Texte intégral
Q - Qu'attendez-vous de la présidence autrichienne de l'Union européenne ?
R - La future présidence, il reste encore un mois de présidence britannique. On attend beaucoup de la présidence autrichienne, parce que l'Europe vit un moment un peu difficile. Il n'y a pas d'accord sur le budget, j'espère qu'on en aura un bientôt, et d'une façon plus générale, il subsiste un doute sur la construction européenne qui est partagé dans beaucoup de pays et donc la future présidence aura la responsabilité de redonner une impulsion à la marche de l'Europe et de permettre, sur un certain nombre de politiques concrètes, de projets concrets, de montrer aux citoyens que l'Europe les aide, qu'elle est efficace et qu'elle répond à leurs attentes.
Q - Pensez-vous que l'Autriche va hériter du Royaume-Uni le problème du budget 2007-2013 ?
R - J'espère que non. J'en ai beaucoup parlé avec Ursula Plassnik, et nous pensons qu'il est possible d'obtenir un accord sous présidence britannique et qu'il faut un accord le plus vite possible. C'est possible si le Royaume-Uni sait faire preuve d'esprit de responsabilité et fait une proposition à ses partenaires sur la base de la dernière proposition de la présidence précédente. Nous étions 20 pays sur 25 à avoir donné un accord. Donc en reprenant cette proposition comme base, et, avec quelques ajustements, on doit pouvoir trouver un accord. Il y a un élément-clé dans la négociation qui reste le rabais qui est consenti au Royaume-Uni par rapport à sa contribution normale, et qui, aujourd'hui, n'est plus justifié. Ce sont ses partenaires qui doivent le payer, y compris nos nouveaux partenaires qui viennent de nous rejoindre, qui sont pourtant moins riches que nous, donc ça n'est pas normal.
Q - Que pensez-vous de l'attitude du Royaume-Uni, qui s'obstine à ne pas régler cette question ?
R - Tout le monde commence à s'interroger. Lundi, à Bruxelles, il y a eu un Conseil Affaires générales et je crois que tous les partenaires du Royaume-Uni ont exprimé assez directement, très diplomatiquement mais directement, leur insatisfaction et leurs interrogations sur la méthode. En effet cinq mois ont passé sur six, il n'y a toujours pas de propositions, donc il est temps maintenant d'en faire, surtout qui soient bonnes et de nature à permettre un accord entre les Européens. L'Europe a besoin d'un budget, nous avons besoin de savoir où nous allons, et en particulier, les pays qui nous ont rejoint il y a un an ont besoin de faire leurs réformes, de programmer un certain nombre de grands travaux. Il faut les aider et maintenant le temps presse.
Q - Sur la question de la Constitution européenne : croyez-vous qu'il est possible d'avoir un référendum en France avant les élections présidentielles en 2007 ?
R - Je connais bien mon pays et mes compatriotes, et je n'imagine pas qu'il soit possible de redemander aux Français de se prononcer maintenant ou dans les mois qui viennent sur le même texte. Parce qu'ils nous donneraient la même réponse. Et peut-être même avec une majorité plus forte. Donc, nous devons, d'une part poursuivre un travail d'explication sur les enjeux de l'Europe, mieux en parler, associer davantage le Parlement, la société civile, les partenaires sociaux, et nous le faisons en France, mais aussi et surtout, nous devons faire avancer l'Europe. L'Europe retrouvera la confiance des citoyens le jour où elle montrera qu'elle est efficace, qu'elle est utile pour le développement économique, pour l'emploi, la sécurité, aussi bien la sécurité dans l'espace européen que ce qu'elle peut apporter sur d'autres territoires avec sa politique étrangère. Faisons avancer l'Europe, jour après jour, montrons qu'elle nous aide et ensuite on pourra se reposer les questions institutionnelles.
Q - Dans combien de temps pensez-vous qu'un nouveau référendum sera possible ?
R - Pour commencer à mettre l'Europe en marche avant, il faut le faire tout de suite, et ensuite se donner un peu de temps - le temps nous apporte aussi des réponses - et faire que tous nos citoyens comprennent mieux ce que leur apporte la construction européenne. On a eu ce vote négatif en France, on l'a eu également aux Pays-Bas. Mais vous savez bien qu'il y a au-delà de ces deux pays des interrogations générales dans l'ensemble des pays européens sur le sens de la construction européenne aujourd'hui. Trop souvent, on voit l'Europe dans ses aspects négatifs et on oublie ce qu'elle nous apporte. On oublie que c'est une formidable aventure positive pour nos générations, non seulement pour la paix, la stabilité, la réunification du continent européen, qui est une oeuvre majeure, et puis nos pays se portent mieux avec l'Europe que sans l'Europe, parfois on l'oublie, donc on va se remettre au travail.
Q - L'immigration est un autre problème auquel l'Europe est confrontée : votre ministre de l'Intérieur disait dans une interview que le modèle français d'intégration ne fonctionne plus. Que faut-il changer en France ?
R - C'est un problème complexe certainement. Je vais vous répondre en résumant aussi bien que je le peux ce que nous pensons : il est important de voir que la lutte contre l'immigration illégale est une condition de la bonne intégration des immigrants légaux. Il faut aider les immigrants légaux à bien s'intégrer dans la société française. Mais, entre autres choses, aussi en étant très vigilants et en luttant davantage contre les réseaux de l'immigration illégale, et il y en a beaucoup. Au-delà de ça, trop souvent, des territoires cumulent des problèmes et des handicaps en matière d'éducation, de logement, d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle. Beaucoup a été fait. C'est une oeuvre de longue haleine. Nous avions besoin, pour repartir sur de meilleures bases, d'avoir un retour au calme, et maintenant les choses se sont améliorées. Le gouvernement a pris des actions dans tous ces domaines : le logement, l'éducation et l'emploi, et nous savons qu'il faudra un peu de temps. Et puis, je vais vous dire honnêtement, directement et avec lucidité : nous avons aussi des problèmes de discrimination en France contre lesquels la République doit lutter davantage. Tout citoyen français, et souvent ce sont des citoyens français, doivent être à égalité de chances, de droits et de devoirs. Nous avons nous aussi un effort supplémentaire à faire.
Q - Et comment allez-vous leur donner cette égalité des chances dont vous parlez ?
R - Peut-être faire davantage pour un certain nombre de personnes qui veulent s'en sortir, qui travaillent, qui doivent être récompensées si elles font les efforts nécessaires.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 6 décembre 2005)