Interview de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, dans "le Pays" du 26 janvier 2006, sur la décentralisation, les délocalisations, l'aménagement des réseaux de transport et la sécurité en Franche-Comté.

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Texte intégral

Question.- Aux nouvelles compétences qui leur incombent, les exécutifs
des collectivités territoriales opposent souvent l'insuffisance de
dotations. Qu'avez-vous à leur répondre en Franche-Comté ?

N. Sarkozy.- L'Acte II de la décentralisation a été accompagné de plus
de garanties que les collectivités territoriales n'en ont jamais eues.
Depuis 2003, pour chaque compétence décentralisée, l'État transfère aux
collectivités la somme exacte qu'il consacrait à cette compétence.
Ainsi, en 2006, la Région Franche-Comté bénéficie de compensations, au
titre des compétences transférées en 2005 et 2006, pour un montant de
plus de 10 M? ; de même, les départements du Doubs, Jura, Haute-Saône
et Territoire de Belfort ? voient leurs compensations garanties à
hauteur de près de 2 M?. En aucun cas on ne peut prétexter que la
décentralisation n'est pas financée pour justifier des hausses de taux
massives, comme l'augmentation de 25 % du taux des impôts locaux qu'a
pratiquée la région Franche-Comté en 2005.
Question.- Les élus locaux n'auraient donc pas, selon vous, de raison
objective de se plaindre ?

N. Sarkozy.- Je peux certes reconnaître qu'en transférant des
responsabilités très importantes aux collectivités, la décentralisation
a modifié en profondeur le « centre de gravité » des politiques locales
; cela suppose de leur part un effort d'appropriation, de réflexion
stratégique et, parfois, de réorganisation. Il est nécessaire que
l'État accompagne cet effort par un double engagement : élargir les
marges d'action des collectivités sur les compétences transférées, où
l'État devrait s'interdire d'intervenir au-delà de ce qu'exige la
garantie du principe d'égalité ; mieux associer les collectivités
territoriales aux décisions qui les concernent et qui ont un impact sur
leurs dépenses.
Question.- Comment le Gouvernement peut-il lutter contre le fléau des
délocalisations ?
N. Sarkozy.- Pour préserver un socle industriel fort en France, il nous
faut une politique industrielle ambitieuse. Il faut aider nos
entreprises à passer les caps difficiles et à demeurer parmi les
meilleures. C'est l'objectif des pôles de compétitivité qui en
rapprochant industriels, enseignants et chercheurs, doivent stimuler
l'innovation. Je suis heureux de voir que la Franche-Comté s'est
mobilisée autour de 3 pôles prometteurs : microtechniques, véhicule du
futur et plasturgie. Nos emplois dépendent directement de notre
capacité à innover et à former une main d'oeuvre hautement qualifiée.
Question.- En attendant, beaucoup de salariés font les frais des
délocalisations à répétition?
N. Sarkozy.- Je pense que même lorsque les restructurations
industrielles sont inévitables, nous avons le devoir de mieux
accompagner les salariés touchés et de leur offrir une chance de
rebondir. Pour cela, je propose de créer une sécurité sociale
professionnelle. Au lieu de protéger les emplois existants, ce sont les
salariés qu'il faut sécuriser, en leur permettant de passer d'un emploi
à un autre emploi plus facilement et plus rapidement, au besoin en
acquérant une nouvelle formation et en leur garantissant un niveau
élevé d'indemnisation. Dans le même esprit il nous faut inventer de
nouveaux mécanismes mettant à contribution les entreprises qui se
restructurent pour recréer de l'activité là où elles en détruisent.
Question.- Les aménagements de la RN1019 font partie, avec
l'élargissement de l'autoroute A36 et l'arrivée du TGV Rhin-Rhône, des
chantiers les plus attendus dans le Nord Franche-Comté. Votre venue ce
jeudi vise-t-elle à rassurer et à encourager de nouveaux investisseurs
?

N. Sarkozy.- Sur le TGV Rhin-Rhône, l'État français et RFF, la Suisse,
l'Union européenne et trois régions ? l'Alsace, la Bourgogne et la
Franche-Comté ? ont pris leurs responsabilités et ont accepté de jouer
collectif. Sans eux, le projet de TGV Rhin-Rhône ne serait jamais
parvenu aussi prêt du but. Il manquait 300 M? pour boucler le plan de
financement en raison d'une réévaluation des coûts. Grâce à un effort
substantiel de RFF, de la SNCF, et de l'État, nous ne sommes plus qu'à
quelques dizaines de millions d'euros du bouclage final du projet. Il
suffirait pour conclure d'un petit effort des collectivités, en
particulier de celles dont la contribution actuelle n'est pas tout à
fait à la hauteur des bénéfices et des emplois directs qu'elles
tireront de la nouvelle desserte. Plus généralement, je crois que les
nouveaux aménagements routiers et la perspective de ce TGV donneront,
conjugués au pôle de compétitivité, au nord de la Franche-Comté un
supplément d'attractivité majeur pour les investisseurs, qui aidera à y
développer et diversifier le tissu économique.
Question.- À propos de la sécurité publique, êtes-vous satisfait de
votre action et quelles orientations nouvelles pensez-vous donner à
votre politique ?
N. Sarkozy.- En 2005, pour la troisième année consécutive, la
délinquance a reculé de 1,3 %. En quatre ans, ce sont ainsi plus de 765
000 victimes qui ont pu être épargnées. Ces résultats vont dans le bon
sens, mais il faut aller plus loin. Pour 2006, j'ai fixé comme objectif
une baisse de 3 % de la délinquance. Pour être plus précis, j'ai
défini, en plus de la lutte contre le terrorisme et l'immigration, six
priorités d'action pour les services de police et de gendarmerie. La
violence contre les personnes doit être combattue avec la plus grande
fermeté, qu'elle concerne la montée de l'agressivité entre les
individus ou qu'elle touche le cercle familial. La lutte contre les
bandes qui alimentent les trafics et tentent de faire régner la peur
doit être poursuivie en s'attaquant à l'économie souterraine. Il faut
aussi évincer des stades les individus qui se livrent à des violences
ou incitent à la haine raciale. Je souhaite également m'attaquer à la
délinquance des mineurs, une nouvelle réponse de fond doit être
recherchée dans ce domaine, car c'est un phénomène aux conséquences
multiples qui touche notamment le problème de la sécurité dans les
écoles qui doit être améliorée.
Question.- Que prévoyez-vous en matière de police ferroviaire en
Franche-Comté ?
N. Sarkozy.- Pour renforcer la sécurité des voyageurs dans les
transports en commun, j'ai décidé de créer une police ferroviaire forte
de 2 500 policiers et gendarmes. Cette structure sera présente sur
l'ensemble du territoire mais au regard de sa position géographique et
de l'intérêt que présente la région Franche ? Comté, celle-ci
bénéficiera du renfort de cette nouvelle unité.
Question.- Y aura-t-il un renforcement des effectifs des commissariats
de Belfort et de Montbéliard ?

N. Sarkozy.- Concernant les effectifs de sécurité publique, à
Montbéliard, la situation correspond, à une unité près, à la norme
établie avec 141 agents du corps d'encadrement et d'application pour un
effectif global de 172 fonctionnaires de police assistés de 22 adjoints
de sécurité. C'est pour compenser les départs programmés au cours du 1e
r semestre de 2006 que j'ai décidé d'y affecter 7 fonctionnaires d'ici
la fin juin et permettre ainsi le maintien de la dotation de ce
commissariat à son niveau actuel. S'agissant de Belfort, au 1e r
janvier 2006, cette circonscription comptait 145 fonctionnaires de
police et 22 adjoints de sécurité. Le nombre des agents du corps
d'encadrement et d'application, qui s'élève à 119 éléments, est
légèrement supérieur à la norme établie pour ce service à 118 gradés et
gardiens de la paix. Ces deux circonscriptions continueront de
bénéficier d'une attention particulière afin que soit garantie, en
toutes circonstances, l'exigence d'une capacité opérationnelle des
forces de police adaptée aux besoins de sécurité de nos concitoyens.