Interview de M. François Bayrou, président de l'UDF, dans "20 minutes" le 27 janvier 2006, sur les enjeux du congrès de l'UDF et son refus de voter le projet de loi sur le contrat première embauche.

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QUESTION.- Quel est l'enjeu de ce congrès ?
F. BAYROU.- L'UDF va décider d'être indépendante de l'UMP et présenter
un projet nouveau aux Français. La situation est transparente : d'un
côté toujours plus de précarité avec le gouvernement et de l'autre,
toujours plus d'illusion avec la gauche.
QUESTION.- Vous êtes soutenus par votre base, est-ce un congrès juste
pour vous acclamer ?
F. BAYROU.- Il y a des partis qui servent uniquement une personnalité,
l'UDF sert un projet de changement. Chaque adhérent va voter au
suffrage universel. J'ai voulu qu'il
y ait deux bulletins pour que chacun dise s'il soutient ou non ma
motion. De nouveaux adhérents viennent de la gauche, ils veulent voir
naître quelque chose de nouveau.
QUESTION.- Vous entamez déjà votre campagne présidentielle ?
F. BAYROU.- Ce n'est pas le temps de la campagne. Mais dans un pays où
on ne crée plus d'emplois nouveaux, où la feuille de paye est bloquée,
où les fins de mois des salaires moyens sont de plus en plus
difficiles, il faut bousculer les choses.
QUESTION.- Que proposez-vous ?
F. BAYROU.- Cinq millions de Français sont sur la touche. Leurs
compétences, leurs qualités ne servent à rien. Je propose qu'on les
rende à la vie active en assumant dans la ville, dans la société, ces
mille activités qui valoriseront les capacités de chacun : la présence
dans les écoles, la transmission de savoirs aux jeunes et aux plus
âgés, les cours du soir.
QUESTION.- La présidentielle va se jouer sur le social selon vous ?
F. BAYROU.- En tout cas, elle va se jouer sur le projet de société. En
1995, c'était la fracture sociale, en 2002, l'insécurité. Ni l'un, ni
l'autre n'ont vraiment trouvé de réponse. Aujourd'hui avec le « Contrat
première embauche » CPE,le gouvernement concentre la précarité sur les
plus fragiles, les jeunes, les personnes âgées et les PME.
QUESTION.- L'UDF va voter contre à l'assemblée ?
F. BAYROU.- Nous combattrons ce principe. Nous allons proposer une
autre stratégie. Nous n'acceptons pas qu'on examine des projets aussi
lourds de conséquences à la va-vite.
QUESTION.- On sent une inquiétude importante dans la société...
F. BAYROU.- L'inquiétude et l'agressivité des groupes sociaux
s'expriment de plus en plus. Les Noirs se sentent exclus, les immigrés
du Maghreb aussi. Les Blancs ont l'impression qu'on les regarde de
travers, la religion, le niveau de vie, tout est étiqueté, jugé. Ce
sont les symptômes d'un pays en crise.
QUESTION.- Comment l'expliquez-vous ?
F. BAYROU.- Sans doute parce que notre démocratie est en panne et que
le monde des officiels n'entend plus le monde réel. C'est aussi la
conséquence d'un trouble profond dans la conduite du pays depuis des
années. La fonction présidentielle consiste à entraîner le pays
derrière une vision, Jacques Chirac n'a jamais pu ou voulu faire cela.
Résultat : le tissu social est en voie de décomposition.
Source http://www.org, le 30 janvier 2006