui en est le résultat. J'en détaillerai maintenant les caractéristiques principales :
1 - la prestation d'autonomie sera une prestation légale de solidarité nationale. Ce choix fondamental emporte deux conséquences :
- la prestation sera attribuée d'une manière égale sur tout le territoire national, la dépendance étant évaluée par des équipes médico-sociales, comprenant au moins un médecin, grâce à une grille nationale unique. Un observatoire de la dépendance placé auprès du ministre de la solidarité entre les générations et réunissant notamment des représentants des associations de personnes âgées, des départements et des caisses de sécurité sociale, aura pour mission d'y veiller. Elle pourra dans sa mission bénéficier du concours de l'inspection générale des affaires sociales. En outre, la loi fera l'objet d'une évaluation au bout de 3 ans, ainsi que l'a préconisé le Conseil Economique et Social ;
- la prestation d'autonomie sera financée par les ressources que les départements consacrent aujourd'hui à la prise en charge des personnes âgées dépendantes et pour le surplus par un effort de la solidarité nationale, selon des règles clairement posées dans la loi. J'ai retenu l'idée avancée par le Conseil Économique et Social de financements complémentaires apportés par une contribution sur l'ensemble des revenus. Toutefois, plutôt que de créer un fonds spécifique, j'ai fait le choix d'utiliser les instruments qui existent déjà. Les apports financiers supplémentaires nécessaires le seront ainsi au travers du Fonds de Solidarité Vieillesse. Ce fonds, créé en 1994 pour prendre en charge les dépenses non contributives en faveur des personnes âgées, est alimenté notamment par la contribution sociale généralisée.
Au total, au terme de sa montée en charge, la prestation d'autonomie devrait représenter un effort financier de 20 milliards de francs en faveur de nos aînés.
2 - En second lieu, j'ai fait le choix d'un maître d'uvre clairement désigné, le département. Je n'ai pas souhaité, comme le proposait le Conseil Économique et Social créer en quelque sorte une administration spécifique de la dépendance. Et je n'ai pas souhaité non plus instituer des instances de codécision dont toute notre expérience montre qu'elles ne peuvent fonctionner efficacement. Les départements sont, en effet, les mieux placés pour gérer la prestation au plus près des gens, d'autant qu'ils assurent déjà depuis la décentralisation, des responsabilités essentielles dans l'aide aux personnes âgées. Pour autant, maîtrise d'uvre unique ne signifie pas, à mon sens, exercice solitaire des compétences, mais bien au contraire partenariat et collaboration étroite avec l'ensemble des acteurs locaux, et en premier lieu les caisses de sécurité sociale. Cette coopération se fera sur la base de conventions passées entre les départements et les différentes institutions et organismes intervenant au profit des personnes âgées et dans le cadre de plans gérontologiques départementaux, dont la loi prévoit la création obligatoire dans un délai impératif de deux ans. Ces plans prendront en compte l'ensemble des dispositifs d'aide aux personnes âgées et auront pour objet de mobiliser l'ensemble des partenaires sur un même objectif : assurer à nos aînés, jusqu'au bout, une vie aussi heureuse qu'ils sont en droit de l'espérer.
3 - La prestation sera ouverte dès 60 ans. Le gouvernement avait initialement fait le choix de 70 ans, qui est l'âge où commence, en général, la grande dépendance, mais il a entendu les arguments du Conseil Économique et Social de simplification de gestion administrative de la nouvelle prestation par rapport à l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il a également eu le souci de prendre en compte l'incidence parfois très lourde en termes de dépendance de certaines maladies, comme la maladie d'Alzheimer.
4 - Pour entrer davantage dans le détail des conditions d'attribution de la prestation, celle-ci sera soumise à condition de ressources. J'ai voulu qu'elle ne soit pas un "minimum social", mais qu'elle bénéficie aussi largement que possible aux personnes âgées dépendantes qui ne sont ni riches ni pauvres, et qui ont été jusqu'à présent les grandes oubliées de l'action publique en faveur de nos aînés. C'est pourquoi le plafond de ressources pour bénéficier de la prestation sera sensiblement plus élevé que celui de l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il avoisinera le montant du plafond de la sécurité sociale, soit 13 000 F bruts mensuels environ.
Au total, et au terme de la période de montée en charge de la prestation, ce sont plus de 600 000 personnes qui bénéficieront de la prestation d'autonomie dont le montant pourra atteindre jusqu'à 4 300 F par mois en fonction des ressources personnelles du bénéficiaire. Ce montant correspond bien, ainsi que le souligne le Conseil Économique et Social, et comme l'ont montré les expérimentations telles que celles qui ont été conduites en Haute-Loire, à la couverture des besoins de dépendance les plus courants.
5 - Concrètement, le montant de la prestation d'autonomie sera déterminé dans le cadre d'un plan d'aide à la personne établi par l'équipe médico-sociale en fonction de son niveau de dépendance et des caractéristiques de son environnement.
Le niveau de la prestation et le plan d'aide pourront être révisés en cas d'aggravation du niveau de dépendance. Cette adaptabilité du dispositif permettra de préserver la liberté de choix de la personne âgée entre le maintien à domicile et l'hébergement en établissement. Il permettra ainsi d'éviter qu'une personne âgée dont l'état physique s'est dégradé ne soit contrainte de quitter son domicile, faute de pouvoir disposer d'une aide suffisante.
6 - Venons-en maintenant au calendrier de mise en place de la prestation d'autonomie.
La prestation sera ouverte dans un premier temps aux personnes maintenues à domicile, puis, dans un délai de 18 mois, aux personnes en établissement. Il ne s'agit évidemment pas de faire "deux poids et deux mesures" entre le soutien à domicile, qui serait la forme légitime et souhaitable de la prise en charge de la dépendance, et l'hébergement en établissement. J'ai bien conscience, en effet, qu'au-delà d'un certain niveau de dépendance, le maintien à domicile devient très difficile et parfois n'est plus souhaitable. Je connais également le dévouement des gestionnaires et des personnels des établissements d'accueil des personnes âgées dépendantes.
Ce décalage dans le temps répond simplement à la nécessité d'adapter la tarification des établissements au financement des dépenses de dépendance. Celles-ci, aujourd'hui, ne sont pas isolées des dépenses médicales et d'hébergement qui donnent lieu à des forfaits spécifiques. Une enquête conjointe de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection Générale des Affaires Sociales sera lancée très prochainement pour clarifier cette question. L'objectif est de pouvoir attribuer la prestation, dès le 1er juillet 1997, aux personnes âgées en établissement sur des bases financièrement indiscutables.
Fallait-il faire attendre jusque-là les personnes âgées maintenues à domicile dans le seul souci d'égalité de traitement ? J'ai choisi plutôt la voie du pragmatisme, et donc d'une mise en uvre en deux temps. En anticipant au 1er janvier 1996 la mise en place de la prestation à domicile plutôt que de reculer encore la création d'une prestation qui était devenue une véritable "Arlésienne" de notre débat politique. Cela n'empêche pas, bien sûr, d'ici-là, la prise en charge par l'allocation compensatrice pour tierce personne des personnes âgées dépendantes hébergées en établissement ou souhaitant l'être.
7 - Enfin, la prestation sera versée en nature. J'ai, en effet, souhaité que la prestation ne prenne pas la forme d'une allocation en espèces, mais serve à rémunérer des personnes ou des services d'aide à la dépendance. Ce choix marque le souci du gouvernement de mettre en place une prestation dont l'objet est de permettre le plus longtemps possible aux personnes âgées de conserver leur autonomie. Il rejoint, par ailleurs, l'objectif de tous les instants du gouvernement : la création d'emplois. J'attends, en effet, de cette prestation la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois.
En pratique, les personnes dépendantes à domicile qui auront embauché directement une aide se verront attribuer par le département des "chèques autonomie" fonctionnant sur le modèle des chèques-emplois-services. Pour les personnes âgées ayant fait le choix de recourir à une association d'aide à domicile, celle-ci sera rémunérée directement par le département sur la base d'un relevé de services faits.
Enfin, pour les personnes en hébergement, la prestation sera versée selon un mécanisme de "tiers payant" identique à celui que je viens d'exposer pour les associations d'aide à domicile.
Ce dispositif sera bien sûr complété par des contrôles sur place visant à éviter que la prestation ne fasse l'objet de fraude.
Telles sont les principales caractéristiques de la prestation d'autonomie qui sera mise en uvre, je le rappelle, dès le 1er janvier 1996. Elle traduit, vous le constatez, la volonté du gouvernement de franchir une étape indispensable pour l'amélioration des conditions d'existence et de dignité des plus âgés d'entre nous. C'est une exigence de solidarité nationale. C'est l'honneur d'une société qui sait demeurer unie et généreuse même dans des temps économiquement difficiles.
(Deuxième intervention)
M. JUPPÉ.- Mesdames, Messieurs, je suis heureux d'être aujourd'hui parmi vous, avec Colette Codaccioni, ministre chargé de la solidarité entre les générations, et Jacques Barrot, ministre du travail, du dialogue social et de la participation, pour présenter ce qui, à coup sûr, restera comme l'une des grandes conquêtes sociales des années que nous vivons, je veux parler de la prestation "autonomie" que le gouvernement se propose de mettre au 1er janvier 1996.
L'un des intervenants disait à l'instant qu'on en parlait beaucoup depuis des décennies. Il y a eu des propositions de loi. Il y a eu des expériences. Eh bien, j'ai tenu à faire, comme le Président de la République s'était engagé, de la concrétisation de la prestation "autonomie" l'une des priorités de l'action de mon gouvernement. Nous y sommes.
Pourquoi ici ? Pourquoi à Rosières ? Pourquoi cette prestation "autonomie" sera-t-elle désormais la prestation de Rosières ? Eh bien, d'abord, parce que nous sommes dans la ville de R. Gouthéron, votre sénateur-maire, qui est, pour moi, un ami de longue date, dont j'ai pu, au fil des années, éprouver la fidélité, la compétence, le dynamisme. L'accueil qui lui a été fait tout à l'heure par ses administrés, et notamment par les pensionnaires de cette maison de retraite, montre sa popularité, ô combien justifiée.
Je viens de lui confier, en accord avec François Bayrou, une nouvelle mission très importante pour l'avenir puisqu'il fait partie de la commission présidée par monsieur Fauroux, qui va s'interroger sur l'avenir de notre système éducatif et me faire, là aussi, dans quelques mois, des propositions dont beaucoup dépendra pour l'avenir de notre jeunesse.
Nous avons choisi Rosières aussi parce que la Haute-Loire est un département en pointe dans la prise en charge des personnes âgées et qu'il participe, cela vient de nous être rappelé, à l'expérimentation de l'allocation de dépendance qui avait été lancée par la loi du 25 juillet 1994.
Cette expérimentation a été utile. Même si le recul n'est pas tout à fait suffisant, on a déjà pu en tirer quelques conclusions et notamment l'idée qu'il fallait simplifier et amplifier le dispositif.
Enfin, je m'exprime d'ici parce que la Maison de la Roseraie est un établissement innovant, accueillant, soucieux de se moderniser. Je sais que tout le personnel qui travaille ici a fait beaucoup d'efforts pour organiser notre rencontre aujourd'hui et je l'en remercie.
J'ai d'ailleurs le plaisir d'annoncer que l'État prendra sa part dans cet effort de modernisation en attribuant une subvention complémentaire de 600 000 francs au projet d'extension de la Maison de La Rose.
(Applaudissements)
Et j'en reviens à la prestation "autonomie". De quoi s'agit-il ? Pas simplement d'une nouvelle allocation qui viendrait s'ajouter à d'autres prestations sociales mais, je le crois, d'une étape essentielle dans la reconnaissance dans notre Société du droit des personnes âgées à la sécurité financière, à la santé, à la dignité.
La génération qui nous a précédé a mis en place au sortir de la seconde guerre mondiale un système de retraite par répartition, auquel nous sommes très attachés, et une assurance-maladie qui offrait à tous ou à presque tous des soins de qualité. Elle a ainsi rompu avec une situation intolérable qui faisait de ceux qu'on appelait alors des petits vieux, des citoyens de seconde zone condamnés à la maladie et parfois à la misère. Cela en est aujourd'hui fini, fort heureusement, des hospices insalubres d'antan qui étaient la dernière étape de souffrance et de solitude avant la mort.
Ces avancées fondamentales de notre protection sociale ont permis une amélioration incontestable de la situation des personnes âgées. Leur niveau de vie moyen est aujourd'hui comparable à celui des actifs. J'ai d'ailleurs tenu à ce que cette équité de traitement soit préservée en augmentant, dès l'installation du Gouvernement, l'ensemble des pensions de retraite. Il est vrai que ce rattrapage global cache encore des cas difficiles, notamment parmi les allocataires du minimum vieillesse, et c'est pourquoi j'en ai tenu compte en relevant le minimum vieillesse de 2,8 % au 1er juillet, ce qui a porté la hausse pour l'année 95 à 4 %.
Au-delà des conditions financières, c'est aussi l'état de santé des personnes âgées qui s'est amélioré de manière spectaculaire depuis quelques décennies. Cela se traduit notamment par un allongement de l'espérance de vie sans incapacité, allongement plus rapide que l'espérance de vie à la naissance.
Mais quels que soient les progrès de la médecine, ils sont loin d'être achevés, - nous l'espérons tous - il existera toujours un lien direct entre le grand âge et ce qu'on appelle la dépendance, c'est-à-dire l'incapacité à réaliser seul un certain nombre d'actes essentiels de la vie courante.
On estime aujourd'hui le nombre de personnes âgées en situation de dépendance marquée à 700 000. Cela veut dire qu'elles sont souvent confinées au lit ou au fauteuil ou qu'elles ont besoin de l'aide d'une tierce personne pour la toilette ou l'habillage. Jacques Brel dans une chanson fort célèbre qui s'appelle "Les vieux" a, d'une phrase à la fois précise et cruelle, caractérisé cet état de dépendance, je le cite : "Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit". A n'en pas douter, la prise en charge de la dépendance est le grand défi de la protection sociale de cette fin de siècle parce que, il faut le rappeler, l'espérance de vie augmente actuellement d'un trimestre par an, parce que le nombre des personnes âgées de plus de 85 ans passera d'ici à 2015, si l'on en croit les statistiques, de 900 000 à 1 850 000, plus qu'un doublement. Il faut bien entendu s'en réjouir.
Or, notre système de protection sociale ne reconnaît pas la dépendance dans sa spécificité. Il ne répond donc pas aux contraintes humaines et aux charges financières devenues beaucoup trop lourdes pour les familles. Celles-ci sont trop souvent laissées seules, sans autres ressources que leur dévouement pour faire face à la dépendance de leurs parents.
Il est vrai que des prestations d'aide sociale, qui existent déjà, telles que les aides ménagères, contribuent à améliorer le quotidien des personnes dépendantes. Il est vrai également que les départements ont progressivement ouvert le bénéfice de l'allocation compensatrice pour tierce personne aux personnes âgées dépendantes. Mais, nous l'avons vu tout à l'heure, cette prestation qui, dans son principe, est destinée aux personnes handicapées, n'a pas été conçue pour préserver l'autonomie des personnes âgées dépendantes et pour répondre à leurs besoins spécifiques. Ce qui explique d'ailleurs que beaucoup de personnes âgées dépendantes qui pourraient en bénéficier n'y ont pas en pratique recours.
De tout cela, les Français ont pris conscience et ils sont prêts aujourd'hui à faire un effort de solidarité supplémentaire en faveur des plus âgés d'entre eux et, parmi les plus âgés, en faveur des plus fragiles. C'est pourquoi dès l'installation du Gouvernement, il y a moins de quatre mois, j'ai demandé au ministre de la Solidarité entre les générations, Madame Codaccioni, d'élaborer sans attendre un projet de loi sur la prise en charge de la dépendance. Le Gouvernement disposait déjà de réflexions de grande qualité sur ce sujet. Je pense au rapport de Monsieur Théo Brown de 1987 qui avait été élaboré à la demande de Monsieur Chirac. Je pense aussi au rapport de Monsieur Shopflin de 1991 pour le Commissariat général au Plan ou au rapport parlementaire de Monsieur Boulard qui date également de 1991.
En outre, le Gouvernement pouvait s'appuyer sur les enseignements d'une expérimentation lancée dans 12 départements en application de la loi de juillet 94, que nous avons citée, sur la base de convention entre les départements et les caisses de sécurité sociale.
J'ai voulu, conformément à la méthode que je me suis assigné pour conduire les réformes sociales, que le projet fasse l'objet d'une concertation approfondie. Et c'est ainsi que Madame Codaccioni, que je félicite de ce travail fait avec beaucoup de sérieux, beaucoup de cur et beaucoup d'efficacité, a rencontré toutes les parties intéressées : les associations de personnes âgées, les gestionnaires départementaux, les caisses de Sécurité sociale, les organisations syndicales, les gestionnaires d'établissements d'accueil de personnes âgées. Et, dans le même esprit, j'ai sollicité l'avis du Conseil Économique et Social sous la forme la plus constructive possible. Le Conseil a été saisi non pas d'un projet de loi tout ficelé mais, en amont, des principales options que le Gouvernement se proposait de retenir. Et il a rendu, vous le savez, son avis le 13 septembre. C'est un avis très articulé, très argumenté qui souligne une convergence de vues très forte sur les choix fondamentaux adoptés par le Gouvernement et formule diverses propositions propres à éclairer ses décisions. Je voudrais, ici, remercier très vivement les membres du Conseil Économique et Social pour cette contribution d'une très grande richesse et, cela, malgré les délais courts dont il disposait.
Vous le voyez : faire des réformes, si on veut vraiment les concerter, cela demande un peu de réflexion. On dit parfois que, surprenant, tout n'ait pas été fait en un jour. Là, on l'a fait en moins de quatre mois, je voudrais à nouveau en féliciter les membres du Gouvernement qui ont travaillé sur ce sujet fort complexe.
La concertation est désormais terminée. Le projet que je vous présente en est le résultat. Je voudrais en détailler les caractéristiques principales.
Tout d'abord, la prestation "autonomie" sera une prestation légale de solidarité nationale. Ce choix fondamental comporte deux conséquences :
D'abord, la prestation sera attribuée d'une manière égale sur tout le territoire national. On s'était parfois ému des disparités ou des injustices que le système pouvait présenter. De manière égale, je le répète donc, sur tout le territoire national. La dépendance étant évaluée par des équipes médico-sociales qui comprendront au moins un médecin et en référence à une grille nationale unique de dépendance.
Un observatoire de la dépendance qui sera placé auprès du ministre de la solidarité entre les générations et qui réunira notamment des représentants des associations de personnes âgées, des départements, des caisses de sécurité sociale qui seront pleinement associées à la mise en uvre de la réforme, aura pour mission de veiller à cette égalité entre les différents bénéficiaires. Elle pourra dans sa mission bénéficier du concours de l'inspection générale des Affaires sociales. En outre, la loi fera l'objet d'une évaluation au bout de 3 ans, comme l'a préconisé le Conseil Économique et social.
La prestation "autonomie" sera financée par les ressources que les départements consacrent aujourd'hui à la prise en charge des personnes âgées dépendantes et, pour le surplus parce que cela ne suffira pas, par un effort de solidarité nationale selon des règles qui seront clairement posées dans la loi.
J'ai retenu l'idée avancée par le Conseil Économique et social de financement complémentaire apporté par une contribution sur l'ensemble des revenus. Toutefois, plutôt que de créer un fonds spécifique, j'ai fait le choix d'utiliser les instruments qui existent déjà. Des apports financiers supplémentaires nécessaires le seront ainsi au travers du Fonds de solidarité vieillesse. Ce Fonds, je vous le rappelle, a été créé en 1994 pour prendre en charge les dépenses non contributives en faveur des personnes âgées et il est alimenté par la contribution sociale généralisée.
Au total, au terme de sa montée en charge qui se fera sur plusieurs années, la prestation "autonomie" devrait représenter, et ce chiffre montre qu'il s'agit bien d'une étape considérable dans notre effort de protection sociale, un montant de l'ordre de 20 milliards de francs en régime de croisière en faveur de nos aînés. Tous financements confondus.
En second lieu, j'ai fait le choix d'un maître d'uvre clairement désigné, le département. Je n'ai pas souhaité, comme le proposait le Conseil Économique et Social, créer une nouvelle administration qui aurait été une administration spécifique de la dépendance. Je n'ai pas souhaité non plus instituer des instances de co-décisions dont toute notre expérience montre qu'elles ne peuvent fonctionner efficacement. Les départements sont à mes yeux les mieux placés, compte tenu de leur expérience, pour gérer la prestation au plus près des citoyens, d'autant qu'ils assurent déjà depuis la décentralisation des responsabilités essentielles dans l'aide aux personnes âgées. Pour autant, et j'insiste beaucoup sur ce point, maîtrise d'uvre unique ne signifie pas exercice salutaire des compétences mais bien au contraire partenariat, collaboration étroite avec l'ensemble des acteurs locaux et, en premier lieu, avec les Caisses de sécurité sociale qui devront être impliquées dans la mise en uvre de cette réforme.
Cette coopération se fera sur la base de convention passée entre les départements et les différentes institutions et organismes intervenant au profit des personnes âgées et dans le cadre de plans gérontologiques départementaux dont la loi prévoit la création obligatoire dans un délai impératif de deux ans. Ces plans prendront en compte l'ensemble des dispositifs d'aide aux personnes âgées. Ils auront pour objet de mobiliser tous les partenaires sur un même objectif : assurer à nos aînés, jusqu'au bout, une vie aussi heureuse qu'ils sont en droit de l'espérer.
Troisième série de remarques : la prestation sera ouverte dès 60 ans. Le Gouvernement avait initialement retenu l'âge de 70 ans dans les travaux préparatoire que nous avons conduits depuis le mois de juin, parce que c'est l'âge où commence en général la grande dépendance. Ce qui prouve que la concertation n'est pas un exercice purement formel mais que nous avons retenu beaucoup de suggestions qui nous ont été faites. Nous avons entendu les arguments du Conseil Économique et social qui a plaidé pour la simplification de la gestion administrative de la nouvelle prestation par rapport à l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il a également eu le souci de prendre en compte l'incidence parfois très lourde, en termes de dépendance, de certaines maladies comme la maladie d'Alzheimer, et donc nous avons finalement retenu l'âge de 60 ans.
Pour rentrer davantage dans le détail des conditions d'attribution de la prestation, je voudrais indiquer qu'elle sera soumise à des conditions de ressources. Mais j'ai voulu qu'elle ne soit pas un minimum social. J'ai voulu qu'elle bénéficie, aussi largement que possible, aux personnes âgées dépendantes qui ne sont ni riches, ni pauvres, mais qui ont été jusqu'à présent les grandes oubliées de l'action publique en faveur de nos aînés. C'est pourquoi le plafond de ressources pour bénéficier de la prestation sera sensiblement plus élevé que celui de l'allocation compensatrice pour tierce personne. Il avoisinera le montant du plafond de la sécurité sociale, c'est-à-dire 13 000 francs bruts mensuels environ.
Au total, et je le souligne à nouveau au terme de la période de montée en charge qui sera nécessaire, ce sont plus de 600 000 personnes qui pourront bénéficier de la prestation d'autonomie. Le montant individuel de cette prestation pourra atteindre jusqu'à 4 300 francs par mois en fonction des ressources personnelles du bénéficiaire. Ce montant correspond bien, ainsi que le souligne le Conseil Économique et social et comme l'ont montré les expérimentations, telles que celles qui ont été conduites en Haute-Loire, à la couverture des besoins de dépendance les plus courants.
Concrètement, le montant de la prestation autonomie sera déterminé dans le cadre d'un plan d'aide à la personne établi par l'équipe médico-sociale dont j'ai parlé, en fonction du niveau de dépendance et des caractéristiques de l'environnement de la personne âgée. Le niveau de la prestation et le plan d'aide pourront être révisés en cas d'aggravation du niveau de la dépendance. Cette adaptabilité du dispositif permettra de préserver la liberté de choix de la personne âgée entre le maintien à domicile et l'hébergement en établissement. Il permettra d'éviter qu'une personne âgée dont l'état physique s'est dégradé ne soit contrainte de quitter son domicile faute de pouvoir disposer d'une aide supplémentaire suffisante.
J'en viens maintenant au calendrier de mise en place de la prestation autonomie. La prestation sera ouverte dans un premier temps aux personnes maintenues à domicile. Puis, dans un délai que nous avons fixé à 18 mois, aux personnes hébergées en établissement. Je sais que c'est un point qui suscite un certain nombre d'interrogations. Je dis tout de suite qu'il ne s'agit pas de faire deux poids et deux mesures entre le soutien à domicile qui serait la forme légitime et souhaitable de la prise en charge de la dépendance et l'hébergement en établissement. J'ai bien conscience, nous l'avons vu d'ailleurs ici même, que, au-delà d'un certain niveau de dépendance, le maintien à domicile devient très difficile et parfois d'ailleurs il n'est plus souhaitable. Je connais également le dévouement des gestionnaires et des personnels des établissements d'accueil des personnes âgées dépendantes.
Si nous avons prévu un décalage dans le temps entre le maintien à domicile et l'hébergement à l'établissement, c'est tout simplement pour permettre aux établissements d'adapter leurs tarifications au financement des dépenses de dépendance. Celles-ci aujourd'hui ne sont pas isolées des dépendances médicales et d'hébergement qui donnent lieu à des forfaits spécifiques. Il faut mettre un peu d'ordre et de clarté dans tout cela. J'ai pensé qu'une enquête conjointe de l'Inspection générale des Finances et de l'Inspection générale des affaires sociales pourrait nous permettre de clarifier la situation. L'objectif est de pouvoir attribuer la prestation dès le 1er juillet 1997 aux personnes âgées hébergées en établissement sur des bases financièrement indiscutables.
On m'a parfois, bien que tout ceci a été évidemment discuté, posé la question de savoir ce qui pourrait se passer si, entre le 1er janvier 1996, date de mise en uvre de la réforme et le 1er juillet 1997, date que nous avons retenue pour l'extension à l'hébergement à l'établissement, une personne âgée bénéficiaire d'une prestation d'autonomie à domicile était obligée d'entrer dans une maison de retraite ? Eh bien, j'indique tout de suite que cette personne âgée, après avis de l'équipe médico-sociale et sur décision expresse du Président du Conseil général pourra conserver sa prestation "autonomie" au moment où elle entrera, par hypothèse, en établissement et avant même qu'il y ait généralisation du système.
Fallait-il attendre jusque là les personnes âgées maintenues à domicile dans le seul souci d'égalité de traitement ? J'ai choisi plutôt la voie du pragmatisme et donc d'une mise en uvre en deux attentes telle que je viens de vous la décrire. Nous anticipons donc au 1er janvier 96 la mise en place de la prestation à domicile plutôt que de reculer encore la création d'une prestation qui était devenue une sorte d'Arlésienne de notre débat politique et social.
Cela n'empêche pas bien sûr, d'ici l'extension de la nouvelle prestation, la prise en charge par l'allocation compensatrice pour tierce personne qui existe, des personnes âgées dépendantes hébergées en établissement ou souhaitant l'être.
Enfin, c'est la dernière précision que je voudrais apporter, la prestation "autonomie" sera versée en nature pour éviter les effets de bas de laine que l'un d'entre-vous évoquait tout à l'heure à ce micro. J'ai souhaité que la prestation ne prenne pas la forme d'une allocation en espèces mais qu'elle serve à rémunérer des personnes ou des services d'aide à la dépendance. Ce choix marque le souci du Gouvernement de mettre en place une prestation dont l'objet est de permettre le plus longtemps possible aux personnes âgées de conserver leur autonomie et il rejoint un autre objectif prioritaire de l'action de mon Gouvernement, la création d'emplois puisque nous faisons par la même, d'une certaine manière, coup double.
Nous humanisons, ce qui est l'objectif principal, la situation des personnes âgées mais en même temps nous favorisons la création d'emplois à domicile et nous attendons de certaine prestation la création de plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans les mois ou les années qui viennent.
En pratique, les personnes dépendantes à domicile qui auront embauché directement une aide, se verront attribuer par le département des chèques autonomie qui fonctionneront sur le modèle des chèques emploi-service. Pour les personnes âgées qui auront fait le choix de recourir à une association d'aide à domicile, c'est l'association qui sera rémunérée directement par le département sur la base d'un relevé des services faits.
Enfin, pour les personnes en hébergement, le moment venu, la prestation sera versée selon un mécanisme de tiers payant identique à celui que je viens d'exposer pour les associations d'aide à domicile. Ce dispositif sera, bien sûr, complété par des contrôles sur place visant à éviter que la prestation ne fasse l'objet de fraude.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les principales caractéristiques de la prestation "autonomie" qui sera mise en uvre, je le rappelle, dès le 1er janvier 1996, c'est-à-dire dans à peine plus de trois mois pour nous permettre de faire voter les textes nécessaires.
Tout ceci traduit la volonté du Gouvernement de franchir une étape indispensable pour l'amélioration des conditions d'existence et de dignité des plus âgés d'entre-nous. C'est une exigence de solidarité nationale. C'est l'honneur d'une société qui sait demeurer unie, généreuse, même dans les temps économiquement difficiles, d'une société qui fait du Pacte républicain, pour reprendre l'expression chère au Président de la République, plus qu'un thème de discours, une réalité vraiment vécue au quotidien. Et c'est ainsi, peut-être sans tambours, ni trompettes, que nous allons franchir, de manière pragmatique, déterminée et résolue, une nouvelle étape dans la politique du changement qu'ont souhaitée les Françaises et les Français.
(Applaudissements)
JOURNALISTE.- Nous avons relevé que cette prestation sera donnée en nature. Mais nous voudrions attirer votre attention sur deux ou trois points précis.
Premièrement, nous sommes dans un milieu rural et lorsque nous envoyons du personnel dans nos campagnes, nous avons des pertes de temps énormes pour nos salariés, nous avons des kilomètres à rembourser, ce qui ne se passe pas en ville, il pourrait peut-être avoir deux mesures différentes, des améliorations pour le milieu rural qui a des prêts supplémentaires très importants.
Le deuxième point que nous voudrions éviter et voir éviter, c'est tout particulièrement le manque de qualité dans les prestations. Depuis des années, les associations d'aide à domicile, quelles qu'elles soient, et je parle en, mon nom personnel et en même temps au nom de l'UNASAD qui est à côté de moi, nous désirons continuer et aller au-delà pour la formation de nos salariés. Nous voulons qu'une prestation à domicile soit autre chose qu'un coup de balai. Une femme de ménage, c'est bien, une dame qui va dans une maison doit être quelqu'un qui apporte un plus, qui devient une amie, qui devient une partenaire dans la famille.
Enfin, un troisième point : vous nous avez dit tout à l'heure que la personne pourrait éventuellement employer directement quelqu'un. Je me permets de rappeler une lettre de Madame Simone Veil, ministre, à l'époque, de la santé et de la sécurité sociale, qui nous disait de faire très attention car quand une personne âgée est dépendante, elle n'est pas capable non seulement de gérer et d'employer quelqu'un, mais d'organiser son travail. Nous en avons la preuve. Dans 90 % des cas où nous intervenons en Haute-Loire, ce sont nos personnels ou surtout nos bénévoles qui sont obligés de faire les chèques.
Enfin, pour terminer, cet emploi direct va concerner les membres d'une même famille. C'est là où il y a le plus de dérives. Nous en avons des expériences flagrantes, récentes, depuis justement la mise en place de cet essai de l'allocation de la PSO. Nous avons des dérives fréquentes et surtout à la suite de l'aide d'un membre de la famille chez une personne dépendante, nous avons des problèmes dans les familles.
J'ai tenu à attirer votre attention sur ces différents points. Merci, Monsieur le Premier Ministre.
(Applaudissements)
M. JUPPÉ. Je vais passer le micro à Madame Codaccioni, non pas pour me défiler, mais parce qu'elle connaît le sujet mieux que moi pour l'avoir étudié en profondeur depuis plusieurs mois
... Je vous ai donné non seulement les grandes lignes mais même beaucoup de détails. Cela dit, il va y avoir maintenant une discussion bien entendu, notamment avec le Parlement. Toutes les améliorations sont toujours possibles. Mais une première précision, Madame Codaccioni, emportée par l'éloquence, dit : "Mais c'est le Conseil général qui va payer", je ne voudrais pas qu'il y ait d'ambiguïté dans les esprits. Chacun va mettre de sa poche dans cette affaire. J'ai dit que, au total, c'est en régime de croisière une vingtaine de milliards que l'on peut considérer comme correspondants au coût de cette nouvelle prestation. Actuellement, quand on fait le total de ce que les départements mettent dans l'allocation compensatrice pour tierce personne et dans diverses autres aides, on est aux environs de 9 milliards de francs. Et donc la différence, c'est l'État qui va l'apporter. Il y aura donc un partage de responsabilités. Il est vrai que, dans certains secteurs, et Madame Codaccioni faisait allusion aux déplacements, la responsabilité des départements peut être en première ligne, mais au total l'État est là pour assurer le financement de cette prestation. L'État, c'est-à-dire la solidarité nationale en vérité.
Autres questions ?
QUESTIONS.- Dans les différentes réunions de travail que nous avons pu avoir à propos de l'allocation dépendance actuellement en expérimentation, la question a été souvent posée, vis-à-vis de la CTP, d'une aide qui était directement apportée par la famille, c'est-à-dire de "l'inutilité" d'avoir recours à des Services extérieurs à partir du moment où il y avait au sein de la famille une personne qui pouvait, en quelque sorte, aider, seconder, assurer cette tierce personne auprès de la personne âgée. Donc, la question qui peut peut-être éventuellement se poser est de savoir s'il peut être prévu en fait, parmi les différentes modalités d'attribution de la nouvelle prestation, une forme d'aide à la famille ou à une personne de la famille qui pourrait éventuellement jouer ce rôle d'aide familiale et de tierce personne ?
M. JUPPÉ.- ... Il faut faire preuve d'un petit peu de souplesse et on voit là les préoccupations légitimement contradictoires qui peuvent s'exprimer sur ce sujet. Il y a des familles admirables qui s'occupent très bien de leurs personnes âgées, il faut les aider. Puis il y a des familles moins admirables. Il faudra peut-être aussi mettre en place un système de contrôle qui permette de vérifier que s'il y a prestations, il y a effectivement service rendu. Et comme l'a dit Madame Codaccioni, ce sera le rôle de l'équipe médico-sociale et le rôle également du département.
Je crois que, dans ce genre de prestation, il faut essayer de jouer le plus possible la proximité et le terrain, selon les décideurs locaux, sur le terrain, qui sont les mieux à même de vérifier que cela marche bien, et pas une administration un peu lourde et un peu lointaine.
QUESTION.- Je dirige un hôpital psychiatrique qui est en pleine reconversion et qui, notamment, accueille beaucoup de personnes âgées dans son Service de long séjour de 80 lits. Nous avons actuellement pour faire fonctionner financièrement ce Service de long séjour un forfait soins d'environ 250 francs, un tarif d'hébergement d'environ 250 francs. Je vous le dis carrément, Monsieur le Premier ministre, nous attendons avec intérêt - budgétaire, financier - et aussi un grand soulagement, cette allocation dépendance qui constituera peut-être le troisième volet de ce financement de cette aide à la dépendance dans les établissements. Je suis très heureux de savoir que cela va se mettre en place en juillet 97. J'aurais souhaité que cela se mette en place plus tôt, bien entendu. Mais si cela se met en place, c'est déjà quelque chose de très important.
J'aurais tout de même voulu avoir quelques précisions sur ce troisième volet de cette aide à la dépendance dans les établissements ?
M. JUPPÉ.- Là-dessus, je vous ai tout dit, je crois pour l'instant. La loi posera très clairement en principe que la nouvelle prestation "autonomie" s'adresse à toutes les personnes âgées qui remplissent les conditions, c'est-à-dire qui ont plus de 60 ans et dont l'équipe médico-sociale aura constaté le degré de dépendance en accord avec une grille nationale, qu'elle soit à domicile ou qu'elle soit hébergée en établissement. De l'avis général, le problème de l'hébergement est un problème complexe. Vous l'avez dit, vous-même, il y a un forfait hébergement, il y a un forfait soins, qu'est-ce qui, dans tout cela, correspond à la partie à proprement parler prise en charge de la dépendance ? Ce n'est pas facile. Et les départements eux-mêmes nous ont expliqué qu'ils avaient besoin, pour y voir clair, d'un délai de mise au point.
Donc, c'est la raison pour laquelle j'ai dit : "1er janvier 96, personnes âgées à domicile". En principe, nous verrons si ce délai peut être amélioré, 18 mois plus tard, 1er juillet 1997, extension aux personnes âgées hébergées, après les clarifications nécessaires, et j'ai évoqué tout à l'heure une mission de l'Inspection des finances et de l'Inspection des affaires sociales pour nous permettre d'y voir clair.
J'ai également apporté deux précisions, c'est que d'ici la généralisation de la prestation autonomie, les personnes âgées placées en établissement peuvent continuer à bénéficier de l'allocation compensatrice tierce personne.
Et deuxième précision que j'ai apportée, c'est qu'une personne âgée à domicile, titulaire de la nouvelle prestation autonomie, qui serait obligée de se faire admettre en établissement parce que son degré de dépendance s'est aggravé, continuerait à bénéficier au nom des droits acquis de la prestation autonomie, même si cela pose quelques petits problèmes.
Ce n'était pas, je le reconnais, initialement prévu dans notre dispositif mais, là aussi, de la discussion a jailli la lumière et nous avons apporté cette amélioration supplémentaire au texte. Cela compliquera un peu mais je crois qu'il vaut mieux jouer la justice et simplifier au fur et à mesure que le système se mettra en place.
Mme GUILLOT.- Déléguée départementale de l'Association des Paralysés de France.- Je voulais vous apporter un témoignage d'une personne handicapée du département qui m'a dit il y a peu de temps : "Si j'ai retrouvé la joie de vivre, c'est grâce aux aides techniques". Or, bien souvent quand il s'agit d'allocations compensatrices ou de prestations dépendance, on demande des preuves d'intervention de personnes, donc d'aides humaines, à savoir les fiches de paie. Je voulais savoir s'il est prévu de pouvoir envisager de prendre en compte le coût des aides techniques qui peuvent compenser la présence d'une personne ?
Je voulais aussi vous poser une deuxième question : Quand il s'agit de personnes lourdement handicapées - et nous sommes amenés dans l'Association à nous occuper, par exemple, de tétraplégiques qui vivent à leur domicile -, dans ces cas-là, la somme maximale de prestation dépendance ou d'allocation compensatrice n'est pas suffisante pour rémunérer une personne, quelquefois 24 heures sur 24.
Donc, je vous demande, dans ces cas-là, que peut-on envisager pour que la personne puisse rester à son domicile ?
Mme CODACCIONI.- Pour ce qui concerne le premier cas évoqué, Madame, c'est vrai que le matériel technique, la plupart du temps, est un besoin très, très important qui peut aider les personnes handicapées. Nous avons prévu éventuellement, mais toutes les modalités ne sont pas encore fixées, un versement peut-être en espèces de 10 % de la somme. Nous sommes en train d'y réfléchir et nous en discuterons.
Pour ce qui concerne le deuxième point, nous allons envisager très sérieusement toutes ces possibilités. Le moment n'est pas encore le meilleur pour expliquer tous ces détails précis, mais nous allons y réfléchir.
M. JUPPÉ. Je commence à avoir une certaine expérience des réformes maintenant, quand on fait quelque chose, au lieu de regarder le plus, on regarde tout de suite ce qui pourrait ne pas aller éventuellement. C'est normal, c'est comme ça. J'en ai fait l'expérience avec la réforme de l'accession à la propriété du logement. On a fait il y a huit jours une réforme très importante, très forte, très simple, qui commence d'ailleurs à avoir pas mal de succès, au cours de la conférence de presse que je faisais, on ne m'a interrogé que sur ce qui ne pouvait ne pas marcher.
Je ferai là-dessus une réponse de bon sens : si on avait attendu d'examiner tous les cas particuliers, toutes les difficultés possibles et imaginables, on discuterait encore de la prestation autonomie dans un an. Nous avons arrêté un cadre, il est relativement précis, les principes sont fondés, et puis évidemment, au bout de six mois d'existence de la prestation, il y aura des améliorations à apporter. D'ailleurs, vous avez vu, je l'ai dit tout à l'heure, que la loi prévoira une évaluation de la réforme au bout d'un délai que je n'ai plus en tête, je crois que c'est un an, trois ans, on pourra faire des étapes intermédiaires et si, là, on se rend compte qu'il y a des choses qui méritent d'être modifiées, on la modifiera.
On va prendre la dernière question parce que nous avons déjà une demi-heure de retard.
QUESTION.- A quoi correspondent les plans gérontologiques dont vous avez parlé ? Quelles seront leur définition et leur utilité ?
Mme CODACCIONI.- Les plans gérontologiques, Monsieur, sont faits pour permettre d'avoir une prise en charge globale des personnes âgées et donc d'envisager tout ce qui est important, tout ce qui est possible pour son environnement et de mettre en place un certain nombre de structures ou d'aides à ces personnes pour pouvoir répondre aux besoins globaux de la personne âgée.
(Point de presse)
M. JUPPÉ... Nous n'avons pas les moyens, dans les deux ou trois ans qui viennent, de réduire fortement les impôts, parce que je ne sais pas réduire fortement les déficits - ce qui est notre priorité - en baissant fortement les impôts.
J'ajoute que lorsqu'on parle de la réforme de la fiscalité, il y a beaucoup d'autres choses à faire qu'une baisse généralisée des impôts. Il y a aussi la recherche de l'équité, et il y a la recherche de l'efficacité.
La vraie réforme fiscale que nous sommes en train de préparer, c'est une réforme des prélèvements obligatoires en France, c'est-à-dire une réforme qui traitera en même temps la gestion du financement de la protection sociale qui est assurée aujourd'hui à 75 ou 80 % par des cotisations associées à l'assise sur les salaires - et la réforme de l'impôt à proprement parler, c'est-à-dire de l'impôt sur le revenu ou de la cotisation sociale généralisée.
Voilà la vraie réforme que nous sommes en train de préparer. Mais vous ne trouverez pas dans mes propos, depuis que je suis Premier ministre, l'annonce d'une baisse massive et généralisée des impôts.
Q - Une question sur le financement complémentaire de la prestation "autonomie" : Songez-vous à augmenter le coût actuel de la C.S.G. Ou à élargir. l'assiette des prélèvements... ( fin non saisie)
M JUPPÉ.- Le financement complémentaire sera assuré par le Fonds Solidarité Vieillesse, comme je vous l'ai dit, lequel Fonds est notamment financé par la cotisation sociale généralisée. C'est donc au fur et à mesure de la montée en puissance de cette nouvelle prestation et dans le cadre de la réforme que j'évoquais tout à l'heure de l'impôt sur le revenu et de la C.S.G. qui impliquera - l'élargissement de l'assiette de ces prélèvements - que nous préciserons, le moment venu, les modalités.
Q - Avez-vous déjà une idée du type de revenus qui seront élargis et contribueront au Fonds de Solidarité ?
M. JUPPÉ.- Je vous le dirai le moment venu. Il faut vous faire à une réalité qui est très difficile à admettre, c'est que je lancerai mes réformes selon mon calendrier, et pas juste avant.
J'annoncerai mercredi, vous le savez déjà d'ailleurs, en grande partie les mesures fiscales applicables dans la loi de Finances 1996. Et puis nous aurons, le moment venu, c'est-à-dire en décembre-janvier, une loi d'orientation sur les prélèvements obligatoires par laquelle tout ceci sera traité.
Q - Confirmez-vous pour l'an prochain, c'est-à-dire avant la montée en puissance définitive, de 14 milliards de la prestation "autonomie", chiffre qui a été avancé régulièrement...
M. JUPPÉ.- C'est une estimation. Vous savez, comme toujours ces estimations sont tout à fait aléatoires, puisque tout dépend du nombre de bénéficiaires et de la montée en puissance.
Q - Globalement, dans 2 ou 3 ans, la moyenne des Français pourra se dire que ses impôts ont légèrement baissé ?
M. JUPPÉ.- Je voudrais insister sur le fait qu'ils ont beaucoup baissé depuis quelques années, je parle des impôts de l'État.
Si nous avions aujourd'hui les mêmes taux d'impôt qu'en 1985, il y aurait 200 milliards de recettes supplémentaires dans les caisses de l'État. Les impôts, on les a baissés.
J'ai été ministre du Budget de 1986 à 1988, j'en parle en connaissance de cause. Je ne vais pas récapituler tout ce qui a baissé.
Deuxièmement, nous avons baissé des impôts depuis que nous sommes arrivés, il ne faut pas quand même l'oublier ? Les 50 milliards d'allégement de charges sociales sur les salaires - chiffre de 1996, en année pleine - si ce n'est pas une baisse d'impôt, je voudrais bien que l'on m'explique ce que c'est ! Il y a une baisse massive à ce titre-là. Mais comme il y a des déficits - je ne veux pas à nouveau utiliser l'épithète que j'utilise depuis que je suis arrivé - disons très importants, c'est vrai que nous avons été amenés à compenser par d'autres prélèvements.
Avant les élections, on parlait beaucoup - s'agissant du financement de la protection sociale - de la T.VA. sociale. Il y avait beaucoup de gens qui étaient pour à l'époque. La T.V.A. sociale, je l'ai faite.
Les deux points de T.V.A. que nous avons eus au mois de juillet dernier, ils ont servi à baisser les cotisations sociales, c'est donc la T.V.A. sociale.
Q - Est-ce que la prestation économique sera récupérée par la collectivité sur la succession...
M. JUPPÉ.- C'est ce que nous avons prévu dans le texte.
Q - Monsieur le Premier ministre, beaucoup de journaux s'inquiètent de votre semaine difficile, avec les critiques de certains sur le projet de loi de Finances. Qu'est-ce que vous en pensez ?
M. JUPPÉ.- S'il y a quelque chose qui ne change pas, c'est cela ! Vous êtes inquiet toutes les semaines... Mais pas moi !
Q - Certains journaux...
M. JUPPÉ.-... Certains journaux continueront d'être inquiets.
Q - Vous n'êtes pas inquiet ?
M. JUPPÉ.- Non. Pas du tout. Je ne suis pas du tout inquiet. Pourquoi voulez-vous que je sois inquiet ? J'ai une majorité. Vous avez vu que cette majorité a été approuvée lors des élections partielles d'hier.
Souvenez-vous, en janvier 1982, quelques mois après le succès massif du parti socialiste, les élections partielles avaient donné la victoire à quatre candidats de l'opposition,
Eh bien, aujourd'hui, tous nos candidats soit ont été réélus, soit sont dans de très bonnes positions. Je ne veux pas en tirer des conclusions définitives, avec 70 % d'abstention, il faut évidemment relativiser. Mais, enfin, il n'y a pas de désaveu. Il n'y a pas de déception. Il n'y a pas de recul de la majorité. Donc, je ne suis pas inquiet.
Q - N'est-ce pas contradictoire de créer une nouvelle prestation, certes nécessaire, pour les nouvelles dépenses, alors que la Sécurité sociale accuse un déficit de l'ordre de 180 milliards de francs sur les trois dernières années ?
M. JUPPÉ.- De toute façon, quoi que je fasse, on me dit que c'est contradictoire. Si je ne fais pas de réformes, on me dit que je ne fais pas de réformes. Quand je fais des réformes, on me dit que ce ne sont pas les réformes qu'il faut faire !
Et puis, surtout, il faut sortir de la pensée unique. La pensée unique consiste à dire que chaque fois que l'on fait une dépense nouvelle, c'est mauvais pour le déficit. Ce n'est pas toujours vrai ! Une dépense nouvelle qui devrait permettre de créer 50 000 à 60 000 emplois peut avoir, sur les comptes de la Sécurité sociale, un effet de rétablissement, de rééquilibrage tout à fait important. C'est dans cet esprit que nous avons conçu les emplois de proximité. C'est l'une des réponses aux problèmes du chômage. Ce sont des cotisations supplémentaires dans les caisses de la Sécurité sociale, et c'est donc, d'une certaine façon, une réduction du déficit.
Q - Quand vous analysez la situation des comptes sociaux, pensez-vous, l'année prochaine, passer, donc échapper à un prélèvement, quel qu'il soit ?
M. JUPPÉ.- Ils le décideront. Ce que je veux, moi, c'est réduire de moitié le déficit de la Sécurité sociale en 1996. Il est actuellement de 55 à 60 milliards, c'est une prévision. Il faut le réduire de moitié.
Pour réduire un déficit de moitié, il n'y a pas 36 solutions : ou bien l'on fait des économies - il faut donc faire des réformes de structure pour cela - ou bien les Français décident qu'ils veulent payer plus.
Ce débat va avoir lieu et les décisions seront prises à temps puisqu'elles seront prises avant le 31 décembre de l'année 1996.
Question... (inaudible)
M. JUPPÉ.-... Une réforme par jour. Après, si j'en faisais plus, on considèrerait que j'en fais trop.
Voilà ! Eh bien merci beaucoup. A tout à l'heure.