Interview de Mme Florence Parly, secrétaire d'Etat au Budget, à Europe 1, le 16 novembre 2000, sur les dépenses et recettes du budget 2000, le plan pluriannuel de création d'emplois de l'Education nationale.

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Média : Europe 1

Texte intégral

J.-P. Elkabbach Est-ce que vous êtes satisfaite du budget 2000 ?
- "Je suis très satisfaite du budget 2000 parce qu'il s'inscrit dans la continuité de la politique économique et budgétaire du Gouvernement depuis 1997 ; politique économique qui a été toute entière tournée vers la croissance. Cette croissance a permis de remettre 850 000 personnes sur le marché du travail et nous avons créé un million d'emplois dans les entreprises depuis 1997. C'est cette croissance qui a produit des recettes fiscales supplémentaires et ces recettes fiscales supplémentaires, on les retrouve dans le collectif que nous présentons aujourd'hui."
Vous allez essayer de répondre aux questions que toute la presse se pose, que vous avez probablement lues et que vous entendrez tout à l'heure. Annoncé, le déficit est de 209 milliards - c'est-à-dire plus élevé que prévu ; réalisé il sera moins important. Quand le budget 2000 sera définitivement bouclé, - c'est-à-dire en janvier - il sera de combien ?
- "Vraisemblablement en dessous de 200 milliards. Ce chiffre de 209 milliards qui est le déficit du collectif que nous avons présenté hier avec L. Fabius, est un chiffre intermédiaire. Il est inférieur à celui du budget qui a été voté par le Parlement au début de l'année 2000. Il était à 215 milliards au début de l'année, il est ramené, grâce aux textes que nous présenterons dans quelques jours au Parlement, à 209 milliards, c'est-à-dire 6 milliards de moins. Le déficit diminue déjà."
La presse et l'opposition estiment que le Gouvernement reporte à 2001 l'encaissement de 18 milliards de francs de recettes non fiscales. Autrement dit, on accuse le Gouvernement de tricher ou de mentir. Mais les 18 milliards, c'est vrai ou faux ?
- "La presse se contente de rappeler ce que nous avons dit au Parlement avec L. Fabius. Nous avons des recettes fiscales en 2000 qui sont dynamiques. Encore une fois, la dynamique des recettes fiscales, c'est la dynamique de la croissance et cette croissance n'est pas tombée du ciel. C'est le résultat de la politique économique du Gouvernement."
D'accord.
- "Ces recettes fiscales sont dynamiques. L'Etat a par ailleurs la possibilité d'opérer des prélèvements sur un ensemble d'organismes tels que la Caisse des dépôts, la Coface, organismes publics qui sont financés grâce à l'argent des Français."
Vous répétez ou vous confirmez ce qui a été dit : il y a 18 milliards qui ne sont pas encaissés et qui sont gardés pour 2001 ?
- "Il y a plusieurs milliards de francs - 15, pour être tout à fait précis - qui ne seront pas prélevés en 2000 et que nous prélèverons en 2001, comme nous en avons le droit. Mais la différence, c'est que nous le disons."
C'est-à-dire que vous vous gardez des noisettes pour une bonne année pré-électorale ?
- "Parce que nous considérons que puisque nous avons eu beaucoup de recettes fiscales en 2000, il n'était pas nécessaire, indispensable, d'ajouter ces prélèvements et donc de s'en priver éventuellement en 2001."
Cette année les rentrées fiscales supplémentaires - on a assez entendu J.-L. Gombeaud, les spécialistes d'Europe 1 le dire - tournent autour de 75 milliards. Il en reste combien ?
-"Ces 75 milliards ont été répartis principalement en baisses d'impôts. L'année 2000 est une année exceptionnelle de ce point de vue, puisqu'au total, il y aura eu 90 milliards de baisses d'impôts pour les Français, dont notamment la suppression pure et simple d'un impôt qui est la vignette."
Il vous reste combien des 75 milliards ?
- "Il en reste..."
Rien ?
- "Il en reste 50 qui ont été affectés au financement de baisses d'impôts décidées dans le courant de l'année 2000. Je rappellerais, au delà de la vignette, les mesures de fiscalité pétrolière qui ont été annoncées en septembre et qui ne pouvaient pas financées dans le budget. Nous avons également financé les tempêtes, ne l'oubliez pas."
Les hôpitaux, la sécurité maritime, les 35 heures...
- "Et nous avons réduit le déficit puisqu'il est ramené, comme je le disais tout à l'heure, de 215 à 209 milliards de francs. Ce n'est qu'une étape dans la réduction que nous attendons au titre de l'année 2000."
L'OCDE aurait prévu que la croissance serait en France l'an prochain de 2,7 %. Quelles sont vos prévisions ?
- "Nous avons une prévision supérieure à cela. Lorsque nous avons annoncé cette prévision il y a quelques semaines, nous étions dans la moyenne des prévisions internationales. Nous sommes plutôt autour de 3 à 3,6 %, donc dans une moyenne de 3,3 %."
Est-ce que vous avez une première évaluation du montant du coût de la maladie de la vache folle, de toutes les conséquences qu'on annonçait hier, plus du soutien promis et avenir aux éleveurs ou producteurs ? Est-ce qu'il est vrai que l'ensemble coûterait - je n'ose pas dire la fourchette - de 12 à 15 milliards ?
- "Vous êtes mieux informé que moi. Le Gouvernement travaille pour l'instant à la mise au point de ces mesures. Il y a deux jours L. Jospin annonçait des mesures de santé publique qui étaient indispensables. Maintenant, nous travaillons avec J. Glavany à la mise au point de mesures en faveur des éleveurs, de la filière et de tous ceux qui sont concernés par cela."
Autour de ?
- "Ce sera vraisemblablement des sommes importantes. Mais les mesures ne sont pas connues et donc les modalités de leur financement encore moins."
De 12 à 15 milliards, c'est trop ou c'est dans l'ordre du possible ?
- "Je vous laisse faire vos pronostics."
Non, je ne fais pas de pronostic. Le ministère de l'Education a annoncé, hier, un plan pluriannuel d'un coût total de 4 milliards, 185 000 emplois en cinq ans. Or, le budget de l'Education c'est combien ?
- "300 milliards"
Il était il y a dix ans de 200 milliards. Qu'est-ce qui cloche quand on voit que la démographie scolaire diminue ?
- "La démographie scolaire diminue mais les besoins évoluent dans le temps, la façon d'enseigner évolue, les programmes évoluent. Les options se multiplient. Les besoins des enfants ne sont plus les mêmes. Donc je crois qu'il y a aussi une attente des Français en termes de prise en charge par le système éducatif de problèmes qui ne sont pas seulement des problèmes liés à l'Education nationale, mais plus généralement la façon dont la société fonctionne. Donc, il ne s'agit pas du tout d'ouvrir les vannes. J. Lang a annoncé un plan ambitieux mais qui répond, je crois, aux attentes des Français."
Il a dit : "ce plan, c'est avant tout et au sens propre un acte politique."
- "C'est un acte politique que de dire qu'un Gouvernement accorde la priorité à l'éducation de ses enfants, en effet."
Est-ce que gouverner aujourd'hui c'est lâcher des sous ?
- "Gouverner aujourd'hui ce n'est pas ouvrir les vannes, ce n'est pas être irresponsable, c'est faire en sorte que la croissance qui a été retrouvée depuis trois ans - cette croissance qui est un bien précieux - soit préservée car la croissance, c'est l'emploi. Les emplois, les créations d'emplois sont aux yeux des Français un des acquis essentiels de ce Gouvernement."
Est-ce qu'il y a entre vous et votre ministre L. Fabius une répartition des annonces ? A lui les bonnes et à vous les moins bonnes ?
- "Pas du tout. Nous faisons partie d'un gouvernement. Un gouvernement, c'est une équipe. Ce que nous avons présenté, hier, c'est un collectif et je crois que c'est l'adjectif qu'il faut retenir."
Mais en ce moment, il est à la fois discret et apparemment préoccupé. Contre qui est-il fâché ou avec qui ?
- "Il est pleinement conscient de la nécessité de continuer de maîtriser les finances de la France, car les finances de la France c'est un sujet sérieux. C'est de l'avenir de nos enfants dont il s'agit."
Comment on fait pour, tout à la fois, ne pas alourdir les entreprises qui créent des emplois, avoir une solidarité de gauche plurielle, augmenter le pouvoir d'achat des Français, réduire les déficits et les dettes ? Qu'est-ce que fait ou qu'est-ce que peut réaliser la fée Parly ?
- "Je ne suis pas une fée, malheureusement. Ce que nous pouvons faire, c'est à la fois tenir compte des souhaits normaux des Français qui ont contribué fortement à la croissance. Le fait qu'il y a des plus-values de recettes fiscales, c'est aussi le fruit du travail des Français. Les Français ont donc des souhaits en termes d'évolution du pouvoir d'achat. C'est tout à fait normal et légitime. Mais c'est à nous, aussi, de faire en sorte qu'entre ces aspirations et ce qui conditionne l'avenir, nous fassions des choix raisonnables et maîtrisés."
Est-ce que vous dites, vous aussi, qu'il ne faut pas charger la barque - qui est déjà alourdie ?
- "Il n'est pas question de charger la barque, il est question d'opérer des choix entre des questions qui pèsent instantanément sur les finances publiques. Par exemple, l'évolution des salaires, problème qui pèsera instantanément sur les finances publiques et..."
Beaucoup ?
- "Qui pourrait peser éventuellement..."
Combien ? Autour de ?
- "La masse salariale de l'Etat, c'est près de la moitié du budget de l'Etat. Donc c'est forcément une question qui pèse lourdement sur les finances publiques. Mais il faut aussi rappeler que nous avons mis en oeuvre les 35 heures qui sont un acquis formidable pour la société française..."

Mais qui coûte !
- "Qui coûte."
C'est vous qui le dites.
- "Mais qui a permis les créations d'emplois. Encore une fois, la politique du Gouvernement est centrée sur l'emploi."
Vous avez une cassette secrète ?
- "Il n'y a pas de cassette et il n'y a plus de cagnotte. Nous avons annoncé avec L. Fabius au mois d'avril des mesures de transparence. Nous avons dit que nous annoncerions ce que nous ferions et c'est ce que nous faisons et c'est ce que je fais ce matin même encore avec vous."
(source http://sig.permier-ministre.gouv.fr, le 16 novembre 2000)