Texte intégral
Q- Le Contrat "première embauche", le CPE, donne lieu en ce moment à l'assemblée à des querelles partisanes qui traînent et qui paraissent d'un autre temps. La question au ministre de l'économie : où la bataille pour l'emploi se gagne-t-elle aujourd'hui ? Au Parlement, dans la rue, ou dans les entreprises ?
R- Elle se gagne évidemment dans les entreprises, et elle se gagne aussi, elle se prépare, elle se met en oeuvre au Parlement. Parce que, pour qu'elle se gagne dans les entreprises, il faut aussi que les jeunes puissent avoir désormais le moyen d'y rentrer, et vous savez que la spécificité française, hélas ! c'est d'avoir 23% de chômage des jeunes, c'est inadmissible ! Le Premier ministre a décidé clairement que ceci ne pouvait durer, et ça ne peut pas durer. Donc, on se donne les moyens au Parlement de corriger cela, et puis après ça bien sûr, c'est dans les entreprises.
Q- Est-ce que vous obtenez l'engagement réel, concret, des managers, des patrons ?
R- Ecoutez, moi je suis sur le terrain tous les soirs en ce moment, pour aller les rencontrer, pour leur expliquer, et je peux vous dire qu'ils sont vraiment très réceptifs, et ça me fait plaisir.
Q- Est-ce que vous croyez, comme D. de Villepin et N. Sarkozy, que pour améliorer l'emploi et la situation de l'emploi en France, il faut plus de flexibilité ?
R- Je crois qu'il faut surtout se reposer la question de la relation au travail. La relation au travail au XXIème siècle, n'est plus sans doute ce qu'elle était au XXème, et c'est exactement ce que l'on fait, en essayant de voir, étape par étape, de façon programmée, comment on peut déverrouiller précisément ce qui devient un blocage intolérable pour la société française. C'est le succès du contrat "nouvelles embauches", et ça va être, je le souhaite de tout coeur, et je crois vraiment qu'on fait tout pour cela, le succès du CPE.
Q- T. Breton, il y a aujourd'hui une grève dans la fonction publique sur les salaires, que Bercy ne veut pas ou ne peut pas augmenter. Je pense que la dette oblige. Est-ce que la règle Raffarin ? "les journées de grève ne sont pas payées" - s'applique toujours ?
R- Ah oui, bien sûr, c'est compris de tout le monde, ça, maintenant. Oui, tout à fait.
Q- Et donc, s'il y a moins de monde, vous pensez que c'en sont des effets ?
R- C'est la règle, chacun prend ses responsabilités. Le droit de faire grève évidemment est un droit dans notre pays, mais c'est vrai que les journées de grève ne sont pas payées. C'est normal.
Q- Alors, la TVA dans le bâtiment, elle reste à 5,5% jusqu'en 2010. Est-ce que la construction, disons le bâtiment, va repartir à partir de là, déjà ?
R- D'abord, je voudrais dire que c'est un combat très très long et très difficile. Avec d'autres, je l'ai mené, bien sûr, et notamment à Bruxelles. Et je peux vous dire que hier soir, lorsque j'ai appris - puisque monsieur Grasser, le ministre autrichien qui négociait pour l'ensemble des ministres des Finances, m'a téléphoné directement à 19h30 pour le dire - j'étais très heureux. Je dis "très heureux", parce que c'est un combat que nous avons mené avec détermination, au nom de la France, c'est un combat qui la été très difficile, qui montre aussi aujourd'hui que l'Europe, il faut sans doute la repenser et qu'on comprend bien pourquoi il faut une Constitution, il nous faut repenser les institutions. Hélas ! le non l'a emporté. Mais il ne faut pas pour autant baisser les bras. On s'est battus et on se bat. Et aujourd'hui, eh bien voilà, on a réussi à convaincre. C'est quand même une très très bonne nouvelle pour l'instant. Très bonne nouvelle.
Q- On tire un coup de chapeau à l'Autriche, qui pour les débuts à la tête de la présidence de l'union européenne, a obtenu donc ce résultat. Mais la Pologne, nouvelle arrivée, elle tient la dragée haute à 24 pays européens. Et elle obtient des concessions qui sont autant d'avantages. Est-ce que ça veut dire que, dans cette Europe qu'il faut repenser, comme vous dites, le nationalisme est récompensé ?
R- Non, je ne voudrais ostraciser une fois de plus. Il n'y avait pas que la Pologne. Il y a eu d'autres Etats qui ont essayé de répondre à une autre question que celle qui était posée. C'est le principe de l'unanimité. On voit bien que, dans une Europe à 25, on ne peut pas fonctionner en demandant l'unanimité à tout le monde. Faute de quoi, certains sont tentés effectivement de ne pas répondre à la question posée, mais de demander qu'on s'intéresse à leurs petits problèmes. Et ce principe-là qu'il faut revoir, c'est une évidence.
Q- Comme disait tout à l'heure, Eric Israïlévitch sur Europe 1 : "mais toute réforme pour passer doit avoir l'unanimité". Donc, on tourne en rond. Comment en sortir ?
R- Il a posé des questions je vais lui répondre, parce qu'il avait oublié, E. Israïlévitch, qu'effectivement, la solidarité on a voulu la faire passer l'année dernière, puisque ça a été la proposition britannique qui a été acceptée à 24 pays, l'Allemagne s'était opposée. Donc, voilà la réponse à sa question, il l'a en direct. Mais on va continuer à se battre. Je lui dis qu'il ne s'inquiète pas, on continue à se battre parce que c'est la position de la France que de demander la subsidiarité pour les services à forte intensité de main-d'oeuvre, et puis pour aller vers l'harmonisation fiscale pour le reste, de façon à ce qu'on ait vraiment une Europe qui commence à se construire, y compris sur le plan fiscal.
Q- D'autant plus, que c'est un accord pour 4 ans et demi, ce qui ressemble à un sursis ?
R- C'est pas mal quand même.
Q- Oui, c'est formidable.
R- Je vous rappelle qu'on était partis à 2008 ;
Q- Oui, absolument. Mais qu'est-ce qu'on fera après ?
R- Là, maintenant, écoutez, je crois vraiment sincèrement que... Moi je repose la question dès le prochain Ecofin, le fait qu'il faut vraiment qu'on se mette d'accord pour que, entre nous on décide effectivement que, pour de la TVA, de la fiscalité, qui concerne les activités à forte intensité de main-d'oeuvre, et qui ne crée pas de distorsions sur le grand marché, vraiment il faut qu'on puisse laisser les pays faire, et donc je vais continuer ce combat.
Q- Je vous ai demandé tout à l'heure T. Breton, si vous pensez qu'il va y avoir des emplois dans la construction, dans le bâtiment, après cet accord ?
R- En tout cas, si vous voulez, on a vu que ça en a déjà beaucoup créés. On avait le risque que ça en détruise. Et puis je crois que maintenant c'est un formidable coup d'accélérateur. Le bâtiment ne s'est jamais si bien porté. Et puis, je dois le rappeler aussi, on a eu à une certaine époque dans le bâtiment du travail au noir, et le ministre de l'économie et des Finances que je suis ne peut s'en satisfaire. Donc, aujourd'hui, c'est que des bons signes, et j'espère que tout le monde saura en profiter.
Q- Et la TVA restauration, c'est fichu ?
R- Non. Là encore, j'ai entendu certaines interrogations. Dès que ceci a été connu, la proposition qui a été mise sur la table qui, je rappelle pour la TVA restauration, donc ce n'est pas fichu puisqu'on continue à travailler, on a une étude d'impact maintenant qui est programmée dans les 18 mois. Parallèlement à cela, le Premier ministre a souhaité qu'il y ait une mission, qui a été confiée à R. Dutreil et à L. Bertrand, qui donne ses réponses dans un mois pour aider les restaurateurs. Non... On ne baisse pas les bras !
Q- D'accord. Mais est-ce que vous dites qu'il y a une solution nationale en attendant 18 mois, 20 mois...
R- Bien sûr, bien sûr, je dis, qu'effectivement, on se préoccupe très sérieusement de cette profession ensemble, et qu'on travaille la main dans la main avec eux pour voir comment on peut continuer à les aider et à ce qu'ils se développent.
Q- Pour avant 2007 et ici, en France ?
R- Bien sûr, bien sûr, oui.
Q- Alors Arcelor, T. Breton, pour contrer l'OPA inamicale de Mittal, quelle est la solution, et qu'est-ce que veut ou qu'est-ce que peut réellement le gouvernement Villepin ?
R- Je voudrais, si vous le voulez bien rappeler tut le monde à la raison. Il s'agit ici d'une affaire très simple. On essaye de la compliquer, de la caricaturer. Il s'agit tout simplement d'une entreprise qui est une entreprise européenne, qui a son siège en Hollande et qui est cotée en Hollande, elle s'appelle Mittal Steel. Elle fait une OPA sur une autre entreprise européenne, qui, elle, a son siège à Luxembourg et qui s'appelle Arcelor. Et c'est la vie normale des affaires ! La vie normale des affaires, c'est que des entreprises discutent, se rapprochent, c'est comme ça que cela se passe. Je rappelle que l'Europe est un continent où ces choses-là se font tous les jours. Je rappelle que la France est un pays ouvert, qui accueille les plus grands nombres d'investissements étrangers de toute l'Europe continentale. Donc, je le redis à tout le monde : ceci est la vie normale des affaires. Dans le cas d'espèce, nous constatons que cette OPA s'est faire de façon hostile, et là encore, c'est le droit des entreprises. J'ai exprimé, au nom du Gouvernement, une seule préoccupation, une seule, mais je l'ai dit clairement : j'ai dit tout simplement que quand des choses comme celle-là se font, l'intérêt, c'est que cela se fasse et que cela crée de la valeur pour les actionnaires et, évidemment, pour les salariés, et évidemment pour l'ensemble de l'activité où cela se passe. Or je constate - et je suis obligé de le dire, je suis dans mon rôle de ministre des Finances, que de rappeler - que dans le cas d'OPA hostiles, qui se font sans discussions préalables, il y a moins de chance que cela réussisse que si jamais on s'était donné le temps de parler. C'est tout. Je n'ai fait que le déplorer, parce que, in fine, ce sont les actionnaires qui vont décider, ce ne sont pas les Etats.
Q- Vous répétez que ce sont les actionnaires qui savent, eux, si ce projet a de la valeur ou pas. Ce sont eux qui vont décider ?
R- Bien sûr ! Aujourd'hui, le seul Etat qui s'est positionné pour dire qu'il
est contre, c'est le Luxembourg, parce qu'il est par ailleurs actionnaire.
Donc, lui, il a la légitimité pour le dire.
Q- Ce qui veut dire que l'Etat français n'étant pas actionnaire, vous n'avez pas grand-chose à dire ?
R- Pas du tout, nous avons notre mot à dire car nous sommes une partie prenante et l'ensemble des parties prenantes doit d'exprimer. Moi, encore une fois, mon intérêt, en tant que ministre de l'économie et des Finances, c'est que si une opération comme celle-ci devait aboutir, qu'elle se passe dans les meilleures conditions pour tout le monde. Je n'ai fait que dire que je regrette fortement qu'on ne se soit pas donné le temps préalablement d'avoir un projet industriel que l'on puisse exposer le jour où l'on déclarait cette offre, d'expliquer comment la gouvernance aurait fonctionné. Ce sont des questions in fine qui...
Q- Vous avez répondu et réagi très, très vite vous-même.
R- Oui, effectivement, j'ai réagi très vite en disant que j'allais suivre avec la plus grande attention, dans l'intérêt de l'emploi. J'ai réagi très vite parce que j'ai demandé, effectivement, à ce que le président d'Arcelor vienne m'expliquer où était le projet industriel et le président de Mittal Steel aussi. Malheureusement, aujourd'hui, je le dis, je ne l'ai pas, je le regrette. J'espère qu'il viendra parce qu'un projet d'entreprise, c'est d'abord un projet industriel, ce sont des hommes et des femmes et je regrette tout simplement que ceci n'ait pas été fait préalablement, mais c'est tout. J'espère que cela viendra, dans l'intérêt des actionnaires, qui eux, sont les seuls qui auront à se décider. Ils agiront en leur âme et conscience. Ils vérifieront si jamais le papier est le papier qui leur correspond. Ils vérifieront si le projet est celui qui leur correspond. Ce n'est pas moi qui le ferai.
Q- Quelles sont la ligne et la consigne du Premier ministre ?
R- D'être très attentifs pour veiller, à ce que, in fine...
Q- C'est tout ?
R- Ecoutez-moi bien : veiller à ce que, in fine, les intérêts de la partie prenante qui représente la France soient préservés et, en premier lieu, l'emploi. Je le répète : qu'est-ce qui crée de l'emploi : ce sont des projets industriels. J'attends avec impatience de voir le projet industriel. Je ne l'ai pas encore vu.
Q- Il paraît que monsieur L. Mittal a prévu de venir vous voir, de vous proposer un projet industriel, social, etc.
R- Eh bien tant mieux, mais j'aurais préféré l'avoir avant, mais c'est tout. Mais chacun est libre de faire ce qu'il veut. Je voudrais dire aussi que cela n'a rien à voir avec l'Inde ou quiconque. J'entends ici des réactions. Je voudrais là aussi rappeler tout le monde à la raison. Il s'agit d'une entreprise qui est une entreprise européenne. Maintenant, la nationalité des actionnaires n'a strictement rien à voir dans cette affaire, et là aussi, je voudrais rappeler tout le monde à la raison.
Q- Avez-vous demandé aux banques d'aider Arcelor ?
R- Non, pas du tout ! Encore une fois, chacun dans son rôle, ce n'est pas notre rôle !
Q- Est-ce que vous cherchez un chevalier blanc, même si ce chevalier blanc est un Jaune - le Nippon Steel, c'est-à-dire un japonais ?
R- Je suis ministre de l'Economie et des Finances. Ce n'est pas mon rôle ; mon rôle, c'est de veiller à ce que les procédures se déroulent correctement et que, in fine, cela se fasse dans l'intérêt des actionnaires des parties, c'est tout.
Q- Quand vous conseillez, avec D. de Villepin, aux patrons de verrouiller le capital de leurs entreprises, de se préparer à tout, même à d'autres raids, est-ce qu'il n'y a pas une manière d'aider, de votre part, en améliorant la fiscalité pour les actionnaires et pour les salariés qui peuvent être actionnaires ?
R- Pas de "verrouiller". Nous essayons de faire en sorte que l'actionnariat des entreprises, et notamment des entreprises européennes et françaises, puisse être un actionnariat stable et de long terme. C'est la raison pour laquelle nous avons fait passer deux mesures très importantes, notamment dans le cadre de la loi de finances. La première, c'est que désormais, les plus-values sur les actions détenues dans les entreprises par des personnes physiques seront exonérées à partir de six ans par tiers, et deuxièmement, que si jamais des salariés ou le management investissent dans l'entreprise dans laquelle ils travaillent, ils sont exonérés à 75 % de l'ISF, parce que, encore une fois, nous voulons inciter les uns et les autres à investir dans les entreprises françaises et à avoir un actionnariat long et non pas un actionnariat spéculatif.
Q- La mondialisation, c'est dur, hein...
R- Non, la mondialisation, c'est normal, la mondialisation, c'est la vie, et la France est parfaitement à l'aise dans le cadre de la mondialisation. Par contre, tout le monde doit respecter les règles, la grammaire du monde des affaires, dans l'intérêt des actionnaires, des salariés et des clients. Je ne cesse de le rappeler mais je ne rappelle que cela.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 février 2006
R- Elle se gagne évidemment dans les entreprises, et elle se gagne aussi, elle se prépare, elle se met en oeuvre au Parlement. Parce que, pour qu'elle se gagne dans les entreprises, il faut aussi que les jeunes puissent avoir désormais le moyen d'y rentrer, et vous savez que la spécificité française, hélas ! c'est d'avoir 23% de chômage des jeunes, c'est inadmissible ! Le Premier ministre a décidé clairement que ceci ne pouvait durer, et ça ne peut pas durer. Donc, on se donne les moyens au Parlement de corriger cela, et puis après ça bien sûr, c'est dans les entreprises.
Q- Est-ce que vous obtenez l'engagement réel, concret, des managers, des patrons ?
R- Ecoutez, moi je suis sur le terrain tous les soirs en ce moment, pour aller les rencontrer, pour leur expliquer, et je peux vous dire qu'ils sont vraiment très réceptifs, et ça me fait plaisir.
Q- Est-ce que vous croyez, comme D. de Villepin et N. Sarkozy, que pour améliorer l'emploi et la situation de l'emploi en France, il faut plus de flexibilité ?
R- Je crois qu'il faut surtout se reposer la question de la relation au travail. La relation au travail au XXIème siècle, n'est plus sans doute ce qu'elle était au XXème, et c'est exactement ce que l'on fait, en essayant de voir, étape par étape, de façon programmée, comment on peut déverrouiller précisément ce qui devient un blocage intolérable pour la société française. C'est le succès du contrat "nouvelles embauches", et ça va être, je le souhaite de tout coeur, et je crois vraiment qu'on fait tout pour cela, le succès du CPE.
Q- T. Breton, il y a aujourd'hui une grève dans la fonction publique sur les salaires, que Bercy ne veut pas ou ne peut pas augmenter. Je pense que la dette oblige. Est-ce que la règle Raffarin ? "les journées de grève ne sont pas payées" - s'applique toujours ?
R- Ah oui, bien sûr, c'est compris de tout le monde, ça, maintenant. Oui, tout à fait.
Q- Et donc, s'il y a moins de monde, vous pensez que c'en sont des effets ?
R- C'est la règle, chacun prend ses responsabilités. Le droit de faire grève évidemment est un droit dans notre pays, mais c'est vrai que les journées de grève ne sont pas payées. C'est normal.
Q- Alors, la TVA dans le bâtiment, elle reste à 5,5% jusqu'en 2010. Est-ce que la construction, disons le bâtiment, va repartir à partir de là, déjà ?
R- D'abord, je voudrais dire que c'est un combat très très long et très difficile. Avec d'autres, je l'ai mené, bien sûr, et notamment à Bruxelles. Et je peux vous dire que hier soir, lorsque j'ai appris - puisque monsieur Grasser, le ministre autrichien qui négociait pour l'ensemble des ministres des Finances, m'a téléphoné directement à 19h30 pour le dire - j'étais très heureux. Je dis "très heureux", parce que c'est un combat que nous avons mené avec détermination, au nom de la France, c'est un combat qui la été très difficile, qui montre aussi aujourd'hui que l'Europe, il faut sans doute la repenser et qu'on comprend bien pourquoi il faut une Constitution, il nous faut repenser les institutions. Hélas ! le non l'a emporté. Mais il ne faut pas pour autant baisser les bras. On s'est battus et on se bat. Et aujourd'hui, eh bien voilà, on a réussi à convaincre. C'est quand même une très très bonne nouvelle pour l'instant. Très bonne nouvelle.
Q- On tire un coup de chapeau à l'Autriche, qui pour les débuts à la tête de la présidence de l'union européenne, a obtenu donc ce résultat. Mais la Pologne, nouvelle arrivée, elle tient la dragée haute à 24 pays européens. Et elle obtient des concessions qui sont autant d'avantages. Est-ce que ça veut dire que, dans cette Europe qu'il faut repenser, comme vous dites, le nationalisme est récompensé ?
R- Non, je ne voudrais ostraciser une fois de plus. Il n'y avait pas que la Pologne. Il y a eu d'autres Etats qui ont essayé de répondre à une autre question que celle qui était posée. C'est le principe de l'unanimité. On voit bien que, dans une Europe à 25, on ne peut pas fonctionner en demandant l'unanimité à tout le monde. Faute de quoi, certains sont tentés effectivement de ne pas répondre à la question posée, mais de demander qu'on s'intéresse à leurs petits problèmes. Et ce principe-là qu'il faut revoir, c'est une évidence.
Q- Comme disait tout à l'heure, Eric Israïlévitch sur Europe 1 : "mais toute réforme pour passer doit avoir l'unanimité". Donc, on tourne en rond. Comment en sortir ?
R- Il a posé des questions je vais lui répondre, parce qu'il avait oublié, E. Israïlévitch, qu'effectivement, la solidarité on a voulu la faire passer l'année dernière, puisque ça a été la proposition britannique qui a été acceptée à 24 pays, l'Allemagne s'était opposée. Donc, voilà la réponse à sa question, il l'a en direct. Mais on va continuer à se battre. Je lui dis qu'il ne s'inquiète pas, on continue à se battre parce que c'est la position de la France que de demander la subsidiarité pour les services à forte intensité de main-d'oeuvre, et puis pour aller vers l'harmonisation fiscale pour le reste, de façon à ce qu'on ait vraiment une Europe qui commence à se construire, y compris sur le plan fiscal.
Q- D'autant plus, que c'est un accord pour 4 ans et demi, ce qui ressemble à un sursis ?
R- C'est pas mal quand même.
Q- Oui, c'est formidable.
R- Je vous rappelle qu'on était partis à 2008 ;
Q- Oui, absolument. Mais qu'est-ce qu'on fera après ?
R- Là, maintenant, écoutez, je crois vraiment sincèrement que... Moi je repose la question dès le prochain Ecofin, le fait qu'il faut vraiment qu'on se mette d'accord pour que, entre nous on décide effectivement que, pour de la TVA, de la fiscalité, qui concerne les activités à forte intensité de main-d'oeuvre, et qui ne crée pas de distorsions sur le grand marché, vraiment il faut qu'on puisse laisser les pays faire, et donc je vais continuer ce combat.
Q- Je vous ai demandé tout à l'heure T. Breton, si vous pensez qu'il va y avoir des emplois dans la construction, dans le bâtiment, après cet accord ?
R- En tout cas, si vous voulez, on a vu que ça en a déjà beaucoup créés. On avait le risque que ça en détruise. Et puis je crois que maintenant c'est un formidable coup d'accélérateur. Le bâtiment ne s'est jamais si bien porté. Et puis, je dois le rappeler aussi, on a eu à une certaine époque dans le bâtiment du travail au noir, et le ministre de l'économie et des Finances que je suis ne peut s'en satisfaire. Donc, aujourd'hui, c'est que des bons signes, et j'espère que tout le monde saura en profiter.
Q- Et la TVA restauration, c'est fichu ?
R- Non. Là encore, j'ai entendu certaines interrogations. Dès que ceci a été connu, la proposition qui a été mise sur la table qui, je rappelle pour la TVA restauration, donc ce n'est pas fichu puisqu'on continue à travailler, on a une étude d'impact maintenant qui est programmée dans les 18 mois. Parallèlement à cela, le Premier ministre a souhaité qu'il y ait une mission, qui a été confiée à R. Dutreil et à L. Bertrand, qui donne ses réponses dans un mois pour aider les restaurateurs. Non... On ne baisse pas les bras !
Q- D'accord. Mais est-ce que vous dites qu'il y a une solution nationale en attendant 18 mois, 20 mois...
R- Bien sûr, bien sûr, je dis, qu'effectivement, on se préoccupe très sérieusement de cette profession ensemble, et qu'on travaille la main dans la main avec eux pour voir comment on peut continuer à les aider et à ce qu'ils se développent.
Q- Pour avant 2007 et ici, en France ?
R- Bien sûr, bien sûr, oui.
Q- Alors Arcelor, T. Breton, pour contrer l'OPA inamicale de Mittal, quelle est la solution, et qu'est-ce que veut ou qu'est-ce que peut réellement le gouvernement Villepin ?
R- Je voudrais, si vous le voulez bien rappeler tut le monde à la raison. Il s'agit ici d'une affaire très simple. On essaye de la compliquer, de la caricaturer. Il s'agit tout simplement d'une entreprise qui est une entreprise européenne, qui a son siège en Hollande et qui est cotée en Hollande, elle s'appelle Mittal Steel. Elle fait une OPA sur une autre entreprise européenne, qui, elle, a son siège à Luxembourg et qui s'appelle Arcelor. Et c'est la vie normale des affaires ! La vie normale des affaires, c'est que des entreprises discutent, se rapprochent, c'est comme ça que cela se passe. Je rappelle que l'Europe est un continent où ces choses-là se font tous les jours. Je rappelle que la France est un pays ouvert, qui accueille les plus grands nombres d'investissements étrangers de toute l'Europe continentale. Donc, je le redis à tout le monde : ceci est la vie normale des affaires. Dans le cas d'espèce, nous constatons que cette OPA s'est faire de façon hostile, et là encore, c'est le droit des entreprises. J'ai exprimé, au nom du Gouvernement, une seule préoccupation, une seule, mais je l'ai dit clairement : j'ai dit tout simplement que quand des choses comme celle-là se font, l'intérêt, c'est que cela se fasse et que cela crée de la valeur pour les actionnaires et, évidemment, pour les salariés, et évidemment pour l'ensemble de l'activité où cela se passe. Or je constate - et je suis obligé de le dire, je suis dans mon rôle de ministre des Finances, que de rappeler - que dans le cas d'OPA hostiles, qui se font sans discussions préalables, il y a moins de chance que cela réussisse que si jamais on s'était donné le temps de parler. C'est tout. Je n'ai fait que le déplorer, parce que, in fine, ce sont les actionnaires qui vont décider, ce ne sont pas les Etats.
Q- Vous répétez que ce sont les actionnaires qui savent, eux, si ce projet a de la valeur ou pas. Ce sont eux qui vont décider ?
R- Bien sûr ! Aujourd'hui, le seul Etat qui s'est positionné pour dire qu'il
est contre, c'est le Luxembourg, parce qu'il est par ailleurs actionnaire.
Donc, lui, il a la légitimité pour le dire.
Q- Ce qui veut dire que l'Etat français n'étant pas actionnaire, vous n'avez pas grand-chose à dire ?
R- Pas du tout, nous avons notre mot à dire car nous sommes une partie prenante et l'ensemble des parties prenantes doit d'exprimer. Moi, encore une fois, mon intérêt, en tant que ministre de l'économie et des Finances, c'est que si une opération comme celle-ci devait aboutir, qu'elle se passe dans les meilleures conditions pour tout le monde. Je n'ai fait que dire que je regrette fortement qu'on ne se soit pas donné le temps préalablement d'avoir un projet industriel que l'on puisse exposer le jour où l'on déclarait cette offre, d'expliquer comment la gouvernance aurait fonctionné. Ce sont des questions in fine qui...
Q- Vous avez répondu et réagi très, très vite vous-même.
R- Oui, effectivement, j'ai réagi très vite en disant que j'allais suivre avec la plus grande attention, dans l'intérêt de l'emploi. J'ai réagi très vite parce que j'ai demandé, effectivement, à ce que le président d'Arcelor vienne m'expliquer où était le projet industriel et le président de Mittal Steel aussi. Malheureusement, aujourd'hui, je le dis, je ne l'ai pas, je le regrette. J'espère qu'il viendra parce qu'un projet d'entreprise, c'est d'abord un projet industriel, ce sont des hommes et des femmes et je regrette tout simplement que ceci n'ait pas été fait préalablement, mais c'est tout. J'espère que cela viendra, dans l'intérêt des actionnaires, qui eux, sont les seuls qui auront à se décider. Ils agiront en leur âme et conscience. Ils vérifieront si jamais le papier est le papier qui leur correspond. Ils vérifieront si le projet est celui qui leur correspond. Ce n'est pas moi qui le ferai.
Q- Quelles sont la ligne et la consigne du Premier ministre ?
R- D'être très attentifs pour veiller, à ce que, in fine...
Q- C'est tout ?
R- Ecoutez-moi bien : veiller à ce que, in fine, les intérêts de la partie prenante qui représente la France soient préservés et, en premier lieu, l'emploi. Je le répète : qu'est-ce qui crée de l'emploi : ce sont des projets industriels. J'attends avec impatience de voir le projet industriel. Je ne l'ai pas encore vu.
Q- Il paraît que monsieur L. Mittal a prévu de venir vous voir, de vous proposer un projet industriel, social, etc.
R- Eh bien tant mieux, mais j'aurais préféré l'avoir avant, mais c'est tout. Mais chacun est libre de faire ce qu'il veut. Je voudrais dire aussi que cela n'a rien à voir avec l'Inde ou quiconque. J'entends ici des réactions. Je voudrais là aussi rappeler tout le monde à la raison. Il s'agit d'une entreprise qui est une entreprise européenne. Maintenant, la nationalité des actionnaires n'a strictement rien à voir dans cette affaire, et là aussi, je voudrais rappeler tout le monde à la raison.
Q- Avez-vous demandé aux banques d'aider Arcelor ?
R- Non, pas du tout ! Encore une fois, chacun dans son rôle, ce n'est pas notre rôle !
Q- Est-ce que vous cherchez un chevalier blanc, même si ce chevalier blanc est un Jaune - le Nippon Steel, c'est-à-dire un japonais ?
R- Je suis ministre de l'Economie et des Finances. Ce n'est pas mon rôle ; mon rôle, c'est de veiller à ce que les procédures se déroulent correctement et que, in fine, cela se fasse dans l'intérêt des actionnaires des parties, c'est tout.
Q- Quand vous conseillez, avec D. de Villepin, aux patrons de verrouiller le capital de leurs entreprises, de se préparer à tout, même à d'autres raids, est-ce qu'il n'y a pas une manière d'aider, de votre part, en améliorant la fiscalité pour les actionnaires et pour les salariés qui peuvent être actionnaires ?
R- Pas de "verrouiller". Nous essayons de faire en sorte que l'actionnariat des entreprises, et notamment des entreprises européennes et françaises, puisse être un actionnariat stable et de long terme. C'est la raison pour laquelle nous avons fait passer deux mesures très importantes, notamment dans le cadre de la loi de finances. La première, c'est que désormais, les plus-values sur les actions détenues dans les entreprises par des personnes physiques seront exonérées à partir de six ans par tiers, et deuxièmement, que si jamais des salariés ou le management investissent dans l'entreprise dans laquelle ils travaillent, ils sont exonérés à 75 % de l'ISF, parce que, encore une fois, nous voulons inciter les uns et les autres à investir dans les entreprises françaises et à avoir un actionnariat long et non pas un actionnariat spéculatif.
Q- La mondialisation, c'est dur, hein...
R- Non, la mondialisation, c'est normal, la mondialisation, c'est la vie, et la France est parfaitement à l'aise dans le cadre de la mondialisation. Par contre, tout le monde doit respecter les règles, la grammaire du monde des affaires, dans l'intérêt des actionnaires, des salariés et des clients. Je ne cesse de le rappeler mais je ne rappelle que cela.Source: premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 février 2006