Texte intégral
Le Ministre - Avant de commencer ce point de presse, je voudrais condamner devant vous tous l'attentat qui s'est produit ce matin dans la banlieue de Beyrouth et qui a fait plusieurs victimes, dont le député Gebrane Tuéni. Face à tous ceux qui cherchent à déstabiliser le Liban, je redis la solidarité et l'amitié de la France pour le peuple libanais. La communauté internationale est unie et déterminée aux côtés du Liban dans cette période cruciale pour son avenir. La France reste mobilisée aux côtés des autorités libanaises pour que toute la lumière soit faite sur ces odieux attentats et pour répondre aux éventuelles sollicitations de ces autorités.
Mesdames et Messieurs,
Nous étions réunis ce matin avec Catherine Colonna dans le dernier rendez-vous avant le Conseil européen. Ce Conseil européen représente un enjeu essentiel, en particulier pour l'adoption des perspectives financières de l'Union pour 2007-2013. Nous ne voulons pas qu'à une crise institutionnelle s'ajoute une crise financière. La présidence britannique doit faire de nouvelles propositions, nous ne les avons pas encore, il n'y a donc pas eu de discussions détaillées ce matin. Quelques mots cependant sur cet enjeu crucial pour l'avenir immédiat de l'Union européenne.
Il nous faut un accord en décembre pour permettre le financement de l'Europe élargie. La France a largement prouvé combien elle souhaitait un accord en acceptant en juin, avec 19 autres délégations, une proposition luxembourgeoise pourtant très coûteuse pour son budget national. La France n'est pas là pour dire "non", mais pour dire "oui", à condition bien sûr qu'il y ait un accord équitable. Dans les dernières propositions britanniques, la semaine dernière, les grands perdants étaient les nouveaux Etats membres et le grand gagnant le Royaume-Uni, qui était dispensé de payer sa part du coût de l'élargissement. Nous estimons cela inacceptable et ce ne sera pas accepté. La clef, c'est une réforme durable du rabais britannique, c'est une nécessité absolue pour le financement de l'élargissement. Nous avons déjà accepté, en juin, que toutes les dépenses entre les 15 anciens Etats membres restent couvertes par le rabais, ce qui est une concession considérable. M. Juncker avait aussi proposé, autre concession énorme en faveur du Royaume Uni, que toutes les dépenses de la PAC de marché, y compris pour les nouveaux Etats membres, restent aussi couvertes par le rabais. Mais il y a des limites, le Royaume-Uni ne pourra pas être dispensé de payer sa juste part pour les autres dépenses de l'élargissement, c'est à dire la cohésion, le développement rural, la recherche, la sécurité aux frontières extérieures, le social, etc.
Il faut donc revoir le montant du rabais britannique. Comme vous le savez, le Royaume-Uni propose 42 milliards dans son dernier paquet, mais il faudrait plutôt revenir à un rabais au maximum de 35 ou 36 milliards d'euros, ce qui resterait une somme absolument considérable, payée, je vous le rappelle, à 30 % par la France. Par ailleurs le paiement de la juste part britannique des dépenses d'élargissement doit naturellement être un engagement juridique permanent, certainement pas provisoire pour quelques années, parce que le financement de l'élargissement s'inscrit évidemment dans la durée car après 2013, voire 2014, s'il y a de nouveaux élargissements, certainement voulus par le Royaume-Uni, ce n'est pas à la France et aux autres à les payer seuls.
Enfin sur ce qu'on appelle la clause de rendez-vous ou de réexamen du budget avant 2013, je réaffirme la disposition de la France à commencer une réflexion concernant l'avenir de toutes les dépenses et toutes les recettes de l'Union. Nous sommes disposés à commencer une réflexion qui concerne l'avenir de toutes les dépenses et de toutes les recettes de l'Union pourvu, naturellement, que la stabilité du paquet financier 2007-2013 soit bien garantie, c'est ce que Catherine Colonna, dans un excellent article du Figaro, appelle la "prévisibilité". Si vous ne pouvez pas programmer les activités de recherche ou la politique régionale, vous ne savez pas où vous allez. C'est l'avantage du pluriannuel ; donc, oui, nous sommes prêts à parler de réaménagement des dépenses, des recettes mais, évidemment, application après 2013, c'est-à-dire 2014. Les Européens ont besoin d'un minimum de stabilité budgétaire que ce soit pour l'agriculture, la recherche ou les fonds structurels, c'est la raison même des perspectives budgétaires pluriannuelles, c'est une opinion partagée par une grande majorité des Etats membres. Je terminerai en disant que la France est très soutenue dans cette démarche, nous l'avons vu au dernier Conseil Affaires générales et nous le voyons encore aujourd'hui avec tous les contacts que nous avons avec nos partenaires. Il y a donc là un besoin de revenir sur de nouvelles propositions de la part de la présidence.
Un mot également sur l'Ancienne République yougoslave de Macédoine, l'ARYM, c'est une question importante qui a été abordée ce matin, nous avons eu une discussion sur la question du statut de candidat. Je voudrais d'abord dire que, pour moi, il est important de réaffirmer la perspective européenne des Balkans occidentaux, je reviens de Pristina et de Belgrade où j'ai passé 48h et où j'ai rencontré tous les acteurs de part et d'autre. Je comprends bien que la stabilité des Balkans occidentaux est absolument fondamentale pour la stabilité de l'Union. Je mesure le grand espoir, le formidable encouragement que représente pour les Balkans occidentaux la perspective de faire partie un jour de l'Union, c'est d'ailleurs l'engagement que l'Union européenne a pris à Zagreb sous présidence française en 2000. Il est plus que jamais nécessaire de confirmer que l'avenir de ces pays réside dans l'Union, c'est donc un élément indispensable de la stabilité, c'est mon premier message.
Le deuxième, c'est que nous avons pris note de l'avis de la Commission sur l'ARYM, qui estime que les conditions sont réunies pour reconnaître à ce pays le statut de candidat. L'ARYM a accompli des progrès significatifs sur la voie de son rapprochement avec l'Union européenne, notamment en ce qui concerne la mise en ?uvre de l'Accord-cadre d'Ohrid.
Troisième point, le problème n'est pas là, le problème est de savoir si nous devons ou pas lancer une nouvelle vague d'élargissement. Or j'ai posé la question suivante : donner le statut de candidat comme cela, c'est donner un signe politique fort à l'ARYM, ce qui est positif, mais c'est aussi donner un signe aux opinions publiques, à nous tous, qu'on va vers de nouveaux élargissements. Nous nous sommes simplement demandés si les conditions étaient bien réunies aujourd'hui, en décembre 2005, pour octroyer formellement à la Macédoine le statut de candidat. Chacun sait que l'Union européenne ne dispose pas encore des solutions qui lui permettent de répondre au défi que posent les élargissements déjà en cours sur les plans institutionnels et financiers, c'est d'ailleurs tout l'enjeu des perspectives financières, c'est de payer l'élargissement. Il faut sans doute se donner le temps nécessaire dans l'intérêt même du bon déroulement de ce processus et de son acceptabilité par les opinions publiques européennes et donc, in fine, dans l'intérêt même de ces pays qui veulent rejoindre une Europe forte. Il faut encourager la Macédoine, qui est un pays très méritant comme je l'ai dit et que la France tient à appuyer, mais il faut être aussi responsable au moment où la priorité doit être de régler les récents élargissements de l'Union et de la rendre plus forte. C'est le sens des conclusions sur l'élargissement que nous allons adopter aujourd'hui et qui prévoient de revenir l'année prochaine, de manière plus approfondie, sur la communication de la Commission.
La Ministre déléguée - Liban, perspectives financières, Balkans, toutes ces questions sont évidemment des questions importantes et Philippe Douste-Blazy, ce matin, a excellemment représenté la position de la France. La question centrale, en effet maintenant, est que nous attendons les propositions révisées de la présidence britannique, parce que, clairement, les premières propositions n'étaient pas les bonnes et, comme l'a dit Philippe, oui un accord est possible si la présidence a bien pris en compte le message qui lui a été donné lors de notre dernière rencontre par tous ses partenaires. Nous voulons le croire et, dans cette attente, nous lui rappelons l'importance de ces perspectives financières pour l'Union. Ce sera un bon signal évidemment que d'arriver à un accord et un fort mauvais signal que de ne point y parvenir.
Q ?( A propos du "rabais britannique".)
R - Le ministre - L'idée de revoir le rabais c'est qu'on ne peut pas continuer, ne serait-ce que pour une raison qui est très claire et très simple, c'est qu'à l'époque, en 1974, lorsque Mme Thatcher a eu le budget, il était basé sur tout à fait autre chose, c'était pour 70 % les dépenses de la Politique agricole commune. Nous pensons que la structure du budget a changé, nous pensons que le Royaume-Uni est maintenant devenu une nation beaucoup plus riche et nous pensons que nous n'avons pas à payer seuls pour l'élargissement. Si le rabais britannique continue comme il a été proposé, nous serions dans une situation très délicate puisque non seulement nous aurions à payer pour l'élargissement mais aussi directement pour le Royaume-Uni. Ce qui est prévu, si rien n'est fait, c'est 50 milliards, j'ai dit 35, donc la différence est bien de 15.
Q ? (A propos du calendrier de l'élargissement en cas de désaccord sur les perspectives financières)
R - Le ministre - Comme vous le savez, pour la Bulgarie et la Roumanie, nous attendons les rapports de la Commission. Il est vrai que la question qui est posée aujourd'hui dans ce paquet financier c'est : "comment payer l'élargissement". Si nous ne sommes pas capables de payer pour les dix qui viennent d'entrer, cela pose la question pour ceux qui suivent.
Je vous signale quand même que personne ne dit ce qui va se passer s'il n'y a pas d'accord financier. Dans ce cas, soit l'accord inter-institutionnel joue entre la Commission, le Conseil et le Parlement, auquel cas il y a une certaine flexibilité qui peut jouer pendant les deux ans qui viennent, 2007-2009, mais le Parlement a déjà fait savoir qu'il veut revenir sur l'accord inter-institutionnel. S'il y revient, il va être obligé de donner un budget beaucoup plus important ; or, le Conseil européen ne voudra pas qu'il y ait un budget qui dépasse trop les marges. Il peut y avoir une minorité de blocage, auquel cas on retombe dans quelque chose de terrible, c'est à dire les fameux douzièmes. Il n'y aura plus aucune visibilité pour construire l'Europe, avoir des politiques intégrées. Ce n'est pas possible en payant mois par mois, vous connaissez trop la manière dont on fait marcher l'Europe pour savoir qu'elle serait complètement immobilisée, liée, prisonnière, en réalité immobile et ce serait très grave.
Donc, je demande vraiment, en tant que ministre des Affaires étrangères français, avec Catherine Colonna, nous demandons à la présidence britannique de jouer son rôle de présidence, de dépasser le problème purement britannique et de conclure un accord. La France est prête à accepter certaines propositions, à revoir la structure du budget, à aller suffisamment loin, mais il faut que les Britanniques puissent comprendre qu'il faut revoir le montant et le mécanisme du rabais, de façon durable et pérenne.
Sur l'ARYM, je vais répéter ce que j'ai dit, si vous pensez que la décision de donner un statut d'adhésion ne concerne pas les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, alors là on a passé un cap que je ne croyais pas possible. Evidemment cela va passer en Conseil européen ! Est-ce que l'on prend quelqu'un en otage ? Sincèrement, le sujet est de savoir quelle construction européenne nous voulons, quel mécanisme politique nous voulons pour l'élargissement, qui décide. On ne peut décider de faire entrer de nouveaux membres dans la famille que lorsque les règles du jeu interne seront définies. C'est ce que tous les Etats membres ont dit ce matin, à la suite de mon intervention : "Philippe a raison de poser la question sur les négociations, il n'est pas question de les lancer. D'ailleurs tu verras Philippe, il y aura une différence entre le statut et le début des négociations, on va écrire cela?" Ils comprennent le sujet, c'est un sujet majeur.
Il y aura en 2006 une discussion sous présidence autrichienne sur les futurs élargissements et les règles du jeu de l'approfondissement, ce qui a été prévu et décidé ce matin. Puisque c'est dans 6 mois et que nous allons regarder quelles sont les perspectives d'approfondissement et d'élargissement, il me paraît normal de remettre ça à ce moment là. On ne prend personne en otage, je fais partie de ceux qui se sont beaucoup investis dans les Balkans quand cela allait très mal il y 10 ou 12 ans, j'ai bien compris qu'il y avait un risque d'instabilité majeure. La vraie démarche européenne c'est de savoir quelle est la capacité d'absorption de l'Union, comment l'Union fonctionne à 25, à 27 et ensuite, de regarder si elle peut en prendre d'autres ; d'ailleurs pourquoi pas, à condition de se poser réellement la question ; l'Europe, ce n'est pas une fuite en avant, c'est une affaire sérieuse qui nous a été transmise en héritage, des valeurs communes et il faut toujours se poser la question, ce n'est pas parce que la Commission dit : "ah oui, tiens, bien", que le politique doit suivre en permanence. Ce n'est pas comme cela que je vois, moi, la construction européenne.
(...)
Le ministre ? (...) Je crois, si vous voulez, qu'il est aussi nécessaire d'avoir une véritable discussion à haut niveau sur les futurs élargissements, que d'avoir, en même temps, une discussion sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Ce matin on parlait de l'Ukraine et d'autres pays. C'est une vision sur la stabilité, sur la démocratie, sur les Droits de l'Homme, valeur universelle de l'Union européenne. Il est vrai que l'on a plutôt intérêt à avoir à nos frontières des pays qui reconnaissent les valeurs démocratiques, les valeurs universelles, les Droits de l'Homme, l'égalité hommes/femmes, plutôt que des gens qui vont regarder vers le totalitarisme et les intégrismes. Le cercle va être large. C'est en débat.
Je pars du principe, aujourd'hui, que le monde est devenu tellement dangereux que nous avons intérêt à avoir un cercle assez large. Mais à condition que l'Union européenne se dote aussi de moyens pour, projets concrets par projets concrets, organiser le gouvernement économique de manière variable à 3, à 5, à 9, à 12, en prônant l'euro, en allant très loin dans l'harmonisation fiscale, dans celle des charges, en allant très loin dans une politique sociale de convergence économique et sociale. Je suis contre un noyau dur à 6 ou 7 qui donnerait l'impression de deux vitesses. C'est important car, là, c'est une Union qui implose. De tout cela il faut parler.
Il faut, le plus vite possible, revenir dans la Constitution, sur la présidence de l'Union européenne pour deux ans et demi, renouvelable une fois. Je m'exprime à titre personnel. Je pense que c'est absolument fondamental et important pour la conduite des affaires européennes. Ces débats seront sur la table en 2006.
La ministre déléguée - Je veux juste intervenir pour appuyer Philippe. Ce qu'il dit est très important et l'on n'en parle pas suffisamment. La question de l'élargissement et, au-delà, la question des frontières, c'est un débat qu'il faut avoir, un débat qui n'est pas facile ou tout du moins pour lequel les réponses ne sont pas faciles et je ne pense pas qu'il y ait de réponses a priori, mais ayons ce débat davantage que dans le passé. Je vous rappelle que la France débat avec l'ensemble des partenaires européens des élargissements futurs. Le président de la République l'a demandé, le Premier ministre aussi. Les réponses ne sont pas toutes faites mais nous avons eu un grand tort, sans doute, c'est de ne jamais véritablement vouloir nous poser un certain nombre de questions. Et ce matin, il était intéressant et remarquable qu'il y ait eu autour de la table un débat sur ces questions.
(...)
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2005
Mesdames et Messieurs,
Nous étions réunis ce matin avec Catherine Colonna dans le dernier rendez-vous avant le Conseil européen. Ce Conseil européen représente un enjeu essentiel, en particulier pour l'adoption des perspectives financières de l'Union pour 2007-2013. Nous ne voulons pas qu'à une crise institutionnelle s'ajoute une crise financière. La présidence britannique doit faire de nouvelles propositions, nous ne les avons pas encore, il n'y a donc pas eu de discussions détaillées ce matin. Quelques mots cependant sur cet enjeu crucial pour l'avenir immédiat de l'Union européenne.
Il nous faut un accord en décembre pour permettre le financement de l'Europe élargie. La France a largement prouvé combien elle souhaitait un accord en acceptant en juin, avec 19 autres délégations, une proposition luxembourgeoise pourtant très coûteuse pour son budget national. La France n'est pas là pour dire "non", mais pour dire "oui", à condition bien sûr qu'il y ait un accord équitable. Dans les dernières propositions britanniques, la semaine dernière, les grands perdants étaient les nouveaux Etats membres et le grand gagnant le Royaume-Uni, qui était dispensé de payer sa part du coût de l'élargissement. Nous estimons cela inacceptable et ce ne sera pas accepté. La clef, c'est une réforme durable du rabais britannique, c'est une nécessité absolue pour le financement de l'élargissement. Nous avons déjà accepté, en juin, que toutes les dépenses entre les 15 anciens Etats membres restent couvertes par le rabais, ce qui est une concession considérable. M. Juncker avait aussi proposé, autre concession énorme en faveur du Royaume Uni, que toutes les dépenses de la PAC de marché, y compris pour les nouveaux Etats membres, restent aussi couvertes par le rabais. Mais il y a des limites, le Royaume-Uni ne pourra pas être dispensé de payer sa juste part pour les autres dépenses de l'élargissement, c'est à dire la cohésion, le développement rural, la recherche, la sécurité aux frontières extérieures, le social, etc.
Il faut donc revoir le montant du rabais britannique. Comme vous le savez, le Royaume-Uni propose 42 milliards dans son dernier paquet, mais il faudrait plutôt revenir à un rabais au maximum de 35 ou 36 milliards d'euros, ce qui resterait une somme absolument considérable, payée, je vous le rappelle, à 30 % par la France. Par ailleurs le paiement de la juste part britannique des dépenses d'élargissement doit naturellement être un engagement juridique permanent, certainement pas provisoire pour quelques années, parce que le financement de l'élargissement s'inscrit évidemment dans la durée car après 2013, voire 2014, s'il y a de nouveaux élargissements, certainement voulus par le Royaume-Uni, ce n'est pas à la France et aux autres à les payer seuls.
Enfin sur ce qu'on appelle la clause de rendez-vous ou de réexamen du budget avant 2013, je réaffirme la disposition de la France à commencer une réflexion concernant l'avenir de toutes les dépenses et toutes les recettes de l'Union. Nous sommes disposés à commencer une réflexion qui concerne l'avenir de toutes les dépenses et de toutes les recettes de l'Union pourvu, naturellement, que la stabilité du paquet financier 2007-2013 soit bien garantie, c'est ce que Catherine Colonna, dans un excellent article du Figaro, appelle la "prévisibilité". Si vous ne pouvez pas programmer les activités de recherche ou la politique régionale, vous ne savez pas où vous allez. C'est l'avantage du pluriannuel ; donc, oui, nous sommes prêts à parler de réaménagement des dépenses, des recettes mais, évidemment, application après 2013, c'est-à-dire 2014. Les Européens ont besoin d'un minimum de stabilité budgétaire que ce soit pour l'agriculture, la recherche ou les fonds structurels, c'est la raison même des perspectives budgétaires pluriannuelles, c'est une opinion partagée par une grande majorité des Etats membres. Je terminerai en disant que la France est très soutenue dans cette démarche, nous l'avons vu au dernier Conseil Affaires générales et nous le voyons encore aujourd'hui avec tous les contacts que nous avons avec nos partenaires. Il y a donc là un besoin de revenir sur de nouvelles propositions de la part de la présidence.
Un mot également sur l'Ancienne République yougoslave de Macédoine, l'ARYM, c'est une question importante qui a été abordée ce matin, nous avons eu une discussion sur la question du statut de candidat. Je voudrais d'abord dire que, pour moi, il est important de réaffirmer la perspective européenne des Balkans occidentaux, je reviens de Pristina et de Belgrade où j'ai passé 48h et où j'ai rencontré tous les acteurs de part et d'autre. Je comprends bien que la stabilité des Balkans occidentaux est absolument fondamentale pour la stabilité de l'Union. Je mesure le grand espoir, le formidable encouragement que représente pour les Balkans occidentaux la perspective de faire partie un jour de l'Union, c'est d'ailleurs l'engagement que l'Union européenne a pris à Zagreb sous présidence française en 2000. Il est plus que jamais nécessaire de confirmer que l'avenir de ces pays réside dans l'Union, c'est donc un élément indispensable de la stabilité, c'est mon premier message.
Le deuxième, c'est que nous avons pris note de l'avis de la Commission sur l'ARYM, qui estime que les conditions sont réunies pour reconnaître à ce pays le statut de candidat. L'ARYM a accompli des progrès significatifs sur la voie de son rapprochement avec l'Union européenne, notamment en ce qui concerne la mise en ?uvre de l'Accord-cadre d'Ohrid.
Troisième point, le problème n'est pas là, le problème est de savoir si nous devons ou pas lancer une nouvelle vague d'élargissement. Or j'ai posé la question suivante : donner le statut de candidat comme cela, c'est donner un signe politique fort à l'ARYM, ce qui est positif, mais c'est aussi donner un signe aux opinions publiques, à nous tous, qu'on va vers de nouveaux élargissements. Nous nous sommes simplement demandés si les conditions étaient bien réunies aujourd'hui, en décembre 2005, pour octroyer formellement à la Macédoine le statut de candidat. Chacun sait que l'Union européenne ne dispose pas encore des solutions qui lui permettent de répondre au défi que posent les élargissements déjà en cours sur les plans institutionnels et financiers, c'est d'ailleurs tout l'enjeu des perspectives financières, c'est de payer l'élargissement. Il faut sans doute se donner le temps nécessaire dans l'intérêt même du bon déroulement de ce processus et de son acceptabilité par les opinions publiques européennes et donc, in fine, dans l'intérêt même de ces pays qui veulent rejoindre une Europe forte. Il faut encourager la Macédoine, qui est un pays très méritant comme je l'ai dit et que la France tient à appuyer, mais il faut être aussi responsable au moment où la priorité doit être de régler les récents élargissements de l'Union et de la rendre plus forte. C'est le sens des conclusions sur l'élargissement que nous allons adopter aujourd'hui et qui prévoient de revenir l'année prochaine, de manière plus approfondie, sur la communication de la Commission.
La Ministre déléguée - Liban, perspectives financières, Balkans, toutes ces questions sont évidemment des questions importantes et Philippe Douste-Blazy, ce matin, a excellemment représenté la position de la France. La question centrale, en effet maintenant, est que nous attendons les propositions révisées de la présidence britannique, parce que, clairement, les premières propositions n'étaient pas les bonnes et, comme l'a dit Philippe, oui un accord est possible si la présidence a bien pris en compte le message qui lui a été donné lors de notre dernière rencontre par tous ses partenaires. Nous voulons le croire et, dans cette attente, nous lui rappelons l'importance de ces perspectives financières pour l'Union. Ce sera un bon signal évidemment que d'arriver à un accord et un fort mauvais signal que de ne point y parvenir.
Q ?( A propos du "rabais britannique".)
R - Le ministre - L'idée de revoir le rabais c'est qu'on ne peut pas continuer, ne serait-ce que pour une raison qui est très claire et très simple, c'est qu'à l'époque, en 1974, lorsque Mme Thatcher a eu le budget, il était basé sur tout à fait autre chose, c'était pour 70 % les dépenses de la Politique agricole commune. Nous pensons que la structure du budget a changé, nous pensons que le Royaume-Uni est maintenant devenu une nation beaucoup plus riche et nous pensons que nous n'avons pas à payer seuls pour l'élargissement. Si le rabais britannique continue comme il a été proposé, nous serions dans une situation très délicate puisque non seulement nous aurions à payer pour l'élargissement mais aussi directement pour le Royaume-Uni. Ce qui est prévu, si rien n'est fait, c'est 50 milliards, j'ai dit 35, donc la différence est bien de 15.
Q ? (A propos du calendrier de l'élargissement en cas de désaccord sur les perspectives financières)
R - Le ministre - Comme vous le savez, pour la Bulgarie et la Roumanie, nous attendons les rapports de la Commission. Il est vrai que la question qui est posée aujourd'hui dans ce paquet financier c'est : "comment payer l'élargissement". Si nous ne sommes pas capables de payer pour les dix qui viennent d'entrer, cela pose la question pour ceux qui suivent.
Je vous signale quand même que personne ne dit ce qui va se passer s'il n'y a pas d'accord financier. Dans ce cas, soit l'accord inter-institutionnel joue entre la Commission, le Conseil et le Parlement, auquel cas il y a une certaine flexibilité qui peut jouer pendant les deux ans qui viennent, 2007-2009, mais le Parlement a déjà fait savoir qu'il veut revenir sur l'accord inter-institutionnel. S'il y revient, il va être obligé de donner un budget beaucoup plus important ; or, le Conseil européen ne voudra pas qu'il y ait un budget qui dépasse trop les marges. Il peut y avoir une minorité de blocage, auquel cas on retombe dans quelque chose de terrible, c'est à dire les fameux douzièmes. Il n'y aura plus aucune visibilité pour construire l'Europe, avoir des politiques intégrées. Ce n'est pas possible en payant mois par mois, vous connaissez trop la manière dont on fait marcher l'Europe pour savoir qu'elle serait complètement immobilisée, liée, prisonnière, en réalité immobile et ce serait très grave.
Donc, je demande vraiment, en tant que ministre des Affaires étrangères français, avec Catherine Colonna, nous demandons à la présidence britannique de jouer son rôle de présidence, de dépasser le problème purement britannique et de conclure un accord. La France est prête à accepter certaines propositions, à revoir la structure du budget, à aller suffisamment loin, mais il faut que les Britanniques puissent comprendre qu'il faut revoir le montant et le mécanisme du rabais, de façon durable et pérenne.
Sur l'ARYM, je vais répéter ce que j'ai dit, si vous pensez que la décision de donner un statut d'adhésion ne concerne pas les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, alors là on a passé un cap que je ne croyais pas possible. Evidemment cela va passer en Conseil européen ! Est-ce que l'on prend quelqu'un en otage ? Sincèrement, le sujet est de savoir quelle construction européenne nous voulons, quel mécanisme politique nous voulons pour l'élargissement, qui décide. On ne peut décider de faire entrer de nouveaux membres dans la famille que lorsque les règles du jeu interne seront définies. C'est ce que tous les Etats membres ont dit ce matin, à la suite de mon intervention : "Philippe a raison de poser la question sur les négociations, il n'est pas question de les lancer. D'ailleurs tu verras Philippe, il y aura une différence entre le statut et le début des négociations, on va écrire cela?" Ils comprennent le sujet, c'est un sujet majeur.
Il y aura en 2006 une discussion sous présidence autrichienne sur les futurs élargissements et les règles du jeu de l'approfondissement, ce qui a été prévu et décidé ce matin. Puisque c'est dans 6 mois et que nous allons regarder quelles sont les perspectives d'approfondissement et d'élargissement, il me paraît normal de remettre ça à ce moment là. On ne prend personne en otage, je fais partie de ceux qui se sont beaucoup investis dans les Balkans quand cela allait très mal il y 10 ou 12 ans, j'ai bien compris qu'il y avait un risque d'instabilité majeure. La vraie démarche européenne c'est de savoir quelle est la capacité d'absorption de l'Union, comment l'Union fonctionne à 25, à 27 et ensuite, de regarder si elle peut en prendre d'autres ; d'ailleurs pourquoi pas, à condition de se poser réellement la question ; l'Europe, ce n'est pas une fuite en avant, c'est une affaire sérieuse qui nous a été transmise en héritage, des valeurs communes et il faut toujours se poser la question, ce n'est pas parce que la Commission dit : "ah oui, tiens, bien", que le politique doit suivre en permanence. Ce n'est pas comme cela que je vois, moi, la construction européenne.
(...)
Le ministre ? (...) Je crois, si vous voulez, qu'il est aussi nécessaire d'avoir une véritable discussion à haut niveau sur les futurs élargissements, que d'avoir, en même temps, une discussion sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Ce matin on parlait de l'Ukraine et d'autres pays. C'est une vision sur la stabilité, sur la démocratie, sur les Droits de l'Homme, valeur universelle de l'Union européenne. Il est vrai que l'on a plutôt intérêt à avoir à nos frontières des pays qui reconnaissent les valeurs démocratiques, les valeurs universelles, les Droits de l'Homme, l'égalité hommes/femmes, plutôt que des gens qui vont regarder vers le totalitarisme et les intégrismes. Le cercle va être large. C'est en débat.
Je pars du principe, aujourd'hui, que le monde est devenu tellement dangereux que nous avons intérêt à avoir un cercle assez large. Mais à condition que l'Union européenne se dote aussi de moyens pour, projets concrets par projets concrets, organiser le gouvernement économique de manière variable à 3, à 5, à 9, à 12, en prônant l'euro, en allant très loin dans l'harmonisation fiscale, dans celle des charges, en allant très loin dans une politique sociale de convergence économique et sociale. Je suis contre un noyau dur à 6 ou 7 qui donnerait l'impression de deux vitesses. C'est important car, là, c'est une Union qui implose. De tout cela il faut parler.
Il faut, le plus vite possible, revenir dans la Constitution, sur la présidence de l'Union européenne pour deux ans et demi, renouvelable une fois. Je m'exprime à titre personnel. Je pense que c'est absolument fondamental et important pour la conduite des affaires européennes. Ces débats seront sur la table en 2006.
La ministre déléguée - Je veux juste intervenir pour appuyer Philippe. Ce qu'il dit est très important et l'on n'en parle pas suffisamment. La question de l'élargissement et, au-delà, la question des frontières, c'est un débat qu'il faut avoir, un débat qui n'est pas facile ou tout du moins pour lequel les réponses ne sont pas faciles et je ne pense pas qu'il y ait de réponses a priori, mais ayons ce débat davantage que dans le passé. Je vous rappelle que la France débat avec l'ensemble des partenaires européens des élargissements futurs. Le président de la République l'a demandé, le Premier ministre aussi. Les réponses ne sont pas toutes faites mais nous avons eu un grand tort, sans doute, c'est de ne jamais véritablement vouloir nous poser un certain nombre de questions. Et ce matin, il était intéressant et remarquable qu'il y ait eu autour de la table un débat sur ces questions.
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source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2005