Entretien de Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, avec le quotidien bosniaque "Dnevi Avaz" du 18 novembre 2005, sur les relations euro-bosniaques et la perspective de l'adhésion des pays des Balkans à l'Union européenne.

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Circonstance : Déplacement en Bosnie-Herzégovine, le 18 novembre 2005

Média : Dnevni Avaz

Texte intégral


Q - Notre pays s'attend à ce que les négociations sur l'Accord de stabilisation et d'association débutent à la mi-décembre. Pouvez-vous commenter votre position et la position de votre pays sur l'adhésion de la Bosnie-Herzégovine à l'Union européenne ?
R - La Bosnie-Herzégovine a toute sa place dans la famille européenne. Sa situation géographique au coeur des Balkans, son histoire si étroitement mêlée à celle de notre continent en rappellent l'évidence. Depuis le Sommet de Zagreb en 2000, la vocation des pays des Balkans occidentaux à rejoindre l'Union européenne a été affirmée avec constance par les Etats membres. La France, avec ses partenaires, souhaite ainsi que la Bosnie-Herzégovine poursuive son cheminement vers l'Union, vers une Europe élargie pour constituer définitivement un espace de stabilité, de paix et de démocratie. En remplissant les conditions énoncées dans l'étude de faisabilité, la Bosnie-Herzégovine s'est donnée les moyens de négocier un accord de stabilisation et d'association. C'est une étape nécessaire et importante. La perspective est donc claire, mais il faut rappeler la nécessité de remplir toutes les conditions requises.

Q - Pensez-vous que les dispositions constitutionnelles actuelles sont compatibles avec l'adhésion de notre pays à l'Union européenne ? L'existence d'une présidence tripartite convient-elle à l'idéologie de la Communauté européenne ?
R - Le rapprochement avec l'Union européenne doit permettre d'aller au-delà d'une conception de la vie publique basée sur une répartition croisée entre territoires et communautés comme c'est encore le cas. L'édifice constitutionnel actuel se caractérise aussi par la redondance de structures. L'évolution nécessaire devra être menée par la Bosnie-Herzégovine elle-même et reposer sur une approche consensuelle. Nous suivons à ce titre avec intérêt les efforts en cours.
L'Union européenne doit pouvoir négocier avec un seul interlocuteur ce qui conduira la Bosnie-Herzégovine à utiliser son chemin vers l'Union européenne pour promouvoir un cadre institutionnel plus cohérent, privilégiant l'efficacité des institutions.

Q - Les deux questions suivantes sont posées par rapport au référendum qui s'est tenu, fin mai, dans votre pays. Que signifie cette décision des citoyens français ? Une position claire et précise ou une connaissance insuffisante de la politique d'adhésion ?
R - Le 29 mai dernier, les citoyens français n'ont pas refusé l'Europe, j'en suis convaincue, mais peut-être plutôt une certaine façon de la faire. Il est certain que nous devons mieux expliquer les enjeux européens et aussi trouver le moyen de mieux associer notre Parlement mais aussi les collectivités locales, les partis politiques, les partenaires sociaux et les représentants de la société civile. Par ailleurs, il est possible que le processus d'élargissement ait suscité des craintes et des interrogations parce que certains de nos compatriotes les perçoivent comme une fuite en avant, un processus que rien ne pourrait interrompre et qui échapperait à tout contrôle politique. Pour ce qui concerne les dix Etats qui nous ont rejoints l'année dernière, je voudrais que l'on comprenne davantage que leur adhésion est positive pour toute l'Europe et pour la France. Ce sont de nouveaux marchés et des perspectives de croissance. C'est aussi un mouvement historique vers la réunification du continent européen.

Q - Quel est votre pronostic en ce qui concerne le calendrier de l'adhésion des pays des Balkans à l'Union européenne ? Un avenir clair et rapide ou une intégration difficile et lente ?
R - Dès le Sommet de Zagreb en 2000, les pays de l'Union européenne ont affirmé la perspective européenne pour les pays des Balkans mais il ne peut y avoir de calendrier prédéterminé parce que cela dépendra d'abord et avant tout de leur évolution politique et économique. Dire que cela sera facile serait trompeur. Il n'y a pas de raccourci vers l'Union européenne. La responsabilité première est celle des pays qui veulent nous rejoindre qui doivent, pour cela, poursuivre leur transformation et respecter toutes les conditions requises, comme l'ont fait avant eux tous les pays aujourd'hui membres de l'Union européenne.

Q - Concernant la situation dans les banlieues françaises, peut-on trouver une solution efficace ?
R - Les événements que nous venons de vivre témoignent d'un malaise profond. La première nécessité est de respecter la loi et le retour au calme. C'est un préalable mais nous ne construirons rien de durable sans le respect mutuel et sans combattre les discriminations. Le devoir de la République est d'offrir partout et à chacun les mêmes chances alors que certains territoires cumulent trop de handicaps, trop de difficultés. Le gouvernement est à l'oeuvre. Il vient de prendre des décisions importantes pour l'éducation, le logement, la formation et la lutte contre les discriminations. Il s'agit nécessairement d'un effort de longue haleine et nous ne changerons pas les choses en profondeur sans l'engagement de chacun.

(Source http://www.diplomatie.fr, le 24 novembre 2005)