Texte intégral
J.-P. Elkabbach Vous présenterez demain, aux côtés de L. Fabius, les décisions du Premier ministre en faveur des bas salaires. La "prime pour l'emploi" - cela s'appelle comme cela maintenant, est-ce la bonne solution ?
- "C'est la meilleure solution possible. Après l'annulation de la baisse de CSG par le Conseil constitutionnel, il fallait trouver une mesure qui permette aux neuf millions de personnes qui attendaient que l'on augmente leur revenu de 180 francs par mois à partir du 1er janvier - et on a vu que certaines personnes avaient déjà inclus cela dans le budget, pour lesquelles c'était vraiment très important - ; il fallait donc trouver une mesure qui touche le même nombre de personnes et qui arrive le plus vite possible."
Elle sera versée en septembre. Y aura-t-il des acomptes, sera-t-elle mensualisée ou donnée d'un coup ?
- "Ce sera en septembre. C'est vrai que plusieurs pistes ont été évoquées, mais que c'est apparu la meilleure façon possible de traiter la question après plusieurs réunions qui ont éliminé d'autres solutions."
Vous avez préféré une augmentation du Smic. Vous vous étiez peut-être un peu avancée, vous n'avez pas gagné ?
- "J'avais d'emblée dit à mon directeur de cabinet - qui a participé aux premières réunions - que, de toute façon, l'idée d'un remboursement de prélèvement me paraissait être une bonne idée. Mais il est vrai que l'on a aussi cherché - comme on savait que cela ne pouvait être fait qu'au plus tôt à l'automne, puisqu'il faut d'abord faire des déclarations de revenus - une mesure qui puisse s'appliquer tout de suite. On a donc cherché au départ autour d'une combinaison de mesures. C'est là que la question du Smic ou d'allocations ont été envisagées pour être écartées parce que le relèvement du Smic n'aurait pas touché les neuf millions de personnes, mais simplement deux millions et demi."
Quel sera le coût annuel de cette décision ?
- "Entre 8 et 8,5 milliards."
N'est-ce pas un bel habillage pour une mesure qui aide peu l'emploi mais qui offre un peu plus de pouvoir d'achat ?
- "C'est d'abord une mesure de redistribution, c'est vrai, c'est-à-dire d'augmentation du revenu des plus modestes, qu'ils soient salariés ou non salariés d'ailleurs. Mais c'est aussi une mesure qui facilite le retour à l'emploi, parce que cela augmente les revenus d'activité."
La prime pour l'emploi - ou crédit d'impôt - a donné lieu à un débat idéologique à gauche, au PS. On entend plusieurs choses, comme "L. Jospin a préféré les modernes aux archéos."
- "Je ne crois pas qu'il faille faire de l'idéologie ou de la philosophie autour de cela. La technique du crédit d'impôt est une technique déjà utilisée. Il ne faut pas en faire une panacée, ce n'est pas un remède miracle, il ne faut pas que cela cannibalise tous les systèmes d'aide à l'emploi. Mais c'est une technique et là, en l'occurrence, c'était la meilleure technique possible pour remplacer l'annulation de la baisse de CSG."
On a fini par vous convaincre que c'était la meilleure technique possible ?
- "Encore une fois, j'aimerais vous convaincre que c'est une des solutions que j'ai envisagées dès le départ. Je n'ai donc aucun mal à vous dire ce que je vous dis !"
Au passage, est-ce que cela veut dire que le Premier ministre n'est pas redevenu, comme à l'époque d'Aubry et Strauss-Kahn, une sorte d'arbitre entre vous et L. Fabius ?
- "Mais le Premier ministre arbitre toujours. Il y a toujours à arbitrer entre de grands ministères qui ont des intérêts, le plus souvent convergents, mais avec quelquefois un angle de vue un peu différent. C'est comme cela, c'est la vie, mais il ne faut pas non plus grossir ce genre de choses. Nous avons travaillé collectivement. Et quand nous avons éliminé certaines pistes, c'est ensemble que nous l'avons fait."
Mais quand on dit que vous avez tous cédé au Medef, au Sénat et surtout au Président de la République qui vous avait dit qu'il fallait autre chose que le Smic, comme le crédit d'impôt ?
- "Tout cela, c'est l'utilisation politicienne des choses. Encore une fois, cette technique est connue depuis longtemps. Ce que je refuse bien entendu, c'est qu'on imagine que le crédit d'impôt puisse remplacer toutes les formes d'aide à l'emploi. Pourquoi ? Parce que plus nous diminuons le chômage et plus les personnes qui restent au chômage sont éloignées de l'emploi. A ces personnes-là, il ne suffit pas de donner des revenus supplémentaires, il faut pouvoir accompagner de façon personnalisée leur retour à l'emploi. C'est donc ce qu'il faut continuer à faire dans nos politiques contre le chômage. Et c'est précisément ce que souhaite faire le Gouvernement."
Il y a un article très intéressant d'un économiste qui s'appelle C. Wyplosz, aujourd'hui dans Libération : "la beauté de l'impôt négatif, c'est qu'il plaît aux uns et aux autres. La droite y voit une source d'efficacité économique, la gauche un instrument de réduction des inégalités. Trop beau pour être vrai." Il dit aussi que partout où l'Etat s'est retiré, le chômage a reculé, massivement.
- "C'est une optique libérale des choses..."
Mais vous avez donc pris une mesure libérale ou libérale-sociale ?
- "Je ne crois pas qu'on puisse qualifier une technique fiscale de droite ou de gauche. C'est une technique, à la condition de la prendre pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un instrument technique, à un moment donné, et de ne pas en faire la panacée pour régler le retour à l'emploi. A ce moment-là, il n'y a pas de problème."
Aujourd'hui et demain, le Medef tient son conseil exécutif puis son assemblée générale. On sent que le ton monte à propos des retraites complémentaires. E.-A. Seillière dit qu'il ne bougera pas pour négocier avec les syndicats. Le Medef estime qu'il n'y a désormais aucune base juridique qui justifie le versement des cotisations. Est-ce que cela vous semble possible ?
- "Je pense que le Medef prend une grosse responsabilité. Il y a un front syndical uni pour refuser ses propositions concernant la retraite à 60 ans et par conséquent, la gestion des retraites complémentaires. Je suis extrêmement vigilante sur ce dossier. Je suis d'ailleurs en relation, et avec le Medef et avec les grandes organisations syndicales, pour suivre de très près cette évolution. C'est vrai que les retraites complémentaires, c'est la responsabilité principale et de la compétence des partenaires sociaux. Je suis cela de très près parce qu'évidemment, il faut pouvoir maintenir la retraite à 60 ans. J'espère que cela pourra encore être possible dans le cadre de la négociation partenariale."
C'est-à-dire, "vous espérez que ce soit possible" ?
- "Il y a une assemblée générale du Medef demain donc nous allons voir."
C'est-à-dire que la retraite à 60 ans, c'est la retraite à 60 ans. Est-ce que c'est un slogan, un droit ou est-ce que le tabou peut se discuter et éventuellement se nuancer ?
- "Là, il s'agit de la gestion, maintenant, de la retraite à 60 ans. Cela doit être préservé. Nous avons encore un peu de temps devant nous parce qu'il y a suffisamment de réserves pour pouvoir payer les retraites jusqu'à la fin mars. Mais il faudra trouver une solution pour après la fin mars. Il n'est pas question que les bénéficiaires de la retraite à 60 ans voient leurs pensions diminuer de plus de 20 % à partir du 1er avril."
Donc vous dites : "je suis vigilante", mais jusqu'au 31 mars vous les laisser faire ou ne pas faire ?
- "Je suis extrêmement vigilante : je suis cela au jour le jour. J'espère que la négociation entre partenaires sociaux permettra de trouver une solution. Sinon l'Etat prendra ses responsabilités."
Et s'il n'y a pas de négociations d'ici au 31 mars ?
- "Encore une fois, nous verrons. Nous sommes en train d'envisager toutes les possibilités."
B. Thibault de la CGT, dénonce "la politique de terre brûlée des acquis sociaux de la part du Medef." Vous partagez cet avis ? Il y a eu l'Unedic, bientôt l'assurance maladie, la famille...
- "Cela ne m'étonne pas que le ton monte parce que le Medef vient de refuser que l'Unedic prélève les cotisations, donc je pense que ce durcissement était prévisible. Alors nous allons voir ce qui se dit à cette assemblée générale demain, si c'est confirmé."
B. Kouchner a terminé et réussi sa mission au Kosovo ; je pense que vous l'applaudissez. On prétend que si L. Jospin vous le proposait comme ministre de la Santé, vous refuseriez ?
- "Qui prétend cela ?"
Je le lis, je l'entends...
- "La rumeur ?"
Mais la vérité, où est-elle ?
- "Premièrement, B. Kouchner est un ami de longue date ..."
Pas de trente ans ?
- "Non, mais de longue date. Deuxièmement, il a merveilleusement rempli sa mission au Kosovo. Troisièmement, je pense, en effet, que ce serait excellent qu'il puisse revenir au Gouvernement. Maintenant, ce n'est pas à moi de dire où, quand et comment."
Mais il pourrait travailler à vos côtés, selon vous ?
- "Si le Premier ministre le souhaite... Moi, en tout cas, je n'y verrai aucun inconvénient."
Il a toutes les qualités pour cela.
- "Il a toutes les qualités mais ce n'est pas à moi de dire et de faire les gouvernements. C'est au Premier ministre de le faire. Mais c'est vrai que B. Kouchner ayant terminé sa mission, ce serait une bonne chose qu'il vienne rejoindre le Gouvernement, ou en tout cas, qu'il ait un poste à sa mesure. Et s'il venait rejoindre l'équipe gouvernementale, moi, je m'en réjouirais."
Vous avez été ministre de la Justice. A l'époque, vous vouliez le procès Papon contre les lenteurs et les obstacles de toutes sortes qu'il y avait eu à l'époque - un jour vous expliquerez lesquelles. Le procès a eu lieu et aujourd'hui, une des plus grandes voix de gauche, le sage R. Badinter, se prononce pour la sortie de prison du vieillard Papon.
- "Je voudrais rappeler que si ce procès a eu lieu, c'est parce que je l'ai voulu. Il y avait une sorte de consensus mou pour le retarder encore quand je suis arrivée à la Chancellerie. Il a fallu que ce procès ait lieu et c'est une excellente chose parce que ce sont des crimes horribles qui ont été jugés, des crimes contre l'humanité, des wagons d'enfants qui sont partis dans les camps de concentration. Maintenant est posée la question de savoir si M. Papon doit bénéficier d'une grâce présidentielle parce qu'il est vieux et malade. Je dis que si l'on pose la question pour Papon, alors il faut la poser pour tous les détenus âgés et pour les malades incurables souvent en phase terminale - il y en a beaucoup qui sont dans nos prisons. Voilà ce que je peux dire."
Mais alors vous êtes pour que tous ces vieux condamnés mourant sortent ou qu'ils meurent en prison ?
- "Je dis qu'il faut poser la question et je pense, en effet, que lorsque des personnes sont malades, souvent de façon incurable, quelquefois en phase terminale, alors véritablement, il faut se poser la question de leur sortie de prison. Mais pas simplement à l'occasion d'une seule personne. Il faut que nous ayons un débat sur une mesure de portée plus générale."
Papon ne doit pas être un cas unique pour E. Guigou, c'est ça ?
- "Oui, surtout compte tenu des crimes qu'il a commis."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 16 janvier 2001)
- "C'est la meilleure solution possible. Après l'annulation de la baisse de CSG par le Conseil constitutionnel, il fallait trouver une mesure qui permette aux neuf millions de personnes qui attendaient que l'on augmente leur revenu de 180 francs par mois à partir du 1er janvier - et on a vu que certaines personnes avaient déjà inclus cela dans le budget, pour lesquelles c'était vraiment très important - ; il fallait donc trouver une mesure qui touche le même nombre de personnes et qui arrive le plus vite possible."
Elle sera versée en septembre. Y aura-t-il des acomptes, sera-t-elle mensualisée ou donnée d'un coup ?
- "Ce sera en septembre. C'est vrai que plusieurs pistes ont été évoquées, mais que c'est apparu la meilleure façon possible de traiter la question après plusieurs réunions qui ont éliminé d'autres solutions."
Vous avez préféré une augmentation du Smic. Vous vous étiez peut-être un peu avancée, vous n'avez pas gagné ?
- "J'avais d'emblée dit à mon directeur de cabinet - qui a participé aux premières réunions - que, de toute façon, l'idée d'un remboursement de prélèvement me paraissait être une bonne idée. Mais il est vrai que l'on a aussi cherché - comme on savait que cela ne pouvait être fait qu'au plus tôt à l'automne, puisqu'il faut d'abord faire des déclarations de revenus - une mesure qui puisse s'appliquer tout de suite. On a donc cherché au départ autour d'une combinaison de mesures. C'est là que la question du Smic ou d'allocations ont été envisagées pour être écartées parce que le relèvement du Smic n'aurait pas touché les neuf millions de personnes, mais simplement deux millions et demi."
Quel sera le coût annuel de cette décision ?
- "Entre 8 et 8,5 milliards."
N'est-ce pas un bel habillage pour une mesure qui aide peu l'emploi mais qui offre un peu plus de pouvoir d'achat ?
- "C'est d'abord une mesure de redistribution, c'est vrai, c'est-à-dire d'augmentation du revenu des plus modestes, qu'ils soient salariés ou non salariés d'ailleurs. Mais c'est aussi une mesure qui facilite le retour à l'emploi, parce que cela augmente les revenus d'activité."
La prime pour l'emploi - ou crédit d'impôt - a donné lieu à un débat idéologique à gauche, au PS. On entend plusieurs choses, comme "L. Jospin a préféré les modernes aux archéos."
- "Je ne crois pas qu'il faille faire de l'idéologie ou de la philosophie autour de cela. La technique du crédit d'impôt est une technique déjà utilisée. Il ne faut pas en faire une panacée, ce n'est pas un remède miracle, il ne faut pas que cela cannibalise tous les systèmes d'aide à l'emploi. Mais c'est une technique et là, en l'occurrence, c'était la meilleure technique possible pour remplacer l'annulation de la baisse de CSG."
On a fini par vous convaincre que c'était la meilleure technique possible ?
- "Encore une fois, j'aimerais vous convaincre que c'est une des solutions que j'ai envisagées dès le départ. Je n'ai donc aucun mal à vous dire ce que je vous dis !"
Au passage, est-ce que cela veut dire que le Premier ministre n'est pas redevenu, comme à l'époque d'Aubry et Strauss-Kahn, une sorte d'arbitre entre vous et L. Fabius ?
- "Mais le Premier ministre arbitre toujours. Il y a toujours à arbitrer entre de grands ministères qui ont des intérêts, le plus souvent convergents, mais avec quelquefois un angle de vue un peu différent. C'est comme cela, c'est la vie, mais il ne faut pas non plus grossir ce genre de choses. Nous avons travaillé collectivement. Et quand nous avons éliminé certaines pistes, c'est ensemble que nous l'avons fait."
Mais quand on dit que vous avez tous cédé au Medef, au Sénat et surtout au Président de la République qui vous avait dit qu'il fallait autre chose que le Smic, comme le crédit d'impôt ?
- "Tout cela, c'est l'utilisation politicienne des choses. Encore une fois, cette technique est connue depuis longtemps. Ce que je refuse bien entendu, c'est qu'on imagine que le crédit d'impôt puisse remplacer toutes les formes d'aide à l'emploi. Pourquoi ? Parce que plus nous diminuons le chômage et plus les personnes qui restent au chômage sont éloignées de l'emploi. A ces personnes-là, il ne suffit pas de donner des revenus supplémentaires, il faut pouvoir accompagner de façon personnalisée leur retour à l'emploi. C'est donc ce qu'il faut continuer à faire dans nos politiques contre le chômage. Et c'est précisément ce que souhaite faire le Gouvernement."
Il y a un article très intéressant d'un économiste qui s'appelle C. Wyplosz, aujourd'hui dans Libération : "la beauté de l'impôt négatif, c'est qu'il plaît aux uns et aux autres. La droite y voit une source d'efficacité économique, la gauche un instrument de réduction des inégalités. Trop beau pour être vrai." Il dit aussi que partout où l'Etat s'est retiré, le chômage a reculé, massivement.
- "C'est une optique libérale des choses..."
Mais vous avez donc pris une mesure libérale ou libérale-sociale ?
- "Je ne crois pas qu'on puisse qualifier une technique fiscale de droite ou de gauche. C'est une technique, à la condition de la prendre pour ce qu'elle est, c'est-à-dire un instrument technique, à un moment donné, et de ne pas en faire la panacée pour régler le retour à l'emploi. A ce moment-là, il n'y a pas de problème."
Aujourd'hui et demain, le Medef tient son conseil exécutif puis son assemblée générale. On sent que le ton monte à propos des retraites complémentaires. E.-A. Seillière dit qu'il ne bougera pas pour négocier avec les syndicats. Le Medef estime qu'il n'y a désormais aucune base juridique qui justifie le versement des cotisations. Est-ce que cela vous semble possible ?
- "Je pense que le Medef prend une grosse responsabilité. Il y a un front syndical uni pour refuser ses propositions concernant la retraite à 60 ans et par conséquent, la gestion des retraites complémentaires. Je suis extrêmement vigilante sur ce dossier. Je suis d'ailleurs en relation, et avec le Medef et avec les grandes organisations syndicales, pour suivre de très près cette évolution. C'est vrai que les retraites complémentaires, c'est la responsabilité principale et de la compétence des partenaires sociaux. Je suis cela de très près parce qu'évidemment, il faut pouvoir maintenir la retraite à 60 ans. J'espère que cela pourra encore être possible dans le cadre de la négociation partenariale."
C'est-à-dire, "vous espérez que ce soit possible" ?
- "Il y a une assemblée générale du Medef demain donc nous allons voir."
C'est-à-dire que la retraite à 60 ans, c'est la retraite à 60 ans. Est-ce que c'est un slogan, un droit ou est-ce que le tabou peut se discuter et éventuellement se nuancer ?
- "Là, il s'agit de la gestion, maintenant, de la retraite à 60 ans. Cela doit être préservé. Nous avons encore un peu de temps devant nous parce qu'il y a suffisamment de réserves pour pouvoir payer les retraites jusqu'à la fin mars. Mais il faudra trouver une solution pour après la fin mars. Il n'est pas question que les bénéficiaires de la retraite à 60 ans voient leurs pensions diminuer de plus de 20 % à partir du 1er avril."
Donc vous dites : "je suis vigilante", mais jusqu'au 31 mars vous les laisser faire ou ne pas faire ?
- "Je suis extrêmement vigilante : je suis cela au jour le jour. J'espère que la négociation entre partenaires sociaux permettra de trouver une solution. Sinon l'Etat prendra ses responsabilités."
Et s'il n'y a pas de négociations d'ici au 31 mars ?
- "Encore une fois, nous verrons. Nous sommes en train d'envisager toutes les possibilités."
B. Thibault de la CGT, dénonce "la politique de terre brûlée des acquis sociaux de la part du Medef." Vous partagez cet avis ? Il y a eu l'Unedic, bientôt l'assurance maladie, la famille...
- "Cela ne m'étonne pas que le ton monte parce que le Medef vient de refuser que l'Unedic prélève les cotisations, donc je pense que ce durcissement était prévisible. Alors nous allons voir ce qui se dit à cette assemblée générale demain, si c'est confirmé."
B. Kouchner a terminé et réussi sa mission au Kosovo ; je pense que vous l'applaudissez. On prétend que si L. Jospin vous le proposait comme ministre de la Santé, vous refuseriez ?
- "Qui prétend cela ?"
Je le lis, je l'entends...
- "La rumeur ?"
Mais la vérité, où est-elle ?
- "Premièrement, B. Kouchner est un ami de longue date ..."
Pas de trente ans ?
- "Non, mais de longue date. Deuxièmement, il a merveilleusement rempli sa mission au Kosovo. Troisièmement, je pense, en effet, que ce serait excellent qu'il puisse revenir au Gouvernement. Maintenant, ce n'est pas à moi de dire où, quand et comment."
Mais il pourrait travailler à vos côtés, selon vous ?
- "Si le Premier ministre le souhaite... Moi, en tout cas, je n'y verrai aucun inconvénient."
Il a toutes les qualités pour cela.
- "Il a toutes les qualités mais ce n'est pas à moi de dire et de faire les gouvernements. C'est au Premier ministre de le faire. Mais c'est vrai que B. Kouchner ayant terminé sa mission, ce serait une bonne chose qu'il vienne rejoindre le Gouvernement, ou en tout cas, qu'il ait un poste à sa mesure. Et s'il venait rejoindre l'équipe gouvernementale, moi, je m'en réjouirais."
Vous avez été ministre de la Justice. A l'époque, vous vouliez le procès Papon contre les lenteurs et les obstacles de toutes sortes qu'il y avait eu à l'époque - un jour vous expliquerez lesquelles. Le procès a eu lieu et aujourd'hui, une des plus grandes voix de gauche, le sage R. Badinter, se prononce pour la sortie de prison du vieillard Papon.
- "Je voudrais rappeler que si ce procès a eu lieu, c'est parce que je l'ai voulu. Il y avait une sorte de consensus mou pour le retarder encore quand je suis arrivée à la Chancellerie. Il a fallu que ce procès ait lieu et c'est une excellente chose parce que ce sont des crimes horribles qui ont été jugés, des crimes contre l'humanité, des wagons d'enfants qui sont partis dans les camps de concentration. Maintenant est posée la question de savoir si M. Papon doit bénéficier d'une grâce présidentielle parce qu'il est vieux et malade. Je dis que si l'on pose la question pour Papon, alors il faut la poser pour tous les détenus âgés et pour les malades incurables souvent en phase terminale - il y en a beaucoup qui sont dans nos prisons. Voilà ce que je peux dire."
Mais alors vous êtes pour que tous ces vieux condamnés mourant sortent ou qu'ils meurent en prison ?
- "Je dis qu'il faut poser la question et je pense, en effet, que lorsque des personnes sont malades, souvent de façon incurable, quelquefois en phase terminale, alors véritablement, il faut se poser la question de leur sortie de prison. Mais pas simplement à l'occasion d'une seule personne. Il faut que nous ayons un débat sur une mesure de portée plus générale."
Papon ne doit pas être un cas unique pour E. Guigou, c'est ça ?
- "Oui, surtout compte tenu des crimes qu'il a commis."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 16 janvier 2001)