Interview de M. Claude Goasguen, vice-président et porte-parole de Démocratie libérale, à RTL le 22 décembre 2000, sur les "affaires politico-financières", la décision du Conseil constitutionnel d'annuler l'exonération de la CSG sur les bas salaires, la campagne de Philippe Séguin pour les municipales et l'inversion du calendrier électoral.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

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R. Arzt Les affaires politico-financières décidément se succèdent à un rythme soutenu. Après les lycées d'Ile de France, c'est maintenant les trafics d'armes avec l'Afrique et ce n'est pas n'importe qui qui est en garde à vue depuis cette nuit, c'est le fils de l'ancien de Président de la République. Dans l'ensemble, cela commence à faire beaucoup d'affaires politico-financières.
- "Il faut que ces affaires soient jugées d'une manière juste et efficace. Il y a un vrai problème de procédure en France, que nous vivons déjà depuis plusieurs années, entre la politique, les médias et la justice. Nous avons eu il y a quelques semaines le spectacle terrible de quelqu'un qui se retrouvait incarcéré à la Santé - on vient d'avoir encore des images très dures aujourd'hui - c'est-à-dire que la procédure française est une procédure obsolète. Tôt ou tard, cette procédure qui date du Moyen Age, qui est la procédure réquisitoire, devra faire place à une procédure accusatoire qui permettra à la défense de s'exprimer. M. Mitterrand, parce qu'il s'appelle M. Mitterrand, a autant droit à la défense que n'importe qui, qu'il s'appelle Jules ou Durand."
Vous pensez qu'il n'est pas bien défendu dans cette procédure ?
- "Il y a deux procès simultanés en réalité, il faut avoir l'honnêteté de le dire. Il y a le procès qui se déroule devant le juge et puis il y a le procès médiatique, la cage médiatique, qui est peut-être encore plus dur d'ailleurs à supporter que l'autre, sans doute, pour celui qui est mis en examen. J'attends avec impatience de lire dans la presse le PV puisqu'on a l'habitude désormais d'avoir les PV d'instruction. Je regardais ce matin, il n'était pas là et je me suis dit que sans doute les délais d'impression étaient trop longs ! Je pense que ce soir ou demain matin nous aurons le PV d'instruction. Quand dans une démocratie on fuit systématiquement le secret de l'instruction, c'est qu'il y a un vrai problème de procédure. Avec E. Balladur dans le débat sur la présomption d'innocence et avec des députés de gauche, nous avions fait des propositions ; je crois qu'il faut vraiment transformer notre procédure."
Autre sujet : vous êtes l'un des députés qui ont saisi le Conseil constitutionnel à propos de l'exonération de CSG sur les bas salaires. A la suite de cela, il y a eu cette annulation et hier, dans ce micro même, L. Fabius disait que 9 millions de personnes vont être privées d'une amélioration de leur pouvoir d'achat à cause de cette décision. Voilà ce que vous avez provoqué !
- "J'avais entendu madame Guigou déjà nous faire le même numéro à l'Assemblée nationale, j'ai été très surpris de voir M. Fabius, qui est un homme qui n'a pas l'habitude de forcer le ton de cette manière, tenir des propos que j'estime - je pèse mes mots - scandaleux. En effet, M. Fabius a bâclé le texte qu'il a présenté à l'Assemblée nationale, les parlementaires le lui ont dit, l'ont soutenu et l'ont contesté."
Il me semble que le Conseil d'Etat ne l'a pas contesté.
- "Le Conseil constitutionnel a fait son devoir, c'est-à-dire qu'il a rappelé le ministre des Finances et le Gouvernement à respecter la Constitution. A partir de sa propre erreur, aller dire que c'est la droite qui est responsable du coup porté à 9 millions de foyers, j'appelle cela de la basse démagogie. Je suis surpris qu'un homme comme M. Fabius se livre à des arguments qui sont des arguments de basse démagogie. En réalité, M. Fabius a mal préparé son texte parce qu'il l'a bâclé en perspective électorale ; il fallait aller vite, il fallait faire les propositions les plus alléchantes possibles de manière à ce que les municipales puissent se dérouler dans la manne donnée à partir de la CSG."
Et vous avez réussi à bloquer cela ?
- "La démocratie, c'est de respecter les règles, c'est aussi cela la démocratie."
En tout cas, le Gouvernement annonce qu'il va trouver une solution de rechange. Vous l'attendez au tournant ?
- "Non, on ne l'attend pas au tournant, mais je souhaite en tout cas qu'il ne prenne pas la même solution car nous sommes dans une complexité des aides qui devient telle qu'évidement tout devient difficile à analyser. Je suis favorable, comme la plupart des libéraux dans le monde, à ce qu'on appelle l'impôt négatif. Il faudra en rediscuter, mais il faudra en rediscuter sereinement et surtout pas sous le coup de ces campagnes permanentes dans lesquelles nous met le Gouvernement."
A propos de campagne électorale, comment va l'ambiance dans la campagne Séguin à Paris ? Je vous demande cela parce que Jacques Toubon a dit que c'était une ambiance de "terrorisme moral".
- "Je crois que Jacques Toubon réagit sous le coup de l'émotion. Il a été injustement mis en cause. P. Séguin a mis en place une règle du jeu, elle est difficile à accepter mais je crois qu'elle est importante pour montrer sa volonté de rupture et la nôtre."
Cette règle du jeu est que quand on est candidat tête de liste, on ne doit pas être sous le coup d'une mise en examen.
- " Oui, absolument. Il faut que Jacques Toubon, le temps passé, réalise que cette rupture s'applique aussi à lui, comme à d'autres. Je suis candidat aux élections municipales. Je suis troisième de ma liste dans le 16ème arrondissement, je suis député, je suis ancien ministre et je ne suis pas défrisé parce que je suis troisième. Donc, Jacques Toubon, deuxième dans le 13ème arrondissement, c'est un atout formidable pour la droite. J'espère que Jacques, qui est un ami personnel, reviendra sur ses déclarations un peu à l'emporte-pièce."
Et qui ne correspondent pas du tout à la réalité. L'ambiance est bonne dans cette campagne...
- "Je n'aurais pas le mauvais esprit de le dire. Non. L'ambiance est difficile, mais je pense que, à partir du mois de janvier, nous arriverons peut-être à cet affrontement démocratique entre la droite et la gauche, à cet affrontement plus serein, sur des bases plus sereines, entre P. Séguin et B. Delanoë. "
Quelque chose qui ne va pas simplifier les choses : dans le 12ème arrondissement - qui dit-on est un arrondissement clé pour votre campagne, votre bataille municipale -, Jean De Gaulle, l'un des petits-fils de qui on sait, député RPR, présente une liste dissidente contre celui qui a été désigné par P. Séguin.
- "Je voudrais dire simplement à tous ceux qui font des listes - c'est facile de faire des listes dissidentes - que l'objectif premier, essentiel, que nous demandent les électeurs, c'est de battre la gauche à Paris. Cela implique un certain nombre de sacrifices et quelquefois d'avaler des couleuvres et de digérer difficilement. La démocratie et la démocratie municipale c'est aussi cela, et la discipline aussi."
Il y a eu un autre sujet cette semaine : l'inversion du calendrier passée en première lecture. Vous attendez du Sénat et de la majorité de droite du Sénat qu'ils bloquent maintenant la proposition ? C'est possible ?
- "Cela s'est passé hier, vous avez vu que le Gouvernement n'a pas écouté les sénateurs qui voulaient discuter plus longuement de ce texte important. C'est un texte important, ce n'est pas un petit texte. L'inversion du calendrier, en réalité, c'est la règle du jeu pour les années à venir et probablement une évolution de la Vème République est en cause. Donc, ce n'est pas un texte qu'on peut écarter d'un trait de plume. Les sénateurs ont demandé à discuter, le Gouvernement veut passer en force et avec beaucoup de précipitation. Je le regrette et ce que je regrette encore, plus permettez-moi de le dire, c'est qu'à l'Assemblée nationale on ait quelques députés centristes"
25députés.
- "Les "centristes passe-muraille" ont prêté la main à une mauvaise affaire. Je dis très simplement, sans menace, que d'ici la deuxième lecture, ils discutent avec leurs électeurs. Les électeurs de l'opposition ne les ont pas élus pour donner un coup de main à M. Jospin. Quelle victoire formidable ce serait pour la droite, dans la perspective des municipales, des présidentielles et des législatives, d'infliger au gouvernement un camouflet en deuxième lecture !"
Vous pensez que les UDF en question peuvent revenir sur leur position, vous le pensez vraiment ?
- "Je le souhaite. Je le souhaite et j'espère que les électeurs feront pression sur eux pour qu'ils reviennent à une norme électorale plus classique, c'est-à-dire que les députés de l'opposition s'opposent sur un texte de ce genre qui est un grave texte. On essaie de le minimiser mais vous savez en politique, après avoir fait un mauvais coup il ne faut pas faire la chattemite ! "
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 27 décembre 2000)