Déclaration de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur la politique culturelle, l'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle, la diversité culturelle et le spectacle vivant, Nantes le 22 janvier 2006.

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Circonstance : Deuxièmes biennales du spectacle vivant à Nantes le 22 janvier 2006

Texte intégral

Monsieur le Député-Maire,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Madame la Vice-Présidente du Conseil général,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,

J'ai personnellement tenu à venir à Nantes ce matin. Parce que je ne me déroberai jamais, même si la situation est difficile, même si les questions sont électriques. Je suis un homme d'engagement, et je vais répondre très précisément à toutes les questions qui sont aujourd'hui sur la table. Je ne suis pas là pour conclure ce grand débat que je vous remercie d'avoir lancé, et dont je pense qu'il ne fait que commencer, sur la place de la culture dans notre société, pour notre République, pour notre « vivre ensemble », mais pour y apporter ma pierre.
J'ai tenu à venir vous dire combien le soutien à l'emploi, à l'activité, à la formation, à la création, à la diffusion, sont au coeur de la politique culturelle de l'Etat, pour la diversité culturelle, pour l'attractivité et le rayonnement de notre pays, pour la cohésion de notre société, pour la préparation de l'avenir. J'y reviendrai. Mais auparavant, parce que le rôle d'un ministre c'est d'être présent, d'être actif, d'écouter, d'entendre l'urgence et l'impatience, je commencerai par traiter de l'actualité la plus récente de l'assurance-chômage des artistes et des techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l'audiovisuel, qui est au c?ur de vos préoccupations. Permettez-moi de vous dire, qu'elle est au coeur de mes préoccupations. Et qu'au mois de décembre, pendant le débat à l'Assemblée nationale sur la question du droit d'auteur, tous les quarts d'heure on me prévenait de l'état d'avancement de la rencontre entre les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel, parce que je craignais avant toute chose qu'il n'y ait pas de vraie négociation ; Parce que je craignais avant toute chose qu'on soit au pied d'un mur : celui du protocole de 2003. Il n'en est pas question, et aujourd'hui, ce protocole dans son contenu, ne s'applique pas.
19 334 artistes et techniciens aujourd'hui sont, par le Fonds de transition, pris en charge. Avec mon collègue chargé des Relations du Travail et de la Cohésion sociale, nous avons prolongé le dispositif du Fonds de transition, dans l'attente d'un accord des partenaires sociaux. Je tiens à vous dire, à titre d'information, parce que c'est très important, que chaque artiste et chaque technicien sache qu'à l'heure où je vous parle, les dispositions de transition sont reconduites, afin qu'en 2006, le protocole de 2003 ne s'applique pas. Même si vous avez évidemment le droit de réagir - c'est une démocratie vivante- je tiens à vous dire que je me suis de manière directe ou indirecte avec d'autres de mes collègues du Gouvernement et avec le Premier ministre, battu pour que cette discussion s'ouvre. Pour moi, c'est quelque chose de très important. La réunion qui s'est tenue hier à l'Unedic pour la signature de la Convention générale d'assurance chômage concernant l'ensemble des salariés, doit d'après mes informations, être transmise vendredi au ministère du Travail afin d'engager la procédure d'agrément.
S'agissant des annexes 8 et 10, les confédérations ont arrêté la date du 14 février pour la première réunion paritaire de négociation. A mes yeux, cette négociation doit être évidemment accompagnée et jalonnée par tous les travaux techniques nécessaires pour instruire les propositions des confédérations, issues des nombreux travaux d'expertise diligentés par l'Etat avec Jean-Paul Guillot, par l'Assemblée nationale et le Sénat, par le comité de suivi, par tous ceux qui ont tenu à apporter leur contribution et à manifester leur intérêt pour la situation sociale et professionnelle des artistes et des techniciens de notre pays. Grâce au travail que nous avons accompli ces dernières semaines et ces derniers mois, cette négociation peut partir, non pas sur des bases idéologiques mais tout simplement sur des bases politiques au sens noble du terme, et concrètes : c'est-à-dire sur les travaux d'expertise menés par les uns et par les autres. Je souhaite ardemment qu'il y ait une véritable discussion, une véritable négociation. Je peux vous dire, et je ne trahirai bien sûr jamais les engagements individuels donnés par les uns ou par les autres, que j'ai entendu sans exception tous les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel ces jours derniers. Ils m'ont tous donné l'assurance qu'il s'agira d'une vraie négociation et que nous ne serons, ni les uns ni les autres, mis au pied du mur.
Ce calendrier, je le sais, est décalé par rapport à celui que j'espérais, c'est-à-dire que tout soit bouclé pour le 1er janvier 2006, puisque la négociation va commencer le 14 février. Je vous demande d'écouter deux choses. D'abord, j'ai prolongé avec mon collègue chargé des Relations du Travail, les mesures de transition. Deuxièmement, il appartiendra aux partenaires sociaux de décider de la date d'entrée en vigueur du nouveau protocole. Vous savez très bien qu'un certain nombre d'organisations ont souhaité qu'il y ait un effet rétroactif. Il appartient aux partenaires sociaux d'en délibérer. En tous cas, je vous dis la chose suivante et je le dis avec force et calme : il n'est absolument pas question d'un retour au protocole de 2003. La négociation s'ouvre et le Fonds de transition est toujours en place et résoudra la situation des artistes et des techniciens, tant qu'il n'y a pas un nouveau système. Je suis moins attaché à une date butoir de calendrier qu'à une vraie négociation, qui inscrive l'assurance chômage des artistes et des techniciens dans le cadre de la politique de l'emploi que le gouvernement de Dominique de Villepin veut conduire. Car, depuis mon arrivée, j'ai tenu à renouer les fils du dialogue pour construire l'indispensable politique de l'emploi qui faisait cruellement défaut au secteur du spectacle. Pierre Michel Menger a qualifié ici même hier le marché de l'emploi du spectacle comme « le plus désintégré, le plus atomisé, le plus désorganisé » de tous les secteurs d'activité. Le débat idéologique qui a eu lieu à un moment, sur le fait de savoir s'il devait y avoir un système spécifique pour les artistes et les techniciens, est maintenant derrière nous. Reconnaissez ma volonté, vis-à-vis de l'ensemble de nos concitoyens, d'expliquer pourquoi, dans cette période un peu populiste et poujadiste, il est légitime qu'il y ait un système spécifique pour les artistes et les techniciens. Parce que je crois tout simplement que certains, évidemment, doivent avoir un contrat de travail permanent lorsque leur activité est permanente. Et d'autres formes d'expression artistique dont nous sommes fiers, qui font partie de la tradition française, ne peuvent pas vivre sans le système et sans le régime de l'intermittence. L'intermittence n'est pas liée à une crise conjoncturelle, c'est une forme d'activité liée à un certain nombre de formes d'expression artistique. Il faut le faire comprendre au-delà de nos murs pour que s'exerce une véritable solidarité de l'ensemble des Français.
Cette politique de l'emploi, elle repose sur les conventions collectives, sur une responsabilité accrue des pouvoirs publics, pour que leurs financements soient davantage liés aux conditions d'emploi des artistes et techniciens, sur le renforcement des contrôles, pour éviter les abus et le développement d'une précarité insupportable pour un pays développé comme le nôtre, qui défend, partout dans le monde, la diversité culturelle, la place de la culture dans la société et l'économie, et le rôle de régulation de l'Etat. Avec mon collègue chargé des Relations du Travail, je sais et je le dis, que les contrôles doivent prioritairement porter sur les structures financières les plus solides, et pas sur les formes d'expression artistique les plus précaires, comme peut l'être le monde du court-métrage ou un certain nombre de compagnies indépendantes. Je crois que c'est très important.
La refondation des politiques culturelles passe ainsi, à mon sens, par un rôle accru de l'Etat et des collectivités territoriales pour conjuguer leurs efforts, afin de construire et de mettre en ?uvre ensemble une véritable politique de l'emploi culturel.
La négociation qui va s'ouvrir le 14 février va créer un nouveau protocole et j'espère un bon accord. Au moment où je vous parle, le protocole de 2003, dans sa brutalité, ne s'applique plus, puisqu'il est complété par le Fonds de transition qui a fonctionné en 2004 et en 2005 et qui est prolongé en 2006. Je suis dans l'attente de cette négociation. Je le répète, il n'est pas question de revenir à l'équilibre du protocole de 2003. Je le redis parce que c'est quelque chose de clair. Je reçois beaucoup de leçons et des leçons d'ailleurs, d'un certain nombre de responsables - nous sommes dans une grande démocratie et c'est normal. Mais que chacun balaie aussi un peu devant sa porte et regarde la structure d'emploi de chacune des institutions culturelles dont il a la charge ! Je ne suis pas donneur de leçons, mais je crois que chacun doit avoir à coeur, quand c'est possible, en définissant une programmation, de faire en sorte qu'il y ait des transformations d'emplois, parce que la précarité effectivement, lorsqu'il s'agit d'activités permanentes, n'est pas acceptable.
Le rôle d'un ministre, c'est d'être présent partout, pour défendre cette conception de l'action de l'Etat.
A l'échelle du monde, c'est l'enjeu de la diversité culturelle, qui est entrée l'an dernier, avec le vote quasi-unanime de la convention de l'UNESCO, dans le droit international. La France, sur ce dossier, a remporté une immense victoire.
A l'échelle de l'Europe, vous avez devant vous le ministre de la culture et de la communication qui s'est sans doute le plus impliqué, avec ses collègues, avec tous les acteurs du monde culturel, de l'Union européenne à vingt-cinq, pour la reconnaissance et pour la construction concrète de l'Europe de la culture. Ce combat, je continue à le mener, depuis les rencontres pour l'Europe de la culture des 2 et 3 mai à Paris, jusqu'à celles de Budapest à la fin de l'an dernier, et en Espagne cette année. Ne croyez pas que ce principe, reconnu par la scène internationale, soit quelque chose d'abstrait et sans conséquence pour chacune et chacun d'entre vous. A partir du moment où le principe de la diversité culturelle devient un principe de droit international et de droit national, cela veut dire que nous avons gagné la bataille pour que les oeuvres de l'esprit, les biens culturels, ne soient pas considérés comme des marchandises comme les autres. Que nous sommes fondés, nous, système public, Etat, collectivités territoriales, à vouloir, grâce et en fonction de l'objectif de la diversité culturelle, défendre la diversité des expressions artistiques. Cela entraîne bien entendu des conséquences concrètes dès aujourd'hui, de la part de l'Union européenne. Ainsi le système français d'aide à un certain nombre de formes d'expression artistique, sera bientôt officiellement reconnu par l'Union européenne.
A l'échelle de l'Etat, je suis venu, ès qualités, pour apporter ma contribution à votre ambition de réfléchir, de repenser, de refonder les politiques culturelles. Ce pluriel est riche de sens. Il y a une pluralité de politiques culturelles et non pas une seule, comme au temps où Jeanne Laurent, dans La République et les Beaux-arts, inventait une planification pluriannuelle de l'Etat, et où Robert Brichet plaidait pour un « ministère des Arts » pour « élever le goût du public, aider les artistes, conserver le legs du passé ».
Je reviendrai dans un instant sur la logique forte que je défends et que j'assume, de l'intervention si nécessaire et tant attendue de l'Etat.
Mais, aujourd'hui, soixante ans après la décentralisation culturelle, que je vous invite à venir célébrer à Avignon, si je mets l'accent sur ce pluriel des politiques culturelles, c'est parce que celles-ci se déclinent dans chaque région, dans chaque département, dans chaque commune, sur l'ensemble de notre territoire, dans toute sa diversité, grâce à l'engagement sans précédent des élus, auprès des équipes, des lieux, des projets artistiques.
Cela, je m'en rends compte, et je travaille avec vous chaque jour, Mesdames et Messieurs les élus ici présents. Je sais que vous êtes en première ligne, pour faire vivre cette décentralisation culturelle qui est aujourd'hui, partout en France, dans toutes les collectivités, quelles que soient, et j'insiste sur ce point, leurs sensibilités politiques, une réalité. Je tiens à saluer l'action de la FNCC (Fédération Nationale des Collectivités territoriales pour la Culture). J'ai d'ailleurs signé tout récemment la convention de développement culturel qui unit l'Etat et l'association des départements de France.
Le temps n'est plus, où les élus, responsables de la culture au sein de leurs collectivités, devaient en quelque sorte « essuyer les plâtres ». Le paysage culturel de notre pays s'est profondément transformé, depuis le temps où Jean-François Gravier résumait l'impératif d'aménagement du territoire, qui doit être aussi, bien sûr, culturel, dans sa fameuse formule « Paris et le désert français ».
Le temps n'est plus où Malraux, créant la première génération des Maisons de la culture, déclarait vouloir abolir ce qu'il appelait « ce mot hideux de province » avec tout ce qu'il connotait de péjoratif, d'inactuel, de conservateur.
Je peux en porter témoignage.
Vous savez que je ne cesse d'aller au contact, conformément à ma conception de l'action politique, de l'action dans la cité, dans les villes, dans les banlieues, dans les régions, partout sur le territoire, où l'on m'appelle, où la parole et le soutien de l'Etat sont attendus. Je pense aux plus de mille festivals, partout sur le territoire, des plus emblématiques aux plus prometteurs parce que les plus nouveaux, qui illustrent brillamment combien notre société a besoin de culture, de spectacles, de paroles, d'échanges, dans toutes les disciplines et dans tous les genres. Tout cela ne serait pas possible sans l'engagement de l'Etat, bien sûr, mais aussi, celui des collectivités territoriales. Ils vont de pair. Ils ne s'excluent pas mais se complètent.
Cette explosion, ce succès, cette réussite, de la culture partout et pour tous, va bien au-delà, en les prolongeant, des espoirs des pionniers de la décentralisation culturelle.
C'est pourquoi, lorsque je relis les textes fondateurs de Jeanne Laurent ou de Jean Vilar, lorsque je relis et que je discute avec Robert Abirached décrivant un « système fatigué », lorsque je débats avec Régis Debray, qui évoque le grand enthousiasme des temps fondateurs, sans oublier, comme il le fait, de contester, avec le talent que nous lui connaissons, l'irruption de la création contemporaine, comme il l'a fait cet été en Avignon, je leur réponds, avec la fierté qui est la mienne, parce que je crois que c'est aussi le rôle du ministre de la culture et de la communication, de respecter la liberté des créateurs et de réaffirmer comme principe absolu dans un pays comme le nôtre : le principe de l'indépendance artistique. J'ai été heureux et fier de défendre la création. La création par définition, elle dérange, elle provoque, elle est une irruption. Eh bien! Le rôle de l'Etat c'est parfois de savoir faire respecter partout cette liberté des créateurs. Tout à l'heure, j'ai entendu Jean-Claude Valade dire que l'Etat ne gouverne plus. Il a le droit de l'exprimer. Je crois que tout simplement les propos excessifs n'ont pas de sens. Je mesure plus que quiconque les besoins qui sont devant nous. Je ne considère pas que nous soyons bien sûr au point d'équilibre de l'addition nécessaire des soutiens et des interventions de l'Etat, des collectivités territoriales et des entreprises qui doivent s'associer à cet effort. Nous devons faire plus. Vous m'avez d'ailleurs les uns et les autres entendu dire, à de très nombreuses reprises, pour faire passer cet impératif stratégique, à quel point la culture n'était pas quelque chose de sympathique et de marginal, n'était pas une sorte de « supplément d'âme » mais que c'était, dans un pays comme le nôtre aujourd'hui, en termes d'attractivité et d'activités, quelque chose d'essentiel. Alors j'essaie effectivement, dans des périodes qui ne sont pas faciles, d'être sur le pont, de ne jamais me dérober.
Oui, dans cette période où l'on a tôt fait de manier l'anathème, l'exclusion, voire la discrimination, j'assume, avec fierté, ma fonction de garant de l'indépendance et de la liberté artistiques. Pour moi, le ministre est là pour servir et pour agir, pour être au service de l'art et non pour s'en servir, pour agir au service de ses concitoyens. Dans un monde de violences, de troubles identitaires, d'affrontements, de formes renouvelées de racisme et d'intégrisme, dans un monde en quête de sens et de repères, je suis là pour essayer, avec énergie et humilité, d'affirmer la force motrice et réconciliatrice de la culture. Parce que la culture doit donner le goût de la découverte de l'autre quel qu'il soit, et à partir du moment où l'on entre dans la spirale de la connaissance, c'est déjà une main tendue et c'est déjà une interruption par rapport à la spirale de l'intégrisme et du fanatisme.
Oui, l'Etat est là pour donner tous les moyens, notamment intellectuels, et pas seulement matériels, de la rencontre entre la profusion des propositions artistiques et celle des désirs de culture qui s'exprime partout sur notre territoire. C'est pour moi la plus haute ambition et le plus puissant motif d'action. L'Etat n'est pas seulement un guichet. C'est un fédérateur d'énergies, un déclencheur de partenariats, un moteur de la pluralité des politiques culturelles.
J'ai parlé des collectivités locales, bien sûr, de l'Europe, naturellement. Il faut aller au-delà et porter notre regard plus loin. Je pense à la polyphonie des cultures du monde. Je pense à la coopération, tout aussi nécessaire, avec le secteur privé, au mécénat. Mais cela dit, sans tabou et sans exclusive, je tiens et je maintiens que l'ensemble des politiques culturelles que nous menons, ne réussiront pas sans l'engagement, la présence, la participation, l'action de l'Etat.
C'est pourquoi vous me verrez partout pour affirmer cette présence, pour répondre à cette demande, à ce devoir d'Etat. Partout, dans chaque lieu de France, dans chaque ville, pour qu'un spectacle soit proposé, pour que les artistes et les techniciens aient la possibilité de le réaliser, pour qu'ils aillent à la conquête de nouveaux publics, pour élargir les possibilités de créer, de jouer et de représenter, pour soutenir le travail, oui, le travail des artistes et des techniciens, mais aussi pour ouvrir l'accès au spectacle vivant à la télévision, et en particulier sur les chaînes publiques, pour accompagner et faciliter les pratiques en amateur et l'éducation artistique et culturelle.
Je crois l'avoir démontré, ici-même, à Nantes? Et je salue, cela ne me pose aucun problème politique, la politique culturelle du maire de Nantes ! Je l'ai fait en venant rendre hommage au travail du Centre chorégraphique national et au travail de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche. Et j'ai apporté mon aide, aussi, et c'est mon rôle d'essayer de le faire, pour que des portes s'ouvrent, lorsque ce spectacle créé ici à Nantes, a été représenté ces derniers jours, à Paris, au Palais de la Porte Dorée. Eh bien ! Je crois que c'était une bonne chose. Parce que je souhaite que tous les lieux qui dépendent de l'Etat puissent s'ouvrir à toutes les formes d'expressions artistiques et de spectacles vivants. Je crois que c'est quelque chose de tout à fait essentiel.
J'ai personnellement tenu à venir ici même, parce que c'est aussi pour moi un sujet de conviction, participer aux assises nationales de l'éducation artistique organisées par l'ANRAT, à Nantes, pour présenter mon projet de jumelage de chaque établissement scolaire avec un artiste, une structure ou un lieu culturel. C'était ma place. Je ne me suis pas dérobé sur ce sujet. Et je voudrais vous dire la chose suivante. Il y a eu un débat, c'est vrai, pour savoir si l'éducation artistique faisait partie des enseignements fondamentaux que nous devons donner à nos plus jeunes concitoyens. Ce débat, il est réglé. Gilles de Robien s'est exprimé à plusieurs reprises sur ce sujet.
Maintenant, au-delà des principes, nous avons à faire vivre la présence de l'éducation artistique. J'ai fixé un objectif, avec mon collègue de l'Education nationale, qui est simple, mais qui doit entrer en vigueur. Et je sais très bien que l'application peut poser un certain nombre de difficultés. Il s'agit de faire en sorte que chaque lieu scolaire, chaque école, chaque collège, chaque lycée, ait un partenariat artistique, qu'il y ait de nouvelles formes de résidence et de présence artistique au sein de l'ensemble du monde de l'Education nationale. Tout le monde n'a pas la chance d'habiter une grande ville dans laquelle il y a une activité culturelle très forte, il y a beaucoup de villes moyennes dans lesquelles il n'y a pas un seul lieu pour accrocher un tableau, dans lesquelles il n'y a pas un seul lieu pour diffuser un spectacle de théâtre, de danse, de musique ou de poésie ? donc je crois que les lieux qui dépendent de l'Etat ou des collectivités territoriales, et je ne suis pas donneur de leçon en disant cela, doivent s'ouvrir, pour être des espaces de diffusion.
De la même manière, et je ne vais pas répéter les différentes interventions que j'ai faites à l'automne dernier, je souhaite que chaque lieu conventionné, quel qu'il soit, s'ouvre le plus possible à toutes les structures fragiles, à toutes les compagnies indépendantes, parce que je crois que c'est évidemment une manière de sortir de la période de crise. C'est une manière de donner des chances supplémentaires de découverte, de mobilisation du public, et aussi de travail, pour les artistes et les techniciens.
Oui, je crois que c'est de trop peu de culture dont souffre notre société et, parmi toutes celles que je suis prêt à recevoir, c'est pour moi la première, et sans doute la plus grande leçon, que nous devons tirer de la crise des banlieues. Crise sociale assurément, et sur ce front également, le Gouvernement se bat avec courage. Crise culturelle également, aujourd'hui. J'y travaille d'arrache pied, non seulement avec Gilles de Robien, mais aussi avec Jean-Louis Borloo, pour mener, dès cette année, dans plusieurs départements, des expériences pilotes. Je crois que c'est tout à fait essentiel.
Je vous annonce que je prépare, dans les six départements où viennent d'être désignés des préfets délégués à l'égalité des chances, une action forte pour l'intégration républicaine par des actions culturelles. J'envisage de proposer que 20% de l'enveloppe affectée aux préfets délégués, au titre des crédits de la politique de la ville, soient réservés pour ces projets culturels, soit 4 M? pour 2006.
J'ai réuni récemment tous les préfets de Région pour leur demander très précisément que, dans toutes les politiques contractuelles de l'Etat - qu'il s'agisse de la politique de la ville, de la politique de rénovation urbaine, de la politique du logement social - la dimension culturelle soit en permanence présente. Je pense que lorsque l'on rénove un quartier dans lequel les tensions et les violences sont dures, ce n'est pas une question budgétaire, parce que les crédits sont là, de faire en sorte que l'on pense à ce qu'il y ait une résidence d'artiste, que l'on pense à ce qu'il y ait un atelier, tout simplement pour que la culture soit présente.
Je souhaite que dans toutes les politiques contractuelles de l'Etat, le volet culturel ne soit pas oublié. De la même manière que je me suis battu récemment pour que, dans la politique européenne et les fonds structurels, la politique culturelle ne disparaisse pas.
Oui, il faut se battre ! Et quand je vous sens mobilisés, je voudrais que vous sentiez que, moi aussi, je suis mobilisé, parce que je mesure l'importance des défis !
Je ne vais pas prolonger outre mesure mon intervention. Je voudrais tout simplement vous dire la chose suivante.
Oui, il y a des crises. Oui, il y a des situations dramatiques. Mais soyons quand même fiers, globalement, de ce que, étape après étape, majorité après majorité, équipe politique après équipe politique, nous essayons de faire pour que le rayonnement culturel de notre pays fasse figure d'exception.
Dire cela n'est pas méconnaître la réalité des difficultés. Mais je me battrai en permanence pour faire en sorte que ce qui fait l'esprit de notre pays, sa capacité à rayonner sur le plan culturel et artistique, ne cesse de progresser. C'est essentiel, aussi bien pour diffuser un contre-message au déchaînement des violences et des haines, que pour soutenir l'activité, l'attractivité.
Je souhaite tout simplement que ce débat nécessaire sur les politiques culturelles, que ce débat nécessaire sur la situation des artistes et des techniciens, nous ayons à c?ur de le mener, non pas dans l'anathème, non pas dans la caricature, mais avec la volonté d'agir et d'avancer.
On me dit parfois : « Le ministre, c'est un communicant ». Eh bien ! Quand certains disent cela, je voudrais tout simplement vous dire que je suis heureux et fier que 19 334 artistes et techniciens soient aujourd'hui réintégrés dans leurs droits. Et, si vous pensez que je vais laisser tomber les engagements que j'ai pris, eh bien!, j'espère vous démontrer dans les jours et les semaines qui viennent, lorsque la négociation sera effectivement engagée et enclenchée, qu'elle sera fondée sur les expertises venues de toutes les organisations syndicales, j'espère que vous vous direz : « On peut faire mieux, mais une étape est franchie. »
Bonne réflexion, bon débat, bon colloque !

Source http://www.culture.gouv.fr, le 3 février 2006