Discours de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la coopération entre l'Union européenne et l'Afrique australe, l'accord de Cotonou, l'aide publique au développement, le règlement des conflits et la question des droits de l'homme en Afrique australe, Gaborone, Botswana, 29 novembre 2000.

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Circonstance : Cérémonie d'ouverture de la 4ème conférence ministérielle UE - SADC (Southern African Development Community), Gaborone, Botswana, le 3 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous dire combien il m'est agréable de me trouver aujourd'hui parmi vous à Gaborone. Je voudrais, au nom de l'Union européenne, remercier chaleureusement son excellence Monsieur le président de la République Festus Mogae, les autorités botswanaises et le Secrétariat exécutif de la SADC de leur accueil et des dispositions prises pour la tenue de la 4ème Conférence ministérielle UE/SADC.
Le chemin parcouru depuis la Conférence de Berlin en 1994 témoigne de notre détermination à construire entre nos deux régions un étroit partenariat, fondé sur des valeurs communes : respect des Droits de l'Homme et des principes démocratiques, bonne gestion des affaires publiques et solidarité.
Je souhaite que cette Conférence permette à la SADC et à l'Union européenne d'approfondir leur dialogue politique et leur coopération, au service de la paix et du développement.
Lors de notre dernière rencontre, à Vienne, en novembre 1998, les négociations de l'accord appelé à succéder à la Convention de Lomé étaient tout juste engagées. Après un processus long, difficile, mais fructueux, nous avons tous signé, le 23 juin dernier à Cotonou, un nouvel accord de partenariat, qui constituera la base de nos relations pour les vingt ans à venir.
Pour l'Union européenne, comme pour la SADC et les autres pays ACP, il importe désormais de faire vivre l'Accord de Cotonou et de préserver la dynamique qui nous a permis de parvenir à ce résultat. La France en a fait une priorité de sa Présidence. Par une série de mesures adoptées le 27 juillet dernier, nous avons garanti l'application anticipée de la plupart des dispositions de notre nouveau partenariat.
Nous avons placé au cur de notre approche l'encouragement à l'intégration régionale. L'intégration régionale permet d'abord de renforcer la paix et la stabilité. Mais ses bienfaits ne s'arrêtent pas là. Elle est aussi un moyen de s'insérer dans l'économie mondiale.
L'Union européenne est consciente des efforts qui seront nécessaires de la part de vos pays pour se préparer à la négociation de ces accords. C'est la raison pour laquelle un calendrier suffisamment long a été retenu et que nous avons exprimé la volonté de vous accompagner par des soutiens appropriés.
Nous sommes confiants dans la capacité de vos pays d'Afrique australe, qui se sont résolument engagés dans la voie de la construction d'une communauté de développement, à faire les choix qui garantiront le succès de la stratégie dont nous sommes convenus ensemble.
Les accords de partenariat économique que nous avons prévu de conclure d'ici 2008 offriront, j'en suis convaincu, un cadre à l'accroissement de nos échanges, mais également au développement de nouvelles coopérations entre nous dans d'autres domaines.
En signant l'Accord de Cotonou, nous avons également voulu renforcer l'efficacité de la coopération au développement de l'Union européenne. Il en allait de la crédibilité de notre partenariat aux yeux de l'opinion publique.
Souvent les Européens comprennent mal que tant d'efforts déployés, tant d'argent mobilisé, n'aient donné que des résultats décevants en termes de lutte contre la pauvreté. Dans vos pays, les populations s'interrogent parfois sur l'impact réel de cette solidarité.
C'est dans cet esprit de partenariat que nous avons décidé d'assouplir l'utilisation des ressources du Fonds européen de Développement et de donner une place accrue à la programmation de l'aide.
Mais l'Union européenne n'en est pas restée là. Elle a engagé un processus de réforme sans précédent qui s'est traduit le 10 novembre dernier par l'adoption d'une déclaration du Conseil et de la Commission sur la politique de développement de la Communauté.
L'Union européenne se donne ainsi les moyens d'accroître l'efficacité de son aide, en assurant une meilleure division du travail entre la Commission et les Etats membres, en se coordonnant davantage et en réformant ses méthodes et ses procédures, ainsi qu'elle s'y était engagée vis-à-vis des pays ACP.
L'Union européenne devrait par la même peser davantage dans les enceintes internationales de développement.
Il s'agit de mettre fin à la contradiction suivante : l'Europe représente plus de la moitié de l'aide publique au développement mondiale, mais l'influence qui est la sienne dans les grandes enceintes où l'on parle de développement n'est pas à la mesure de cette contribution.
Je voudrais réaffirmer la solidarité de l'Europe envers l'Afrique et les pays de la SADC. La nouvelle approche européenne devrait se traduire par un dialogue renforcé entre nous sur vos stratégies de développement et le concours que l'Union est prête à apporter à leur mise en uvre. Il n'est pas question d'affaiblir la relation privilégiée que l'Europe a et continuera d'avoir avec les pays africains.
Dans le même esprit d'adaptation aux nouveaux défis du développement, la solidarité européenne doit absolument prendre en compte le fléau que représente le SIDA. Le SIDA n'est pas seulement un problème de santé, c'est une question de survie pour vos pays. Les ministres européens du Développement ont, le 10 novembre, précisé la position de l'Union dans la lutte contre les maladies transmissibles et, en particulier, contre le SIDA, en définissant une approche globale qui inclut la question cruciale de l'accès aux soins. Il s'agit, là encore, d'une nouvelle orientation qui devrait conforter la coopération entre l'Union européenne et la SADC.
Mesdames et Messieurs,
Toute politique de développement nécessite un environnement stable et sûr.
Or, l'Afrique connaît le plus grand nombre de conflits, de pertes en vies humaines, de destructions. Six des 22 millions de réfugiés dans le monde sont africains et plus de 2 millions de ses enfants sont handicapés à vie par les mines antipersonnel.
Les images que diffusent quotidiennement les médias frappent l'opinion internationale et occultent par la même les progrès réels accomplis dans le même temps sur votre continent.
Ces conflits trouvent souvent leur cause dans un partage inéquitable des ressources et une volonté d'accaparement du pouvoir. Une fois déclenchés, ils alimentent les trafics et disloquent les cadres familiaux et sociaux. L'insertion de l'Afrique dans l'économie mondiale s'en trouve détournée de la manière la plus néfaste. Ces modes d'enrichissement immédiat ne peuvent que se révéler destructeurs sur le long terme.
La prévention et le règlement des conflits qui frappent le continent constituent donc des conditions indispensables à son développement.
Disposant de la légitimité et de l'expertise en ce domaine, les Nations unies sont au cur de la "culture de prévention". Ce rôle central ne doit cependant pas exclure la nécessaire coordination avec les organisations régionales.
A chaque niveau, tous les instruments à notre disposition doivent être utilisés : en amont, les actions sur l'environnement politique, économique et social, l'alerte précoce et l'action diplomatique préventive ; en aval, le déploiement de troupes et les mesures de reconstruction de la paix.
Cette stratégie globale doit également intégrer des embargos ciblés sur les trafics liés au pillage des ressources nationales, des mesures contre les chefs de guerre et la suppression des aides financières aux gouvernements qui ne respectent pas leurs engagements internationaux.
Depuis une décennie, la multiplication d'opérations de plus en plus complexes, intégrant aux missions classiques de rétablissement et de maintien de la paix, celles, beaucoup plus larges, de consolidation de la paix, rend nécessaire le renforcement des moyens mis à la disposition de l'ONU.
Les chefs d'Etat et de gouvernement réunis à New York pour le Sommet du Millénaire ont convenu de renforcer les capacités de l'ONU de conduire efficacement les activités essentielles de maintien de la paix. Il nous faut maintenant mettre en uvre rapidement les propositions de l'excellent rapport du groupe d'experts de haut niveau présidé par M. Brahimi.
Je l'ai déjà évoqué, les organisations régionales africaines doivent être étroitement associées à ce renforcement souhaitable des capacités de l'Organisation des Nations unies.
La réflexion, lancée conjointement en 1997, par les Nations unies et par l'Organisation de l'unité africaine, a souligné qu'il appartenait en premier lieu aux Africains d'agir en cas de crise.
L'Union européenne est consciente que cet engagement ne peut, à ce stade, se passer de l'appui international. Elle a fait de la prévention et du règlement des conflits en Afrique une priorité. Cette détermination s'est exprimée au travers de multiples initiatives - communautaires ou bilatérales, en direction d'Etats ou de régions - qui sont toutes destinées à favoriser le développement des moyens d'action de l'Afrique en faveur de la consolidation durable de la paix.
Une telle politique volontariste et globale intègre bien sûr le soutien aux Droits de l'Homme, à la démocratie et à la bonne gestion des affaires publiques, une attitude responsable en matière d'exportation de matériel militaire et, surtout, une attention accrue portée aux besoins de ce qu'il est convenu d'appeler le post-conflit, en particulier la démobilisation et la réinsertion des combattants, le déminage et le démantèlement des trafics.
L'Union européenne attend en retour de ses partenaires le plein respect des engagements internationaux et une réelle volonté politique de rejet de la violence. A cet égard, force est de constater que les réalités de terrain sont souvent en décalage par rapport aux discours officiels.
Sur toutes ces questions importantes, dont dépendent le développement et le renforcement de la paix en Afrique, je me réjouis naturellement que des discussions approfondies soient aujourd'hui engagées entre l'Union européenne et la SADC.
Mesdames et Messieurs,
L'intégration régionale de l'Afrique australe progresse, et je m'en félicite. Forte de 200 millions d'individus et d'atouts reconnus, votre région gagnerait à ce que s'apaisent durablement les foyers de tension qui frappent encore certains de vos Etats membres.
Lors du Sommet du Millénaire, les dirigeants de la planète ont marqué leur volonté d'uvrer à l'émergence d'une mondialisation plus humaine. Ils ont également exprimé leur préoccupation face à l'intensité, le nombre et la pérennité des crises en Afrique.
Il nous appartient à tous de donner corps à cette solidarité internationale. Nous ne pouvons laisser se creuser davantage l'écart entre riches et pauvres. Nous ne pouvons négliger le fait que le maintien de la paix est un préalable au développement. Le dialogue entre l'Union européenne et les organisations régionales africaines participe pleinement de cette ambition.
A l'heure où, les uns et les autres, nous réfléchissons à l'adaptation de nos institutions aux évolutions du monde, je souhaite que notre 4ème rencontre soit l'occasion pour nos deux organisations de consolider leur relation de confiance amicale et de réaffirmer leur engagement mutuel en faveur de l'épanouissement de la personne humaine.
J'avais fait état, à Paris, lors de la réunion des hauts fonctionnaires, de mon credo "d'Afro-réaliste de progrès". Soyez assurés que le co-président de la conférence ministérielle que je suis aujourd'hui reste sur cette ligne et que j'aurai à cur de contribuer à rendre nos débats opérationnels et fructueux.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1er décembre 2000)