Discours de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur l'intérêt que suscite l'Afrique dans la vie internationales, le rôle de la France et de l'Union européenne en Afrique et l'aide que la France apporte aux Etats de ce continent, Yaoundé, Cameroun, le 16 janvier 2001.

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Circonstance : Séance inaugurale de la réunion ministérielle lors du XXIème Sommet France-Afrique, à Yaoundé, Cameroun, le 16 janvier 2001

Texte intégral

Monsieur le Ministre d'Etat,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Chefs de délégation
Mesdames et Messieurs,
Mes premiers mots seront pour remercier S.E. le Ministre d'Etat, M. Kontchou Kouomegni, ministre des Affaires étrangères du Cameroun, pour ses paroles de bienvenue mais aussi pour l'hospitalité dont les Camerounais ont su nous entourer dès notre arrivée. Je voudrais aussi féliciter le ministre d'Etat et tous ceux qui l'ont assisté dans cette tâche pour la parfaite organisation de ce Sommet.
Je suis pour ma part heureux de retrouver Yaoundé et un peuple camerounais dont je sais les très grandes qualités.
Cette nouvelle occasion de dialogue entre la France et ses amis africains sur un thème qui n'a pas été choisi pour satisfaire à des effets de mode mais parce qu'il correspond bien aux grandes questions du moment, un moment précisément qui lui aussi justifie une réflexion approfondie sur la question du développement. Le 20ème siècle s'éloigne, un 20ème siècle qui aura produit plus de richesses sur la planète qu'il n'en a été produit au cours de tous les siècles précédents. La population du globe aura quadruplé au cours de ce dernier siècle mais c'est un siècle qui aura produit le meilleur et le pire. Le monde n'a jamais été aussi riche. Il n'a probablement jamais été aussi inégal. Et le monde est désormais conscient de cette inégalité. C'est le résultat de cette fantastique révolution des techniques de communication. Bref, les tensions sont sensibles, les risques d'explosion planétaire et sociale sont réunis et c'est à ce moment-là que nos chefs d'Etat vont une fois de plus dialoguer. Je voudrais d'abord vous convaincre s'il en était besoin qu'il n'y a pas de désintérêt du monde pour l'Afrique. Si l'on s'en tient aux travaux des Nations unies, en 2000, vingt résolutions et quinze déclarations - soit 40 % des textes adoptés par le Conseil de sécurité- portent sur l'Afrique. Je parle de l'Afrique sub-saharienne et si j'y ajoute l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient qui représentent à eux seuls 20 % des textes, on voit que près des 2/3 des déclarations et résolutions adoptées traitent du continent africain pris dans son acception la plus vaste.
Nous ne savons pas au moment où nous nous rencontrons quelle sera l'intérêt porté par la nouvelle administration américaine à l'Afrique. Nous savons que le président Clinton aura porté à l 'Afrique davantage d'intérêt que les administrations américaines précédentes et nous nous en sommes réjouis. La France souhaite que d'autres pays du Nord consacrent à l'Afrique davantage d'attention. La France en tout cas maintient son engagement en faveur de l'Afrique. Ces sommets en témoignent, des sommets qui se sont élargis au fur et à mesure que le mouvement africain vers l'unité africaine s'est développé. Réservés aux seuls pays francophones, c'est désormais l'ensemble des pays africains qui participent à ce dialogue et nous nous en réjouissons.
Mais la France a soutenu aussi dès l'origine l'idée de sommets Union européenne-Afrique. Le premier s'est tenu au Caire l'an dernier. La présidence française a tenu la première réunion de suivi dans le cadre du groupe birégional des hauts fonctionnaires. J'ai eu la chance au cours de la présidence française de l'Union européenne de présider une rencontre de la Troïka Européenne avec la CEDEAO et aussi une rencontre entre l'Union européenne et la SADC. La France demeure le pays le plus généreux en terme d'aide publique au développement à l'Afrique. La question posée aujourd'hui est celle de l'amélioration de la qualité et de l'efficacité de cette aide publique. Nous avons voulu réformer notre dispositif de coopération pour donner précisément plus de cohérence à celle-ci. Une zone de solidarité prioritaire a été définie en janvier 1999 afin de concentrer l'aide bilatérale française sur les pays les moins développés en terme de revenus et ayant insuffisamment accès aux marchés de capitaux. Quarante et un de ces pays de la zone de solidarité prioritaire appartiennent à l'Afrique subsaharienne et à l'Océan Indien.
Nous cherchons à promouvoir une coopération fondée sur la formation de partenaires et la mise en place d'une expertise de plus en plus spécialisée plutôt que sur la substitution. La France a contribué très largement à la reconstitution du neuvième Fonds européen de développement. En signant l'accord de Cotonou le 23 juin 2000 nous avons voulu renforcer également les capacités de la coopération entre l'Union européenne et les pays ACP.
Je voudrais rappeler simplement que l'Union européenne représente plus de la moitié de l'APD mondiale. Elle a engagé un processus de réforme sans précédent qui s'est traduit le 10 novembre dernier par l'adoption, sous ma présidence, d'une déclaration du Conseil et de la Commission sur la politique de développement de la Communauté. Par cette déclaration, l'Union européenne se donne les moyens d'accroître l'efficacité de son aide en assurant une meilleure division du travail entre la Commission et les Etats membres, en se coordonnant davantage et en réformant ses méthodes et ses procédures. Elle s'y était engagée vis-à-vis des pays ACP et elle le fait.
L'initiative d'allégement et d'annulation de la dette en faveur des Pays pauvres et très endettés doit aussi beaucoup à la mobilisation française sur ce thème. Les décisions prises lors des sommets du G7 de Lyon (1996) puis de Cologne (1999), traduisent cet effort. 22 pays dont 18 Africains sur les 41 Etats éligibles ont franchi en 2000 le "point de décision" dans le processus en faveur des Pays pauvres et très endettés. L'annulation bilatérale française ira au-delà des dispositions convenues à Cologne puis à Tokyo. Elle portera à l'égard des pays éligibles sur la totalité de la dette bilatérale d'aide publique au développement ainsi que sur la dette commerciale éligible. L'effort total de la France s'élèvera ainsi à un peu plus de 10 milliards d'euros, soit près de 70 milliards de Francs.
La Coopération française veut aussi faire porter son effort sur les nouveaux défis de la mondialisation qui affectent particulièrement l'Afrique. Le SIDA bien sûr. J'étais en Afrique australe, je vous le disais, il y a un mois pour la Journée du SIDA. Le Conseil des ministres du Développement de l'Union européenne a adopté le 10 novembre une résolution articulée autour de trois axes :
. L'optimisation des politiques de santé et de développement,
. La réduction des coûts de la prise en charge des soins,
. Un effort accru dans le domaine de la recherche de nouveaux produits pharmaceutiques.
La France a pris l'initiative de proposer la tenue d'une réunion internationale sur l'accès aux soins pour l'infection au VIH/SIDA, sous l'égide des Nations unies. Le G8 a repris cette initiative. Kofi Annan en a accepté le principe. Nous y travaillons avec ONUSIDA et l'OMS.
Je veux enfin mentionner la fracture numérique. Je me suis exprimé sur ce thème le 15 décembre dernier en concluant les travaux au Centre de Conférences internationales du ministère des Affaires étrangères d'un séminaire consacré aux enjeux juridiques de la société de l'information. C'est un thème qui me paraît essentiel. Il ne faut pas que le fossé numérique vienne accentuer encore l'inégalité que je dénonçais au début de mon discours.
Monsieur le Président, j'ai dit l'importance que la France attachait à son dialogue avec l'Afrique. Elle se souvient de son histoire, elle sait la part que les Africains ont prise aux heures les plus sombres de sa propre histoire pour l'aider à reconquérir sa liberté. La France sait la part de générosité que la société civile française exprime dans cette direction . La France souhaite que l'Europe s'implique complètement dans ce dialogue. C'est pourquoi loin d'opposer les dialogues entre l'Europe et l'Afrique et entre la France et l'Afrique, je veux dire notre certitude qu'ils participent de la même volonté d'un partenariat qui entend permettre aux uns et aux autres de progresser de concert sur la voie du développement et de la démocratie.
Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 janvier 2001)