Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Vice-président du Conseil économique et social,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Tout d'abord, puisque vous faisiez part de votre désappointement, je tiens à excuser Monsieur Jean-Louis Borloo qui aurait souhaité être là ce matin. En effet, Monsieur le Premier ministre a convié un certain nombre de ministres à une réunion thématique sur la politique de la Ville à Matignon. Cependant, Jean-Louis Borloo et moi-même parlons d'une seule voix, puisque nous avons l'habitude de travailler ensemble, ce qui est la marque du pôle de cohésion sociale. Compte tenu de la quotidienneté des charges qui sont les nôtres, nous essayons de pouvoir répondre aux préoccupations qui sont les vôtres.
Puisque j'ai l'honneur d'ouvrir votre Congrès, je voudrais en profiter pour remercier l'UPA et ses organisations professionnelles pour leur engagement dans la bataille pour l'emploi et la cohésion sociale dans notre pays. En effet, vous n'avez pas attendu le discours du 8 juin pour vous engager, notamment autour de la cohésion sociale.
Je voudrais donc porter témoignage du rôle des Présidents et des Vice-Présidents des organisations diverses qui sont rassemblées à l'intérieur de l'UPA et souligner leur engagement, notamment dans les domaines suivants :
?- l'apprentissage ;
?- le parcours de retour vers l'emploi des plus éloignés de l'emploi ;
?- les contrats de professionnalisation.
L'UPA joue ainsi un rôle exemplaire, parallèlement aux autres organisations. A cet égard, je tiens à saluer l'ensemble des organisations professionnelles représentant les entreprises et les salariés qui sont présentes ce matin. Je voudrais également saluer la dimension humaine et de proximité que représentent vos entreprises dans cette démarche. Enfin, il ne m'a pas échappé que vous revendiquez avec constance la pérennisation de la TVA à 5,5 %.
I. La place de l'artisanat, « première entreprise de France »
Par l'attachement que lui portent les Français, par ses effectifs (presque 2,4 millions de salariés), par sa présence dans tous les secteurs ? des métiers de bouche au bâtiment ?, par sa présence sur tout le territoire, par son dynamisme en termes de créations d'emploi (25 % des créations d'emploi sont liés à votre secteur) et par sa contribution à la formation des jeunes, en particulier par son engagement dans l'apprentissage, l'artisanat est bien la première entreprise de France.
II. Des réponses à des attentes légitimes
1. Les actions du Gouvernement
Depuis 2002, la politique engagée par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin ont permis d'apporter des réponses à des attentes légitimes pour encourager la création d'entreprises, faciliter leur transmission, ou encore amplifier la limitation de la croissance des charges.
2. Le développement de l'apprentissage
Nous nous sommes aussi résolument engagés dans le développement de l'apprentissage avec pour objectif 500 000 apprentis en 2009. Cette nouvelle impulsion s'appuie sur trois séries de mesures ou d'actions qui poursuivent les objets suivants :
?- renforcer l'attractivité de l'apprentissage auprès des jeunes et de leur famille ;
?- mobiliser les entreprises et les inciter à recourir à l'apprentissage, notamment au travers du crédit d'impôt de 1 600 euros, dont bénéficient toutes les entreprises, y compris les entreprises artisanales qui ne sont pas assujetties à la taxe d'apprentissage ;
?- améliorer les modalités de financement de l'apprentissage.
Ce plan de relance de l'apprentissage suscite la mobilisation de tous les acteurs. D'ores et déjà, dix-huit régions métropolitaines ont signé un contrat d'objectifs et de moyen. Pratiquement toutes les régions en auront signé un avant la fin de l'année. De plus, les grandes entreprises se mobilisent également autour de la charte de l'apprentissage élaborée par Henri Lachmann, le PDG de Schneider Electric.
De fait, nous avons suscité cette mobilisation des grandes entreprises autour de l'apprentissage. En effet, vous aviez parfois l'impression que les grandes entreprises, telles le coucou, venaient s'installer dans le nid préparé par les entreprises artisanales et s'en servaient comme un facteur de formation professionnelle. C'est pourquoi, autour d'Henri Lachmann, nous poursuivons région après région, la signature d'engagement des grandes entreprises en direction de l'apprentissage.
Cependant, l'artisanat est le c?ur historique de l'apprentissage, notamment le bâtiment qui a été le plus prompt à répondre présent. Ainsi, nous constatons une progression de 8 à 10 % des effectifs des CFA des métiers du bâtiment par rapport à l'année dernière. Hier, une présidente de CFA en Ile-de-France m'indiquait que des dizaines de candidats ne peuvent accéder à son centre, faute de places. C'est pourquoi il est essentiel de signer un contrat d'objectif et de moyen avec la région Ile-de-France pour ne pas laisser ces jeunes à l'extérieur. Le mois de septembre a d'ailleurs traduit une croissance de plus de 4 % des apprentis dans les CFA ou dans les lycées professionnels.
Concernant l'apprentissage, nous avons également sécurisé juridiquement certains sujets, notamment le travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés. Cette sécurisation ne doit pas se faire au détriment de ces jeunes, mais en fonction de la réalité des conditions d'exercice de ces métiers. Un décret pris en Conseil d'Etat doit très prochainement compléter les dispositions législatives. Nous le publierons d'ici à la fin de l'année.
III. L'alternance
Nous militons les uns et les autres ? et c'est assez nouveau au sein de l'Education nationale ? pour que l'alternance ne soit plus présentée comme une alternative à l'échec, mais une des grandes voies républicaines de formation, de réalisation d'une carrière professionnelle et d'accomplissement de soi.
Jour après jour, nous nous en allons répétant que la formation par l'alternance est une formation d'excellence. Dans un pays qui aime tellement les humanités qu'il les a parfois déifiées, il faut valoriser cette formation par alternance comme une très grande voie républicaine.
Monsieur le Président, vous avez évoqué le Plan d'urgence pour l'emploi et votre participation au dialogue qui a précédé les ordonnances. A cet égard, je tiens à indiquer que le débat parlementaire a en réalité été extrêmement enrichissant, puisqu'il a éclairé la rédaction des ordonnances prises au début du mois d'août dernier.
En apportant plus de souplesse pour que les PME et les entreprises artisanales puissent avoir une phase de consolidation de visibilité, nous n'avons pas voulu pour autant brader les droits des salariés. Je vous ai vu militer autour du 2 % qui favorise la mise en place de la convention de reclassement personnalisé, pour que celui qui vient à voir son contrat cesser soit mieux accompagné dans la recherche d'un meilleur emploi. Vous avez donc plaidé pour un équilibre entre souplesse et sécurité. Le Conseil d'Etat l'a d'ailleurs confirmé récemment.
L'accueil que les entreprises lui ont réservé (74 000 contrats au cours du seul mois de septembre) témoigne de l'intérêt de ce dispositif, tant pour les employeurs que pour les demandeurs d'emploi. Là encore, vous êtes toujours présents, comme en témoigne également l'initiative que vous avez prise en matière d'information et de communication et que je veux bien sûr saluer.
Saisissez-vous du contrat « nouvelles embauches ». Aujourd'hui qu'il est juridiquement bordé depuis l'avis du Conseil d'Etat, il s'agit d'un outil pour permettre de développer vos entreprises et pour répondre à la pire des précarités, le chômage, et notamment le chômage de longue durée.
IV. Réponses aux préoccupations exprimées par le Président de l'UPA
1. La TVA à 5,5 %
Cette mesure a été prévue à titre expérimental dans le bâtiment. Son impact sur l'activité et sur l'emploi de ce secteur a été bénéfique. Le gouvernement ne peut que militer pour obtenir sa prolongation, puis sa pérennisation. L'extension à d'autres secteurs, notamment l'hôtellerie et la restauration, doit faire l'objet de discussions au niveau européen.
La semaine prochaine, le Conseil Ecofin doit débattre de certains sujets. Tout le gouvernement est mobilisé pour que nous puissions obtenir la prolongation, puis la pérennisation d'un taux réduit de TVA facteur de création d'emploi mais aussi de réduction du travail illégal, forme de dumping social et de précarité absolue pour les salariés. C'est la raison pour laquelle nous sommes totalement engagées dans la lutte contre le travail illégal.
En réunissant trois fois la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, nous avons voulu marquer la nécessité que, dans les valeurs de la République qui nous rassemble, l'ordre public social et les règles partagées doivent être respectées. Si tel n'est pas le cas, nous verrons se développer des zones de non-droit du travail. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faille dynamiter le Code du travail, mais j'estime qu'il faut le rendre plus lisible, plus accessible et adapté aux réalités d'aujourd'hui. Nous avons besoin d'un ordre public social, au sein duquel figurent des éléments de lutte contre le travail illégal.
Tout le gouvernement, à la demande du Premier Ministre, est mobilisé derrière une TVA 5,5 %. Ainsi, hier soir, j'ai rencontré le Ministre du Travail et de l'Emploi autrichien, futur président du Conseil des ministres de l'Emploi européen à partir du 1er janvier. A cette occasion, j'ai encore milité pour cette TVA, qui appelle une réflexion plus globale sur le plan européen. Nous vivons en effet un moment où l'Union européenne est confrontée au défi de mondialisation, où elle doit défendre l'harmonisation par le haut de ses valeurs sociales, mais aussi être en capacité de lutter avec des règles claires.
Voilà pourquoi nous sommes particulièrement attentifs à l'application des règles du pays d'accueil en matière de droit du travail sur la directive Services. Il s'agit d'empêcher que telles ou telles entreprises de nouveaux pays vivent avec des règles différentes. Sur ce point, nous tiendrons bon. Nous sommes d'ailleurs sur la ligne des débats qui sont intervenus dans le cadre des commissions du Parlement européen, c'est-à-dire une ligne particulièrement équilibrée.
2. Les allègements de charges sociales patronales
Olivier Dutheillet de Lamotte a fait paraître un rapport il y a trois ans dans lequel il démontrait que l'allègement de charges est créateur d'emploi. Il n'est donc pas envisagé de supprimer ou de réduire ces allègements institués notamment par la loi Fillon. Les propositions des parlementaires, auxquelles Monsieur Perrin fait allusion, n'ont pas été retenues dans le débat budgétaire. En revanche, les nouveaux allègements de charges devront être ciblés, soit sur la qualité, soit sur la quantité des emplois.
C'est pourquoi, sur la possibilité d'une prime de 1 000 euros pour les entreprises, il faut que les négociations salariales aient abouti dans les branches. Il est en effet nécessaire de disposer de leviers pour avoir une active politique de négociation salariale dans les branches et dans les entreprises. Il y va aussi du pouvoir d'achat des salariés et de la qualité des relations entre les salariés et les entreprises.
Monsieur le Président, il est exact que la réflexion doit être ouverte sur le poids des charges, qui, depuis soixante ans, repose essentiellement sur le travail et les salaires. Nous sommes dans une situation churchillienne : jamais aussi peu n'aura contribué à tant. Aujourd'hui, il nous faut donc ouvrir la question de l'assiette. De fait, la « barémisation » des allègements de charges et l'affectation de recettes, issues notamment du secteur de la santé, en recettes vis-à-vis des allègements de charge constituent une première indication de l'engagement par le gouvernement de réflexions qui ne soient pas simplement budgétaires. Ce sujet a été confié par le Premier ministre au Conseil d'orientation de l'emploi, auquel vous participez.
3. Les services à la personne
Vous avez également évoqué la question des services à la personne. L'exemple du coiffeur m'a été cité lors des Artisanales de Chartres à l'occasion d'une table ronde. A cette occasion, j'ai demandé à l'artisan coiffeur de m'envoyer une note très précise sur la réalité de ses difficultés. Je transmettrai quoi qu'il en soit à Jean-Louis Borloo les préoccupations dont vous avez fait état. En effet, il s'agit d'une question de loyauté de concurrence. A cet égard, le droit communautaire sera sur ce sujet particulièrement attentif aux non-discriminations de concurrence. Je serai donc votre messager sur ce point.
4. L'orientation scolaire et le système éducatif
La préoccupation du Président Perrin est naturellement partagée par le gouvernement, dans la mesure où la loi sur l'école apporte un certain nombre de d'éléments, notamment de présentation des métiers. Du reste, le Premier ministre a indiqué dans son discours de politique générale sa volonté de créer un véritable service public de l'orientation. Dans sa conférence de presse de la fin du mois de septembre, il a également annoncé que les formations par apprentissage feraient partie, dès l'année prochaine, du choix offert aux élèves, au même titre que les autres orientations.
Il a ainsi chargé Gilles de Robien et moi-même d'unifier les informations éclatées entre Onisep et Centre Inffo, pour que nous soyons en capacité d'offrir une information fiable, claire et pragmatique de présentation des métiers d'ici la rentrée prochaine.
5. La santé au travail
Les accidents du travail et les maladies du travail sont des drames humains. Chaque soir, deux salariés ne rentrent pas du travail. Chaque jour, il y a deux morts sur les lieux de travail. Ils sont autant de coûts pour les entreprises. Voilà pourquoi nous avons présenté en février 2005 un plan Santé au travail pour les années 2005-2009 qui vise à rendre notre système de prévention plus efficace et à réduire significativement les risques en milieu professionnel pour les cinq années à venir.
De fait un certain nombre de sujets douloureux sont présents dans l'actualité, notamment celui de l'amiante. Dans quelques jours, à la suite des rapports de l'IGAS, du Sénat et de l'Assemblée nationale, j'aurai l'occasion de faire un certain nombre de propositions sur l'amiante et sur les conséquences à moyen et long terme des expositions professionnelles. J'aurai également l'occasion de dire quel est le programme dans lequel la nouvelle Agence française environnementale et du travail s'engage, afin de pouvoir apporter de véritables réponses, lesquelles sont des droits dus aux salariés et chefs d'entreprise.
Je sais que vos professions sont, déjà très impliquées dans cette démarche de prévention. J'ai entendu aussi vos préoccupations sur l'avenir des services de santé au travail dédiés à l'artisanat. Le décret de juillet 2004 a fixé un plafond du nombre d'entreprises suivies par un médecin du travail. C'est dans la nature même de la réforme que nous avons conduite, issue d'ailleurs de l'accord interprofessionnel de 2000, que de renforcer l'action du médecin du travail sur le lieu de travail.
Plusieurs services spécialisés dans l'artisanat ne respectent pas, à ce stade, ce plafond. Leur situation a été prise en compte par la circulaire d'avril 2005 qui prévoit une période d'adaptation qui sera suivie d'une évaluation. Nous réaliserons cette évaluation ensemble, afin qu'elle ne soit pas uniquement technique et éloignée de la réalité des entreprises.
6. Le dialogue social
Dans une société démocratique, le dialogue social est un des éléments sur lequel notre pays a beaucoup de progrès à accomplir. Le dialogue social porte d'abord sur le dialogue entre partenaires représentant les entreprises et les salariés. Il s'agit également du dialogue avec l'Etat.
Parmi les éléments du dialogue social figure le financement de ce dialogue et de la représentation de salariés. Sur ce sujet, nous n'avons pas tout à fait réalisé notre révolution culturelle, même si nous avons progressé au cours de l'année 2004. Pour ma part, je crois à la représentativité des organisations syndicales. En effet, si elles étaient comme dans d'autres pays des distributeurs d'avantages sociaux, les taux d'adhésion aux organisations syndicales seraient de 70 % ou de 80 %. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un lieu de dialogue social, fait de rencontres entre représentants des entreprises et représentants des salariés.
En application de l'accord UPA du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social, huit accords de branche organisant le financement du paritarisme ont été conclus. Sur ces huit accords, quatre ont été étendus et concernent la poissonnerie, la pâtisserie, la boucherie et la charcuterie. Mais quatre autres n'ont à ce jour pas été étendus. Ils touchent le bâtiment, les services et la production, la blanchisserie et la confiserie.
Le Conseil d'Etat et le TGI de Paris ont pour leur part validé tant l'arrêté d'extension que l'accord général lui-même. Cependant, j'ai conscience que cette affaire n'a que trop duré. J'ai demandé au Premier ministre de clarifier la situation d'ici à la fin de l'année. Nous veillerons à ce que cette clarification intervienne, dans le cadre d'un dialogue nécessaire.
En matière d'ite missa est et en conclusion de mes propos, je tiens à évoquer la qualité du dialogue que nous avons avec votre organisation. Il s'agit d'un dialogue constructif, parfois franc et viril, comme on pourrait le dire dans le langage diplomatique. Il est exact que parfois, nous avons des débats, mais le dialogue sans débats serait sans intérêt.
Vous connaissez cependant les contraintes gouvernementales en matière financière et budgétaire. Nous devons ensemble prendre en compte ces réalités, puisque c'est en votre nom et sous le contrôle du Parlement que nous gérons les affaires du pays à titre temporaire. Je voudrais néanmoins vous faire part de notre gratitude pour votre mobilisation dans le cadre de la bataille de l'emploi. Depuis trente ans, notre pays s'est installé dans un chômage structurel.
Ainsi, lorsque la croissance est à 4 %, le chômage tombe seulement à 8,5 % ; lorsque la croissance est en panne, le chômage monte à 10,4 %. De fait, nous sommes enfermés depuis trente années dans ce cercle de craie qu'il nous faut cependant briser. A cet égard, nous avons besoin des uns et des autres. Il s'agit ainsi de mieux accompagner et de mieux former les demandeurs d'emploi, mais aussi de donner une chance à ceux qui ont été exclus ou qui sont en échec par rapport au système scolaire.
Tel est le sens profond de la valeur d'égalité républicaine. L'artisanat y contribue, de même qu'il contribue à la cohésion territoriale de notre pays. Au moment où nous voyons l'inversion des flux et un certain nombre de secteurs ruraux à nouveau habités, l'artisanat a un rôle à jouer. Désormais, ma préoccupation porte sur la transmission des entreprises sur le territoire. En effet, sans transmission de ces entreprises artisanales, il manquera au territoire des éléments essentiels, comme il manquera dans les c?urs de bourg et les c?urs de villes un certain nombre d'artisans qui font que le dialogue ne se fait pas uniquement par internet.
Ainsi, le dialogue est d'abord la rencontre d'hommes et de femmes. L'artisanat est au c?ur quotidien de ces rencontres.
Je vous remercie de votre attention.
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Vice-président du Conseil économique et social,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, Messieurs,
Tout d'abord, puisque vous faisiez part de votre désappointement, je tiens à excuser Monsieur Jean-Louis Borloo qui aurait souhaité être là ce matin. En effet, Monsieur le Premier ministre a convié un certain nombre de ministres à une réunion thématique sur la politique de la Ville à Matignon. Cependant, Jean-Louis Borloo et moi-même parlons d'une seule voix, puisque nous avons l'habitude de travailler ensemble, ce qui est la marque du pôle de cohésion sociale. Compte tenu de la quotidienneté des charges qui sont les nôtres, nous essayons de pouvoir répondre aux préoccupations qui sont les vôtres.
Puisque j'ai l'honneur d'ouvrir votre Congrès, je voudrais en profiter pour remercier l'UPA et ses organisations professionnelles pour leur engagement dans la bataille pour l'emploi et la cohésion sociale dans notre pays. En effet, vous n'avez pas attendu le discours du 8 juin pour vous engager, notamment autour de la cohésion sociale.
Je voudrais donc porter témoignage du rôle des Présidents et des Vice-Présidents des organisations diverses qui sont rassemblées à l'intérieur de l'UPA et souligner leur engagement, notamment dans les domaines suivants :
?- l'apprentissage ;
?- le parcours de retour vers l'emploi des plus éloignés de l'emploi ;
?- les contrats de professionnalisation.
L'UPA joue ainsi un rôle exemplaire, parallèlement aux autres organisations. A cet égard, je tiens à saluer l'ensemble des organisations professionnelles représentant les entreprises et les salariés qui sont présentes ce matin. Je voudrais également saluer la dimension humaine et de proximité que représentent vos entreprises dans cette démarche. Enfin, il ne m'a pas échappé que vous revendiquez avec constance la pérennisation de la TVA à 5,5 %.
I. La place de l'artisanat, « première entreprise de France »
Par l'attachement que lui portent les Français, par ses effectifs (presque 2,4 millions de salariés), par sa présence dans tous les secteurs ? des métiers de bouche au bâtiment ?, par sa présence sur tout le territoire, par son dynamisme en termes de créations d'emploi (25 % des créations d'emploi sont liés à votre secteur) et par sa contribution à la formation des jeunes, en particulier par son engagement dans l'apprentissage, l'artisanat est bien la première entreprise de France.
II. Des réponses à des attentes légitimes
1. Les actions du Gouvernement
Depuis 2002, la politique engagée par les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin ont permis d'apporter des réponses à des attentes légitimes pour encourager la création d'entreprises, faciliter leur transmission, ou encore amplifier la limitation de la croissance des charges.
2. Le développement de l'apprentissage
Nous nous sommes aussi résolument engagés dans le développement de l'apprentissage avec pour objectif 500 000 apprentis en 2009. Cette nouvelle impulsion s'appuie sur trois séries de mesures ou d'actions qui poursuivent les objets suivants :
?- renforcer l'attractivité de l'apprentissage auprès des jeunes et de leur famille ;
?- mobiliser les entreprises et les inciter à recourir à l'apprentissage, notamment au travers du crédit d'impôt de 1 600 euros, dont bénéficient toutes les entreprises, y compris les entreprises artisanales qui ne sont pas assujetties à la taxe d'apprentissage ;
?- améliorer les modalités de financement de l'apprentissage.
Ce plan de relance de l'apprentissage suscite la mobilisation de tous les acteurs. D'ores et déjà, dix-huit régions métropolitaines ont signé un contrat d'objectifs et de moyen. Pratiquement toutes les régions en auront signé un avant la fin de l'année. De plus, les grandes entreprises se mobilisent également autour de la charte de l'apprentissage élaborée par Henri Lachmann, le PDG de Schneider Electric.
De fait, nous avons suscité cette mobilisation des grandes entreprises autour de l'apprentissage. En effet, vous aviez parfois l'impression que les grandes entreprises, telles le coucou, venaient s'installer dans le nid préparé par les entreprises artisanales et s'en servaient comme un facteur de formation professionnelle. C'est pourquoi, autour d'Henri Lachmann, nous poursuivons région après région, la signature d'engagement des grandes entreprises en direction de l'apprentissage.
Cependant, l'artisanat est le c?ur historique de l'apprentissage, notamment le bâtiment qui a été le plus prompt à répondre présent. Ainsi, nous constatons une progression de 8 à 10 % des effectifs des CFA des métiers du bâtiment par rapport à l'année dernière. Hier, une présidente de CFA en Ile-de-France m'indiquait que des dizaines de candidats ne peuvent accéder à son centre, faute de places. C'est pourquoi il est essentiel de signer un contrat d'objectif et de moyen avec la région Ile-de-France pour ne pas laisser ces jeunes à l'extérieur. Le mois de septembre a d'ailleurs traduit une croissance de plus de 4 % des apprentis dans les CFA ou dans les lycées professionnels.
Concernant l'apprentissage, nous avons également sécurisé juridiquement certains sujets, notamment le travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés. Cette sécurisation ne doit pas se faire au détriment de ces jeunes, mais en fonction de la réalité des conditions d'exercice de ces métiers. Un décret pris en Conseil d'Etat doit très prochainement compléter les dispositions législatives. Nous le publierons d'ici à la fin de l'année.
III. L'alternance
Nous militons les uns et les autres ? et c'est assez nouveau au sein de l'Education nationale ? pour que l'alternance ne soit plus présentée comme une alternative à l'échec, mais une des grandes voies républicaines de formation, de réalisation d'une carrière professionnelle et d'accomplissement de soi.
Jour après jour, nous nous en allons répétant que la formation par l'alternance est une formation d'excellence. Dans un pays qui aime tellement les humanités qu'il les a parfois déifiées, il faut valoriser cette formation par alternance comme une très grande voie républicaine.
Monsieur le Président, vous avez évoqué le Plan d'urgence pour l'emploi et votre participation au dialogue qui a précédé les ordonnances. A cet égard, je tiens à indiquer que le débat parlementaire a en réalité été extrêmement enrichissant, puisqu'il a éclairé la rédaction des ordonnances prises au début du mois d'août dernier.
En apportant plus de souplesse pour que les PME et les entreprises artisanales puissent avoir une phase de consolidation de visibilité, nous n'avons pas voulu pour autant brader les droits des salariés. Je vous ai vu militer autour du 2 % qui favorise la mise en place de la convention de reclassement personnalisé, pour que celui qui vient à voir son contrat cesser soit mieux accompagné dans la recherche d'un meilleur emploi. Vous avez donc plaidé pour un équilibre entre souplesse et sécurité. Le Conseil d'Etat l'a d'ailleurs confirmé récemment.
L'accueil que les entreprises lui ont réservé (74 000 contrats au cours du seul mois de septembre) témoigne de l'intérêt de ce dispositif, tant pour les employeurs que pour les demandeurs d'emploi. Là encore, vous êtes toujours présents, comme en témoigne également l'initiative que vous avez prise en matière d'information et de communication et que je veux bien sûr saluer.
Saisissez-vous du contrat « nouvelles embauches ». Aujourd'hui qu'il est juridiquement bordé depuis l'avis du Conseil d'Etat, il s'agit d'un outil pour permettre de développer vos entreprises et pour répondre à la pire des précarités, le chômage, et notamment le chômage de longue durée.
IV. Réponses aux préoccupations exprimées par le Président de l'UPA
1. La TVA à 5,5 %
Cette mesure a été prévue à titre expérimental dans le bâtiment. Son impact sur l'activité et sur l'emploi de ce secteur a été bénéfique. Le gouvernement ne peut que militer pour obtenir sa prolongation, puis sa pérennisation. L'extension à d'autres secteurs, notamment l'hôtellerie et la restauration, doit faire l'objet de discussions au niveau européen.
La semaine prochaine, le Conseil Ecofin doit débattre de certains sujets. Tout le gouvernement est mobilisé pour que nous puissions obtenir la prolongation, puis la pérennisation d'un taux réduit de TVA facteur de création d'emploi mais aussi de réduction du travail illégal, forme de dumping social et de précarité absolue pour les salariés. C'est la raison pour laquelle nous sommes totalement engagées dans la lutte contre le travail illégal.
En réunissant trois fois la Commission nationale de lutte contre le travail illégal, nous avons voulu marquer la nécessité que, dans les valeurs de la République qui nous rassemble, l'ordre public social et les règles partagées doivent être respectées. Si tel n'est pas le cas, nous verrons se développer des zones de non-droit du travail. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu'il faille dynamiter le Code du travail, mais j'estime qu'il faut le rendre plus lisible, plus accessible et adapté aux réalités d'aujourd'hui. Nous avons besoin d'un ordre public social, au sein duquel figurent des éléments de lutte contre le travail illégal.
Tout le gouvernement, à la demande du Premier Ministre, est mobilisé derrière une TVA 5,5 %. Ainsi, hier soir, j'ai rencontré le Ministre du Travail et de l'Emploi autrichien, futur président du Conseil des ministres de l'Emploi européen à partir du 1er janvier. A cette occasion, j'ai encore milité pour cette TVA, qui appelle une réflexion plus globale sur le plan européen. Nous vivons en effet un moment où l'Union européenne est confrontée au défi de mondialisation, où elle doit défendre l'harmonisation par le haut de ses valeurs sociales, mais aussi être en capacité de lutter avec des règles claires.
Voilà pourquoi nous sommes particulièrement attentifs à l'application des règles du pays d'accueil en matière de droit du travail sur la directive Services. Il s'agit d'empêcher que telles ou telles entreprises de nouveaux pays vivent avec des règles différentes. Sur ce point, nous tiendrons bon. Nous sommes d'ailleurs sur la ligne des débats qui sont intervenus dans le cadre des commissions du Parlement européen, c'est-à-dire une ligne particulièrement équilibrée.
2. Les allègements de charges sociales patronales
Olivier Dutheillet de Lamotte a fait paraître un rapport il y a trois ans dans lequel il démontrait que l'allègement de charges est créateur d'emploi. Il n'est donc pas envisagé de supprimer ou de réduire ces allègements institués notamment par la loi Fillon. Les propositions des parlementaires, auxquelles Monsieur Perrin fait allusion, n'ont pas été retenues dans le débat budgétaire. En revanche, les nouveaux allègements de charges devront être ciblés, soit sur la qualité, soit sur la quantité des emplois.
C'est pourquoi, sur la possibilité d'une prime de 1 000 euros pour les entreprises, il faut que les négociations salariales aient abouti dans les branches. Il est en effet nécessaire de disposer de leviers pour avoir une active politique de négociation salariale dans les branches et dans les entreprises. Il y va aussi du pouvoir d'achat des salariés et de la qualité des relations entre les salariés et les entreprises.
Monsieur le Président, il est exact que la réflexion doit être ouverte sur le poids des charges, qui, depuis soixante ans, repose essentiellement sur le travail et les salaires. Nous sommes dans une situation churchillienne : jamais aussi peu n'aura contribué à tant. Aujourd'hui, il nous faut donc ouvrir la question de l'assiette. De fait, la « barémisation » des allègements de charges et l'affectation de recettes, issues notamment du secteur de la santé, en recettes vis-à-vis des allègements de charge constituent une première indication de l'engagement par le gouvernement de réflexions qui ne soient pas simplement budgétaires. Ce sujet a été confié par le Premier ministre au Conseil d'orientation de l'emploi, auquel vous participez.
3. Les services à la personne
Vous avez également évoqué la question des services à la personne. L'exemple du coiffeur m'a été cité lors des Artisanales de Chartres à l'occasion d'une table ronde. A cette occasion, j'ai demandé à l'artisan coiffeur de m'envoyer une note très précise sur la réalité de ses difficultés. Je transmettrai quoi qu'il en soit à Jean-Louis Borloo les préoccupations dont vous avez fait état. En effet, il s'agit d'une question de loyauté de concurrence. A cet égard, le droit communautaire sera sur ce sujet particulièrement attentif aux non-discriminations de concurrence. Je serai donc votre messager sur ce point.
4. L'orientation scolaire et le système éducatif
La préoccupation du Président Perrin est naturellement partagée par le gouvernement, dans la mesure où la loi sur l'école apporte un certain nombre de d'éléments, notamment de présentation des métiers. Du reste, le Premier ministre a indiqué dans son discours de politique générale sa volonté de créer un véritable service public de l'orientation. Dans sa conférence de presse de la fin du mois de septembre, il a également annoncé que les formations par apprentissage feraient partie, dès l'année prochaine, du choix offert aux élèves, au même titre que les autres orientations.
Il a ainsi chargé Gilles de Robien et moi-même d'unifier les informations éclatées entre Onisep et Centre Inffo, pour que nous soyons en capacité d'offrir une information fiable, claire et pragmatique de présentation des métiers d'ici la rentrée prochaine.
5. La santé au travail
Les accidents du travail et les maladies du travail sont des drames humains. Chaque soir, deux salariés ne rentrent pas du travail. Chaque jour, il y a deux morts sur les lieux de travail. Ils sont autant de coûts pour les entreprises. Voilà pourquoi nous avons présenté en février 2005 un plan Santé au travail pour les années 2005-2009 qui vise à rendre notre système de prévention plus efficace et à réduire significativement les risques en milieu professionnel pour les cinq années à venir.
De fait un certain nombre de sujets douloureux sont présents dans l'actualité, notamment celui de l'amiante. Dans quelques jours, à la suite des rapports de l'IGAS, du Sénat et de l'Assemblée nationale, j'aurai l'occasion de faire un certain nombre de propositions sur l'amiante et sur les conséquences à moyen et long terme des expositions professionnelles. J'aurai également l'occasion de dire quel est le programme dans lequel la nouvelle Agence française environnementale et du travail s'engage, afin de pouvoir apporter de véritables réponses, lesquelles sont des droits dus aux salariés et chefs d'entreprise.
Je sais que vos professions sont, déjà très impliquées dans cette démarche de prévention. J'ai entendu aussi vos préoccupations sur l'avenir des services de santé au travail dédiés à l'artisanat. Le décret de juillet 2004 a fixé un plafond du nombre d'entreprises suivies par un médecin du travail. C'est dans la nature même de la réforme que nous avons conduite, issue d'ailleurs de l'accord interprofessionnel de 2000, que de renforcer l'action du médecin du travail sur le lieu de travail.
Plusieurs services spécialisés dans l'artisanat ne respectent pas, à ce stade, ce plafond. Leur situation a été prise en compte par la circulaire d'avril 2005 qui prévoit une période d'adaptation qui sera suivie d'une évaluation. Nous réaliserons cette évaluation ensemble, afin qu'elle ne soit pas uniquement technique et éloignée de la réalité des entreprises.
6. Le dialogue social
Dans une société démocratique, le dialogue social est un des éléments sur lequel notre pays a beaucoup de progrès à accomplir. Le dialogue social porte d'abord sur le dialogue entre partenaires représentant les entreprises et les salariés. Il s'agit également du dialogue avec l'Etat.
Parmi les éléments du dialogue social figure le financement de ce dialogue et de la représentation de salariés. Sur ce sujet, nous n'avons pas tout à fait réalisé notre révolution culturelle, même si nous avons progressé au cours de l'année 2004. Pour ma part, je crois à la représentativité des organisations syndicales. En effet, si elles étaient comme dans d'autres pays des distributeurs d'avantages sociaux, les taux d'adhésion aux organisations syndicales seraient de 70 % ou de 80 %. Aujourd'hui, nous avons besoin d'un lieu de dialogue social, fait de rencontres entre représentants des entreprises et représentants des salariés.
En application de l'accord UPA du 12 décembre 2001 relatif au développement du dialogue social, huit accords de branche organisant le financement du paritarisme ont été conclus. Sur ces huit accords, quatre ont été étendus et concernent la poissonnerie, la pâtisserie, la boucherie et la charcuterie. Mais quatre autres n'ont à ce jour pas été étendus. Ils touchent le bâtiment, les services et la production, la blanchisserie et la confiserie.
Le Conseil d'Etat et le TGI de Paris ont pour leur part validé tant l'arrêté d'extension que l'accord général lui-même. Cependant, j'ai conscience que cette affaire n'a que trop duré. J'ai demandé au Premier ministre de clarifier la situation d'ici à la fin de l'année. Nous veillerons à ce que cette clarification intervienne, dans le cadre d'un dialogue nécessaire.
En matière d'ite missa est et en conclusion de mes propos, je tiens à évoquer la qualité du dialogue que nous avons avec votre organisation. Il s'agit d'un dialogue constructif, parfois franc et viril, comme on pourrait le dire dans le langage diplomatique. Il est exact que parfois, nous avons des débats, mais le dialogue sans débats serait sans intérêt.
Vous connaissez cependant les contraintes gouvernementales en matière financière et budgétaire. Nous devons ensemble prendre en compte ces réalités, puisque c'est en votre nom et sous le contrôle du Parlement que nous gérons les affaires du pays à titre temporaire. Je voudrais néanmoins vous faire part de notre gratitude pour votre mobilisation dans le cadre de la bataille de l'emploi. Depuis trente ans, notre pays s'est installé dans un chômage structurel.
Ainsi, lorsque la croissance est à 4 %, le chômage tombe seulement à 8,5 % ; lorsque la croissance est en panne, le chômage monte à 10,4 %. De fait, nous sommes enfermés depuis trente années dans ce cercle de craie qu'il nous faut cependant briser. A cet égard, nous avons besoin des uns et des autres. Il s'agit ainsi de mieux accompagner et de mieux former les demandeurs d'emploi, mais aussi de donner une chance à ceux qui ont été exclus ou qui sont en échec par rapport au système scolaire.
Tel est le sens profond de la valeur d'égalité républicaine. L'artisanat y contribue, de même qu'il contribue à la cohésion territoriale de notre pays. Au moment où nous voyons l'inversion des flux et un certain nombre de secteurs ruraux à nouveau habités, l'artisanat a un rôle à jouer. Désormais, ma préoccupation porte sur la transmission des entreprises sur le territoire. En effet, sans transmission de ces entreprises artisanales, il manquera au territoire des éléments essentiels, comme il manquera dans les c?urs de bourg et les c?urs de villes un certain nombre d'artisans qui font que le dialogue ne se fait pas uniquement par internet.
Ainsi, le dialogue est d'abord la rencontre d'hommes et de femmes. L'artisanat est au c?ur quotidien de ces rencontres.
Je vous remercie de votre attention.