Déclaration de M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur le sport comme vecteur de l'intégration sociale, Rouen le 15 décembre 2005.

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Circonstance : Colloque "Sport et intégration" à Rouen le 15 décembre 2005.

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais commencer mon propos en vous disant un très grand merci pour votre initiative aujourd'hui à Rouen. Lorsque j'en ai pris connaissance, il y a plusieurs mois, j'ai immédiatement accepté de m'y associer car elle me touche au moins à deux égards :
- D'une part, votre démarche est originale car elle consiste à solliciter le sport dans sa dimension intégrative. Et cette idée que le sport peut jouer un rôle pour un fonctionnement plus harmonieux de notre société ne s'impose pas spontanément.
Les questions d'intégration s'offrent plus souvent sous l'angle de la nationalité, de l'éducation, des comportements civiques, de l'accès au travail ou du rapport à l'entreprise.
Dans le cadre d'une réflexion sur la diversité, il est assez remarquable d'évoquer le rôle du sport et je m'en réjouis en tant que Ministre chargé des sports. J'y vois également la marque de la place et de l'importance que le sport joue, aujourd'hui, dans notre société. C'est devenu un phénomène global qui trouve des traductions culturelles, économiques mais aussi sociales. Il est donc tout à fait légitime de s'interroger sur le rôle réel qu'il peut remplir, au-delà des affirmations de principe.
- D'autre part, les violences urbaines récentes que notre pays a connu nous conduisent à améliorer, chacun dans nos secteurs respectifs, les actions que nous conduisons.
Ces troubles ont été le fait d'une minorité qui a choisi de balayer les efforts quotidiens de ceux qui oeuvrent pour préserver la cohésion de notre Nation. Je pense aux élus, aux bénévoles, aux dirigeants, aux professionnels, mais aussi aux habitants qui déploient des montagnes d'imagination et d'énergie pour trouver des solutions. C'est à eux que je pense lorsque je dis que ces déchaînements sont inacceptables. Mais pour inacceptables qu'ils soient, de tels comportements sonnent aussi comme un appel.
Il faut agir avec lucidité et volontarisme. L'organisation de ce colloque se situe dans ce contexte.
Je tiens à remercier très chaleureusement toutes les personnes qui, sous votre autorité, Monsieur le Préfet, ont ?uvré à sa réussite.
***
J'ai pour coutume de dire que les valeurs éducatives et la force intégrative du sport ne vont pas de soi.
Preuve en est le débat d'aujourd'hui puisque nous éprouvons le besoin d'en discuter et que des opinions très différentes ont pu s'exprimer sur le sujet. Lorsque les choses sont évidentes, elles sont rarement débattues et surtout on n'est pas constamment obligé de les rappeler avec force.
Il faut dire que la question posée est fondamentale : le sport a-t-il un sens ? La pratique est-elle bonne ou mauvaise pour un individu et pour notre société ?
Schématiquement, deux visions du sport moderne semblent aujourd'hui s'opposer :
- une vision optimiste qui considère que le sport est porteur de valeurs positives intrinsèques et qu'il existe une essence du sport que l'on appelle l'esprit sportif. Le sport est alors synonyme de mérite, de courage, de fraternité et de loyauté ;
- à l'inverse, une autre vision insiste sur les risques et les dérives du sport. Les phénomènes de violence, de dopage et de mercantilisation sont alors mis en avant. Ces déviances seraient alors inhérentes au sport et à ses nouvelles logiques de développement.
Je dois vous avouer que ni l'une, ni l'autre de ces approches ne parvient à me convaincre car il est tout aussi facile de trouver des exemples que des contre-exemples. Le sport peut-être exaltation d'un idéal commun, tout comme il peut induire une exacerbation des particularismes.
Les choses ne vont pas de soi également car une société a le sport qu'elle mérite.
Certes, le sport se veut fondé sur un certain nombre de valeurs, sur un état d'esprit. Et il le revendique. C'est là une grande différence avec beaucoup d'autres secteurs. Ces fondements, ancrés dans un idéal dont on dit souvent qu'il se recoupe avec celui de la démocratie, lui ont sans doute permis de connaître un rayonnement universel, pérenne et surtout, assez régulièrement, de ne pas trop « perdre le nord ».
Il y aurait donc une sorte de terreau favorable.
Mais affirmer cela n'est pas suffisant. On ne peut se contenter de tenir sur le sport un discours incantatoire. L'exemple du traitement des difficultés des banlieues dans les années 80-90 le démontre parfaitement. Le sport ne permet pas, à lui tout seul et dans n'importe quelles conditions, de résoudre les problèmes des individus et ceux de la société.
Il peut jouer un rôle en particulier en agissant sur ce qui fait le lien entre les individus et le ciment de notre Nation. Mais il ne peut le faire qu'à certaines conditions bien particulières qui nécessitent une action volontariste, fondée sur l'inlassable réaffirmation des valeurs, sur des projets éducatifs explicités et la mobilisation de moyens.
La formation des acteurs sportifs tient ici une importance majeure.
Globalement, la professionnalisation est insuffisante. C'est un point qu'il faut impérativement améliorer car nous savons tous que le rôle de l'animateur ou de l'éducateur est déterminant. Derrière tous les projets de qualité, il y a toujours des personnes d'exception qui savent trouver les mots, motiver et transmettre leur passion.
Il y a une dimension humaine qui est capitale.
En outre, depuis 20 ans, le public a beaucoup évolué, rendant l'adaptation des formations indispensable.
C'est donc un point central sur lequel je vais engager mes services encore plus fortement dès 2006. Je sais que cette priorité recoupe les actions que vous tentez de développer ici à Rouen, dans le cadre du programme « Cap sur la diversité ».
Un brevet professionnel « animation sociale » a été élaboré en partenariat avec le ministère de la cohésion sociale. Il sera mis en place en 2006.
Et sur le volet purement sportif, j'ai mandaté le pôle ressources national « Sport, éducation et insertion » pour proposer des contenus de formation qui répondent mieux à la prise en charge de certains publics.
Car, ce n'est pas vrai, on ne travaille pas de la même manière dans la campagne normande que dans les cités de l'agglomération rouennaise. Au-delà de l'enseignement des disciplines, les exigences liées aux publics ne sont pas les mêmes. Il faut donc mieux armer les intervenants.
Les contenus de formation seront formalisés, sur la base d'expériences de terrain, au 1er trimestre 2006.
Les questions liées à l'insertion ou à l'intégration, y trouveront toute leur place. Je souhaiterais que les travaux que vous avez conduits aujourd'hui alimentent la réflexion - et je me tourne ici vers Monsieur Gilles GRENIER, le directeur régional - pour qu'il saisisse la balle au bond.
Il faut aussi une organisation qui permette d'être garante de cet ensemble. C'est pourquoi j'agis avec détermination pour que l'organisation du sport et notamment les fédérations soient ouvertes sur les enjeux de notre société.
A cette fin, je poursuivrai en 2006, le placement de cadres techniques spécialisés « sport et cohésion sociale » auprès des fédérations qui sont volontaires pour travailler sur ces sujets. Leur rôle de développement de véritables programmes fédéraux, qui intègrent les dimensions éducative et sociale du sport, est fondamental.
J'en fais l'expérience avec les huit fédérations qui sont aujourd'hui concernées dans le domaine des sports de combat et des sports nautiques.
Leur expertise, alliée à des moyens renforcés dans le cadre des conventions d'objectifs et de la part régionale du FNDS, leur permet de structurer et de mieux démultiplier ce qui est pertinent.
Il faut également signaler l'action de la Fondation du Sport ? dont je salue les représentants qui sont présents - qui permet des développements qui vont au-delà de ce que permettrait la seule mobilisation de financements publics. L'objet de la Fondation est bien sûr de soutenir des projets en direct, comme celui d'Emergence qui a été présenté aujourd'hui, mais également de sensibiliser les entreprises à la question du mécénat sportif.
C'est relativement nouveau dans le paysage sportif et il convient d'encourager le mouvement qui trouve appui sur le concept de responsabilité sociale des entreprises. C'est tout à fait complémentaire à l'action de l'Etat pour le plus grand bénéfice du développement du sport dans toutes ses dimensions.
Le dernier pilier de cette politique consiste en la valorisation des bonnes pratiques.
Il est aujourd'hui, plus que jamais nécessaire, de montrer ce qui marche dans notre société car il y a beaucoup de raisons d'espérer.
Il y a dans notre pays un enthousiasme, un dynamisme et une capacité d'innovation qu'il faut montrer et auxquels il convient de rendre hommage.
On constate que de plus en plus de sportifs de haut niveau s'affichent sur des causes et soutiennent des initiatives concrètes en matière de lutte contre les discriminations, à l'image de Lilian THURAM, ou de lutte contre le racisme, avec Thierry HENRI, par exemple.
Les exemples foisonnent. Il faut que nous fassions tous un effort de ce point de vue. C'est une question de responsabilité. L'initiative que j'ai lancée en partenariat avec le CNOSF et de grands médias, pour associer l'image de nos grands sportifs à des programmes d'aide aux populations, victimes du tsunami, ouvre la voie à de nouvelles actions de ce type.
Lorsqu'il y a une volonté déterminée, des moyens dédiés et une organisation ouverte, les valeurs qui sous-tendent le sport me conduisent à défendre l'idée qu'il doit être l'un des éléments de notre pacte social.
Le sport suppose l'apprentissage de la règle, le respect de soi et d'autrui ainsi que la progression. Il est facteur de brassage social, il doit être ouverture et rencontre.
C'est au nom de cette conception exigeante du sport que j'ai dénoncé certaines pratiques qui conduisent à la communautarisation du sport. Je suis, par exemple, profondément opposé à l'idée de créneaux horaires spécifiques qui peuvent être proposés aux femmes dans les piscines. C'est officiellement présenté pour promouvoir la pratique féminine et insidieusement pour des raisons religieuses radicales, contestataires de notre modèle d'organisation social fondé sur la mixité.
Le sport ne peut, en effet, jouer sa véritable fonction d'intégration que si une même passion réunit des pratiquants qui, de toutes origines et de systèmes de valeurs, acceptent des règles communes.
L'organisation de la pratique sportive doit s'appuyer sur les valeurs qui fondent notre pacte social républicain. Ainsi elle assure la diffusion de ces valeurs en les illustrant concrètement et elle contribue donc à leur renforcement dans l'esprit de nos concitoyens.
C'est la conception que j'ai du sport. C'est celle que je traduis dans la politique sportive que je défends pour notre pays. Je vous remercie