Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur la situation économique de la presse d'opinion et les aides de l'Etat pour ce secteur, Paris le 23 novembre 2005.

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Circonstance : Assemblée générale du Syndicat professionnel de la presse magazine et d'opinion(SPPMO) à Paris le 23 novembre 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
L'an dernier, nous avions célébré ensemble, et débattu des " 60 ans d'action et de conviction " qu'incarne votre syndicat. Je me réjouis d'être à nouveau parmi vous aujourd'hui pour rappeler notre attachement commun à la presse d'opinion et souligner le rôle éminent qui est le sien dans la formation du débat public.
La simple lecture de la liste des titres membres du Syndicat professionnel de la presse magazine et d'opinion illustre ce qui me semble être la singularité première de votre organisation professionnelle, Monsieur le Président : la diversité des sensibilités, notamment culturelles et politiques, de vos adhérents. Le pluralisme d'expression prend ici tout son sens et la référence jusque dans l'appellation du syndicat à la presse d'opinion n'est pas le fait du hasard.
Et pourtant, c'est cette diversité même qui vous rapproche sur bien des points.
Je sais votre attachement à la solidarité qui, depuis la Libération, a cimenté la presse française et qui s'est manifesté à travers la création d'organismes coopératifs tels que les Nouvelles Messageries de la Presse Parisienne ou la Société Professionnelle des Papiers de Presse.
Je sais aussi Monsieur le Président, que votre syndicat est composé d'entreprises à la personnalité forte et soucieuses de leur indépendance.
Je sais également que, pour nombre de vos adhérents, la faiblesse des recettes publicitaires - qui bien évidemment n'est pas sans lien avec le choix courageux d'être une presse d'opinion - est une spécificité d'ensemble, parfois voulue, mais le plus souvent subie.
Bien évidemment, depuis la création de votre syndicat, le paysage de la presse s'est singulièrement transformé et lorsque l'on examine aujourd'hui l'environnement économique dans lequel évolue la presse, on ne peut manquer de constater combien l'équilibre des entreprises de presse s'est fragilisé.
La presse dans son ensemble et plus particulièrement la presse d'opinion traverse une période difficile, marquée par l'érosion du lectorat, une conjoncture publicitaire dégradée, tandis que les charges ne cessent de croître.
Conscient de cette fragilité, l'État consent actuellement, pour la modernisation de la presse française, un effort sans précédent. J'avais obtenu l'année dernière du Parlement que la loi de finances pour 2005 consacre à la presse des moyens exceptionnels par leur ampleur, à hauteur de 278 millions d'euros, en progression, à périmètre constant, de près de 30 % par rapport à l'année précédente, tandis que les seules aides directes à la presse faisaient plus que doubler.
Avec un budget total de 280 millions d'euros, le projet de loi de finances pour 2006, adopté le 7 novembre par l'Assemblée nationale, et que je défendrai prochainement devant le Sénat, consolide à la hausse l'effort sans précédent consenti cette année. Cette persévérance dans le soutien à la presse écrite, dans un contexte où les finances publiques restent fortement contraintes, marque la cohérence de l'action du Gouvernement et sa volonté d'accompagner des initiatives structurantes, susceptibles d'orienter durablement le secteur sur la voie du développement éditorial, de l'indépendance économique et du redressement.
Notre conviction, c'est que ces moyens doivent aller en priorité à la modernisation du secteur. Car c'est l'indépendance économique, la viabilité financière de chaque titre qui sont les meilleures garanties du pluralisme et de l'indépendance de la presse.
Cela vaut plus pour les quotidiens qui supportent des coûts de fabrication particulièrement élevés, mais cela vaut aussi pour l'ensemble des familles de presse.
J'avais tracé devant vous l'année dernière notre feuille de route pour 2005. Je souhaite saisir l'occasion que vous m'offrez de faire un premier bilan de cette action et de vous indiquer les pistes de travail que nous explorerons l'an prochain.
2005 a été en effet la première année d'application de nouveaux dispositifs d'aide.
Je sais l'importance que revêt, pour vous, la diffusion par abonnements. Signés le 22 juillet 2004, les accords État-Presse-Poste ont jeté les bases d'un nouveau mode de relations entre les éditeurs, La Poste et l'État.
Ils permettent d'assurer l'avenir du transport postal de la presse, de garantir l'égal accès de tous les lecteurs aux publications sur l'ensemble du territoire, de préserver les conditions du pluralisme, d'améliorer la qualité du service, de tenir compte aussi des exigences de rationalité économique qui s'imposent à tout opérateur.
Après une première année d'application, je me félicite que la première réunion de l'Observatoire constitué pour leur suivi ait été l'occasion d'en dresser un bilan globalement satisfaisant même si, à ce stade, un certain nombre de points restent à aplanir, s'agissant notamment de la mécanisation des envois de presse.
Outre les profondes mutations du dossier postal, où la presse d'opinion s'est particulièrement impliquée, nous nous sommes attaqués cette année avec vigueur aux difficultés du système de diffusion de la presse.
Nous avons créé une nouvelle aide à la modernisation du réseau des diffuseurs de presse, pour laquelle 3,5 millions d'euros ont été dégagés, afin d'accompagner la refondation lancée par le Conseil supérieur des messageries de presse. Ce dispositif, qui vient renforcer le plan global de consolidation du réseau mis en ?uvre par la filière elle-même, vise à soutenir les diffuseurs de presse dans l'effort de modernisation qu'ils doivent accomplir pour dynamiser leur performance commerciale, dont dépend directement la diffusion de la presse vendue au numéro. En 2006, le champ des investissements éligibles au titre de l'aide sera étendu à certaines dépenses liées à l'informatisation des points de vente, nécessaire pour améliorer la réactivité commerciale du réseau et la gestion des flux et des stocks. A cet effet, les crédits dédiés à cette aide augmenteront de près de 15 % par rapport à ceux de cette année.
Parallèlement, les autres fonds d'aide, dont la presse d'opinion bénéficie plus particulièrement, verront leur dotation globalement maintenue. Ils ont d'ores et déjà fait l'objet d'une modernisation importante afin d'en accroître l'efficacité. C'est le cas, notamment, du " fonds d'aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger " dont bénéficient nombre de titres présents ici aujourd'hui. Les aides ont été recentrées et ciblées sur des zones géographiques définies comme prioritaires.
C'est également le cas de l'ancien " fonds presse et multimédia " qui, sous sa nouvelle dénomination de " fonds d'aide au développement des services en ligne des entreprises de presse " doit continuer à aider les éditeurs, au moyen d'avances partiellement remboursables, à mettre à la disposition du public leur contenu éditorial sur support numérique. Le développement des services en ligne constitue en effet un enjeu majeur pour les entreprises de presse, à la fois pour diversifier leurs sources de revenus, mais aussi pour inverser la tendance à la baisse du lectorat. Un premier comité de sélection de ce fonds s'est tenu le 11 octobre dernier et les premières aides accordées sont en cours de versement.
La reconquête du lectorat passe évidemment par un effort spécifique et stratégique en direction des jeunes lecteurs.
Malheureusement, la presse française ne souffre pas que d'une désaffection du lectorat. L'une de ses faiblesses traditionnelles réside dans ses difficultés à mobiliser des capitaux suffisants pour développer des projets d'investissements répondant à ses besoins. En particulier, le défaut de fonds propres est une caractéristique récurrente des entreprises de presse.
C'est la raison pour laquelle j'ai décidé que plusieurs mesures nouvelles de nature à renforcer les fonds propres des entreprises de presse soient mises en ?uvre ou étudiées dès 2006, telles qu'une réduction d'impôt pour les personnes physiques qui décideraient de prendre des parts dans le capital de certaines entreprises de presse, ou l'application au secteur de la presse des dispositions de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Par ailleurs, la création d'un fonds de garantie dédié aux entreprises de presse au sein de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) devrait faciliter l'accès de ces entreprises aux prêts bancaires nécessaires au financement de leurs investissements.
Vous le voyez, plus que jamais, l'État accompagne les mutations que vit actuellement le secteur de la presse. Il le fait avec détermination, conscient d'?uvrer pour le bien de la démocratie elle-même. Il fait beaucoup mais il ne peut tout faire.
La question de l'avenir de la presse d'opinion se pose en effet d'abord à la presse elle-même. C'est la question de la qualité de l'information, de l'impératif de rigueur, de la satisfaction de lecteurs devenus plus exigeants en même temps que plus versatiles. C'est finalement le défi commun qu'ont à relever les politiques et les médias : convaincre jour après jour par l'action, par l'engagement, par la vérité des convictions et la réalité des faits, des citoyens qui ne s'en laissent plus compter.
Le défi à relever est grand, pour vous comme pour nous. Il n'en est que plus passionnant.
Je vous remercie. (Source http://www.culture.gouv.fr, le 24 novembre 2005)