Texte intégral
Q - J'aimerais vous interroger sur les deux positions sur lesquelles vous vous êtes rapprochée avec le Portugal concernant le budget et les perspectives du budget européen.
R - Sur le futur budget européen, qu'il faut maintenant arriver à déterminer assez vite, puisque 2007 approche, nous avions, le Portugal, la France et 18 autres pays, accepté la proposition luxembourgeoise et, pour cela, nous avions fait beaucoup d'efforts. Nous pensons qu'il est maintenant à la fois nécessaire et urgent que la présidence britannique fasse des propositions à ses partenaires qui soient de nature à permettre un accord, c'est-à-dire précises et partant de la base actuelle de négociations. La dernière proposition de la présidence luxembourgeoise avait été acceptée par la quasi-totalité des Etats membres. Ensuite, il faudra s'attacher pour le futur, pour après 2013, à revoir la structure des recettes et des dépenses. Donnons-nous le temps de le faire avec un rendez-vous peut-être en 2010. Il faudra certainement plusieurs années de négociations avant de refaire le système du budget pour une prise d'effet à partir de 2014.
Q - Vous avez parlé de convergence d'idées, c'est la bonne formule pour résumer ce rapprochement bilatéral entre la France et le Portugal ?
R - Vous parlerez, si vous voulez, de rapprochement, moi je crois que nous étions déjà très proches. Si ma visite a pu aider à ce que nous le soyons encore plus, j'en serais extrêmement heureuse. Traditionnellement, sur les questions européennes, nos points de vue sont pratiquement identiques. On l'a constaté sur le budget. Sur ce sujet, nous sommes, en effet, décidés à essayer de faire avancer les choses en parlant à nos partenaires, en parlant aussi à la présidence pour lui dire quelles sont ses responsabilités. Je pense que les conversations ont été utiles aussi sur les négociations commerciales internationales, pour rappeler quelles étaient les règles du jeu. Nous n'avons pas d'autre objectif que de faciliter un accord et pour cela la Commission doit avoir la latitude nécessaire, à l'intérieur de son mandat, mais elle doit aussi respecter le mandat qui lui est donné par les Etats membres.
Q - Vous estimez que les différentes propositions qui sont faites d'un point de vue budgétaire, mal expliquées, sont à prendre avec précaution au jour d'aujourd'hui en ce qui concerne la politique d'intégration en Europe ? C'est une question délicate, est-ce que vous avez aussi, deuxième partie de ma question, eu à rassurer les Portugais sur la situation en France ?
R - Sur la première partie de votre question, nous ne connaissons pas encore, par définition, le contenu du futur budget européen pour la période 2007/2013. La négociation n'est pas achevée, mais il faudra en effet être très attentif à ce que ce budget prenne en compte l'ensemble des dimensions, y compris la dimension sociale. Pour votre deuxième question, il est naturel que nos interlocuteurs, ici comme ailleurs, se posent des questions sur ce qui se passe en France depuis plusieurs semaines. Donc, il est normal que nous y répondions, que nous décrivions à la fois le phénomène en revenant sur ses causes autant que sur ses manifestations, et que nous rassurions nos partenaires sur ce qu'est la République, ce qu'est la détermination du gouvernement à prendre des mesures permettant le retour au calme, mais permettant aussi d'assurer une meilleure intégration de nos populations et tout simplement assurant le respect du pacte républicain.
Q - Vous vous trouvez confrontés à des opinions, au sein de l'Europe, faisant état de la " faillite " du modèle social français. Comment la France répond à ça ?
R - Ce ne sont pas des expressions qui ont été utilisées par nos interlocuteurs. Je vous le dis parce que vous me posez la question en ces termes, ni ici ni ailleurs, ou même en recevant des partenaires étrangers à Paris au cours des dernières semaines. La question ne s'est pas présentée en ces termes. Je crois que tout le monde est plus prudent. Il y a des difficultés, dans nos sociétés, à répondre aussi bien qu'il le faudrait aux aspirations d'une partie de nos citoyens qui parfois se sentent mal à l'aise dans la communauté nationale, se sentent l'objet d'exclusion ou de discrimination. Cela a été un phénomène français au cours de ces quelques semaines mais c'est un retour à l'apaisement que nous voyons maintenant depuis quelques jours. Cela doit conduire les uns et les autres à s'interroger sur la façon dont nos sociétés, d'une façon générale, peuvent donner non seulement une éducation, un logement, un emploi, des perspectives d'avenir à l'ensemble de nos citoyens, mais sur la façon dont nos sociétés doivent donner des repères. C'est peut-être ce qui a manqué le plus.
Q - Vous croyez qu'il y a eu une espèce d'inflammation des évènements dans le monde par la couverture médiatique que tout cela a eu, notamment aux Etats-Unis ?
R - Il est vrai que, souvent, le prisme des média est un prisme grossissant, je n'ai pas dit déformant, j'ai dit grossissant, ça on le sait. Il ne faut pas confondre l'image et le phénomène lui-même, le phénomène existe même s'il prend aujourd'hui une meilleure tournure et que, jour après jour, on voit l'apaisement revenir. Je ne rends pas responsables les média de ce qui s'est passé. Il y a un phénomène en soi auquel il faut répondre et nous déployons tous les efforts pour régler les choses où elles doivent être réglées et pas à rendre l'image responsable de ce qui se passe.
Q - Est-ce que vous envisagez que le Portugal soit plus intégré dans l'Europe par sa position sur l'ouverture des pays maghrébins, un grand dossier qui intéresse beaucoup les Portugais, avec des liens privilégiés qui se renforcent ? Est-ce que effectivement l'Europe n'aurait pas intérêt à jouer davantage ce régionalisme, ce terme, je ne sais pas, s'il est adéquat, mais qui peut faire sens ?
R - C'est un sujet important. Il est vrai que les relations entre l'Europe et tous ses partenaires de la Méditerranée sont importantes. En effet, votre pays fait partie des quelques pays en Europe qui, de par leur situation géographique, de par leur histoire et leur culture, sont plus sensibles que d'autres, comme nous le sommes aussi, à l'importance de ces relations euro-méditerranéennes. Nous en avons parlé hier pendant mes entretiens avec les autorités portugaises. Votre pays souhaite être actif dans cette vision européenne des relations de partenariat avec la Méditerranée. Nous le souhaitons aussi, donc cela n'est pas du tout un sujet qui nous oppose, au contraire nous faisons partie des quelques pays qui sont tout à fait mobilisés par ce défi, qui est un défi important pour l'Europe et pour son avenir.
Merci.
(Source http://www,diplomatie,gouv,fr, le 24 novembre 2005)