Interview de M. Bernard Accoyer, président du groupe parlementaire UMP à l'Assemblée nationale, au "Journal du dimanche" du 15 janvier 2006, sur les relations entre le gouvernement et la majorité et entre l'UMP et l'UDF.

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Média : Le Journal du Dimanche

Texte intégral

Peut-on, en période préélectorale, entreprendre des réformes ?
La France ne peut pas perdre une année. Le gouvernement et le Parlement ont le devoir d'agir. Les Français ne comprendraient, pas qu'à plus d'un an des échéances de 2007, nous ne poursuivions pas la modernisation indispensable.
L'ordre du jour du gouvernement vous convient-il ?
Il répond à notre volonté de faire face à la situation d'aujourd'hui et aux défis de demain, qu'il s'agisse de projets de loi aussi importants que ceux sur le logement, l'égalité des chances, l'immigration ou la recherche. Mais nous veillerons à légiférer moins pour légiférer mieux.
Ne jugez-vous pas, tout comme François Bayrou mais aussi comme Jean-Louis Debré, que la procédure d'urgence soit trop souvent utilisée par le gouvernement ?
Pour un meilleur travail parlementaire, la procédure d'urgence doit rester une mesure exceptionnelle. Le débat est capital. Pour autant, les lois ne doivent contenir que les dispositions essentielles, et non, comme trop souvent, des textes déclamatoires ou d'ordre réglementaires. Cela allonge et rend confus les débats.
En ce qui concerne l'article 4 de la loi du 23 février 2005, concernant les « bienfaits » de la colonisation Jacques Chirac a prôné la réécriture de cet article, d'autres, jusque dans vos rangs, réclament son abrogation pure et simple, où en est-on ?
La mission Debré est au travail. Je suis favorable à la proposition de loi Couanau- Fagniez qui rendrait caduque la référence aux programmes scolaires. Et pour l'avenir, à titre personnel, je formulerai une proposition : puisque nous sommes tous d'accord pour dire que ce n'est pas à la loi d'écrire l'histoire, tout en estimant que les parlementaires doivent pouvoir s'exprimer sur des faits passés, présents, et à venir, pourquoi ne pas modifier le règlement de l'Assemblée pour autoriser les députés à voter des résolutions, dans un cadre strictement défini ? Cela permettrait à l'Assemblée de s'exprimer sans pour autant en passer par la loi.
Président du groupe UMP, comment allez-vous gérer les tensions entre chiraquiens, sarkozystes et villepinistes dont on peut penser qu'elles vont s'aggraver, l'échéance présidentielle approchant ?
Les députés UMP souhaitent que l'unité et la cohésion restent notre règle commune. Toute division serait suicidaire pour nos idées. Se compter, se diviser, créer des chapelles, serait remettre la machine à perdre en route. Le moment venu, chacun prendra ses responsabilités. Ce qui doit prévaloir, c'est le succès de nos idées. La multiplication des candidatures au premier tour, nous conduirait immanquablement à l'échec collectif.
Il n'empêche, 2006 sera une année difficile, du fait des rivalités !
Le passé nous a enseigné le risque des précampagnes internes. 2006 doit être une année de travail, j'y veillerai personnellement. C'est sûr qu'elle sera un peu rock'n'roll, mais je suis là pour faire baisser le son et sauvegarder l'harmonie !
Ne montez-vous pas le son en préconisant des primaires élargies aux sympathisants ?
Depuis toujours, je suis favorable à ce que l'UMP élargisse la consultation de ses militants à tous les Français qui souhaiteraient se prononcer sur le choix du candidat de la droite et du centre, afin de renforcer la dynamique de campagne. Je m'inspire de ce qui s'est passé en Italie avec la désignation de Prodi. Pour moi, le risque réel d'une réplique à l'envers du 21 avril 2002 n'est pas exclu, mettant, cette fois, le candidat de droite hors jeu.
Comment voyez-vous l'organisation de ces primaires ?
On pourrait ouvrir deux bureaux de vote par canton, demander un euro à chacun pour régler les frais d'organisation et inviter les électeurs à signer notre projet en tant que sympathisants. Le candidat alors désigné pourra se prévaloir d'une assise populaire beaucoup plus large.
L'idée des primaires n'est-ce pas pour permettre à Villepin d'entrer dans la course présidentielle, la seule UMP étant acquise à Sarkozy ?
Ce qui guide ma démarche, c'est l'observation des élections présidentielles depuis 1965 : au fil des ans, les partis politiques et leurs candidats perdent de leur influence. N'oublions pas le passé. Un parti dynamique ne suffit pas à préempter la victoire. Souvenons nous de 1981.
Pensez-vous que le tandem Villepin-Sarkozy peut encore durer 15 mois ?
C'est l'intérêt de la France. Les français, comme les députés du groupe UMP, apprécient cette addition de talents. Dans ce gouvernement, chacun apporte sa contribution. Le Premier Ministre, comme le Ministre de l'Intérieur, conduisent une action efficace et appréciée. « L'expression des ambitions doit venir à son heure » comme l'a rappelé le Président de la République.
Avec la réforme institutionnelle qu'il propose, pensez vous que Nicolas Sarkozy, en voulant renforcer le rôle du chef de l'Etat, se prépare les pleins pouvoirs s'il était élu ?
Non. Nous devons certainement tirer les conséquences de la réforme du quinquennat. Nicolas Sarkozy a ouvert un débat nécessaire. Nous devons le conduire en respectant l'esprit de nos institutions, sans oublier que les français attendent du débat politique des réponses concrètes à leurs problèmes quotidiens.
Où situez-vous François Bayrou aujourd'hui ?
A titre personnel, j'ai décidé de ne plus parler de Bayrou, mais je constate que les électeurs de l'UDF, qui sont aussi les nôtres, sont beaucoup plus demandeurs d'union que lui.Source http://www.ump.assemblee-nationale.fr, le 18 janvier 2006