Déclaration de Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, sur la position et les propositions du MEDEF concernant le système de protection sociale et la régulation de l'économie, Paris le 12 décembre 2005.

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Circonstance : Discours d'ouverture des Entretiens de l'assurance organisé par la FFSA (Fédération française des sociétés d'assurances) à Paris les 12 et 13 décembre 2005.

Texte intégral


Mesdames et Messieurs
Je voudrais d'abord dire que ma joie d'être ici, avec vous ce matin, n'est pas feinte.
Vous, les assureurs n'exercez pas n'importe quel métier. Je pense qu'on peut considérer qu'historiquement vous avez été la première activité de services. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y a pour votre métier des enjeux de réputation, assez sensibles parfois. Parce que vous avez été parmi les premiers à devoir subir la comparaison avec l'industrie, avec le monde de la production. Mais c'est justement pour cette raison que vous êtes des pionniers en matière de services. Parce que vous êtes un des secteurs qui constituent, selon moi, une des fiertés de notre économie nationale et parce que vous avez une grande capacité de développement en France comme à l'étranger, je tenais absolument ce matin à venir vous saluer, vous rendre hommage et lancer vos journées des Entretiens de l'assurance.
C'est pour toutes ces raisons, et aussi parce que votre soutien, pendant ma campagne électorale, qui s'est conclu par mon élection à la présidence du MEDEF, a été tout à fait décisif. Je ne l'oublie pas et ferai en sorte, à chaque instant, d'être à la hauteur de la confiance que vous m'avez accordée.
Vous êtes des entreprises de service, vous êtes des chefs d'entreprises, vous assurez une prestation auprès des particuliers comme auprès des entreprises.
Vous savez donc à quel point il faut s'adapter sans cesse à des marchés qui évoluent, à des clients qui changent, à un monde qui se transforme comme, peut-être, nous ne l'avons jamais connu à l'échelle de l'histoire humaine.
Et c'est parce que vous êtes de véritables entreprises, exerçant dans un marché concurrentiel, que vous avez vocation à faire valoir vos propositions dans tous les domaines, et notamment en matière de protection sociale. Vous le faites souvent avec talent et avec conviction. Je ne peux vous dire qu'une chose : poursuivez et n'hésitez pas à être iconoclastes !
Je mesure le redoutable honneur d'introduire aujourd'hui vos Entretiens. Ces rencontres annuelles sont devenues une référence majeure et la liste de vos débats, la qualité de vos intervenants sont tout à fait remarquables.
J'évoquerai quelques sujets d'actualité mais auparavant, je voudrais simplement vous dire à quel point je considère que l'assurance est essentielle au développement économique. Il est très important à cet égard que les entreprises puissent disposer d'une offre à la hauteur de leurs besoins. Un des problèmes les plus difficiles à résoudre dans le futur risque en effet d'être celui de la rareté de l'offre d'assurances pour les entreprises. Cette réticence à couvrir le risque d'entreprise, en raison de l'accumulation des incertitudes dans ce domaine, juridiques notamment, peut se traduire par un délaissement de ce marché, contrairement à celui des particuliers qui ne fait que croître. Il s'agit d'un problème d'assurabilité économique, pas d'un problème technique. Il en est d'autant plus difficile, et je rejoins totalement les préoccupations exprimées sur ce point par Gérard de la Martinière.
Les sujets d'assurance sont au c?ur de nombre de nos problèmes sociaux du moment : avenir de l'assurance-maladie, évolution des assurances retraite, réforme en cours de l'assurance-chômage. Ce sont là des sujets de société, comme des sujets économiques, majeurs, dont la plus ou moins bonne résolution aura des conséquences fondamentales sur la capacité de notre pays à s'adapter, comme sur la capacité de nos concitoyens à croire de manière plus positive, plus enthousiaste en l'avenir.
Je souhaiterais, à cet égard, faire trois réflexions :
La première, c'est que la pire des stratégies collectives est de nier le risque. Le risque est au c?ur de la vie, le risque est au c?ur de l'action, le risque est au c?ur de l'emploi. Il ne faut pas chercher à le faire disparaître, mais il faut en minimiser les effets, à un prix raisonnable pour chacun, et qui incite à une véritable prévention.
Je suis à cet égard très inquiète de la multiplication récente de termes, de concepts comme la « sécurité sociale professionnelle » ou la « sécurisation des parcours professionnels ». Concepts conçus, termes inventés par certains syndicats de salariés et que les pouvoirs publics reprennent à leur compte à mon avis sans véritable réflexion sur leur signification réelle. Car ces termes « sécurité sociale professionnelle » ou « sécurisation des parcours professionnels » renvoient à un modèle qui est supposé parfait, mais qui n'est pas le nôtre, celui de la fonction publique. Ces modèles sont négatifs, démobilisateurs et à ces concepts nous préférons utiliser ceux de dynamisation, pour bien montrer qu'il y a des enjeux et que c'est par l'action que nous arriverons à relever ces défis.
En effet, nous savons que désormais chaque salarié devra, dans sa vie, exercer plusieurs métiers, passer dans plusieurs secteurs d'activité économique et, bien souvent, dans plusieurs entreprises. Parce que les marchés changent, parce que les produits se renouvellent, parce que les clients sont, chaque jour, plus exigeants et changeants, les emplois, eux aussi, évoluent. Et ils évoluent de plus en plus vite. Il y a des métiers qui, il y a cinq ans, n'existaient pas. Il y a des métiers qui, dans deux ans, existeront et que nous ne connaissons pas encore. C'est pourquoi, les maîtres mots de demain, mais je dirais même d'aujourd'hui, ne doivent pas être sécurisation mais, au contraire formation, innovation, dynamisation, adaptation.
Il faut rassurer nos concitoyens, en les aidant à s'équiper pour leur avenir. Il ne faut en aucun cas leur faire croire que l'Etat s'occupera de tout, à la moindre difficulté. Il faut rassurer sans tout pouvoir garantir.
Pour que notre société change, il faudra que les entreprises prennent toute leur part à ce mouvement, notamment en donnant une image d'elle-même peut-être différente, peut-être moins égoïste, peut-être moins arrogante, peut-être plus impliquée. C'est pourquoi le MEDEF, dans cette perspective, s'engage parce qu'il considère que l'entreprise est au c?ur de la société. Certes, l'entreprise n'est pas une "loi de 1901" qui peut avoir une vocation purement philanthropique. C'est une organisation qui a un objectif premier : faire du profit. Mais, pour autant, l'entreprise n'est pas éloignée de la société. L'entreprise ne peut pas se déconnecter de son environnement immédiat. C'est dans cette perspective que j'ai créé, au MEDEF, une commission "Entreprises et société". C'est aussi dans cette perspective que, très tôt, dès le 29 août, c'est-à-dire quelques semaines après mon élection j'ai proposé aux syndicats de salariés d'engager une négociation sur la diversité en entreprise.
Ma deuxième réflexion est directement liée à la négociation en cours sur l'UNEDIC, mais peut s'appliquer à une grande partie des sujets de protection sociale. Je crois qu'il est important et qu'il est temps d'arrêter de faire croire qu'il n'y a pas de limites aux coûts des assurances collectives. Mois après mois, le total de nos dépenses consacrées à la protection sociale continue à augmenter : un dixième de point pour les accidents du travail, autant pour les retraites du régime général ou pour les retraites complémentaires, sans compter les augmentations incontrôlées, intempestives, du versement transport. Le résultat de tout ceci est clair : notre coût du travail augmente inexorablement, y compris vis-à-vis de notre voisin allemand qui avait la réputation d'avoir un des coûts du travail les plus élevés du monde occidental. Et aujourd'hui, nous avons pratiquement rejoint l'Allemagne sur ce point. Nous sommes désormais 10 % au dessus de la zone euro et 30 % au dessus du niveau des États-unis. C'est pourquoi, je le dis très clairement : le MEDEF ne peut pas souhaiter la fausse solution de facilité qui lui est proposée aujourd'hui pour l'UNEDIC : accepter des économies en échange d'une nouvelle augmentation des cotisations.
Le MEDEF ne peut pas souhaiter l'accepter parce que toute augmentation des cotisations sociales serait, pour toutes les PME de France, celles qui sont aujourd'hui dans une situation financière difficile, ou au contraire, celles qui sont le creuset du développement et des embauches de demain, un nouveau signal défavorable à l'expansion et à l'emploi, qui ne ferait donc à nouveau que dégrader à terme, voire même à très court terme, la situation financière de l'Unedic : toutes les PME de France.
J'insiste depuis longtemps sur l'idée que les vrais intérêts sont les intérêts partagés. C'est pourquoi je pense qu'il n'est pas plus dans l'intérêt des salariés que dans celui des employeurs de subir une augmentation des cotisations sociales sur l'assurance chômage. Pas plus dans l'intérêt des salariés que dans celui des employeurs parce que, pour les salariés, accepter, par exemple, une augmentation de 0,1 % équivaudrait à une perte de pouvoir d'achat globale de 450 millions d'euros sur un an.
Face à un régime social en difficulté, le premier réflexe doit être, comme dans une entreprise, de voir quelles dépenses existantes supprimer, quel système d'indemnisation réformer, quelle facilité remettre en cause. Et tout le monde sait que des marges existent, que nos systèmes d'aides à l'emploi peuvent être encore optimisés pour rapprocher le demandeur d'emploi de l'entreprise, et non pas rapprocher le demandeur d'emploi de l'administration du service public de l'emploi et pour faire en sorte que le système de suivi soit renforcé et amélioré. Or, je pense que le chômage en France n'est pas un phénomène inéluctable. La plupart de nos voisins ont su, par une politique de réformes fortes, et notamment une réforme du marché du travail, abaisser significativement leur niveau de non emploi. Notre défi aujourd'hui, c'est de faire aussi bien, en augmentant le taux de notre croissance potentielle et en enrichissant le contenu en emplois de cette croissance. Les décisions récemment prises en matière de Contrat Nouvelle Embauche, mais aussi de fiscalité des revenus et du patrimoine vont clairement dans le bon sens. Poursuivons et amplifions ce mouvement, plutôt que de se résigner aux mauvaises recettes d'autrefois.
Il est important de ne pas vouloir en permanence rafistoler des situations qui ne nous conviennent pas : nous devons au contraire en inventer de nouvelles.
Ceci est vrai de l'assurance-chômage, mais aussi d'autres régimes comme l'assurance maladie. A quand une vraie réforme de l'hôpital public pour maîtriser des coûts grandissants ? A quand une meilleure connaissance des coûts et une vraie mise en concurrence ? A quand le sentiment d'une vraie politique d'ensemble, maîtrisant sur le long terme la charge collective de la politique de santé ?
Nous avons besoin d'imaginer un nouveau modèle, plus efficace et pas forcément plus coûteux qui, là aussi, rassure nos concitoyens sur la pérennité de leur système de protection sociale.
Ma troisième et dernière réflexion est plus générale. Lorsque j'ai été élue, il y a quelques mois, j'ai notamment pris trois engagements, issus de plusieurs mois de rencontre avec le terrain : plus d'économie, plus de PME, et plus de méthodes. Aujourd'hui, je pense plus que jamais que c'est la voie indispensable pour aller de l'avant et retrouver de l'allant.
Plus d'économie, car sans performance économique, il ne peut y avoir ni solidarité efficace, ni progrès social. Alors, plutôt que de vouloir bâtir de nouvelles lignes Maginot contre la globalisation, cherchons plutôt à en saisir les opportunités. Développons les exportations, notamment de services, en exigeant l'ouverture des frontières des pays les plus protectionnistes. Multiplions les pôles de compétitivité pour créer de nouvelles opportunités de croissance. Et surtout, à propos de ces pôles de compétitivité, laissons les entrepreneurs et les chercheurs agir ensemble. Ne multiplions pas les interventions étatiques et bureaucratiques qui pourraient mettre leur avenir en péril. Réformons nos systèmes juridiques les plus archaïques, pour mieux attirer les autres et faciliter nos adaptations. Et instaurons un véritable dialogue économique, car nous devons faire de la pédagogie. Avec le grand public mais aussi avec des publics ciblés qui nous ignorent ou ne nous comprennent pas. Je pense aux enseignants, aux magistrats ou aux élus et notamment aux élus locaux.
Plus de PME ai-je dit, car la réalité économique et l'avenir économique passent par là. Une taxe nouvelle, une réglementation nouvelle, ce sont bien sûr des coûts supplémentaires pour les très grandes entreprises. Mais pour une PME, c'est souvent ce qui peut conduire à supprimer une embauche prévue, à renoncer à un investissement budgété, voire parfois à mettre en péril sa pérennité. J'ai la chance de diriger deux PME, l'une dans le domaine des services l'autre, dans l'industrie. Je peux vous dire à quel point ce sont des êtres fragiles, mais aussi à quel point elles ont un potentiel extraordinaire. Faisons en sorte que les pouvoirs publics nous laissent développer pleinement nos capacités et nos potentialités. Penser à l'avenir des PME c'est aussi penser à la succession des chefs d'entreprises qui dirigent aujourd'hui nos PME. Nous savons que 700 000 d'entre eux vont partir à la retraite dans les dix prochaines années. C'est pour cette raison que j'ai créé une commission "Nouvelle génération" car, c'est dès maintenant, qu'il faut encourager, repérer, les jeunes qui seront les chefs d'entreprises de nos PME de demain.
Plus de méthode, enfin. Je suis stupéfaite de voir à quel point beaucoup de décisions, de négociations, y compris certaines actuellement en cours, se font aujourd'hui sans disposer de données, de résultats d'études suffisants pour faire la bonne évaluation, pour faire le bon diagnostic. Or vous, chers amis de l'assurance, savez mieux que quiconque à quel point nous avons besoin d'analyses fines pour comprendre le risque, le mesurer et, dans votre métier, pour faire la tarification. Sur ce plan, nous avons beaucoup de progrès à faire, nous les partenaires sociaux, mais aussi les pouvoirs publics. Je crois qu'il ne s'agit pas simplement, lorsque j'émets ce point de vue, de l'approche de quelqu'un qui, de par son métier à l'IFOP, est tous les jours plongé dans les statistiques. C'est aussi la condition d'un vrai débat démocratique. Comment peut-on préparer des décisions si nous n'avons pas au préalable les données nécessaires à la bonne réflexion ?
Mesdames et Messieurs, en conclusion sachez que, malgré tout ce que je viens de vous dire, je suis totalement optimiste. Totalement optimiste car je vais souvent en province à la rencontre des MEDEF territoriaux. Je discute avec des chefs d'entreprise, avec des acteurs locaux, des responsables d'associations, des élus et je constate qu'il y a là une énergie, une envie de construire qu'on ne perçoit pas à Paris. Je ne rencontre que des gens qui, si vous me permettez cette expression, ont la "niaque", qui ont envie d'avancer. De même, je reviens de Londres où j'ai rencontré mes homologues européens et j'ai été frappée de voir que eux aussi étaient décidés à aller de l'avant. En dépit des difficultés sur l'élaboration du budget européen, de nos inquiétudes sur les négociations de l'OMC, de nos difficultés à convaincre nos opinions publiques sur l'intérêt d'une directive sur les services, en dépit de tout cela, j'ai constaté qu'il y avait une volonté de mobilisation. Parce qu'il y a d'abord la conscience commune que nous avons un défi gigantesque à relever face à la concurrence chinoise ou indienne et qu'il y avait, sans aucune réticence le désir de construire et de travailler ensemble, de montrer que la « vieille Europe » avait tout à fait de quoi se régénérer et que les nouvelles générations étaient en train d'arriver à des postes de pouvoir et de décisions.Alors, chers amis, je vous le dis, ayez du courage, soyez dans l'action, soyez dans la vérité et, je vous assure que tous ensemble nous gagnerons au service des entreprises de notre pays, et au service de notre pays. Je vous remercie.