Texte intégral
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux de prendre aujourd'hui la parole à l'occasion de ces premières rencontres parlementaires consacrées aux
biotechnologies.
Je tiens à saluer, pour la qualité de leurs travaux, tous ceux qui ont participé à cette rencontre ; je veux en particulier
féliciter de leur excellente initiative Jean-Yves Le Deaut et Jean Bizet ; vous accomplissez un travail capital pour éclairer
l'esprit public sur cette grande question.
Je ne reviendrai pas longuement sur les enjeux des biotechnologies ; vous en avez parlé toute la journée, -et je prêcherais
ici des convaincus !
I. Importance des biotechnologies
Qu'il s'agisse de lutter contre les maladies génétiques ?comme la myopathie- ou neurologiques ? comme la maladie d'Alzheimer
; qu'il s'agisse d'améliorer les rendements agricoles, de lutter contre la pollution par les pesticides ; qu'il s'agisse
encore d'inventer de nouveaux carburants, - les réponses aux problèmes contemporains, les voies d'avenir passent par les
biotechnologies.
Autrement dit, nous voyons que les recherches et les découvertes scientifiques les plus sophistiquées permettront demain de
répondre aux besoins les plus élémentaires, aux aspirations les plus fondamentales de l'humanité : allonger la vie, se
nourrir, respirer un air pur.
Le 21e siècle sera assurément celui des sciences du vivant et des technologies qui en sont issues. Tous ceux qui n'auront pas
pris pied sur ce territoire, qui n'auront pas affirmé leur position, seront contraints de suivre les autres et d'en être
dépendants.
Il ne sert à rien d'être le deuxième à trouver ! Il faut être le premier !
Or, je crois que sur ce sujet ?et vos rencontres parlementaires en témoignent- une prise de conscience a eu lieu : pendant
longtemps, les recherches génétiques, les manipulations de la vie, ont paru « inquiétantes », aux limites de la science
fiction et des aventures du Docteur Frankenstein !
Ces peurs sont en voie d'apaisement.
Pour une raison simple : l'opinion commence à mesurer les immenses avantages que l'humanité pourra retirer de ces conquêtes
scientifiques ; et ces craintes s'apaisent d'autant mieux que le législateur a pris le soin d'encadrer la recherche par un
principe essentiel -le « principe de précaution »- qui nous interdit de jouer les apprentis sorciers.
Je précise d'ailleurs que la précaution n'est pas une invitation à se détourner de la science, mais qu'elle suppose elle-même
un surcroît de science !
Bref, il est de plus en plus clair dans l'esprit public que la solution à nos difficultés ne passe pas par un repli
rousseauiste vers moins de science, vers moins de technologie !
Non, le remède, c'est plus de science, plus de technologie, et donc? plus de recherche !
La France est donc, je dirais, psychologiquement prête à lancer toutes ces forces dans un domaine, où, pendant des années,
nous avions pris un certain retard?
Mais pour jeter nos forces efficacement dans la bataille, nous devons disposer de structures adaptées, efficaces, offensives.
C'est tout l'objet du Pacte pour la recherche, qu'avec François Goulard, nous avons préparé avec de nombreux échanges avec le
président Valade et le président Dubernard. Nous sommes arrivés au terme de ce travail avec la présentation hier en conseil
des ministres, et ce matin en commission au Sénat, sous la présidence de Jacques Valade.
II. Une gouvernance de la recherche et de la technologie
Le Haut conseil de la science et de la technologie
Les enjeux pour la Nation sont tels que nous devons d'abord disposer d'une véritable « gouvernance » de la science et de la
recherche. Une gouvernance capable de trouver un équilibre entre :
? la recherche fondamentale, absolument nécessaire,
? les impératifs économiques et industriels,
? les attentes légitimes de la société tout entière.
Non pas qu'il faille tout diriger « d'en haut » dans le moindre détail ! Mais il importe que la Nation puisse déterminer les
grands objectifs qu'elle se propose en matière scientifique.
Sans entrer dans la définition des moyens ?cela va de soi !- les citoyens doivent pouvoir comprendre les grandes finalités de
la politique de recherche ; je dirais même qu'ils doivent pouvoir s'y retrouver.
C'est pourquoi il est nécessaire que les orientations nationales ne soient pas définies dans le secret, par les institutions
de recherche elles-mêmes, mais par le pouvoir politique, éclairé par le bon sens supérieur d'un comité de sages.
Une recherche solide, durable, énergique, c'est une recherche légitime !
C'est ce que nous permettrons en créant le Haut conseil de la science et de la technologie. Ce conseil, placé auprès du
Président de la République, donnera au pouvoir politique -responsable en dernière instance- les lumières nécessaires à la
définition d'une politique de recherche à longue portée, en résonance avec les aspirations de la société.
Je gage que les biotechnologies auront une grande part dans les réflexions et les préconisations de ce Haut conseil.
Une science responsable, qui affiche clairement ses objectifs, qui répond aux aspirations sociétales, c'est une science
politiquement légitime !
Chacun conviendra que les biotechnologies, plus que d'autres encore, ont besoin d'une grande légitimité pour se développer
sereinement ; elles risqueraient sinon de connaître de perpétuelles remises en cause, nourries par le soupçon du secret, le
fantasme de la machination.
Le remède, c'est donc la transparence.
n s'exposerait sinon à une remise en cause violente et définitive des avancées biotechnologiques, pour de mauvaises raisons.
Après la gouvernance, j'en viens à notre « force de frappe » scientifique.
Pour la faire jouer efficacement, nous avons besoin de mieux organiser nos pôles de recherche.
III. Augmenter notre masse critique
Vous le savez, nos centres de recherche (organismes et universités) souffrent actuellement de deux faiblesses.
1- Nos pôles universitaires sont trop petits pour être visibles et attractifs (d'où les classements internationaux peu
flatteurs pour nos universités, dont la presse s'est fait l'écho). 30% des publications de nos laboratoires passent à travers
les mailles du tamis des évaluations internationales.
2- Nous ne sommes pas assez visibles sur les grandes thématiques scientifiques, car nos acteurs, excellents pourtant, sont
trop dispersés.
Pour répondre à ces deux faiblesses ?qui sont souvent causées par une simple carence d'organisation- la clé est d'inciter les
acteurs à travailler plus ensemble pour affronter « la concurrence ».
C'est pourquoi nous mettons en place deux types de rapprochement :
Thématique : ce sont les campus : nous voulons permettre le regroupement des unités de recherche pour atteindre une masse
critique sur les grandes thématiques.
Géographique : ce sont les pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES); il s'agit d'inciter les acteurs travaillant
sur un même territoire à se regrouper pour renforcer l'efficacité de leurs actions et accroître leur reconnaissance
internationale.
Ces deux dispositifs nous permettront, notamment, de grossir le « c?ur recherche » des pôles de compétitivité, que vous
connaissez bien.
? Je pense en particulier au pôle « Meditech Santé » d'Île-de-France, dont le Génopôle d'Evry est partenaire ; le Téléthon
mettra prochainement en valeur son importance dans la lutte contre la myopathie.
? Je pense aussi à « Lyon Biopôle » -que le Président Dubernard connaît bien- et où les 11 laboratoires de l'université
Claude Bernard, de l'INSERM, du C.N.R.S. et de l'École normale supérieure vont pouvoir se rapprocher ; ils seront ainsi à la
hauteur des grandes plateformes mondiales de recherche.
? Je pense encore à « Alsace biotech » , où j'ai visité le Laboratoire de Jean-Marie Lehn, ainsi que l'université
Louis-Pasteur, qui pourront eux aussi, avec ces outils, gagner en surface et attractivité pour les étudiants, pour les
chercheurs, pour les financements.
? Je pense enfin au pôle « biocarburants » en Champagne-Ardenne et Picardie, dont François Loos vous a certainement parlé.
Dans tous ces sites, nous devons, grâce aux instruments que je viens de décrire, favoriser le rapprochement des capacités
scientifiques. Souvent le défi est purement administratif : il s'agit de rendre notre recherche visible, de faire se
rapprocher des gens qui se connaissent mais n'unissent pas toujours leurs forces -pour de simples raisons d'organisation.
Car tout le défi est là : rendre la recherche française repérable à la surface de la science mondialisée, de manière à
attirer les talents, et à enclencher un cercle vertueux.
Ce faisant, nous entamons une entreprise de grande ampleur : redessiner, avec les acteurs, le paysage de la recherche et de
l'industrie française du 21e siècle.
Dans un contexte qui est difficile, le Premier ministre a souhaité mobiliser des moyens sans précédent : l'effort cumulé, sur
les années 2005 à 2010, représentera 19,4 milliards d'euros supplémentaires ; il portera le budget annuel de la recherche à
24 milliards d'euros en 2010, soit 27 % de plus que le budget de l'année 2004 !
Pour l'an prochain, la loi de finances 2006, adoptée hier en première lecture par l'Assemblée nationale, dégage 1 milliard de
ressources en plus et crée 3 000 emplois supplémentaires.
Notre objectif est simple et se résume en un mot : synergie !
C'est à ce prix que nos laboratoires pourront signer des contrats de recherche pour les entreprises. À ce prix que nous
pourrons attirer les chercheurs étrangers, à ce prix que nous pourrons faire des découvertes décisives et conquérir dans
certains domaines l'avance qui fait la différence.
Il en va de notre place sur la scène scientifique internationale, de notre croissance, de nos emplois et du rayonnement de la
France dans le monde !
Je vous remercie.
(Source http://www.education.gouv.fr, le 28 novembre 2005)