Texte intégral
Messieurs les chefs d'Etat,
Monsieur le Chancelier fédéral,
Monsieur le Président de la Commission,
Mesdames et Messieurs,
Après que le Chancelier ait présenté la manière dont il conçoit les prochaines étapes de la construction européenne et que le président de la Commission ait formulé quelques réflexions personnelles, je souhaiterais pour ma part ajouter quelques commentaires sur six points.
1) Première remarque : (comme le Chancelier l'a souligné), le Conseil européen de Nice a rempli sa mission : Les Quinze ont trouvé une solution à chacune des quatre questions qui étaient à l'ordre du jour de la Conférence intergouvernementale et ainsi ouvert la voie à l'élargissement. Ce n'était pas du tout acquis au départ : ces questions étaient sans doute les plus difficiles car elles touchaient au coeur du système institutionnel européen et donc aux équilibres fondamentaux définis depuis l'origine. C'est précisément pour cette raison que les 15 avaient échoué à les résoudre lors de la précédente CIG qui s'était achevée en 1997 à Amsterdam. Après cet échec, seuls trois pays, la France, la Belgique et l'Italie, avaient considéré que l'amélioration des institutions était indispensable au bon fonctionnement de l'Union élargie et donc un préalable à un nouvel élargissement. Cette nécessité s'est peu à peu imposée à tous et il a été décidé en 1999 de réunir une nouvelle CIG pour réaliser ce qui avait été manqué à Amsterdam : réformer la Commission, rééquilibrer la pondération des voix au Conseil, étendre le vote à la majorité qualifiée. Nous y avons ensuite ajouté l'assouplissement du mécanisme des coopérations renforcées car nous avons considéré que le système d'Amsterdam était trop contraignant pour qu'elles fonctionnent réellement. Or, elles constituent une garantie et même une opportunité pour l'avenir.
La France a accepté d'assumer la responsabilité de conduire et de mener à bien sous sa présidence cette négociation difficile. Elle a cherché à poser les problèmes du point de vue de l'intérêt européen et tenté d'obtenir de chacun les avancées indispensables à la solution. Cela n'a pas été facile mais tous les Etats membres ont fait un effort. L'accord de Nice est par définition un compromis, mais un compromis démocratique et positif, qui marque un progrès sur chacune des questions : le principe du plafonnement et la réorganisation de la Commission, une repondération qui est réelle et que nous n'aurons plus à rediscuter jusqu'à 27 membres, une extension de la majorité qualifiée qui fera qu'elle s'appliquera à environ 90 % des décisions communautaires, un assouplissement sensible des coopérations renforcées. C'est un point d'équilibre entre le possible et le souhaitable. Il doit être évalué en fonction du mandat et de l'objectif fixés par les Quinze et de la difficulté réelle des sujets, et non pas abstraitement, à l'aune d'attentes excessives ou d'annonces prématurées qui alimentent les déceptions de certaines institutions et des médias dans quelques pays. En réalité le résultat obtenu a démontré la capacité des Quinze, malgré la difficulté des sujets, à trouver un accord.
2) A présent, cet accord doit être ratifié. Il faut que toutes les ratifications soient achevées dans les 18 prochains mois. En France, nous avons déjà engagé les travaux en vue de cette ratification. Sur cette base, nous pourrons aller de l'avant, exploiter les potentialités du nouveau Traité et accueillir à partir de la fin 2002 les nouveaux membres qui seront prêts.
Dans l'immédiat, plusieurs chantiers importants nous attendent.
3) Je pense d'abord précisément à l'élargissement. A Nice les Quinze ont marqué leur volonté de tenir leurs engagements vis-à-vis des pays candidats : mettre l'Union en état de les accueillir. Aujourd'hui, il s'agit de poursuivre sérieusement les négociations d'adhésion de façon à réussir l'élargissement. A Nice, le Conseil européen a approuvé une stratégie, fondée sur un calendrier et une méthode. Le calendrier est ambitieux : il suppose que l'Union arrête sa position sur tous les chapitres, y compris les plus compliqués, dans les prochains 18 mois. Il devra être tenu. La méthode, elle, est rigoureuse, car c'est la seule manière de garantir que l'élargissement se fera au bénéfice de tous. La différenciation, sur la base des efforts accomplis par chaque candidat, doit rester le principe central de négociation. Nous devons maintenant retrousser nos manches et travailler sur le fond des sujets, comme nous avons commencé à le faire durant la Présidence française.
Dès 2003, les candidats qui auront parachevé les réformes courageuses déjà engagées, et seront ainsi prêts à reprendre les acquis communautaires, pourront donc entrer, les négociations étant conclues. Je souhaite que notamment la Pologne soit parmi eux.
4) Deuxième chantier pour l'année 2001 : la préparation de la mise en circulation des pièces et des billets en euros dans les douze pays de l'eurogroupe. Ce sera une étape fondamentale de la construction européenne. Nous devons poursuivre et amplifier le travail engagé sur le fonctionnement de l'Eurogroupe, qui devient l'interlocuteur politique indispensable à la gestion de l'Union économique et monétaire, et aller plus loin en son sein dans la coordination et l'harmonisation des politiques économiques.
5) Troisième chantier enfin : l'action extérieure de l'Union. Progressivement, l'Union acquiert la dimension d'un acteur complet sur la scène internationale. Les avancées réalisées ces deux dernières années dans le domaine de la défense sont les plus spectaculaires et l'entreprise de préparation est désormais achevée. Il s'agit maintenant de la mettre en oeuvre sans tarder dans tous ses volets, ce qui implique la même détermination des Quinze que durant la première phase, et le même esprit de dialogue avec la nouvelle administration américaine. Parallèlement, la mise en cohérence de nos moyens extérieurs, potentiellement très importants, et de nos ambitions politiques avance, sous l'égide du Conseil Affaires générales. Sous la Présidence française, nous avons engagé, grâce au commissaire Patten, une réforme globale des instruments communautaires, pour améliorer leur pertinence et leur efficacité. La crédibilité de l'Union dépend de notre détermination à rester mobilisés sur cet objectif. En même temps, pour renforcer en profondeur la politique étrangère commune, nous devrons oeuvrer au rapprochement progressif des mentalités et des conceptions des opinions publiques dans nos quinze pays tout en tirant profit de la richesse et de la diversité de nos diplomaties nationales. On en a vu des exemples concrets ces derniers mois, par exemple quand nous avons su accompagner ensemble le changement démocratique à Belgrade. Les sujets ne manqueront pas dans les mois qui viennent.
6) Je termine par le rendez-vous de 2004. Le chancelier et le président Prodi l'ont évoqué. Il n'est en effet pas trop tôt pour y réfléchir. Le débat devra se développer, en impliquant, comme l'a prévu la déclaration de Nice, toutes les parties intéressées, les institutions et les Etats membres, mais aussi les Parlements nationaux, les milieux économiques, universitaires, culturels, avant d'être traité et tranché le moment venu par les gouvernements. Nous avons trois ans pour tirer le meilleur parti de cette préparation en faisant preuve à la fois d'ambition, de sérieux et de sens des responsabilités. Les questions qui ont été retenues à Nice s'imposent d'elles-mêmes : il faut rendre plus lisible l'organisation des pouvoirs et des compétences en Europe C'est aujourd'hui une véritable exigence démocratique.
La France prendra toute sa part dans ce débat, en dialoguant avec tous, et comme toujours sur les questions importantes pour l'Europe, avec l'Allemagne. Elle aborde ce débat avec une ambition intacte et des objectifs simples : préserver dans l'Union élargie, dans l'intérêt de tous, tout ce que nous avons réalisé jusqu'ici ; organiser la possibilité d'aller plus loin chaque fois que l'action en commun est nécessaire et plus efficace ; établir plus clairement les responsabilités démocratiques dans les décisions européennes pour rapprocher les citoyens des institutions de l'Union.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2001)
Monsieur le Chancelier fédéral,
Monsieur le Président de la Commission,
Mesdames et Messieurs,
Après que le Chancelier ait présenté la manière dont il conçoit les prochaines étapes de la construction européenne et que le président de la Commission ait formulé quelques réflexions personnelles, je souhaiterais pour ma part ajouter quelques commentaires sur six points.
1) Première remarque : (comme le Chancelier l'a souligné), le Conseil européen de Nice a rempli sa mission : Les Quinze ont trouvé une solution à chacune des quatre questions qui étaient à l'ordre du jour de la Conférence intergouvernementale et ainsi ouvert la voie à l'élargissement. Ce n'était pas du tout acquis au départ : ces questions étaient sans doute les plus difficiles car elles touchaient au coeur du système institutionnel européen et donc aux équilibres fondamentaux définis depuis l'origine. C'est précisément pour cette raison que les 15 avaient échoué à les résoudre lors de la précédente CIG qui s'était achevée en 1997 à Amsterdam. Après cet échec, seuls trois pays, la France, la Belgique et l'Italie, avaient considéré que l'amélioration des institutions était indispensable au bon fonctionnement de l'Union élargie et donc un préalable à un nouvel élargissement. Cette nécessité s'est peu à peu imposée à tous et il a été décidé en 1999 de réunir une nouvelle CIG pour réaliser ce qui avait été manqué à Amsterdam : réformer la Commission, rééquilibrer la pondération des voix au Conseil, étendre le vote à la majorité qualifiée. Nous y avons ensuite ajouté l'assouplissement du mécanisme des coopérations renforcées car nous avons considéré que le système d'Amsterdam était trop contraignant pour qu'elles fonctionnent réellement. Or, elles constituent une garantie et même une opportunité pour l'avenir.
La France a accepté d'assumer la responsabilité de conduire et de mener à bien sous sa présidence cette négociation difficile. Elle a cherché à poser les problèmes du point de vue de l'intérêt européen et tenté d'obtenir de chacun les avancées indispensables à la solution. Cela n'a pas été facile mais tous les Etats membres ont fait un effort. L'accord de Nice est par définition un compromis, mais un compromis démocratique et positif, qui marque un progrès sur chacune des questions : le principe du plafonnement et la réorganisation de la Commission, une repondération qui est réelle et que nous n'aurons plus à rediscuter jusqu'à 27 membres, une extension de la majorité qualifiée qui fera qu'elle s'appliquera à environ 90 % des décisions communautaires, un assouplissement sensible des coopérations renforcées. C'est un point d'équilibre entre le possible et le souhaitable. Il doit être évalué en fonction du mandat et de l'objectif fixés par les Quinze et de la difficulté réelle des sujets, et non pas abstraitement, à l'aune d'attentes excessives ou d'annonces prématurées qui alimentent les déceptions de certaines institutions et des médias dans quelques pays. En réalité le résultat obtenu a démontré la capacité des Quinze, malgré la difficulté des sujets, à trouver un accord.
2) A présent, cet accord doit être ratifié. Il faut que toutes les ratifications soient achevées dans les 18 prochains mois. En France, nous avons déjà engagé les travaux en vue de cette ratification. Sur cette base, nous pourrons aller de l'avant, exploiter les potentialités du nouveau Traité et accueillir à partir de la fin 2002 les nouveaux membres qui seront prêts.
Dans l'immédiat, plusieurs chantiers importants nous attendent.
3) Je pense d'abord précisément à l'élargissement. A Nice les Quinze ont marqué leur volonté de tenir leurs engagements vis-à-vis des pays candidats : mettre l'Union en état de les accueillir. Aujourd'hui, il s'agit de poursuivre sérieusement les négociations d'adhésion de façon à réussir l'élargissement. A Nice, le Conseil européen a approuvé une stratégie, fondée sur un calendrier et une méthode. Le calendrier est ambitieux : il suppose que l'Union arrête sa position sur tous les chapitres, y compris les plus compliqués, dans les prochains 18 mois. Il devra être tenu. La méthode, elle, est rigoureuse, car c'est la seule manière de garantir que l'élargissement se fera au bénéfice de tous. La différenciation, sur la base des efforts accomplis par chaque candidat, doit rester le principe central de négociation. Nous devons maintenant retrousser nos manches et travailler sur le fond des sujets, comme nous avons commencé à le faire durant la Présidence française.
Dès 2003, les candidats qui auront parachevé les réformes courageuses déjà engagées, et seront ainsi prêts à reprendre les acquis communautaires, pourront donc entrer, les négociations étant conclues. Je souhaite que notamment la Pologne soit parmi eux.
4) Deuxième chantier pour l'année 2001 : la préparation de la mise en circulation des pièces et des billets en euros dans les douze pays de l'eurogroupe. Ce sera une étape fondamentale de la construction européenne. Nous devons poursuivre et amplifier le travail engagé sur le fonctionnement de l'Eurogroupe, qui devient l'interlocuteur politique indispensable à la gestion de l'Union économique et monétaire, et aller plus loin en son sein dans la coordination et l'harmonisation des politiques économiques.
5) Troisième chantier enfin : l'action extérieure de l'Union. Progressivement, l'Union acquiert la dimension d'un acteur complet sur la scène internationale. Les avancées réalisées ces deux dernières années dans le domaine de la défense sont les plus spectaculaires et l'entreprise de préparation est désormais achevée. Il s'agit maintenant de la mettre en oeuvre sans tarder dans tous ses volets, ce qui implique la même détermination des Quinze que durant la première phase, et le même esprit de dialogue avec la nouvelle administration américaine. Parallèlement, la mise en cohérence de nos moyens extérieurs, potentiellement très importants, et de nos ambitions politiques avance, sous l'égide du Conseil Affaires générales. Sous la Présidence française, nous avons engagé, grâce au commissaire Patten, une réforme globale des instruments communautaires, pour améliorer leur pertinence et leur efficacité. La crédibilité de l'Union dépend de notre détermination à rester mobilisés sur cet objectif. En même temps, pour renforcer en profondeur la politique étrangère commune, nous devrons oeuvrer au rapprochement progressif des mentalités et des conceptions des opinions publiques dans nos quinze pays tout en tirant profit de la richesse et de la diversité de nos diplomaties nationales. On en a vu des exemples concrets ces derniers mois, par exemple quand nous avons su accompagner ensemble le changement démocratique à Belgrade. Les sujets ne manqueront pas dans les mois qui viennent.
6) Je termine par le rendez-vous de 2004. Le chancelier et le président Prodi l'ont évoqué. Il n'est en effet pas trop tôt pour y réfléchir. Le débat devra se développer, en impliquant, comme l'a prévu la déclaration de Nice, toutes les parties intéressées, les institutions et les Etats membres, mais aussi les Parlements nationaux, les milieux économiques, universitaires, culturels, avant d'être traité et tranché le moment venu par les gouvernements. Nous avons trois ans pour tirer le meilleur parti de cette préparation en faisant preuve à la fois d'ambition, de sérieux et de sens des responsabilités. Les questions qui ont été retenues à Nice s'imposent d'elles-mêmes : il faut rendre plus lisible l'organisation des pouvoirs et des compétences en Europe C'est aujourd'hui une véritable exigence démocratique.
La France prendra toute sa part dans ce débat, en dialoguant avec tous, et comme toujours sur les questions importantes pour l'Europe, avec l'Allemagne. Elle aborde ce débat avec une ambition intacte et des objectifs simples : préserver dans l'Union élargie, dans l'intérêt de tous, tout ce que nous avons réalisé jusqu'ici ; organiser la possibilité d'aller plus loin chaque fois que l'action en commun est nécessaire et plus efficace ; établir plus clairement les responsabilités démocratiques dans les décisions européennes pour rapprocher les citoyens des institutions de l'Union.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 janvier 2001)