Texte intégral
S. Paoli Le "Grenelle de la santé" - puisque c'est ainsi qu'il est présenté - qui s'ouvrira demain sera-t-il fondateur de ce que devra être la médecine française dans vingt ans, adaptée aux connaissances nouvelles, inscrite dans une nouvelle géographie, plus respectueuse de la régionalisation, maîtrisant mieux ses dépenses tout en sachant rester accessible à tous les citoyens ? Mais comment les médecins et les patients partageront-ils leurs droits et leurs devoirs ? Ce "Grenelle de la santé" est un titre ambitieux sauf que demain, il sera un peu masqué par les manifestations de rue et par la question des retraites ?
- "Ce titre de "Grenelle de la santé" a été donné par la presse."
Ce n'est pas vous qui l'ambitionnez ?
- "Non, je pense que c'est une réunion importante mais ce n'est pas une réunion qui va être conclusive. Ce n'est pas une réunion de négociation, c'est une réunion que j'ai voulue avec les représentants de la médecine libérale, de la médecine de ville. Pourquoi ? Parce que dans ce domaine de la médecine de ville - que chacun connaît -, nous avons un système mixte qui combine à la fois des médecins libéraux - c'est très bien parce que chacun peut choisir son médecin - et en même temps un financement public. Il faut par conséquent que nous ayons un contrat pour bien faire marcher cette médecine de ville. Nous avons le devoir de rendre compte au Parlement, et donc à nos concitoyens, de la meilleure utilisation possible de l'argent public qui est utilisé. Et d'autre part, on voit que, alors que nous avons dépensé, mis, injecté dans le système plus de 100 milliards de francs depuis quatre ans, il y a un malaise des professions libérales dans le domaine médical ou paramédical d'ailleurs : c'est le cas des infirmières et des kinésithérapeutes. Donc, il faut analyser ce malaise et tacher d'y remédier. C'est paradoxal d'avoir un système qui est quand même un des meilleurs systèmes du monde mais qui présente des faiblesses. Par exemple, on ne fait pas assez pour la prévention, pas assez pour les soins dentaires ou pour les remboursement de lunettes. Il y a beaucoup d'argent et il y a néanmoins un malaise. Donc, je veux que nous parlions de cela et que nous disions que dès lors qu'il y a plusieurs acteurs, l'Etat à travers les financements publics, les usagers bien entendu qui réclament à juste titre les soins qui leur sont dus et les médecins, qu'il faut trouver un nouveau contrat pour bien faire fonctionner, pour mieux faire fonctionner cette médecine de ville. Voilà ce que j'espère. Cette journée sera suivie bien entendu d'un travail qui analysera aussi le lien entre cette médecine de ville et les hôpitaux - par exemple le problème des urgences, par exemple le problème des prescriptions hospitalières - ; qui verra comment mieux coordonner les soins parce que le malade a besoin que l'ensemble des personnes qui s'adressent à lui soient bien coordonnées, il a besoin d'être informé sur les traitements dont il bénéficie. Et puis naturellement, nous nous pencherons également sur d'autres sujets : la formation des médecins, la démographie médicale, qui sont des sujets de fond depuis longtemps."
Sujet central : la question de la solidarité qui se pose aussi sur les retraites. Le vieillissement de la population pose évidemment la question de la solidarité en matière de santé et du partage ?
- "C'est un phénomène de fond dans nos sociétés, que le Gouvernement aborde d'ailleurs sous plusieurs angles puisqu'il y a d'abord la volonté de maintenir les personnes âgées à domicile : c'est la multiplication des soins à domicile et le projet que prépare le Gouvernement sur la prestation autonomie pour les personnes âgées. Les personnes âgées dépendantes reçoivent aujourd'hui des prestations d'aide sociale qui sont très variables selon les départements. Il y a peut-être entre 150 000 et 200 00 personnes au maximum qui bénéficient, à des degrés très divers, de cette prestation dépendance. Il y a une très grande inégalité sur tout le territoire. Donc, ce que souhaite le Gouvernement - nous sommes en train de terminer le travail interministériel : le Premier ministre va rendre très bientôt ses arbitrages - , c'est une prestation qui sera égale pour tous, qui sera beaucoup plus importante que celle qui existe aujourd'hui et qui néanmoins maintiendra le lien de proximité puisqu'elle sera versée par les Conseils généraux. Nous avons là une très grande réforme, de très grande envergure, qui va permettre aussi de mieux définir le rôle des infirmières, des kinésithérapeutes, des aides sociales qui doivent intervenir pour les personnes âgées et évidemment d'accentuer notre politique de maintien à domicile. Ce sont tous ces sujets que nous examinerons, au fur et à mesure des travaux qui seront initiés par cette réunion demain."
Cela va vous faire une grosse journée parce que demain, c'est les retraites. Il n'y en aura que pour ça et peut-être même beaucoup de monde dans la rue. Dites-vous, comme le Premier ministre, qu'on est entré dans un protocole de "destruction sociale", parce que cela devient un sujet politique ?
- "Le Premier ministre a parlé de "déstructuration sociale." Je crois que c'est vrai que lorsqu'on regarde l'épreuve de force imposée par le Medef dans cette affaire, qui, en réalité, refuse toute discussion avec les syndicats qui, eux sont unis, c'est très inquiétant. C'est d'ailleurs très paradoxal parce que d'un côté on a le Medef qui clame sa volonté de faire comme il dit de la "refondation sociale" fondée sur un partenariat avec les syndicats et de l'autre, il impose son diktat. Ce que souhaite le Gouvernement, c'est que d'abord les négociations puissent reprendre puisque les retraites complémentaires sont un domaine qui est de la compétence des partenaires sociaux. Le Gouvernement ne souhaite pas empiéter sur cette compétence de partenaires sociaux. Evidemment, si ce blocage, qui ne cesse de se confirmer puisque vendredi dernier le Président de l'Unedic qui est affilié au Medef a refusé que l'Unedic verse les cotisations, si ce blocage devait perdurer et se confirmer, à ce moment-là, le Gouvernement prendrait ses responsabilités pour préserver les retraites des salariés."
Mais les prises de position du Premier ministre sont déjà une forme d'intervention dans le débat ?
- "Le Gouvernement dit : "Attention, nous souhaitons la reprise des négociations. Nous ne souhaitons pas prendre la place des partenaires sociaux mais nous ne pourrons pas accepter que la liquidation des retraites à 60 ans ne puisse pas être assurée." Ensuite qu'il faille réfléchir à l'avenir de retraites, certes mais ce n'est pas un problème immédiat. Il faut y réfléchir pour l'avenir puisque nous savons que le déséquilibre démographique aura lieu à partir de 2010, avec un pic certainement entre 2020 et 2040. Voilà les estimations des économistes aujourd'hui ; vous voyez que cela laisse tout le temps à la négociation. Ce sont des sujets suffisamment importants pour que précisément, on donne toute sa place à la discussion et à la négociation sans vouloir imposer dans la précipitation, par l'épreuve de force et par le diktat, le point de vue du Medef. J'ajoute d'ailleurs - et vous le souligniez vous-même tout à l'heure - que le patronat n'est pas monolithique dans cette affaire. La tactique suivie par le Medef soulève beaucoup de discussions dans les autres organisations patronales et chez les patrons eux-mêmes, parce que ce sont eux qui sont face aux salariés dans les entreprises."
Est-ce qu'il n'y a pas un autre point qui est un masqué - il se passe tellement de chose demain ! - : il y a aura le public et le privé dans la rue demain. Mais le public va marquer peut-être aussi au passage sa mauvaise humeur s'agissant des salaires dans la fonction publique ?
- "Il y a des négociations. M. Sapin a fait, au nom du Gouvernement, des propositions. Il y a des incompréhensions. Il s'agit de savoir quel rattrapage il faut avoir pour l'an 2000, compte tenu du fait que les accords précédents avaient donné une augmentation qui était supérieure ou qui s'est révélée supérieure à l'inflation. Et puis, il y a les propositions qui sont faites pour 2001 et 2002. Ce que souhaite le Gouvernement, ce qu'a dit M. Sapin, c'est qu'il faut essayer de voir cela dans un ensemble. Les discussions doivent donc continuer et j'espère que les points de vue pourront se rapprocher."
Il n'y a pas une instrumentalisation politique qui serait d'ailleurs dans les règles du jeu entre le Gouvernement et l'opposition ? Le Gouvernement disant : "Voyez le Medef, ce n'est pas bien ce qu'il fait" et au passage éludant la question centrale qui lui est posée par les fonctionnaires et les salaires de la fonction publique ?
- "Je crois que ce sont des négociations différentes. Ce sont d'un côté des négociations salariales, qui sont classiques et qui interviennent à intervalles réguliers entre le ministre de la Fonction publique et les syndicats de fonctionnaires. Et puis, vous avez d'autre part cette question de retraites qui n'a jamais posé de problèmes jusqu'à présent. La convention dont les syndicats et le patronat discute a été renouvelée sans interruption depuis 1983. En dernier lieu, elle venait à échéance en 1996. Donc, même si on est en droit de s'interroger sur l'avenir de retraites à l'horizon de 20 25, 30 ans, il n'y a aucune raison d'imposer unilatéralement une épreuve de force sur la liquidation de retraites, immédiatement, de gens qui vont partir à la retraite à 60 ans à partir du 1er avril. Je crois que véritablement c'est une attitude qui ne peut pas perdurer. J'espère que les négociations pourront reprendre avec les syndicats."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 24 janvier 2001)
- "Ce titre de "Grenelle de la santé" a été donné par la presse."
Ce n'est pas vous qui l'ambitionnez ?
- "Non, je pense que c'est une réunion importante mais ce n'est pas une réunion qui va être conclusive. Ce n'est pas une réunion de négociation, c'est une réunion que j'ai voulue avec les représentants de la médecine libérale, de la médecine de ville. Pourquoi ? Parce que dans ce domaine de la médecine de ville - que chacun connaît -, nous avons un système mixte qui combine à la fois des médecins libéraux - c'est très bien parce que chacun peut choisir son médecin - et en même temps un financement public. Il faut par conséquent que nous ayons un contrat pour bien faire marcher cette médecine de ville. Nous avons le devoir de rendre compte au Parlement, et donc à nos concitoyens, de la meilleure utilisation possible de l'argent public qui est utilisé. Et d'autre part, on voit que, alors que nous avons dépensé, mis, injecté dans le système plus de 100 milliards de francs depuis quatre ans, il y a un malaise des professions libérales dans le domaine médical ou paramédical d'ailleurs : c'est le cas des infirmières et des kinésithérapeutes. Donc, il faut analyser ce malaise et tacher d'y remédier. C'est paradoxal d'avoir un système qui est quand même un des meilleurs systèmes du monde mais qui présente des faiblesses. Par exemple, on ne fait pas assez pour la prévention, pas assez pour les soins dentaires ou pour les remboursement de lunettes. Il y a beaucoup d'argent et il y a néanmoins un malaise. Donc, je veux que nous parlions de cela et que nous disions que dès lors qu'il y a plusieurs acteurs, l'Etat à travers les financements publics, les usagers bien entendu qui réclament à juste titre les soins qui leur sont dus et les médecins, qu'il faut trouver un nouveau contrat pour bien faire fonctionner, pour mieux faire fonctionner cette médecine de ville. Voilà ce que j'espère. Cette journée sera suivie bien entendu d'un travail qui analysera aussi le lien entre cette médecine de ville et les hôpitaux - par exemple le problème des urgences, par exemple le problème des prescriptions hospitalières - ; qui verra comment mieux coordonner les soins parce que le malade a besoin que l'ensemble des personnes qui s'adressent à lui soient bien coordonnées, il a besoin d'être informé sur les traitements dont il bénéficie. Et puis naturellement, nous nous pencherons également sur d'autres sujets : la formation des médecins, la démographie médicale, qui sont des sujets de fond depuis longtemps."
Sujet central : la question de la solidarité qui se pose aussi sur les retraites. Le vieillissement de la population pose évidemment la question de la solidarité en matière de santé et du partage ?
- "C'est un phénomène de fond dans nos sociétés, que le Gouvernement aborde d'ailleurs sous plusieurs angles puisqu'il y a d'abord la volonté de maintenir les personnes âgées à domicile : c'est la multiplication des soins à domicile et le projet que prépare le Gouvernement sur la prestation autonomie pour les personnes âgées. Les personnes âgées dépendantes reçoivent aujourd'hui des prestations d'aide sociale qui sont très variables selon les départements. Il y a peut-être entre 150 000 et 200 00 personnes au maximum qui bénéficient, à des degrés très divers, de cette prestation dépendance. Il y a une très grande inégalité sur tout le territoire. Donc, ce que souhaite le Gouvernement - nous sommes en train de terminer le travail interministériel : le Premier ministre va rendre très bientôt ses arbitrages - , c'est une prestation qui sera égale pour tous, qui sera beaucoup plus importante que celle qui existe aujourd'hui et qui néanmoins maintiendra le lien de proximité puisqu'elle sera versée par les Conseils généraux. Nous avons là une très grande réforme, de très grande envergure, qui va permettre aussi de mieux définir le rôle des infirmières, des kinésithérapeutes, des aides sociales qui doivent intervenir pour les personnes âgées et évidemment d'accentuer notre politique de maintien à domicile. Ce sont tous ces sujets que nous examinerons, au fur et à mesure des travaux qui seront initiés par cette réunion demain."
Cela va vous faire une grosse journée parce que demain, c'est les retraites. Il n'y en aura que pour ça et peut-être même beaucoup de monde dans la rue. Dites-vous, comme le Premier ministre, qu'on est entré dans un protocole de "destruction sociale", parce que cela devient un sujet politique ?
- "Le Premier ministre a parlé de "déstructuration sociale." Je crois que c'est vrai que lorsqu'on regarde l'épreuve de force imposée par le Medef dans cette affaire, qui, en réalité, refuse toute discussion avec les syndicats qui, eux sont unis, c'est très inquiétant. C'est d'ailleurs très paradoxal parce que d'un côté on a le Medef qui clame sa volonté de faire comme il dit de la "refondation sociale" fondée sur un partenariat avec les syndicats et de l'autre, il impose son diktat. Ce que souhaite le Gouvernement, c'est que d'abord les négociations puissent reprendre puisque les retraites complémentaires sont un domaine qui est de la compétence des partenaires sociaux. Le Gouvernement ne souhaite pas empiéter sur cette compétence de partenaires sociaux. Evidemment, si ce blocage, qui ne cesse de se confirmer puisque vendredi dernier le Président de l'Unedic qui est affilié au Medef a refusé que l'Unedic verse les cotisations, si ce blocage devait perdurer et se confirmer, à ce moment-là, le Gouvernement prendrait ses responsabilités pour préserver les retraites des salariés."
Mais les prises de position du Premier ministre sont déjà une forme d'intervention dans le débat ?
- "Le Gouvernement dit : "Attention, nous souhaitons la reprise des négociations. Nous ne souhaitons pas prendre la place des partenaires sociaux mais nous ne pourrons pas accepter que la liquidation des retraites à 60 ans ne puisse pas être assurée." Ensuite qu'il faille réfléchir à l'avenir de retraites, certes mais ce n'est pas un problème immédiat. Il faut y réfléchir pour l'avenir puisque nous savons que le déséquilibre démographique aura lieu à partir de 2010, avec un pic certainement entre 2020 et 2040. Voilà les estimations des économistes aujourd'hui ; vous voyez que cela laisse tout le temps à la négociation. Ce sont des sujets suffisamment importants pour que précisément, on donne toute sa place à la discussion et à la négociation sans vouloir imposer dans la précipitation, par l'épreuve de force et par le diktat, le point de vue du Medef. J'ajoute d'ailleurs - et vous le souligniez vous-même tout à l'heure - que le patronat n'est pas monolithique dans cette affaire. La tactique suivie par le Medef soulève beaucoup de discussions dans les autres organisations patronales et chez les patrons eux-mêmes, parce que ce sont eux qui sont face aux salariés dans les entreprises."
Est-ce qu'il n'y a pas un autre point qui est un masqué - il se passe tellement de chose demain ! - : il y a aura le public et le privé dans la rue demain. Mais le public va marquer peut-être aussi au passage sa mauvaise humeur s'agissant des salaires dans la fonction publique ?
- "Il y a des négociations. M. Sapin a fait, au nom du Gouvernement, des propositions. Il y a des incompréhensions. Il s'agit de savoir quel rattrapage il faut avoir pour l'an 2000, compte tenu du fait que les accords précédents avaient donné une augmentation qui était supérieure ou qui s'est révélée supérieure à l'inflation. Et puis, il y a les propositions qui sont faites pour 2001 et 2002. Ce que souhaite le Gouvernement, ce qu'a dit M. Sapin, c'est qu'il faut essayer de voir cela dans un ensemble. Les discussions doivent donc continuer et j'espère que les points de vue pourront se rapprocher."
Il n'y a pas une instrumentalisation politique qui serait d'ailleurs dans les règles du jeu entre le Gouvernement et l'opposition ? Le Gouvernement disant : "Voyez le Medef, ce n'est pas bien ce qu'il fait" et au passage éludant la question centrale qui lui est posée par les fonctionnaires et les salaires de la fonction publique ?
- "Je crois que ce sont des négociations différentes. Ce sont d'un côté des négociations salariales, qui sont classiques et qui interviennent à intervalles réguliers entre le ministre de la Fonction publique et les syndicats de fonctionnaires. Et puis, vous avez d'autre part cette question de retraites qui n'a jamais posé de problèmes jusqu'à présent. La convention dont les syndicats et le patronat discute a été renouvelée sans interruption depuis 1983. En dernier lieu, elle venait à échéance en 1996. Donc, même si on est en droit de s'interroger sur l'avenir de retraites à l'horizon de 20 25, 30 ans, il n'y a aucune raison d'imposer unilatéralement une épreuve de force sur la liquidation de retraites, immédiatement, de gens qui vont partir à la retraite à 60 ans à partir du 1er avril. Je crois que véritablement c'est une attitude qui ne peut pas perdurer. J'espère que les négociations pourront reprendre avec les syndicats."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 24 janvier 2001)