Interview de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, à RFO/AITV le 11 janvier 2001, sur le bilan de la politique de coopération de l'Union européenne sous la présidence française et l'action de la France dans le domaine de la coopération avec l'Afrique.

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Média : RFO/AITV

Texte intégral

Q - Les commentaires qui vous ont été adressés semblaient plutôt positifs même s'il y avait bien sûr quelques petits litiges. Quel bilan dressez-vous - pour vous-même - de votre politique et de votre action ?
R - D'abord, je voudrais dire que j'ai plutôt apprécié les compliments qui m'ont été adressés ce matin ainsi qu'à la Présidence française. Tous les orateurs ont bien voulu reconnaître que ce semestre avait été fécond et il est vrai que la mise en oeuvre des Accords de Cotonou signés juste avant que nous prenions la présidence de façon à pouvoir les appliquer tout de suite donnait plus d'efficacité, notamment au Fonds européen de développement qui a, c'est vrai, d'énormes ambitions.
La déclaration de politique générale que nous avons fait adopter, lors du Conseil de Développement du 10 novembre qui refonde en quelque sorte la politique européenne en matière de développement est également importante.
Je suis heureux qu'au terme d'une coordination très serrée avec nos partenaires et avec la Commission, nous ayons pu atteindre cette déclaration de politique générale que nous avons largement diffusée et qui va permettre, je le crois, de donner à l'Europe, une meilleure présence notamment dans les enceintes internationales et mettre fin à cette contradiction qui veut que l'Europe est certainement l'ensemble des pays qui donnent le plus, mais ce ne sont pas forcément les pays européens qui sont globalement les mieux entendus. Cette contribution permettra de réparer un peu cela.
Il y a eu quelques autres grandes questions qui ont également fait l'objet de notre attention : le sida, avec une conférence à Bruxelles et une déclaration qui rappelle le besoin de concilier, de coordonner prévention et traitement. Et je rappelle que la France a l'intention, à la fin de cette année, d'organiser une conférence sur ce sujet et en particulier pour promouvoir des dialogues avec les entreprises pharmaceutiques dont le rôle est évidemment essentiel dans la mise à disposition des traitements.
Je pourrais parler du fossé numérique qui est également l'une des questions importantes dont nous reparlerons d'ailleurs très probablement la semaine prochaine lors du Sommet France-Afrique à Yaoundé. C'est également l'un des outils qu'il faut avoir présent à l'esprit pour combler le retard.
Les nouvelles techniques de communication doivent aussi être à disposition des pays en développement, il ne faut laisser personne au bord des autoroutes de l'information comme l'on dit.
Q - Y a-t-il une méthode française dans cette politique de coopération. Quelle a été la particularité de la politique française ?
R - je crois que nous avons passé beaucoup de temps à écouter, à se concerter et en particulier, les pays du Sud. Nous aurions voulu que Bruxelles soit un peu le contrepoint de l'échec de Seattle où les pays en développement avaient l'impression d'être oubliés. La preuve est faite que lorsque l'on prend le temps de parler avec eux, de les écouter, d'être attentifs à leurs demandes, à leur situation, on peut arriver à des résultats. C'est vrai que j'en tire quelques fiertés.
Q - Quelle peut être l'attitude de la France dans les situations de crise. Tout le monde vous a posé la question sur la Côte d'ivoire, on parle de la Guinée, de l'Erythrée, quelle doit être la politique de coopération dans les situations de crise ?
R - D'abord en faisant passer en continu le message aux pays en crise que nous sommes avec eux. C'est vrai que c'est à eux de trouver des solutions. Nous pouvons vous aider à les mettre en oeuvre mais ce n'est pas nous qui pouvons vous imposer la solution à votre crise. Ce n'est pas toujours facile à faire comprendre, je connais des nostalgiques qui verraient bien les militaires français aider les pays en crise. Ce n'est pas la solution même si nous l'avons fait dans le passé. Nous avons rappelé à ces pays que nous sommes prêts à coopérer avec eux mais qu'il y a un certain nombre de principes et notamment de démocratie qui doit être une capacité à apprivoiser et à mettre en oeuvre des solutions. Nous avons évidemment le souci de les aider à sortir le plus vite possible de ces situations de crise et il faudra - et je pense à la Côte d'Ivoire lorsque celle-ci aura retrouver une situation conforme à la légalité et aux Droits de l'Homme - et il faudra que très vite la communauté internationale et européenne, singulièrement viennent l'aider à se sortir d'une situation aujourd'hui encore très préoccupante.
Q - On dit beaucoup que l'Europe finance, elle est très solidaire, mais on ne l'entend pas trop politiquement, la France a-t-elle pu changer cela sur le plan des principes ?
R - Nous avons posé le principe que l'Europe doit s'exprimer d'une seule voix dans les enceintes internationales. C'est surtout cela qui était au cur de la déclaration et il faut faire vivre ce principe et nous allons nous y employer ; mais, là il faut des procédures faisant confiance au terrain, faisant en sorte que les représentants de la Commission de Bruxelles dans tel ou tel pays d'Afrique en s'entourant de diplomates de pays européens, soit capable directement, sur le terrain, de réagir aux situations, aux difficultés de crise. Cela me paraît tout à fait important.

(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 janvier 2001)